L'Humanité Dimanche du 6 au 12 juillet 2017 |
Calypso me jeta soudain l’Huma Dimanche dont la
photo de couverture était celle de Jacques Prévert en lâchant un « c’est
scandaleux »… Je ne voyais pas ce que cette photo pouvait avoir de scandaleux…
Et rendre hommage à Jacques Prévert me semblait normal… Il était bien question
de ça !
Que l’Huma Dimanche ne fasse pas sa une sur
Simone Veil était LE PROBLÈME. Sa mère, ma fille, en rajouta évidemment. Je
leur dis que peut-être la disparition de Simone Veil était trop tardive par
rapport à la composition du journal. La dernière page était justement consacrée
au discours sur le droit à l’IVG… Ceci donnait crédit à mes dires mais « en
même temps », je devais bien me rendre à l’évidence, le N° suivant ne serait
pas consacré à Simone Veil, dont on faisait une icône…
Le déferlement qui avait suivi l’annonce de sa
disparition m’avait prodigieusement agacé.
Après tout, ni ma fille ni ma petite fille adorée n’avait connu l’époque en question. Moi, si. Le seul souvenir que j’en gardais était celle d’une ministre de la Santé de Giscard d’Estaing ; mais il y avait eu cette Loi Veil ; comme ministre, je savais qu’elle était d’une exceptionnelle dureté avec le personnel hospitalier ; mais cette Loi faisait changer d’époque notre pays ; indiscutable. Vraiment ? D’une part, au sujet de l’IVG cela montait de tout le pays ; il eût fallu être sourd pour ne pas entendre. D’autre part, cette Loi ouvrait un Droit fondamental, un droit qui eût dû être porté par le PCF dès la Libération ; il rata le coche mais son Groupe Parlementaire aida à ce qu’une Loi présentée par la Droite la plus lucide et la plus déterminée, passe. Ce n’était pas le moindre des paradoxes de la période ; il fallait tourner la page du gaullisme ; les résidus les plus violents de la période précédente, ceux qui n’avaient rien compris et rien appris, hurlèrent et Simone Veil fit front… Comme une femme de droite qu’elle était et qu’elle resta jusqu’au bout, son plaidoyer était à la fois juste et fade. Elle ne s’inscrivait pas dans une grande vision. Elle ne prolongeait pas les conquêtes du CNR. Et pour compléter le tableau, il n’était pas question de remboursement ; comment en eût-il été autrement ? Les premières étapes de la destruction de l’esprit de la Sécurité Sociale par le déremboursement datent du ministère de Simone Veil ; la crise hospitalière y prend ses racines.
J’avais fait part de mes doutes à un ami très cher qui m’expliqua que la règle intangible était que lors de la disparition d’une personnalité politique méritant un hommage national, seuls les aspects laudateurs devaient être retenus…
Après tout, ni ma fille ni ma petite fille adorée n’avait connu l’époque en question. Moi, si. Le seul souvenir que j’en gardais était celle d’une ministre de la Santé de Giscard d’Estaing ; mais il y avait eu cette Loi Veil ; comme ministre, je savais qu’elle était d’une exceptionnelle dureté avec le personnel hospitalier ; mais cette Loi faisait changer d’époque notre pays ; indiscutable. Vraiment ? D’une part, au sujet de l’IVG cela montait de tout le pays ; il eût fallu être sourd pour ne pas entendre. D’autre part, cette Loi ouvrait un Droit fondamental, un droit qui eût dû être porté par le PCF dès la Libération ; il rata le coche mais son Groupe Parlementaire aida à ce qu’une Loi présentée par la Droite la plus lucide et la plus déterminée, passe. Ce n’était pas le moindre des paradoxes de la période ; il fallait tourner la page du gaullisme ; les résidus les plus violents de la période précédente, ceux qui n’avaient rien compris et rien appris, hurlèrent et Simone Veil fit front… Comme une femme de droite qu’elle était et qu’elle resta jusqu’au bout, son plaidoyer était à la fois juste et fade. Elle ne s’inscrivait pas dans une grande vision. Elle ne prolongeait pas les conquêtes du CNR. Et pour compléter le tableau, il n’était pas question de remboursement ; comment en eût-il été autrement ? Les premières étapes de la destruction de l’esprit de la Sécurité Sociale par le déremboursement datent du ministère de Simone Veil ; la crise hospitalière y prend ses racines.
J’avais fait part de mes doutes à un ami très cher qui m’expliqua que la règle intangible était que lors de la disparition d’une personnalité politique méritant un hommage national, seuls les aspects laudateurs devaient être retenus…
Allez donc expliquer ça à ma fille et à ma petite
fille… Je tentais pourtant ; non, Simone Veil n’était pas Nelson Mandela. La
tempête se calma ; après tout je n’étais là que [pour] quelques jours et ce que
j’avais traversé devait suffire à ne pas tout gâcher ; la tempête se calma mais
pas les doutes. Nous n’y revînmes pas.
Et il y avait encore la question Auschwitz… C’était
plutôt, de mon point de vue, une pièce à charge ; peu de temps avant, j’avais
visionné une interview croisée entre Simone Veil et Henri Krasucki. C’était
éloquent : Simone Veil fermait le cercueil de l’horreur ; Henri
l’ouvrait avec une délicatesse totale. Il ne prenait pas le contre-pied de sa
compagne d’épouvante, il cherchait à faire comprendre… L’époque veut que ce
soit elle qu’on retienne et pas lui. Deux visions du monde en une demi-heure.
Allez donc expliquer ça…
Je n’en avais pas fini. Je posais la question à
mes deux chéries : quel pays a autorisé l’IVG gratuitement et le premier à
l’avoir fait ? La réponse vint après un long silence ; c’était l’URSS.
Continent oublié pour Calypso… Il est à peine certain qu’elle en ait entendu
parler. Sic transit…
A écouter le tumulte, on retient que Simone Veil
fut aux premiers rangs de la construction de l’Union européenne ; elle fut de
ceux qui parlèrent de la réconciliation franco-allemande comme de la première
nécessité. La question de la Paix était centrale (elle le demeure) ; là encore,
des aspirations puissantes montaient de la société, pas seulement en France.
Mais de quelle réconciliation parlez-vous ? La question ne sera pas posée. Les
cadavres sont dans les placards. Tôt ou tard ils parleront.
Tchapaiev (le blog de Tchapaiev 12 juillet 2017)
Titre original : « Une
affaire de famille ».
Source : Le mur (FBK) de José Fort 12 juillet 2017
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