Comme d'habitude, les informations qui arrivent en
démenti de la propagande dont les autorités "démocratiques" (défense
de rire) occidentales nous inondent depuis la victoire de 1945 ne sont jamais
reprises et diffusées par les media dominants.
En matière d'information, le droit de réponse n'existe
pas.
En dehors de savoir si Milosevic mérite ou non notre
admiration ou notre rejet n'a pas réellement d'importance, cet article nous met
en face de la sinistre réalités des sinistres méthodes utilisées pour justifier
les guerres humanitaires menées au nom de la liberté pour mieux asseoir une
emprise géostratégique bien juteuse à terme.
Que nous apprendra-t-on dans
30 ans sur Mouammar Kadhafi, Bachar El Assad, Saddam Hussein, et tant d'autres
dictateurs dont la déposition à fait de leurs pays respectifs des ruines ?
Pozarevac, 10 Mars 2007 : L'enterrement de Milosevic.
© Marko Djurica / Reuters |
La disculpation, par le TPIY, de feu Slobodan Milosevic,
ancien président de la Yougoslavie, pour les crimes de guerre commis en Bosnie
qui lui étaient reprochés, prouve une fois de plus qu'il faut prendre les
accusations de l'OTAN à l'encontre de ses « ennemis officiels » non
pas avec « un grain de sel », mais avec un plein camion.
Depuis une bonne vingtaine d'années, les
commentateurs néo-cons et les grosses légumes de l'« interventionnisme
libéral » n'ont cessé de nous ressasser à toutes les occasions possibles,
que Milosevic (dirigeant démocratiquement élu à la présidence d'un pays qui
comptait 20 formations politiques fonctionnant librement) était un vil
dictateur génocidaire, responsable de TOUS les morts des Balkans dans les
années 1990. Répétez après moi, d'une voix de robot et en faisant des gestes de
robot avec les bras : « agression génocidaire de
Milosevic », « agression génocidaire de
Milosevic »...[1]
Mais la fable officielle, tout comme celle
qu'on nous a vendue en 2003 sur les Armes de Destruction Massive de l'Irak
capables de nous atteindre en 45 minutes, était une pure invention chargée de justifier une opération de changement
de régime forcé que souhaitaient depuis longtemps les factions dominantes
occidentales.
La conclusion du
TPIY qu'une des personnalités les plus démonisées des temps modernes était
innocente des crimes atroces dont elle avait été accusée aurait dû faire la une
et les gros titres de tous les médias dans le monde. Il n'en a rien été. Le TPIY lui-même a bien pris soin d'enfouir la
nouvelle aussi profondément que possible dans son verdict de 2.590 pages du
procès du leader serbe bosniaque Radovan Karadzic, condamné en mars dernier
pour génocide (à Srébrénica), crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Pas la moindre annonce officielle ni la
plus infime conférence de presse concernant la disculpation de Milosevic. Sans
le journaliste et chercheur Andy Wilcoxon qui l'a déterrée pour nous, on
n'en aurait rien su.
Ah, combien les choses étaient différentes
quand le procès du prétendu « Boucher des Balkans » a débuté en
février 2002 ! Là, il aurait fallu être enfermé au fond d'une garde-robe
pour ne pas être au courant de ce qui se passait.
CNN assurait alors une couverture en béton
de ce qui fut décrit comme « le procès le plus important depuis
Nuremberg ». Bien entendu, la culpabilité de Milosevic allait de
soi. « Quand la sentence tombera et qu'il disparaîtra au fond de sa
cellule, personne au monde n'en entendra plus jamais parler », déclara
l'avocate US Judith Armatta, de Coalition pour une Justice Internationale,
organisation qui comptait l'ex-ambassadeur US en Yougoslavie Warren Zimmerman,
dans son conseil consultatif.
Quiconque osait alors mettre en doute la
ligne de l'OTAN se faisait traiter d'« apologiste de Milosevic », ou
pire : de « négateur de génocide », par les « Responsables
du maintien de la Vérité impériale ».
Mais, malgré le blabla et le battage qui
entouraient le « procès du siècle », il fut vite évident que
l'accusation pataugeait dans une très profonde choucroute. Le Sunday Times a
même cité un expert qui disait que « 80% des attendus de l'acte
d'accusation auraient été disqualifiés par n'importe quelle cour britannique,
comme ne consistant que de rumeurs ». C'était à mon avis une
estimation généreuse.
Le problème, c'est qu'il s'agissait d'un
procès bidon, d'un procès-spectacle où la géopolitique a pris le pas sur les
preuves tangibles. Il est important de se rappeler que les charges d'origine
contre Milosevic, quant à de prétendus crimes de guerre au Kosovo ont été
formulées en mai 1999, au plus fort de la campagne de bombardements massifs de
l'OTAN sur la Yougoslavie, et à un moment où la guerre ne se déroulait pas
comme prévu par les États-Unis et leurs alliés.
Les charges avaient clairement pour but de
faire pression sur Milosevic, pour l'amener à céder aux exigences de
l'OTAN [c’est-à-dire : à accepter de bonne grâce le démantèlement
de son pays. (NdT)]
L'ennui pour l'OTAN, c'est qu'au moment où
le procès de Milosevic allait débuter, la fable sur le Kosovo avait déjà
commencé à se détricoter. Les dénonciations stridentes des USA et de leurs
alliés à propos de génocide et de centaines de milliers de tués, remises à leur
place ici par le grand John Pilger, s'étaient déjà avérées des calembredaines.
En septembre 2001, une cour de justice de l'ONU allait établir qu'il n'y avait
pas eu de génocide au Kosovo.
C'est pourquoi, pour tenter d'étoffer leur
cause de plus en plus faible contre Milosevic, il fallait absolument que les
procureurs de La Haye trouvent de nouveaux motifs d'inculpation dans la guerre
de Bosnie. Ce qui fut fait en accusant « Slobo » d'avoir mis sur pied
une conspiration criminelle visant au nettoyage ethnique des Croates et des
musulmans de Bosnie, dans le but de réaliser son projet d'une « Grande
Serbie ».
Dans un procès normal au criminel, on
recherche les preuves, et quand elles sont jugées suffisantes, on énonce les
charges. C'est le contraire qui
s'est produit dans le cas de Milosevic : il a d'abord été accusé pour des
raisons politiques, et on a ensuite essayé de prouver ce dont on l'accusait.
L'ironie veut que l'ancien président avait
déjà été loué par le président Clinton pour le rôle qu'il avait joué en faveur
des efforts de paix en Bosnie en 1995, efforts dont le résultat avait été le
traité de paix signé à Dayton, Ohio.
La vérité, c'est que Milosevic n'a jamais
été un nationaliste serbe mais – pendant toute sa vie – un socialiste qui s'est
toujours efforcé de maintenir une Yougoslavie multiraciale, multi-ethnique,
stable.
Son but, tout au long de ses années de
pouvoir, n'a jamais été de bâtir une « Grande Serbie » mais d'essayer
de maintenir entière et cohérente une Yougoslavie fédérale, ainsi que le
reconnaît aujourd'hui, mais un peu tard, le TPIY.
Non seulement Milosevic n'a rien eu à voir
avec le nettoyage ethnique de Bosnie, mais il l'a au contraire condamné. Le
jugement du TPIY note « les critiques et la désapprobation
répétées [de Milosevic (NdT)] de la politique suivie par
l'accusé (Karadzic) et les dirigeants serbes de Bosnie. » Milosevic,
en homme pour qui toutes les formes de racisme étaient anathèmes, insistait
pour que toutes les ethnies soient protégées.
Mais, afin de
pouvoir punir Milosevic et mettre en garde ceux qui auraient l'audace de
s'opposer aux volontés du pouvoir US, il fallait que l'histoire fût réécrite. Le socialiste yougoslave qui avait combattu la politique nationaliste
des dirigeants bosniaques devait être déguisé à postériori en traître de
mélodrame de la guerre de Bosnie et chargé pendant qu'on y était de tout le
sang versé dans les Balkans. Pendant ce temps, le susmentionné ambassadeur US
Warren Zimmerman, dont les interventions calomnieuses pour faire avorter toute
solution diplomatique avaient contribué à déclencher le conflit bosniaque, s'en
sortait blanc comme neige.
La campagne de dénigrement « tout est
de la faute à Slobo » fit ce qu'il fallait pour que les faits réels soient
escamotés. Un article écrit – je ne me moque pas de vous – par un
« Professeur d'Études Européennes de l'Université d'Oxford » fit même
de Milosevic le président de la Yougoslavie en 1991 (l'année où la Slovénie fit
sécession), alors que, bien sûr, le président de la Yougoslavie était alors le
Croate de Bosnie Ante Markovic.
Il était inévitable que Milosevic soit
assimilé à Hitler. Il le fut. « On aurait dit Hitler revenu se
pavaner », écrivit
le rédacteur politique du News of the World, quand Milosevic eut la témérité de
vouloir se défendre à la barre des accusés. « On a revu en éclairs
à vous glacer le sang, un monstre nazi de la IIe Guerre Mondiale, quand le
tyran serbe déposé s'est mis à haranguer la Cour. »
Pour bien s'assurer que les lecteurs ne
rateraient pas l'équivalence Milosevic=Hitler, le même News of the World
illustrait sa diatribe d'une photo d'Hitler, le « Boucher de
Berlin », sur fond de camp de concentration et d'une photo de Milosevic,
le « Boucher de Belgrade », plaquée sur celle d'un camp bosniaque.
Très commodément pour l'accusation,
Milosevic est mort dans sa cellule en mars 2006.
Si on se base sur ce qu'on avait vu au
procès jusque-là, il n'était pas concevable que le tribunal puisse déclarer
l'accusé coupable. Toute une série de témoins de « flagrant délit »
s'étaient avérés, l'un après l'autre, des pétards trempés.
Ainsi que je l'ai noté dans un autre
article, le témoin-vedette Ratomir Tanic se révéla être un salarié des forces
de sécurité occidentales, tandis que le chef de la police secrète yougoslave,
Rade Markovic, qui devait à la fin donner le coup de grâce en faisant des
révélations sensationnelles sur la façon dont son ancien maître avait ordonné
l'expulsion des Albanais du Kosovo, fit exactement le contraire et déclara
qu'on l'avait torturé pour l'obliger à mentir et que sa déposition écrite avait
été falsifiée par l'accusation.
En plus de quoi, comme je l'ai écrit
ailleurs[2], l'ex-chef chargé de la sécurité dans l'armée yougoslave, le général Geza
Farkas (d'ethnie hongroise) vint témoigner que tous les soldats yougoslaves du
Kosovo avaient reçu un document expliquant les lois internationales en matière
de droits de l'homme, et qu'il leur avait été ordonné de désobéir à quiconque
voudrait leur faire violer ces lois. Farkas devait révéler aussi que
Milosevic avait donné des ordres pour qu'aucun groupe paramilitaire ne soit
autorisé à opérer au Kosovo.
Quand Milosevic est mort, ses accusateurs
ont clamé qu'il « flouait la justice ». Mais, dans la réalité, ainsi
que le TPIY lui-même vient de le reconnaître, c'est « la Justice »
qui a floué Milosevic.
Pendant qu'il
était occupé à se défendre à La Haye contre des accusations fallacieuses à
motivation politique, les USA et leurs alliés déclenchaient leur attaque aussi
brutale qu'illégale contre l'Irak, dans une guerre qui devait causer la mort
d'un million de gens. L'an dernier, un rapport de Body Count (« Décompte
de cadavres ») révélait qu'au moins 1.3 millions de personnes auraient
péri, du fait de la « guerre au terrorisme » des USA en Irak, en
Afghanistan et au Pakistan.
Des chiffres de ce genre nous aident à
remettre le Kosovo en perspective. Même si on considérait Milosevic et le
gouvernement de l'époque responsables d'une partie des morts survenues dans le
pays en 1999 (en combattant dans une guerre que l'Occident avait
incontestablement voulue et provoquée) un nombre infiniment plus grand – et de
très loin – de morts et de destructions a été le fait des pays qui se sont
montrés les plus anxieux de flanquer l'ex-président de Yougoslavie au trou.
Ainsi que John Pilger l’a noté en 2008, les bombardements de la
Yougoslavie ont été « les plus parfaits précurseurs des bains de
sang d'Afghanistan et d'Irak. »
Depuis lors, nous avons eu droit aussi à
la destruction de la Libye, pays qui avait le plus haut standard de vie de
toute l'Afrique, et à l'utilisation de soi-disant « rebelles » dans
une tentative forcenée d'opérer un changement de régime en Syrie.
Il ne faut pas être Sherlock Holmes pour
voir là un motif récurrent :
Avant toute
guerre ou « intervention humanitaire » conduite par les USA contre un
pays-cible donné, un certain nombre d'accusations criardes sont lancées contre
le dirigeant du pays et son gouvernement. Ces « dénonciations »
bénéficient d'un maximum de couverture de la part des médias, qui sont chargés
de les répéter ad nauseam, jusqu'à ce que le public finisse par les
accepter comme des vérités.
Plus tard, il finit toujours par s'avérer
que les accusations étaient fausses (comme celle des ADM en Irak), non prouvées
ou considérablement exagérées. Mais on est alors « passé à autre
chose » : un nouveau cycle d'attaques et d'accusations a été entamé
ailleurs, contre d'autres, chacun se gardant bien de faire la lumière sur les
précédentes accusations frauduleuses mais se concentrant au contraire sur la
dénonciation des agressions génocidaires du « nouvel Hitler » dont il
faut bien qu'on s'occupe. En 1999,
c'était Milosevic. Aujourd'hui, c'est Assad ou Poutine.
Et devinez quoi, cher lecteur ? Ce
sont les mêmes « élites » occidentales aux mains souillées de sang
qui ont perpétré les atrocités précédentes à coups de mensonges à la pelle, qui
orchestrent les accusations.
Comme le dit un très vieux proverbe :
Quand vous montrez quelqu'un du doigt, trois doigts se pointent sur vous.
Neil Clark - RT 02 août 2016 (Traduction
c.l.)
Source : Thucydide
- Agoravox 6 août 2016
[1] - Voir l’acte d’accusation sur http://www.icty.org/x/cases/slobodan_milosevic/ind/fr/mil-ii990524f.htm
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