Alex Soleymane Bamba (à droite) et Marcel Amon Tanoh |
J’avais anticipé, autant par conviction que par affection et
sentiment pour mon grand frère, Premier ministre, chef du gouvernement,
bien-aimé du père fondateur Houphouët-Boigny, devenu lui-même président de la
République comme son père spirituel. Je m’astreins, hic et nunc, ici et
maintenant, à un exercice que m’impose la situation sociopolitique.
La météo politique n’est pas bonne, en effet. Pour tout dire et,
ce n’est un secret pour personne, elle est très mauvaise. Les réactions ainsi
que les ingrédients symptomatiques d’une déflagration l’attestent. Ce sont des
indicateurs de tendance. Le ciel s’est amoncelé de nimbus, cumulus,
cumulo-nimbus. Il faut craindre un orage, que dis-je, un ouragan, voire un
cataclysme de la pire espèce
DES POLITIQUES DISQUALIFIÉS
Ce tableau sombre, mais si réel pourtant, justifie que par
devoir de fraternité, je clame urbi et orbi, mon amertume et mon objection afin
de sauver, si telle en était l’impérieuse nécessité, ce qu’il reste encore et
restera toujours du grand rêve des « Solutions » que fit germer dans
le cœur des populations Alassane Ouattara. Je n’ai eu de cesse de l’interpeller
sur nombre de situations sujettes à caution et mal gérées par des personnes qu’il a ointes de sa
confiance mais qui, à l’épreuve, ne s’en montrent pas à la hauteur. De même, souventes fois, j’eusse à attirer son
attention sur le murmure du peuple qui sonne plus vrai que les incantations des
politiciens carriéristes aux discours méprisants et choquants.
ILS VOUS POUSSENT A LA FAUTE
Des
politiciens dont, à la vérité, pour beaucoup le choix n’est pas justifiable. Premièrement : ils n’ont pas de relations d’histoire
avec le peuple de Côte d’Ivoire. Deuxièmement : ils ont un discours usé et
dépassé. Troisièmement : ils ne sont pas généreux et sont en déphasage avec les
réalités vécues par les populations. Quatrièmement : leur arrogance et
suffisance horripilent les habitants. Résultat : Ces hiérarques, apparatchiks
et oligarques sont rejetés par le peuple. Il en résulte, un rejet total de
l’opinion de ces promus qui, pour n’avoir rien été hier, se laissent
visiblement griser par les privilèges que leur confère leur position. Une
posture égocentrique qui ne peut se targuer que d’être triste, dans un
environnement qu’ils mènent à la tristesse des gens tristes. Tryptique ou
déclinaison, oserait-on dire, du champ lexical et sémantique de la
« tristitia ». Je ne voudrais pas me montrer alarmiste ou jouer les
Cassandre. Je regarde avec froideur, la froidure des temps dont les signes
s’annoncent peu cléments. Et j’imbibe ma plume dans l’encre de la rage que
m’inspire l’observation des faits, pour dire que certains des choix opérés par
le chef charismatique sont discutables ô combien.
DES DISCOURS INADAPTÉS
L’on ne peut autrement comprendre, aujourd’hui, les sautes d’humeur
auxquelles est en proie le peuple de Côte d’Ivoire, comme si l’on retombait
dans les années de la fin de règne du Sage de Yamoussoukro qui plongèrent le
pays dans une lente et pernicieuses crise provoquée par la guerre des héritiers
et les provocations outrancières d’une opposition insatiable et peu
reconnaissante des bienfaits qu’elle reçut du père fondateur, leur permettant
de s’instruire et de devenir des cadres et autres leaders d’opinion. Si le
front social est en effervescence, nous parlons de celle-là même qui aboutit à
l’ébullition, il ne faut guère aller en chercher loin les motifs. Vos hommes
ont failli ! Des décisions inopportunes ou mal exécutées en sont la cause
patente. Il faut craindre que l’on ne s’engouffre dans le tunnel d’une fin de
mandat pour le moins agitée, susceptible d’ouvrir une lézarde à travers
laquelle l’adversaire pourrait reprendre du poil de la bête, lui qui n’attend
que pareille aubaine et ne prospère que dans le désordre et la démagogie
populiste. L’œuvre bâtie s’effondrerait alors comme un château de cartes. Votre
réputation en souffrirait. Les ménages ne sont pas contents, parlant de la
cherté de la vie (panier de la ménagère, coûts exorbitants des factures d’eau
et d’électricité etc.). Lorsque la goutte commence à déborder le vase, l’on ne
doit pas être surpris par les événements survenus à Yamoussoukro, à Daloa, à
Tiassalé, à Bassam, à Korhogo, dans certaines communes d’Abidjan et ailleurs.
Il faut craindre l’effet papillon ou boule de neige. Que les étudiants et les
enseignants soient en colère, il faut s’interroger sur les causes profondes de
leur mécontentement. Dans le transport, la délivrance des permis de conduire,
etc., il y a aussi problème. C’est à s’interroger pour savoir dans lequel des
domaines il n’y a pas de problème tant rien ne semble plus aller. Vos obligés
ont failli. Je signe et je persiste.
IL NE FAUT PAS SE CROIRE INVINCIBLE
Tout se passe comme s’ils œuvraient à désacraliser votre image,
votre autorité, votre intégrité, votre attachement au travail bien fait et au
développement, votre vision de l’émergence. Et à cette posture interlope et
traitresse, je m’oppose avec véhémence. L’on ne peut pas avoir autant souffert
et sacrifier le fruit de tant d’années de lutte sur l’autel d’ambitions mesquines
et opportunistes. Le chef souhaite voir refleurir une Côte d’Ivoire
réconciliée. Le peuple entier adhère à cette philosophie, témoignant de sa
mansuétude qui se traduit en actes avec le retour de nombreux exilés qui ont
fini par comprendre qu’il faut laisser le passé enterrer le passé. Nombre de
ces enfants prodigues sont revenus, accueillis avec honneur et cordialité. Cela
a séduit davantage nos compatriotes qui ont compris la force du pardon qui
participe de la volonté du Président de tous les Ivoiriens de faire table rase
du passé. Paradoxalement, à l’opposé de cette belle attitude, de son propre
camp sont venus des bruits discordants prenant à revers sa vision d’un pays
réconcilié. Des propos de nature à réduire à néant les efforts consentis comme
si de la Case l’on jetait de l’huile sur le feu. Il y a, faut-il l’admettre ou
le confesser, des politiques disqualifiés, car n’étant plus au diapason de la
marche de la nation et de la cadence à elle donnée par le président de la
République. Ces politiciens carriéristes dont les piliers de la conviction et
de l’engagement n’ont été, à la vérité, érigés que sur du sable mouvant, il
faut vous en séparer car ils vous poussent à la faute.
IL NE FAUT PAS ÊTRE HERMÉTIQUES AUX SUGGESTIONS
Leurs discours mal inspirés et guerriers font peur aux Ivoiriens
et, pire, réveillent en eux les fantômes du passé. Il y a un choix à faire.
Certes douloureux, mais c’est ainsi. Agir autrement en tentant de conserver la
racine de la gangrène, c’est risquer le conduire le navire à la perdition
inévitable. Il ne faut se croire ni invincible ni invulnérable. Seul Dieu est
invincible et invulnérable. Libre au chef d’en prendre la juste mesure. Moi,
pour avoir été ce que je fus dès le début de cette exaltante aventure, j’aurais
pu m’offusquer du traitement dont je suis l’objet et regarder se dérouler sous
mes yeux la dégénérescence du système, mais je ne le puis supporter. C’est,
encore une fois, l’expression de ma foi et de ma conviction fondée sur le roc
qui fonde ma démarche. Je me réjouis de la nomination d’un porte-parole du RHDP
qui porte haut la voix de la famille houphouétienne, de ses valeurs inusables,
tout comme je me console du fait qu’il subsiste quand même des hommes dignes
dans notre république, proches du leader emblématique ou exerçant à d’autres
niveaux de responsabilité. Devrais-je les citer ? Oui, car ils méritent de
servir de modèle. Soro Guillaume auquel pourrait avec réussite être confié le
dossier des Universités, Hamed Bakayoko qui pourrait bien se charger de la concorde
sociale, Amadou Gon, Amon Tanoh, Sangafowa Coulibaly, Ahoussou Kouadio, Koné
Kafana, Akossi Bendjo, Fofana Siandou et quelques autres que l’on peut aussi
mettre en mission sur des questions particulièrement sensibles.
ÉVITER DE LAISSER POURRIR LA SITUATION
Comme quoi, dans la grisaille, ces personnalités représentent
l’espoir qu’incarne le premier citoyen ivoirien dont le nom est plus qu’un
label, car constituant de véritables rayons de soleil. Eux, comme moi, savent
qu’il faut éviter de laisser pourrir la situation. Les clignotants sont au
rouge.
C’est le peuple qui fait les rois. Parce que la voix du peuple,
c’est la voix de Dieu. Vox populi… Le peuple Ivoirien n’est pas content. Et les
manifestations auxquels l’on assiste ces derniers temps au Sud, au Nord, à
l’Ouest, à l’Est et au Centre sont révélatrices. Il faut éviter que
l’expression du ras-le-bol ne prenne d’autres proportions et surtout ne
devienne une habitude. Les faits sont suffisamment graves. On ne le dira jamais
assez. Pour autant, la situation n’a pas encore atteint le seuil critique. Il
faut agir et réagir promptement et avec efficacité. Vigoureusement. Il faut au
peuple donner satisfaction. C’est là le moindre mal et l’ultime remède. Il y va
de la sauvegarde du mythe du « Brave Tchè », l’homme des Solutions.
Le père de l’émergence de la Côte d’Ivoire. La fin d’une chose vaut mieux que
son commencement, dit l’adage scripturaire. Il ne faut pas gâcher tant d’années
de dur labeur à cause d’hommes qui, à la moindre brise, prendront la poudre
d’escampette et voueront leur bienfaiteur aux gémonies. C’est bien su, l’on n’est
mieux trahi que par les siens.
LES FAIBLESSES DU SYSTÈME
Il ne faut en rien
éluder les questions sociétales. Globalement, l’Ivoirien aujourd’hui est
mécontent. Et pour cause : il a le net sentiment d’être incompris, si ce n’est
méprisé tout simplement. Les discours dépassés et incendiaires des politiques
en sont le ferment. Il y a eu un laisser-aller qui, de plus en plus, rejailli
négativement sur le chef. Des décisions impopulaires sont prises dans le dos du
chef. Des actes de mauvaise gouvernance sont posés et passés au silence. Et le
peuple, aussi innocent qu’il puisse être, de s’interroger : « Comment
le chef peut-il n’être jamais au courant, alors que nombre de décisions sont
prises en Conseil des ministres ? » Pourtant il ne peut se
résoudre à douter de celui qui a toujours prêché par l’exemple et qui a mis au
cœur de son système la compétence comme critère de sélection et de désignation
de ses collaborateurs. Le peuple n’est pas dupe qui sait qu’il y a des brebis
galeuses qu’il faut extirper du troupeau. Il n’y a pourtant rien d’étonnant à
cela. Nombre de ses rapaces et opportunistes ne pensent désormais qu’à l’après
Ouattara. C’est une vérité qu’il faut dire, même si elle choque. La nature
profonde de certains collaborateurs est en train de faire surface face aux
incertitudes de demain. D’où les bourdes qui se multiplient et qui ont tendance
à exaspérer le peuple qui croit, lui, à l’émergence dont le chef lui a dévoilé
la magnifique lueur. Ceux qui avant son avènement ne représentaient rien à
l’échelle nationale et qui aujourd’hui mènent un train de vie dont ils
n’avaient jamais rêvé, ont peur de retomber dans l’anonymat et dans leur
position antérieure. Ils affichent donc arrogance et sont peu généreux. Ils
sont amnésiques de leur passé et oublient que c’est Dieu qui élève et qui
abaisse. Les faiblesses du système viennent en partie de là. Ces parvenus sont
coupés du peuple et ne présentent pas au chef de l’Etat le vrai visage de ce
peuple qui l’a élu, réélu, et qui attend toujours beaucoup de lui. Le ver est
dans le fruit.
Bamba Alex Souleymane, Journaliste,
inamovible conseiller spécial des Premiers ministres entre Avril 2003 et Mai 2011.
Titre
original : « Qui veut briser le mythe du "Brave-Tchê" ? »
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de
provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou
l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu
informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des
mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
ivoirebusiness.net 25 Juillet 2016.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire