![]() |
Jean-Luc
Mélenchon à Marseille, le 9 avril 2017
©REUTERS/Jean-Paul
Pelissier
|
La semaine qui s’annonce
devrait être décisive. Alors que l’électorat semble encore extrêmement
volatile, des tendances se dessinent néanmoins. Elles indiquent les possibles
coagulations de l’électorat qui pourraient s’amplifier dans le temps qui nous
reste avant le 1er tour.
Les hommes du chômage et du passé
Alors qu'il y a deux mois tout le monde
pensait que l'affrontement serait entre Mme Marine le Pen et François Fillon,
voire Emmanuel Macron, la situation actuelle est celle d'un changement radical.
François Fillon semble irrémédiablement
empêtré dans les conséquences morales des différents scandales qui l'ont
éclaboussé. La question n'est pas tant la réalité juridique des accusations que
la dimension morale de ces affaires qui ont définitivement mis à mal l'image
d'homme intègre de ce candidat. L'impact est d'autant plus grand, d'autant plus
fort, que ce candidat s'est fait l'apôtre d'une politique d'extrême rigueur et
envisage des coupes dramatiques dans la fonction publique. Cette politique fut
déjà appliquée de 2011 à l'élection présidentielle de 2012. Elle a provoqué un
accroissement de 300 000 chômeurs et, si l'on considère que ces effets se
sont fait sentir jusqu'au début de 2013, en réalité de 500 000 chômeurs.
On imagine les conséquences dramatiques que provoquerait l'application du
programme de François Fillon.
La « bulle » Emmanuel Macron semble bien
en train d'exploser. Les sondages montrent au mieux ce candidat stagnant, mais
plus probablement en déclin. Les électeurs semblent s'être rendu compte du vide
du personnage, qui se conjugue avec un projet social extrêmement réactionnaire
sur le fond. Se faisant le candidat de l'Ubérisation de la société, Emmanuel
Macron, derrière un langage faussement moderne, n'est que l'avocat d'un retour
au début du XIXème siècle, un retour au « domestic system ». Il est ici
frappant de constater que le candidat même qui se prétend le plus « moderne »,
celui qui ne cesse de vanter les vertus de ce qu'il appelle « l'économie
numérique », est en réalité un homme du passé. Mais, Emmanuel Macron est un
homme du passé à un deuxième titre. S'il se présente comme un « homme nouveau
», voire — et cela ne manque pas de sel — comme un candidat «
anti-système »(1), il convient de rappeler qu'il fut étroitement associé, que
ce soit comme conseiller de François Hollande ou comme Ministre de Manuel
Valls, à la politique désastreuse mise en œuvre durant ce quinquennat. Or,
cette politique a rajouté, de février 2013 au début de cette année, plus de
400 000 chômeurs au nombre considérable que nous avait laissé le tandem
Sarkozy-Fillon.
Face à ces deux candidats en crise, deux
autres candidats représentent, d'une manière ou d'une autre, le futur.
Des candidats d'avenir?
Mme Marine le Pen s'appuie sur un
électorat extrêmement stable, largement composé de personnes convaincues. Si
des franges extrémistes peuvent se joindre à cet électorat, sa réalité correspond
très largement à ce que le géographe Christophe Guilluy a appelé la « France
périphérique ».(2) Toute cette « France périphérique » ne vote pas pour Mme
Marine le Pen, et l'on peut trouver dans ses électeurs des représentants des
beaux quartiers, mais il est incontestable qu'une large part des délaissés des
politiques gouvernementales de ces dernières années, des victimes de la «
mondialisation », vote pour elle. Nous sommes ici en présence d'un mouvement
populiste qui se développe d'autant plus que le système politique actuel a fait
faillite. Il est par ailleurs frappant que ce mouvement populiste a très
largement repris les codes de la démocratie politique et se caractérise par un
niveau de violence extrêmement bas, bien inférieur à ce que l'on peut trouver
dans certains groupuscules.
Mais, la « surprise », si s'en est une,
de cette élection est la montée rapide de Jean-Luc Mélenchon. Ici aussi, nous
sommes en présence d'un mouvement qui rassemble les exclus et les perdants de
la mondialisation. Ici aussi, nous sommes en présence d'un mouvement clairement
populiste. Comme dans tout mouvement populiste, il y a une dimension
charismatique, et la personne de Jean-Luc Mélenchon, tout comme celle de Marine
le Pen, fascine nombre de ses électeurs potentiels. La surprise, donc, est que
Jean-Luc Mélenchon s'est joint aux trois premiers candidats. Il est
actuellement en train de dépasser François Fillon et il commence à se
rapprocher d'Emmanuel Macron dont le projet inquiète nombre de ses électeurs
potentiels et dont le vide provoque un mouvement de rejet désormais de plus en
plus sensible.
Ces deux candidats représentent
incontestablement une forme de futur de la France. Pour autant, leurs
programmes ne sont pas dépourvus de contradictions.
Candidats en campagne
Il nous faut aussi examiner les
candidats qui suivent les quatre premiers. Benoît Hamon poursuit sa descente
aux enfers. Son programme n'est que le faire-part de décès d'un parti qui a
sombré dans les compromissions et les ambitions personnelles. Pris entre la
candidature d'Emmanuel Macron et celle de Jean-Luc Mélenchon, sa campagne
s'étiole de jour en jour. Il ne survit plus que dans des attaques
calomniatrices contre ce dernier, attaques qui le déshonorent et qui devraient
conduire son électorat à s'interroger sur le sens et la nature de cette
candidature. S'il en est réduit à une simple candidature de témoignage, comme
on peut le penser, alors la boucle sera bouclée, et le P « S » finira dans
les mêmes poubelles de l'Histoire où avait fini la SFIO avec la calamiteuse
campagne de Gaston Deferre et de Pierre Mendès-France. S'il veut faire gagner
la gauche, la véritable gauche, alors qu'il se désiste pour Jean-Luc Mélenchon.
Et, s'il n'est qu'un rabatteur de voix au profit d'Emmanuel Macron, qu'il le
dise clairement.
Nicolas Dupont-Aignan a, pour sa part,
réussi à se faire entendre(3), même s'il est, encore, trop peu écouté. Son
discours est solidement souverainiste, et il tranche avec les changements de
pieds quasi-permanents de François Fillon sur ce point. Il n'est d'ailleurs pas
anodin que François Fillon l'ait attaqué de manière vipérine, et en réalité
calomniatrice, lors du débat du 4 avril. La bassesse de ces attaques témoigne
du désespoir de François Fillon. Elle accrédite aussi l'idée que Nicolas Dupont-Aignan
est en train de devenir, pour le candidat des « Républicains », une véritable
menace. On peut penser que la crainte de Fillon c'est que la candidature de
Nicolas Dupont-Aignan rassemble autour d'elle une partie des électeurs écœurés
par les scandales qui entourent le prétendant des « Républicains » tout comme
ils sont révulsés par sa longue compromission avec le sarkozysme. Nicolas
Dupont-Aignan, s'il réussit à attirer cette frange de l'électorat de l'ex-UMP
qui pense que la probité personnelle et l'honneur d'un candidat sont choses qui
comptent, peut espérer talonner, et qui sait dépasser, un Benoît Hamon en
perdition. Nicolas Dupont-Aignan, lui aussi, incarne le futur face au passé.
Choisir l'avenir
Il faut ici rappeler l'essentiel. Cette
élection oppose le passé et l'avenir. Très clairement, François Fillon,
Emmanuel Macron et en un sens Benoît Hamon incarnent ce passé. François Fillon
et Emmanuel Macron représentent deux stratégies qui ont déjà échoué, qui
ont aggravé considérablement le chômage dans notre pays, qui ont produit sa
désindustrialisation. Benoît Hamon, pour sa part n'offre rien qui permette de
penser qu'il soit prêt à rompre avec les erreurs de ce dramatique quinquennat,
que ce soit en économie ou dans le domaine de la sécurité. L'attentat de
Stockholm vient nous rappeler que l'on ne peut rester dans le déni du danger
représenté par l'islamisme radical. Ces trois candidats nous proposent, peu ou
prou, de continuer de lier notre avenir avec une Union européenne, et une zone
Euro, qui l'une et l'autre ont démontré toute leur nocivité. Leurs propositions
pour faire évoluer l'UE et la zone Euro sont au mieux vagues et sans
consistance, au pire elles sont inexistantes.
Il nous faut donc, résolument, tourner
le dos au passé et choisir l'avenir.
(2) Guilluy C., La
France périphérique: comment on a sacrifié les classes populaires,
Paris, Flammarion, 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire