jeudi 28 juillet 2016

Leçons d'une semaine chaude

Bouaké, La préfecture de région après les manifestations
contre la hausse du prix de l’électricité.
Une semaine particulièrement chaude vient de passer en Côte d'Ivoire. Semaine du 18 au 24 juillet 2016, au cours de laquelle le régime du RDR a eu des frayeurs. La colère contre le coût exorbitant de l'électricité et des factures qui ne sont vraiment pas les bienvenues. L'adrénaline qui est montée à Yamoussoukro, chez Félix Houphouët-Boigny, s'est emparée, comme du courant électrique, des villes de Daloa et Tiassalé. A ce niveau où il y a eu tout de même des saccages, des pillages et l'incendie de véhicules, le mouvement a pris une proportion marginale. Mais Bouaké qui a commencé timidement, même dans l'hésitation selon des témoins, a pris l’allure d'une rébellion comme des combattants pro-Ouattara savent le faire. Rappelons pour mémoire, que Bouaké était la capitale e la rébellion du Mpci. Un mouvement sanglant devenu plus tard Forces nouvelles (Fn) dirigées par Guillaume Soro, homme de main d'Alassane Ouattara. L'impertinence et la désinvolture de Bouaké est donc rééditée le vendredi 22 juillet 2016. Les automatismes sont si vite retrouvés ! Les symboles de l'Etat sont alors vaincus, mis à sac comme si l'on était en 2002 : commissariat de police, préfecture, Conseil régional, résidence du maire, etc. Puis, comme si également cela manquait cruellement à Bouaké, l'on assiste au casse d'une banque, la Nsia banque. En une seule journée, le contrôle de Bouaké a échappé à Alassane Ouattara. Et selon les sons qui nous sont parvenus du Rhdp, la panique s'est emparée de tous les « pillards » en col blanc, des « boucantiers » et autres arrogants qui ne cessent de cultiver le mépris pour les autres. Au regard de cette quasi débandade, on se rappelle cette boutade sociale : « l'Homme n'est vraiment rien, hein... ». Oui, l'Homme n'est rien, mais bien des gens ne s'en rendent pas compte. Ou alors ils font fi de cette réalité. Si un régime respecte les droits de l'Homme, si les libertés fondamentales sont soignées dans le pays, si la gouvernance se fait avec équité, si l'on ne pratique pas un rattrapage injustifié, bref si l'on ne se reproche rien, pourquoi trembler de tous ses membres au simple constat que Bouaké s'est levée contre la cherté de la vie ? Pendant une décennie, le Rdr, alors parti d'opposition, a imprimé à Bouaké l'esprit non seulement de la contestation, mais du pillage et du casse des banques. Cet esprit est toujours vivant dans la région et porté à agir dès qu'il en a l'occasion. Et cela, quelle que soit la tête de l'exécutif. Car le casse de la banque n'a pas de rapport avec le coût de l'électricité. Mais des individus qui en avaient l'habitude, ou qui enviaient les ex-rebelles devenus impunément riches à partir des casses des banques, dans les régions sous administration de la rébellion de Soro ont franchi le pas. Ils ont saisi ce prétexte pour foncer sur la banque. Voulaient-ils se rattraper ? Peut-être. Le Rdr serait-il effrayé par l'esprit qu'il a créé lui-même dans l'intention de prendre le pouvoir ? Bouaké a ridiculisé le régime en une seule journée de mécontentement. C'est une riche leçon que cette semaine a eu la gentillesse de donner au régime. Il est libre ou non de la retenir.

Germain Séhoué


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Source : Le Temps 27 juillet 2016.

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