jeudi 15 décembre 2016

La fin d’une époque


"Le système D … n’assure malheureusement pas tout."
La question a fini par se poser d’elle-même : l’embargo imposé à Cuba était-il seulement américain ou presque mondial ? Le constat, à vrai dire, semblait évident pas uniquement dans les statistiques du commerce mondial ou les annales internationales établissant les rapports entre Etats. Les visiteurs de cette île des Caraïbes le faisaient sur place.
Pas besoin de grand débat ou de laborieuse description pour relever que ce pays manquait de tout pour assurer son développement et subvenir aux besoins de sa population. Le système D qui a fini par se répandre au sein de la société n’assure malheureusement pas tout. Il en est ainsi de tout ce qui relève de la technologie dont Cuba était privée. C’est l’embargo, disait-on alors. Et quelle est son étendue ? L’on a fini par apprendre que les imbrications d’intérêts au sein de l’économie mondiale ont de fait dépassé le cadre américain. La décision était bien celle des Etats-Unis, mais son application était de fait bien plus étendue à partir du moment où le moindre produit intéressant Cuba comportait une certaine technologie américaine. L’explication paraîtrait ardue, mais pour les Cubains, c’était là la triste réalité qui leur était imposée.
Une telle page devrait être tournée depuis la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Un tel processus apparaît pourtant dans une autre étendue à l’occasion de la signature par Cuba et l’Union européenne (UE), lundi à Bruxelles, d’« un accord de dialogue politique et de coopération », le premier jamais conclu entre le bloc européen et l’île castriste qui normalisent ainsi leurs relations deux semaines après la mort de Fidel Castro.
Cuba était jusqu’alors le seul pays latino-américain à ne pas avoir d’accord de coopération internationale avec l’UE. A cette occasion, le ministre cubain des Affaires étrangères a évoqué un discours de 2003 de Fidel Castro dans lequel ce dernier saluait l’existence de l’UE et de l’euro comme des « contrepoids » à « l’hégémonie absolue » des Etats-Unis et du dollar. C’était avant la normalisation de leurs relations. Cette signature marque l’ouverture officielle d’une nouvelle ère dans la relation bilatérale, car elle se conjugue avec l’abrogation par les 28 d’un texte de 1996 qui fixait une série de préalables à la normalisation du lien, laquelle intervient surtout dans le sillage du rapprochement avec La Havane décidé par le président Barack Obama, qui avait mis un terme en juillet 2015 à 60 années de gel entre les deux pays. Il avait ensuite effectué une visite historique à Cuba en mars 2016.
Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’UE, avait annoncé, fin septembre, qu’elle allait soumettre aux 28 sa proposition d’abroger la « position commune » de 1996, un texte considéré comme le point culminant des dissensions entre Bruxelles et La Havane.
Le vice-ministre cubain des Affaires étrangères, Abelardo Moreno, a estimé qu’« il était impératif que cette relique du passé, en contradiction avec les bases de l’égalité, de la réciprocité et du respect (...), soit complètement abolie ». Le gouvernement cubain a rappelé qu’il avait toujours rejeté la « position commune » de l’UE en raison de son « caractère d’ingérence sélectif et discriminatoire ».
Un pas vient donc d’être franchi avec l’accord politico-commercial considéré comme « le nouveau cadre juridique des relations UE-Cuba », selon Bruxelles, afin notamment d’« encourager le développement durable, la démocratie et les droits de l’homme et de trouver des solutions communes aux défis mondiaux ».
Des barrières tombent, marquant ainsi la fin d’une époque mais aussi d’une politique qui avait pénalisé une population. Le processus est lent, mais des étapes ont déjà été franchies. En attendant la levée totale du blocus. En fin de compte, c’est bien de cela qu’il s’agit, car le développement de Cuba en dépend.

Mohammed Larbi

Source : Taille du texte normaleAgrandir la taille du texteEl Watan 13 décembre 2016

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