vendredi 14 avril 2017

France. Campagne présidentielle 2017 : Une semaine décisive

Jean-Luc Mélenchon à Marseille, le 9 avril 2017
©REUTERS/Jean-Paul Pelissier
La semaine qui s’annonce devrait être décisive. Alors que l’électorat semble encore extrêmement volatile, des tendances se dessinent néanmoins. Elles indiquent les possibles coagulations de l’électorat qui pourraient s’amplifier dans le temps qui nous reste avant le 1er tour.
Les hommes du chômage et du passé
Alors qu'il y a deux mois tout le monde pensait que l'affrontement serait entre Mme Marine le Pen et François Fillon, voire Emmanuel Macron, la situation actuelle est celle d'un changement radical.
François Fillon semble irrémédiablement empêtré dans les conséquences morales des différents scandales qui l'ont éclaboussé. La question n'est pas tant la réalité juridique des accusations que la dimension morale de ces affaires qui ont définitivement mis à mal l'image d'homme intègre de ce candidat. L'impact est d'autant plus grand, d'autant plus fort, que ce candidat s'est fait l'apôtre d'une politique d'extrême rigueur et envisage des coupes dramatiques dans la fonction publique. Cette politique fut déjà appliquée de 2011 à l'élection présidentielle de 2012. Elle a provoqué un accroissement de 300 000 chômeurs et, si l'on considère que ces effets se sont fait sentir jusqu'au début de 2013, en réalité de 500 000 chômeurs. On imagine les conséquences dramatiques que provoquerait l'application du programme de François Fillon.
La « bulle » Emmanuel Macron semble bien en train d'exploser. Les sondages montrent au mieux ce candidat stagnant, mais plus probablement en déclin. Les électeurs semblent s'être rendu compte du vide du personnage, qui se conjugue avec un projet social extrêmement réactionnaire sur le fond. Se faisant le candidat de l'Ubérisation de la société, Emmanuel Macron, derrière un langage faussement moderne, n'est que l'avocat d'un retour au début du XIXème siècle, un retour au « domestic system ». Il est ici frappant de constater que le candidat même qui se prétend le plus « moderne », celui qui ne cesse de vanter les vertus de ce qu'il appelle « l'économie numérique », est en réalité un homme du passé. Mais, Emmanuel Macron est un homme du passé à un deuxième titre. S'il se présente comme un « homme nouveau », voire — et cela ne manque pas de sel — comme un candidat « anti-système »(1), il convient de rappeler qu'il fut étroitement associé, que ce soit comme conseiller de François Hollande ou comme Ministre de Manuel Valls, à la politique désastreuse mise en œuvre durant ce quinquennat. Or, cette politique a rajouté, de février 2013 au début de cette année, plus de 400 000 chômeurs au nombre considérable que nous avait laissé le tandem Sarkozy-Fillon.
Face à ces deux candidats en crise, deux autres candidats représentent, d'une manière ou d'une autre, le futur.
Des candidats d'avenir?
Mme Marine le Pen s'appuie sur un électorat extrêmement stable, largement composé de personnes convaincues. Si des franges extrémistes peuvent se joindre à cet électorat, sa réalité correspond très largement à ce que le géographe Christophe Guilluy a appelé la « France périphérique ».(2) Toute cette « France périphérique » ne vote pas pour Mme Marine le Pen, et l'on peut trouver dans ses électeurs des représentants des beaux quartiers, mais il est incontestable qu'une large part des délaissés des politiques gouvernementales de ces dernières années, des victimes de la « mondialisation », vote pour elle. Nous sommes ici en présence d'un mouvement populiste qui se développe d'autant plus que le système politique actuel a fait faillite. Il est par ailleurs frappant que ce mouvement populiste a très largement repris les codes de la démocratie politique et se caractérise par un niveau de violence extrêmement bas, bien inférieur à ce que l'on peut trouver dans certains groupuscules.
Mais, la « surprise », si s'en est une, de cette élection est la montée rapide de Jean-Luc Mélenchon. Ici aussi, nous sommes en présence d'un mouvement qui rassemble les exclus et les perdants de la mondialisation. Ici aussi, nous sommes en présence d'un mouvement clairement populiste. Comme dans tout mouvement populiste, il y a une dimension charismatique, et la personne de Jean-Luc Mélenchon, tout comme celle de Marine le Pen, fascine nombre de ses électeurs potentiels. La surprise, donc, est que Jean-Luc Mélenchon s'est joint aux trois premiers candidats. Il est actuellement en train de dépasser François Fillon et il commence à se rapprocher d'Emmanuel Macron dont le projet inquiète nombre de ses électeurs potentiels et dont le vide provoque un mouvement de rejet désormais de plus en plus sensible.
Ces deux candidats représentent incontestablement une forme de futur de la France. Pour autant, leurs programmes ne sont pas dépourvus de contradictions.
Candidats en campagne
Il nous faut aussi examiner les candidats qui suivent les quatre premiers. Benoît Hamon poursuit sa descente aux enfers. Son programme n'est que le faire-part de décès d'un parti qui a sombré dans les compromissions et les ambitions personnelles. Pris entre la candidature d'Emmanuel Macron et celle de Jean-Luc Mélenchon, sa campagne s'étiole de jour en jour. Il ne survit plus que dans des attaques calomniatrices contre ce dernier, attaques qui le déshonorent et qui devraient conduire son électorat à s'interroger sur le sens et la nature de cette candidature. S'il en est réduit à une simple candidature de témoignage, comme on peut le penser, alors la boucle sera bouclée, et le P « S » finira dans les mêmes poubelles de l'Histoire où avait fini la SFIO avec la calamiteuse campagne de Gaston Deferre et de Pierre Mendès-France. S'il veut faire gagner la gauche, la véritable gauche, alors qu'il se désiste pour Jean-Luc Mélenchon. Et, s'il n'est qu'un rabatteur de voix au profit d'Emmanuel Macron, qu'il le dise clairement.
Nicolas Dupont-Aignan a, pour sa part, réussi à se faire entendre(3), même s'il est, encore, trop peu écouté. Son discours est solidement souverainiste, et il tranche avec les changements de pieds quasi-permanents de François Fillon sur ce point. Il n'est d'ailleurs pas anodin que François Fillon l'ait attaqué de manière vipérine, et en réalité calomniatrice, lors du débat du 4 avril. La bassesse de ces attaques témoigne du désespoir de François Fillon. Elle accrédite aussi l'idée que Nicolas Dupont-Aignan est en train de devenir, pour le candidat des « Républicains », une véritable menace. On peut penser que la crainte de Fillon c'est que la candidature de Nicolas Dupont-Aignan rassemble autour d'elle une partie des électeurs écœurés par les scandales qui entourent le prétendant des « Républicains » tout comme ils sont révulsés par sa longue compromission avec le sarkozysme. Nicolas Dupont-Aignan, s'il réussit à attirer cette frange de l'électorat de l'ex-UMP qui pense que la probité personnelle et l'honneur d'un candidat sont choses qui comptent, peut espérer talonner, et qui sait dépasser, un Benoît Hamon en perdition. Nicolas Dupont-Aignan, lui aussi, incarne le futur face au passé.
Choisir l'avenir
Il faut ici rappeler l'essentiel. Cette élection oppose le passé et l'avenir. Très clairement, François Fillon, Emmanuel Macron et en un sens Benoît Hamon incarnent ce passé. François Fillon et Emmanuel Macron représentent deux stratégies qui ont déjà échoué, qui ont aggravé considérablement le chômage dans notre pays, qui ont produit sa désindustrialisation. Benoît Hamon, pour sa part n'offre rien qui permette de penser qu'il soit prêt à rompre avec les erreurs de ce dramatique quinquennat, que ce soit en économie ou dans le domaine de la sécurité. L'attentat de Stockholm vient nous rappeler que l'on ne peut rester dans le déni du danger représenté par l'islamisme radical. Ces trois candidats nous proposent, peu ou prou, de continuer de lier notre avenir avec une Union européenne, et une zone Euro, qui l'une et l'autre ont démontré toute leur nocivité. Leurs propositions pour faire évoluer l'UE et la zone Euro sont au mieux vagues et sans consistance, au pire elles sont inexistantes.
Il nous faut donc, résolument, tourner le dos au passé et choisir l'avenir.

Jacques SapirSputnikNews 10 avril 2017

(2) Guilluy C., La France périphérique: comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014

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