Un
président de parti qui forme un secrétariat général de… 128 membres. Parmi
ceux-ci, au moins 3 le contestent vertement. En toile de fond, des suspicions
légitimes semble-t-il. Il est reproché au camarade-président d’avoir fait des
réglages à la veille de la visite du président d’une république qui nous a fait
la guerre. Certains y vont sans gants : ce nouveau design est juste pour faire oublier le président Laurent Gbagbo et,
partant, de faire allégeance au premier citoyen français avec tout ce qui va
avec : reconnaissance et légitimation du bourreau d’hier, dérapage idéologique,
verbe mielleux, regard séduisant qui lorgne 2015 ; bref des faits qui
traduisent la haute trahison !
F. Hollande lors de sa visite éclair à Abidjan, ici en compagnie de Ouattara et Bédié. Comme Cerbère, le chef de l'Etat ivoirien est une bête à trois têtes |
En nous inspirant de 3 questions que pose Kamel Daoud
dans l’un de ses articles, nous essayerons dans les lignes qui vont suivre de
décrypter cette crise : Que faire de la France ? Que faire contre la France ?
Que faire avec la France ?
Nous pouvons énumérer diverses approches en relations
(économiques) internationales : l’évitement, la confrontation, la
compromission, la manipulation, le compromis. Depuis le « matin de gésine » (C.
H. Kane), ces approches ont guidé nos relations avec l’ex-puissance
colonisatrice. Chaque stratégie s’adaptant à un certain contexte, lesquels de
ces outils analytiques pourraient le mieux définir les relations que le FPI
devrait entretenir avec la classe politique française ? Essayons de répondre à
nos 3 questions à partir de ces stratégies.
QUE FAIRE DE LA FRANCE ?
« Rien ! » répondraient plusieurs militants de la maison bleu : « Nous passons notre chemin. Que la classe politique française fasse le sien sans s’occuper de nous ».
Est-ce possible ?
L’évitement. Sur le terrain politique, économique et social
ivoirien, il est quasi impossible d’éviter la France. Malgré la présence de
Libanais, de Chinois, d’Ivoiriens, l’économie ivoirienne est largement tenue
par des firmes françaises. Ayant suffisamment investi au bord de la lagune
Ébrié, il va sans dire que la France veille sur la Côte d’Ivoire comme de
l’huile sur du feu (sic). Pas
question de laisser n’importe quel programme politique et économique empiéter
sur leurs intérêts. Difficile donc de prospérer actuellement sur le terrain
ivoirien sans parrainage français. Et chaque parti politique ivoirien se
dépêche d’avoir son carnet d’adresses et ses entrées à l’Élysée, au Quai
d’Orsay.
Et, on ne peut sérieusement envisager de parquer les
Français dans un bateau en leur recommandant fermement de ne plus fouler le sol
ivoirien.
QUE FAIRE CONTRE LA FRANCE ?
Nombreux sont ceux des sympathisants et militants du FPI qui songeraient à une guerre sans merci ou alors à soulever les Français contre leur président. Voyons ce que valent ces approches.
La confrontation. En un mot comme en mille,
il n’existe pas de territoire dénommé la Côte d’Ivoire sur la planète des
puissances militaires. La Côte d’Ivoire n’a ni les armes ni les compétences
requises pour battre la France sur le terrain de la confrontation armée. On
dira ce qu’on voudra : « Cette France qui
n’a jamais remporté de guerre ! Cette France qui n’est forte et grande
qu’arrêtée sur les épaules des Nègres ! Ces Français humiliés par les Allemands
!… » On portera les jugements qu’on voudra sur les écoles de formation et
l’armement français. Une évidence : ce n’est pas demain que la Côte d’Ivoire
parviendra à vaincre la France sur le terrain militaire.
La manipulation. Nous
n’avons pas les moyens qu’il faut pour manipuler les habitants de la France ;
ce qu’ils réalisent si aisément sur nos terres. Pendant cette crise que nous
venons de vivre, il a suffi d’un bout de temps pour les habitants de
l’ex-république du Golf d’avoir sites internet, chaîne de télévision… quand la
RTI était retirée du bouquet de canal. Combien de Français lisent nos journaux
?
QUE FAIRE AVEC LA FRANCE ?
À cette question, 2 tendances pourraient se dégager : « donnons-lui ce qu’elle veut et qu’elle nous colle la paix » et « voyons la possibilité d’un partenariat gagnant-gagnant. »
La compromission. C’est ce
que nous faisons depuis l’arrivée du premier colon sur nos terres. Au plus fort
des hurlements, la compromission était toujours de mise : marché passé gré à
gré, financement occulte des élections françaises, petits cadeaux entre amis,
refus de faire le suivi-évaluation des marchés offerts… Le résultat est là,
terrifiant. La pauvreté a atteint des proportions inimaginables. La
compromission ne peut aucunement améliorer nos conditions de vie et de travail.
Le compromis. Nous
n’avons pas de moyens pour venir à bout du système de la finance internationale
où la France a voix au chapitre. Souvenons-nous du boycott de nos ports, du
refus de payer le cacao ivoirien, la destination ivoirienne fermée pour les
produits pharmaceutiques… Nous connaissons les 2 armes préconisées par
Machiavel dans une relation avec un adversaire avéré : la ruse et la
confrontation.
Au risque de nous répéter : nous ne pouvons pas
vaincre l’ONU, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, l’UE, l’OTAN… Il ne nous
reste plus qu’à explorer la voix/voie du compromis. A nous de définir
clairement ce que nous pouvons obtenir à court, moyen et long terme dans une
relation de compromis avec la classe politique française sans euphorie. Nous
avons l’expertise locale pour définir un tel projet. Les amis Français, dont
Michel Galy, Me Altit, Guy Labertit, Théophile Kouamouo…, pourraient y
contribuer !
A terme, il nous reviendra de dérober le feu à
Prométhée, tranche par tranche, escalier après escalier, en vue d’une réelle
souveraineté !
Sylvain N’Guessan, planteur ivoirien
(*) Titre original :
« Le FPI et la France »
EN
MARAUDE DANS LE WEB
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : La
Dépêche d'Abidjan 22 Juillet 2014
LA TENTATION DU DÉFAITISME
&
LE DEVOIR DE RÉSISTANCE
Dans
notre courte histoire nationale débutée vers 1890 sous la férule des
conquérants français, nous avons connu bien des moments où l’emprise du
défaitisme sur un seul ou sur quelques-uns a triomphé de la volonté de lutte et
de résistance de la majorité. C’est ce qui s’est passé vers 1910, notamment,
avec un certain Kouassi Ngo, qui le paya de sa vie, ou vers 1950 lors de ce
qu’Houphouët, son neveu, nous annonça d’abord comme un simple « repli
tactique », simple manière de reculer pour mieux sauter, avant d’en faire
sa conduite constante tout au long d’un règne durant lequel, tenant entre ses
mains tous les pouvoirs et protégé par la France, il se laissa continuellement
gouverner par et pour elle… Après soixante-dix ans de colonialisme et plus d’un
demi-siècle de néocolonialisme, aujourd’hui chacun peut contempler les belles
conséquences de l’emprise absolue d’un pays puissant sur un autre pays qui lui
est soumis de toutes les façons possibles et imaginables. La Côte d’Ivoire et
la France, ce n’est pas demain ou après-demain que ça se passe, c’est
maintenant, sous nos yeux… Quant à la question de savoir comment sortir de
cette situation qu’on pourrait dire ubuesque si elle n’était pas si dramatique,
ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle se pose ou que des Ivoiriens se la
posent ; on n’exagère pas en disant que cela fait plus d’un siècle que
nous lui cherchons une réponse, avec plus ou moins de détermination selon les
époques, mais en vérité sans la moindre tentation d’abandonner cette quête du
Graal.
On
nous dira : « Cela fait plus
d’un siècle et vous ne l’avez toujours pas trouvée, cette réponse ! »
Oui. Seulement, voilà, il n’y a rien d’autre à faire, sinon continuer de
chercher ; sinon résister ! Qui a dit : « Ce sont ceux qui luttent qui vivent » ? Quand on
est d’un pays comme le nôtre, vivre c’est lutter, et lutter c’est vivre. Il n’y
a pas trente-six manières honorables de vivre cette vie-là, il n’y en a qu’une
seule : c’est en étant debout, et armés de la ferme volonté de reconquérir
un à un tous nos droits spoliés. Prométhée – dont, soit dit en passant, le
« planteur ivoirien » qui a signé cet article aurait dû revisiter le
mythe, afin de s’éviter d’en faire celui à qui on dérobe le feu – n’aurait pas
ce renom s’il était resté assis ou couché à attendre que de lui-même, étincelle
après étincelle, tison après tison, le feu tant désiré descende de l’Olympe
pour se mettre à sa disposition ! Or à quoi cet auteur nous invite-t-il tout au
long de son article ? C’est ni plus ni moins un appel à cesser toute
résistance et à nous soumettre une fois pour toutes à la loi du plus fort sous
laquelle nous vivons depuis que la France a envahi les terres des peuples dont
nous descendons, les a annexés à son empire colonial et, avec la complicité
active du traître héréditaire Houphouët, a pratiquement fini par faire de nous
des étrangers dans notre propre patrie.
Au
lendemain de la grande tuerie de 1914-1918, le poète français Paul Valéry
constatait (je cite de mémoire) : « Nous
autres, civilisations, désormais nous savons que nous sommes mortelles ».
Tout comme les civilisations, les nations aussi sont mortelles. Songez à tous
ces peuples dont on nous apprend l’histoire à l’école et dont aujourd’hui ne
restent que leurs noms… Il se peut qu’un jour notre peuple, le peuple de Côte
d’Ivoire, c’est-à-dire cette société politique (ou civile) constituée en
majorité par les descendants authentiques des peuples que les Français emprisonnèrent
dans les frontières de leur colonie de ce nom, désormais notre patrie ; il
se peut qu’un jour ce peuple aussi cessera d’exister… Et ce ne sera pas parce
qu’il aura démérité en quoi que ce soit de continuer d’exister, mais parce que
c’est l’intérêt de la France ! Or personne, fût-il l’ambassadeur de
France, un général français ou le président de la République française en
personne, n’est légitime à décider du sort de notre peuple en dehors des
organes de souveraineté émanés de nos propres choix. Personne ne devrait donc
prétendre en décider sans que ce soit pour nous, immédiatement, une raison
impérative de nous lever pour dire : « Basta ! »
Certains
diront, en pensant au 6 février 1949, au « complot du chat noir »
(1959), aux « faux complots » de 1963-1964, au putsch du général Guéi
et à l’épilogue tragique de la crise postélectorale de 2011 : « Des gens ont déjà essayé plusieurs
fois, et on a vu comment ça s’est terminé… » Et alors ? La leçon
de ces échecs, ce n’est certainement pas qu’il faut que nous arrêtions de
résister. Au contraire ! Le seul véritable enseignement de toutes ces
péripéties de notre jeune histoire, c’est que notre Côte d’Ivoire est une terre
de résistance, un pays où malgré toutes ses violences, l’occupant n’a jamais
vraiment réussi à plier les naturels pour les mettre à son service.
Certes,
ce pays est aussi celui qui a produit un Houphouët, et où depuis 1950 les
Français font et défont ce qu’ils veulent. Mais observez bien qu’ils l’ont toujours
fait sans nous… Jusqu’à 1993, ils faisaient tout par eux-mêmes, directement, à
travers des personnages comme Guy Nairay, Alain Belkiri, Antoine Césaréo, et
aucun Ivoirien, pas même Houphouët, n’avait réellement voix au chapitre. La
Côte d’Ivoire de ces temps-là, c’était un pays où tous les autochtones sans
exception étaient comme frappés d’incapacité politique et, de ce fait, placés
sous la tutelle de la France. Ce que corrobore cette confidence d’un ancien
chargé de mission de la présidence, qu’un collaborateur de Notre Voie, Didier
Dépry, a rapportée dans ce journal le 10 septembre 2011 : « Le véritable Président de la Côte d’Ivoire, de 1960 jusqu’à la mort
d’Houphouët, se nommait Jacques Foccart. Houphouët n’était qu’un
vice-président. C’est Foccart qui décidait de tout, en réalité, dans notre
pays. Il pouvait dénommer un ministre ou refuser qu’un cadre ivoirien x ou y
soit nommé ministre. C’était lui, le manitou en Côte d’Ivoire. Ses visites
étaient régulières à Abidjan et bien souvent Georges Ouégnin (le directeur du
protocole) lui cédait son bureau pour recevoir les personnalités dont il
voulait tirer les oreilles ».
Après
la mort d’Houphouët, certains ont cru que cela suffirait pour que notre patrie
nous soit rendue. Ce fut en particulier l’erreur de Bédié, avec son discours de
ce fatal 22 décembre 1999 dans lequel, en notre nom à tous, il proclamait :
« Nos aînés
n'ont pas lutté pour l'indépendance pour que nous acceptions aujourd'hui de
nouvelles soumissions. La nationalité, la citoyenneté, la démocratie et la
souveraineté nationale sont les quatre côtés d'un carré magique qu'il nous faut
défendre avec calme et détermination devant ces ingérences inacceptables. C'est
aux Ivoiriens de décider par eux-mêmes, pour eux-mêmes, et de choisir librement
l'un d'entre eux pour conduire le destin de la Nation en refusant les aventures
hasardeuses et l'imposture insupportable ».
Bédié supportant vaillamment l'imposture |
J’écris « l’erreur
de Bédié » pour me mettre par hypothèse dans l’état d’esprit qui doit être
le sien aujourd’hui qu’il est devenu un protagoniste apparemment décomplexé de
ces « aventures hasardeuses » et le marchepied de « l’imposture
insupportable »… Mais sa posture ubuesque actuelle ne doit pas faire
oublier que c’est pratiquement le lendemain de ce discours qu’il fut renversé,
puis transféré en France où sans doute il fut travaillé au corps jusqu’à ce
qu’il comprenne… ce qu’Houphouët avait compris dès 1950. Car cette triste
aventure a au moins l’intérêt de dévoiler un grand mystère : comment un
nationaliste sourcilleux vilipendé par presque toute la presse française peut en
un tour de main se transformer en une potiche françafricaine adulée et comblée
d’honneurs… Qui veut comprendre quel rôle Houphouët jouait entre la Côte
d’Ivoire et la France n’a qu’à contempler Bédié dans sa fonction actuelle de
faire-valoir d’Alassane Ouattara.
Ce fut aussi,
mutatis mutandis, l’erreur de Laurent Gbagbo, notamment quand il a cru qu’il
pouvait se fier à ceux qui le poussaient à négocier le fameux compromis appelé « Accord
politique de Ouagadougou » (APO). La suite, on la connaît.
Dans « Noir
silence », François-Xavier Verschave constate : « La logique
de la Françafrique est assez simple : c’est le double langage, le dualisme
de l’officiel et du réel, de l’émergé et de l’immergé, du légal et de l’illégal
(…). En 1960, De Gaulle a compris qu’il n’échapperait pas à une mutation radicale
du droit international régissant les relations entre la France et ses colonies d’Afrique
Noire. Il a admis une légalité : l’indépendance. En même temps, il
chargeait jacques Foccart de satelliser ces nouveaux Etats, d’organiser leur
dépendance politique, économique, financière, militaire. La Ve
République y est parvenue, en éliminant les opposants et promouvant les
collaborateurs (…). La dépendance réelle a donc été masquée par toutes sortes
de déguisements, coutumiers des services secrets : vraies-fausses entreprises,
vrais-faux mercenaires, sociétés-écrans, coopération bidon ou alibi, flux
financiers parallèles ».
Cinquante-quatre ans
que ça dure… Et le 11 avril 2011 a bien fait la démonstration qu’ils n’ont aucune
envie d’arrêter. Et ce ne sont pas les actuelles rumeurs à propos d’un possible
retournement de veste ou « repli tactique » d’Affi N’Guessan et
consort qui l’infirmeront. Alors, citoyen Sylvain N’Guessan, ne nous berçons pas
d’illusions : aucun compromis ne nous délivrera de cette
dépendance ; elle ne finira que du jour où nous serons en mesure de prendre
nous-mêmes notre destin en main sans attendre la permission de quiconque, sans
marchandages, et sans faux « facilitateur » cachant dans son dos la
« cinquième colonne » de nos opiniâtres prédateurs.
Marcel
Amondji
Mon cher Marcel, tu liras bientôt dans mon prochain article qu'il y a une façon de combattre la France sans disposer de force militaire. Quand on a épuisé toutes les forces démocratiques, et quand on ne dispose pas de force militaire, il reste toujours une dernière solution. C'est l'histoire qui nous l'enseigne. Je me fais énigmatique, volontairement.
RépondreSupprimerje suis curieux de connaître cette "façon", mais permets que je te fasse observer que dans mon article il n'est nulle part question de "combattre la France", ni de "façons" de le faire, mais de poursuivre résolument notre quête de liberté jusqu'au bout. Cela peut prendre des décennies, voire des siècles. La "façon" dépendra des circonstances et d'elles seules, ce qui veut dire, je te l'accorde, qu'aucune n'est à exclure a priori... Mais je n'ai pas pour autant la vanité de prétendre régler d'avance les choix de mes arrière-arrière-petits-neveux en la matière. Bien à toi.
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