jeudi 5 mars 2015

Yaméogo, Ojukwu, Bokassa, Moussa Traoré… Et maintenant Blaise Compaoré ! La Côte d’Ivoire comme dépotoir des marionnettes de la France devenues hors d’usage ?

La Côte d’Ivoire est-elle une terre d’asile pour des personnes prenant des libertés avec les droits humains, persona non grata ailleurs ? On ne peut que répondre par l’affirmative, malheureusement, vu que notre pays a la tradition d’accueillir sur son sol nombre de personnalités infréquentables. Dans les années 1990, la Côte d’Ivoire avait accordé gîte et couvert au chef rebelle libérien, le sanguinaire Charles Taylor et à sa famille. Le rebelle libérien se soignait tranquillement à la PISAM et son épouse avait été surprise en pleines emplettes à Treichville. A l’époque, cela avait fait grand bruit et la presse gouvernementale avait essayé, assez maladroitement du reste, de démentir l’information. Mais aujourd’hui, personne ne peut raisonnablement nier que le président Houphouët avait offert une hospitalité fort controversée au boucher de Monrovia. Par ailleurs, Jonas Savimbi, le maître absolu de Huambo, le fief de l’ex rébellion angolaise, jouissait d’un passeport diplomatique ivoirien ; passeport que le Président Laurent Gbagbo, fondamentalement opposé à l’intrusion des armes dans la politique, a refusé de renouveler à son arrivée au pouvoir ; d’où son rapprochement avec Dos Santos qui lui porte une sympathie reconnue. Cela a eu pour effet de favoriser la mort de l’irréductible rebelle, contraint au restreint, en Angola où il fut finalement tué. En Occident comme en Afrique, tous ceux à qui profitaient le diamant ensanglanté de Savimbi ne pardonnèrent jamais la mort de ce dernier au Président Laurent Gbagbo. C’est l’une des raisons de l’isolement du « Séplou » dans la grave crise qui l’a opposée à la rébellion françafricaine des Forces Nouvelles. Jonas Savimbi avait élu domicile à Yopougon, au Groupement Foncier, dans les environs de l’ancien Bel air, où sa sœur cadette habitait encore il y a peu. Je ne parle même pas des rebelles du Biafra qui ont légué leur nom à un sous-quartier d’Abidjan ; le quartier Biafra à Treichville. Le chef sécessionniste biafrais, le colonel Ojukwu, qui  déclencha en 1967, trois années d’une sanglante guerre civile au Nigéria, fut jusqu’en 1976, un hôte de marque du président Houphouët. Et j’en oublie sans doute ! L’homme qui se voulait un chantre de la paix ne se privait jamais, paradoxalement, d’offrir sa protection à des sanguinaires, faisant même souvent de notre pays, une base arrière de nombreuses subversions en Afrique. Telle était la face cachée du président Houphouët qui, à défaut de se voir attribuer le Prix Nobel de la Paix, créa lui-même son propre prix. Sans doute par dépit ! Alors que je croyais cette parenthèse honteuse de notre histoire refermée à jamais, voilà que cela recommence ! Blaise Compaoré, le plus grand diviseur commun de l’Afrique de l’Ouest, l’homme sur lequel pèse de lourds soupçons relativement à la mort de Thomas Sankara et du journaliste Norbert Zongo, a officiellement élu domicile à Abidjan, en Côte d’Ivoire, après avoir été chassé et du pouvoir et de son pays. Pourtant, le Maroc a refusé d’abriter cet homme devenu peu fréquentable et qui de surcroît, risquait d’effaroucher les touristes occidentaux, trop regardants sur les histoires des droits de l’Homme. Ouattara a accepté que l’ex n° 1 du Faso réside dans notre pays, comme si la Côte d’Ivoire était devenue le réceptacle des mauvais garçons de toute la Terre. Mais le mentor du RDR pouvait-il se montrer ingrat envers l’homme à qui il doit son pouvoir ? Tout le monde le sait : la rébellion qui a porté Ouattara au pouvoir a été formée au Burkina Faso sous l’œil bienveillant du beau Blaise. Il fallait donc ramener l’ascenseur au tombeur de Sankara, emporté par la colère d’un peuple qu’il a longtemps martyrisé ! Compaoré pourra rester en Côte d’Ivoire aussi longtemps qu’il le voudra, a proclamé Ouattara dans une affirmation qui manque totalement d’humilité : « Compaoré restera plutôt en Côte d’Ivoire aussi longtemps que Ouattara sera au pouvoir ». Voilà la vérité ! En attendant, notre pays continue de recevoir tous ces hommes qui, par des crimes imprescriptibles, se mettent volontairement en marge de l’humanité dans ce qu’elle a de plus sacré : le respect de la vie humaine. Pendant ce temps, au Burkina Faso, le nouveau pouvoir nettoie les traces de Compaoré en réhabilitant le héros national, le capitaine Thomas Sankara, tombé sous les balles des suppôts de la Françafrique. Un Prix Thomas Sankara vient d’être instauré au FESPACO pour rendre hommage à ce digne fils de l’Afrique alors que son successeur tombe piteusement dans les décombres de l’histoire. Les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré n’ont pas réussi à effacer de la mémoire collective Burkinabé celui qui symbolisera toujours, pour les progressistes panafricains, l’Afrique digne et souveraine. Au moment où Sankara est porté au fronton de la postérité, Compaoré, végète encore, en quête d’une terre d’asile définitive. Le passé ressurgit alors que le présent sombre ! Cette image devrait instruire tous ceux qui, enivrés par le pouvoir, s’oublient dans la répression sauvage de leur population, se repliant sur une ethnie prétendument supérieure ; tous ceux qui, se servant du bâton d’une justice aux ordres, écrasent leurs opposants, sans jamais penser que la roue tourne, se proposant ainsi à un exil potentiel. Combien sont-ils, les anciens chefs d’États africains qui vivent libres dans leur pays ? Courte queue se paie par courte queue, dit ce conte de mon enfance. Que ceux qui savent méditer entendent ! Puisse Dieu guérir les Ivoiriens pour que guérisse la Côte d’Ivoire ! 

Par Zêblê Azoumamé (Aujourd’hui, N°840)

Titre original : « Terre d’asile pour personnes infréquentables ».  


 
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Source : CIVOX. NET 5 Mars 2015

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