« C’est qu’au fond, il n’y a qu’une seule race : l’humanité ».
Jean jaurès
Journée internationale pour l’élimination de la discrimination
raciale, célébrée chaque année le 21 mars à l’initiative de l’ONU depuis le
massacre de Sharpeville en 1960 en Afrique du Sud, reste d’une brûlante
actualité. Mais cette actualité n’est pas seulement celle de la solidarité
internationale due aux victimes de discriminations raciales dans le monde, elle
est celle de l’Europe et de notre pays, la France.
P. LAURENT
(Photo : Julien Jaulin/Hanslucas)
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L’installation au premier plan de la vie politique de partis
ouvertement racistes et xénophobes, les coalitions nouvelles entre forces de
droite et d’extrême droite accédant ou aspirant au gouvernement dans plusieurs
pays européens, les discriminations racistes structurelles dans le travail, le
salaire ou l’accès au logement, la mise en concurrence des travailleurs selon
leur origine pour favoriser le dumping social au détriment du principe « à
travail égal,
salaire égal »,
la banalisation des discours racistes, leur présence virulente sur les réseaux sociaux, la montée des violences, le traitement indigne
des migrants…, les signaux d’alerte sont malheureusement nombreux.
Si le combat antiraciste est constitutif de notre histoire
communiste, force est de constater qu’il est urgent de le remettre au premier
plan de nos combats en renouvelant l’analyse de ce que nous avons à combattre.
Les visages hideux du racisme ont pris de nouvelles formes, visent
de nouvelles cibles, mais la concurrence des racismes et de leurs victimes est
un piège. Car les racismes d’hier et d’aujourd’hui ne s’évacuent pas les uns les
autres. Ils s’additionnent. Tous doivent être combattus.
La lutte contre le racisme et l’antisémitisme a marqué un siècle
des combats des communistes français. L’antisémitisme reste un pilier de cette
lutte, une exigence à laquelle les communistes n’ont jamais failli, des années
1930 à la Résistance, jusqu’à nos combats actuels contre le révisionnisme des
extrêmes droites européennes. L’inauguration de la place Henri-Malberg, à
Paris, le 23 mars, à deux pas de la place Henri-Krasucki, en sera un témoignage
fort. Et ceux qui persistent, à l’instar de Netanyahou et de ses relais
politiques en France, à qualifier d’antisémites nos prises de position contre
la colonisation des territoires occupés par Israël en Cisjordanie ou la
décision de Trump sur Jérusalem en violation du droit international rendent un
très mauvais service à la cause antiraciste. Car unir d’un même mouvement
contre l’antisémitisme, et pour la fin de la colonisation et la solution à deux
États, assurant la paix et la sécurité aux Israéliens comme aux Palestiniens,
c’est le chemin le plus sûr pour faire reculer les racismes que ne peuvent
qu’alimenter les logiques de guerre, d’humiliation et de spoliation.
Le chaos du monde actuel est propice à la montée de tous les
racismes. La mondialisation capitaliste en crise porte en elle l’exploitation
et la mise en concurrence sans fin des peuples et des dominés, comme la nuée
porte l’orage. Et dans la guerre du tous contre tous, racismes et replis
nationalistes et xénophobes trouvent un terreau fertile.
Tour à tour, Roms, musulmans, migrants… deviennent la cible. Peu
importe la réalité supposée du danger mis en scène, l’essentiel est à chaque
fois la construction d’un « ennemi » utile à diviser entre eux les opprimés
et les perdants de la mondialisation capitaliste.
Le racisme redevient à grande échelle et dans toute l’Europe un
des instruments de la domination de classe. La stigmatisation systématique des
musulmans, volontairement confondus avec l’islamisme, ou pire avec le
terrorisme, comme les lois et les murs anti-migrants construisent
quotidiennement ce discours. L’islamophobie est au cœur de ce dispositif
idéologique car elle procède à tous les amalgames, confondant dans un même
mouvement racisme anti-immigré et dénaturation de la laïcité, alors réduite à
la défense des valeurs chrétiennes, à l’opposé du principe de liberté de
conscience qu’elle est censée garantir. L’islamophobie doit être pour cela
déconstruite et combattue.
Mais plus encore que la lutte contre les stéréotypes racistes de
tous ordres, c’est le combat contre le rapport social d’exploitation de masse,
l’instrument de division de notre propre société, la France, qu’est aujourd’hui
le racisme, qui doit être considérablement revalorisé dans notre action.
Inégalités sociales, précarisation et nouveaux modes
d’exploitation du travail, assignations territoriales dans des quartiers
délaissés par la République, discriminations racistes structurelles dans les
politiques publiques (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent
pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la
population, et singulièrement de la jeunesse. Nous avons sous-estimé le
caractère de masse de ce racisme institutionnel, qui est une injure quotidienne
au principe d’égalité dans la République. Comme nous avons les stigmates du
colonialisme dans les imaginaires et les réalités d’aujourd’hui.
Ce combat, nous devons le porter haut
et fort, en aidant à libérer la parole, à organiser l’action de toutes les
victimes de ces discriminations, de toutes celles et de tous ceux qui se vivent
comme les « racisés » de la République, à écouter et entendre les souffrances que cela engendre. Face à ceux qui veulent diviser ou séparer, construisons du commun, une
égalité réelle et un nouvel universalisme qui reconnaissent pleinement la
pluralité et la diversité des individualités, des cultures, des identités de
cette part du monde qu’est notre pays, la France.
Pierre Laurent
Titre original :
« Une adresse à construire du commun. L’antiracisme, notre combat ».
Source : L'Humanité 21 Mars 2018
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