G. Soro en chef de guerre |
« Il y a, dans notre cité, un pardon qui n’arrive
pas à se donner, ou qui se donne de manière incomplète. Il y a des résistances
au pardon et à la reconciliation ».
Ainsi s’exprimait Kigbafori Soro devant des députés godillots. C’était le 3
avril 2017. Si nombre de victimes ne parviennent pas à pardonner à ceux qui ont
égorgé, brûlé ou éventré leurs proches, s’il leur est difficile de se
réconcilier avec les personnes qui ont détruit ou confisqué leurs biens, fruit
de plusieurs années de travail et de sacrifices, ce n’est pas uniquement parce
que « le pardon est un long et
difficile processus » et qu’il « requiert
de la patience » (principe bouddhiste). Le pardon et la réconciliation
seront en panne dans notre pays aussi longtemps que la vérité et la justice
seront mises de côté ; ils resteront une illusion tant que certains se
serviront de cette noble cause pour atteindre des objectifs personnels.
Le premier paramètre dont le pardon et
la réconciliation doivent tenir compte est la vérité. Et le Pasteur Martin
Luther King avait raison de déclarer que « pardonner
ne signifie pas ignorer ce qui a été fait ou coller une étiquette fausse sur un
acte mauvais » (cf. “La force d’aimer”, Paris, Casterman, 1965). Les
Ivoiriens ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s’est passé dans leur
pays entre janvier 2001 et avril 2011 ; ils doivent savoir qui a fait quoi au
cours de cette période ; il est important qu’ils sachent qui était dans le camp
de la liberté et de la souveraineté et qui militait pour la mise sous tutelle
du pays. Ouattara et Bédié clament régulièrement qu’ils n’ont rien à voir avec
la rébellion. Et pourtant, l’un a non seulement félicité les rebelles d’avoir pris
les armes pour « restaurer la
démocratie » et « réparer
l’injustice faite aux Nordistes » mais il les a promus en les nommant
ministres, généraux ou préfets de région ; quant à l’autre, il a récemment
révélé que Soro était son protégé. Père de l’expression « Forces
nouvelles », il n’a jamais réussi à rabattre le caquet à tous ceux qui le
soupçonnent d’avoir des atomes crochus avec Félix Doh, alias N’Guessan N’Dri,
dont le mouvement, le MPIGO, commit d’innombrables atrocités à l’Ouest de la
Côte d’Ivoire, et Félix Miézan Anoblé, le numéro 2 du « commando invisible »
d’Abobo, de triste mémoire.
Le second paramètre est la justice, qui
doit sanctionner toutes les personnes coupables de crimes de guerre et de
crimes contre l’humanité. Or la justice à laquelle nous avons assisté
jusqu’ici, tant à Abidjan qu’à La Haye, n’a rien d’une justice équitable et
impartiale puisqu’elle ne juge qu’un camp, dont le seul crime est d’avoir
essayé de défendre le pays contre ceux qui étaient venus l’attaquer. Depuis
quelque temps, Soro prône le pardon et la réconciliation. Il a même envoyé des
gens prêcher la bonne parole à Paris à des gens qui ne représenteraient
qu’eux-mêmes alors que les personnes les mieux indiquées pour discuter de cette
question sont à Abidjan. Lui qui aime rappeler qu’il fréquenta jadis le petit séminaire
de Katiola, devrait savoir que « c’est
l’amour de la vérité qui trace le chemin que toute justice humaine doit
emprunter pour aboutir à la restauration des liens de fraternité dans la
famille humaine, communauté de paix, réconciliée avec Dieu par le Christ »
(cf. Benoît XVI, « Africae munus », novembre 2011, No. 18). En
d’autres termes, il devrait se souvenir que « pour
devenir effective, [la] réconciliation devra être accompagnée par un acte
courageux et honnête : la recherche des responsables de ces conflits, de ceux
qui ont commandité les crimes et qui se livrent à toutes sortes de trafics, et
la détermination de leur responsabilité [et que] les victimes ont droit à la
vérité et à la justice » (« Africae munus », No. 22).
L’honnêteté est justement la troisième
condition que doivent remplir les nouveaux apôtres du pardon et de la
réconciliation. Un bon nombre d’Ivoiriens estiment que Soro appelle aujourd’hui
au pardon et à la réconciliation non parce qu’il y croit vraiment, mais parce
que sa vie est menacée dans son propre camp ; parce que Ouattara, qu’il a
fait roi, veut lui faire la peau. Pour eux, c’est quatre ou cinq années plus
tôt qu’il aurait dû prendre cette initiative. Ils ajoutent qu’ils ne croiront à
la sincérité de Soro que si ce dernier commence par obtenir la libération des
prisonniers politiques, le retour sécurisé des exilés, l’ouverture des médias
publics à l’opposition, le dégel des avoirs des opposants, la recomposition de
la Commission électorale qui, pour le moment, n’est ni indépendante ni
équilibrée, etc.
Vérité,
justice et honnêteté, telles sont en somme les vertus que les Ivoiriens
attendent de voir chez Soro avant de commencer à adhérer à sa croisade. À moins
d’être de mauvaise foi, on ne peut les accuser d’être rétifs au pardon. Quand
Gbagbo tenait les rênes du pays, il leur est arrivé de « pardonner l’impardonnable » (Vladimir Jankélévitch) au
nom de la paix et parce qu’ils étaient persuadés qu’en agissant de la sorte,
ils empêcheraient le pays de basculer dans le chaos. Mais, comme le dit bien
l’activiste Kemi Seba : « Il y
a un moment où il faudra bel et bien se dire que pardonner le mal
systématiquement, c’est l’approuver ». N’attendons pas de la victime
qu’elle demande pardon au bourreau car notre pays n’a pas besoin de la paix à
tout prix, ni d’une paix armée. Ce qu’il lui faut, ce sont des actes de la part
de ceux qui ont saccagé et tué car il ne suffit pas de dire qu’il faut enterrer
la hache de guerre alors qu’on continue de cacher des tonnes d’armes
meurtrières et qu’on affiche morgue et mépris pour Sangaré et ses compagnons.
Il faut agir et agir dans l’humilité et la sincérité. Cela veut dire que c’est
à Abidjan, et non à Paris, qu’il faut parler de pardon et de réconciliation, et
c’est avec ceux qui ont été injustement évincés du pouvoir qu’il convient de
discuter. Procéder autrement n’est que ridicule fuite en avant.
Jean-Claude DJEREKE
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nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
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que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
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».
Source : Connectionivoirienne.net 6 juillet 2017
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