« Il n’y a
aucun regret à avoir, la France a fait ce qu’elle avait à faire… »
Jean-Marc Simon (« Secrets d’Afrique », page 329)
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Qu'est-ce
qui se passe à la CPI où huis-clos, annulation d'audience et coups de tonnerre
se multiplient ? Analyses des non-dits révélateurs des négociations qui se
poursuivent en dehors de la cour pénale internationale. Les derniers câbles
français ayant montré que le dossier Gbagbo a été construit après coup, seule
ne restait plus que la perspective de sortir de la confrontation par la
préservation de l'image de cet instrument de l'Occident.
N’est-iI
plus coupable et encore moins Charles Blé Goudé ? Les derniers câbles français sur le dossier
Gbagbo ont montré que l’histoire des preuves s'est écrite une fois que
l'ancien président a été arrêté et qu'il n'a pas voulu négocier les conditions de sa
reddition. En fait, à bien regarder, il s’agit du procès de la
fameuse phrase « qui a gagné les élections ? ». Car le 6 avril 2011, le dossier de Laurent Gbagbo est encore vierge. Et même si la France et ses médias ont
mis en place depuis des années une politique de diabolisation à travers Rfi et I’AFP, il s’agit encore d’obliger le président ivoirien à lâcher du lest en quittant le
pouvoir. D’ailleurs, ce
6 avril, l’entourage de Nicolas Sarkozy peine à expliquer aux
parlementaires français qu’ils rencontrent ce qu'il reproche de répréhensible au régime de Gbagbo,
Parce que la communauté française en Côte d'Ivoire n'est pas
prise à partie et que contrairement en 2004, rien ne menace la quiétude des Français de Côte d’Ivoire. La plupart d'entre eux refusent d'ailleurs de
quitter leurs domiciles malgré l'insistance de l’ambassadeur accrédité à Abidjan
et ses douces menaces. C'est pourtant cette
menace qui pouvait obliger les militaires français
à intervenir en Côte d’Ivoire. Alors Paris choisit la délation. Gbagbo est ainsi accusé de s'en
prendre à la population civile, d'être au
pouvoir depuis dix ans, d'avoir dit « Trois mille morts à gauche, mille morts à droite,
moi j'avance », ce qui est faux, etc. En revanche, aucun document, aucune vidéo d'attaques de civils par les FDS, rien.
Car
des semaines plus tôt,
les binationaux avaient essayé de raisonner leurs autorités pour les persuader de
renoncer aux opérations militaires qui se sont préparées dans le plus grand
secret en France. Pour cela, ils ont
multiplié les réunions, s'exposant
aux rodomontades de l’ambassadeur français
Jean-Marc Simon, plus que jamais engagé aux côtés des rebelles. Les
menaces de celui-ci ne sont plus rares. Les récalcitrants
savent qu'ils risquent de ne plus se
faire assister par la mère patrie dès le moindre pépin. Alors, beaucoup préfèrent en rester là. Et même si d'autres
passent allégrement outre la consigne, c'est déjà très peu pour changer la réalité construite depuis des
années par la France et ses médias.
Mais
Paris n’a rien
et lorsqu’il faut faire le bilan de ce qu'elle reproche à Gbagbo qui lui vaut de faire face à une intervention militaire, Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères et Gérard
Longuet de la Défense, balancent le genre d'accusations passe-partout que l'on reprenait systématiquement contre le régime.
Aucune
preuve n’est documentée, pas de vidéo, pas de photos de
partisans de Ouattara pris à partie. Même le fameux article 125 n'est pas documenté. France 24 publie pourtant, à l'instigation d'une cadre du RDR, la photo d'un homme qui tente de se défaire de ses flammes. L’image passe en boucle. Les faits sont sensés se dérouler à Yopougon, fief de Gbagbo. L’homme en feu serait alors
un militant du RDR mais c’est un faux. L'homme en feu est en vérité un Zimbabwe et l’événement en question
s'est déroulé en Afrique du Sud
longtemps avant. C'est donc cette
absence de preuve que paye la CPI qui a agi à la demande de la France et des
Etats-Unis. Alors ces derniers jours, les choses s'accélèrent. Suffit de savoir lire entre les lignes. Car la CPI a toujours
autant de mal à tenir le procès. Et six mois après son ouverture, aucun témoignage probant n'est venu conforter l’accusation. On a même le sentiment que les témoins du
procureur ont décidé de mettre à mal sa stratégie, comme ce fut encore te cas
avec le témoin P97. Finalement, on en est toujours à établir la matérialité des faits, ce qui éloigne de la perspective du plan commun qui impliquerait Laurent Gbagbo dans les crimes qui ont été commis. Alors une nouvelle théorie a commencé à voir le jour à la cour pénale internationale. Que dit-elle ?
Lors de la dernière conférence de mise en
l'état, le juge italien de la CPI, Cuno Tarfusser, a remis les pendules à l'heure, insistant sur la nécessité de finir rapidement le procès en raison de la santé du
président Laurent Gbagbo. C'est d'ailleurs la première fois que ce juge fait
assaut d’humanité à l’égard de l'ancien président. L'épisode du refus d’appeler
Gbagbo président est encore trop frais pour ne pas souligner ce changement. Et selon ce nouveau timing, tout devrait être achevé en août 2017. On est loin, à ce sujet, des prévisions apocalyptiques du début du procès qui nous envoyaient jusqu'en 2020. Or ceci est loin d’être une phrase en l’air. Surtout dans ce
contexte-ci justement rappelé
ci-dessus. Bref, visiblement la CPI se prépare à une sortie honorable de la
confrontation entre elle et les deux dirigeants ivoiriens. Car après tout, les Occidentaux n'ont
pas l'intention de bloquer l'avenir de la CPI, leur
instrument contre de nombreux dirigeants. C'est ainsi qu'il faut également
comprendre la levée des sanctions de la Suisse contre l'ancien président et
toute sa famille. Autrement dit, à quoi cela servirait
?
Sévérine Blé
Titre original : « Dossier Gbagbo, CPI,
crise postélectorale : Ce que disent de nouveaux documents français ».
Source : Aujourd’hui 24 juin 2016
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