vendredi 13 mars 2015

Catégorisation

Cour d'assises d'Abidjan : le banc des accusés
"La Côte d'Ivoire est passée à l'étape de l'apartheid judiciaire"
Le RDR et ses soutiens extérieurs ont voué aux gémonies l'Ivoirité, concept vulgarisé sous Bédié qui catégoriserait les Ivoiriens entre ceux de souche multiséculaire et ceux de circonstance, parce que Alassane Dramane Ouattara ne répondait pas et ne répond toujours pas aux critères d'éligibilité à la présidence.
Au pouvoir, Ouattara et son équipe ont affiné cette politique vomie d'Ivoirité : le Rattrapage ethnico-régional, cette part belle assumée et faite aux uniques ressortissants du nord du pays dans les nominations et promotions dans l'administration civile et militaire.
L'opinion, très regardante sur la question des droits de l'homme quand il s'agit de défendre la cause Ouattara, n'y a trouvé aucun inconvénient. Cette politique de différenciation sociale tolérée et ainsi implicitement autorisée est entrée dans les mœurs.
La Côte d'Ivoire est passée à l'étape de l'apartheid judiciaire. Au nom de la justice des vainqueurs, il y a d'un côté, les démons (Laurent Gbagbo et ses partisans considérés comme les bourreaux) et de l'autre, les anges (Ouattara et ses militants qui sont les victimes) que le procureur de la République près le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, Simplice Kouadio, avait même consacré.
L'égalité devant la loi fait donc désormais partie de creux slogans. La Cour pénale internationale (CPI) a lancé trois mandats d'arrêt contre les démons, dont deux ont été exécutés (Gbagbo et Charles Blé Goudé), en attendant le cas Simone Gbagbo. La justice nationale est, de son côté, dans sa chasse aux pestiférés pro-Gbagbo.
Le 10 mars 2015, sans aucune preuve dans des accusations vagues et se basant uniquement sur la présomption de... culpabilité, la Cour d'assises d'Abidjan a distribué, à la tête du client, des condamnations et des acquittements à 79 maudits pro-Gbagbo poursuivis pour divers chefs d'accusation (atteinte à la sûreté de l'État, insubordination, constitution de bandes armées...). Ce mardi 17 mars, quatorze militaires de la garde rapprochée de Gbagbo se retrouvent devant le tribunal militaire pour « violation de consigne et atteinte à la sûreté de l'État ». Et en juin prochain, quinze militaires et gendarmes pro-Gbagbo passeront en procès pour l'assassinat, dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, du général Robert Guéi, de son épouse et de sa garde rapprochée. Cette nuit, qui marque le déclenchement du coup d'État de présumés Zinzin et Bahéfouê transformé en rébellion armée de Soro Kigbafori Guillaume, a été sanctionnée par plus de 300 morts (civils et militaires).
Mais notre justice, actionnée pour brimer un camp, celui de Gbagbo, passe par perte et profit les meurtres notamment de l'artiste Marcellin Yacé, du ministre d'État Émile Boga Doudou, des lieutenants-colonels Dagrou Loula, commandant militaire de la région centre, Dali Oblé, commandant de la compagnie territoriale de Korhogo, et Yodé Gnoléba Jean, directeur du génie et des équipements militaires.
Cette catégorisation est encore parlante depuis que les vainqueurs militaires sont au pouvoir. Le général Dogbo Blé et quatre codétenus, dont le commandant Kipré Yagba ont été condamnés, le 11 octobre 2012, à 15 ans de prison parce que reconnus coupables de « séquestration, enlèvement et complicité d'assassinat » du colonel-major Adama Dosso le 12 mars 2011, en pleine crise post-électorale. Justice ne sera pas rendue au ministre Désiré Asségnini Tagro, tué le 11 avril 2011 à la résidence de Gbagbo, aux colonels-majors Babri Gohourou Hilaire, porte-parole des FDS, abattu en avril 2011 devant la résidence de Gbagbo, et Ahouman Brouha Nathanael, chef de la sécurité de Gbagbo abattu en mai 2011.
Le drame de la ville de Duékoué (pogrom du quartier Carrefour le 28 mars 2011 et la destruction du camp de réfugiés de Nahibly en juillet 2012 commis par les dozo et éléments des forces fidèles à Ouattara) est ignoré.
La justice, instrumentalisée, joue sa partition d'une justice à double vitesse pour permettre à Ouattara, par toutes ces condamnations à la carte, de faire d'une pierre deux coups : d'un, gracier les condamnés et les prisonniers pro-Gbagbo pour apparaître, avant la présidentielle d'octobre 2015, comme l'homme de paix et le père de la réconciliation, et de deux, mettre à l'abri des poursuites ses partisans. Et le tour est joué.
Bally Ferro 
 
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Source : Facebook 13 Mars 2015

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