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Elie Domota |
Dans un entretien au HuffPost, le leader indépendantiste guadeloupéen exprime
sa solidarité avec les grévistes guyanais. Fer de lance de la mobilisation syndicale lors de la grève générale en
Guadeloupe en 2009, Elie Domota fait très largement le lien entre les deux
combats. Comme il le dit dans cet entretien, le syndicaliste (il est secrétaire
de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe, UGTG) affirme que « les
racines du mal sont les mêmes ». Partisan d’une libre détermination des
peuples, cette figure indépendantiste estime que les Guyanais ont entamé un
combat qui doit mener à terme vers « la décolonisation ».
En
quoi vous reconnaissez-vous dans le mouvement social qui touche la Guyane ?
Les
racines du mal sont les mêmes. Le retard de développement, l’illettrisme,
l’analphabétisation, le chômage de masse trouvent leur origine dans la même situation.
Cette situation, il faut la nommer : c’est la domination coloniale. On peut
nous dire que la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane sont des régions
françaises, des départements d’outre-mer, ce sont en réalité toujours des
colonies et la vocation de la colonie c’est de servir les intérêts de la
métropole. Guadeloupéens, Martiniquais, Réunionnais, Guyanais ou Kanaks, nous
n’avons jamais été considérés comme des citoyens français. L’histoire est là
pour le rappeler. Quand, en 1789, la France promulgue la Déclaration des droits
de l’homme, les Guadeloupéens sont esclaves. Quand, en 1848, la France abolit
l’esclavage en Guadeloupe, ce sont les propriétaires d’esclave que la
République indemnise.
En 2009, à l’issue d’une grève de près
de 50 jours, vous aviez tout de même signé un accord…
Toutes
les politiques publiques mises en œuvre depuis toujours en Guadeloupe n’ont
qu’un seul objectif : nous maintenir dans la domination et la soumission pour
nourrir et entretenir les intérêts de la métropole. Ce qui a été fait en 2009
avait pour seule ambition de calmer le jeu mais le cœur du problème n’a pas été
traité.
L’accord signé à l’époque était pourtant
très large ?
En
2009, il y a des questions fondamentales qui ont été posées sur le
développement économique et social sur l’insertion, sur le transport, sur la
santé, sur le développement agricole. Mais aucune de ces questions n’a jamais
connu de réponse concrète. Les accords n’ont jamais été respectés aussi bien
par le gouvernement Sarkozy que par le gouvernement Hollande. Les textes
adoptés pour lutter soi-disant contre sur la vie chère ont justement fait la
part belle aux multinationales et aux importateurs distributeurs, pas aux
Guadeloupéens.
Et vous redoutez la même chose en Guyane
?
C’est
certain, nous aurons les mêmes effets. Le gouvernement français va annoncer un
certain nombre de millions pour faire ceci ou cela mais le cœur du problème
repose sur la décolonisation. Pour que nos pays puissent sortir de ce marasme
et de ce pourrissement entretenus depuis des siècles, il faut que, un jour,
nous puissions décider ce qui est bon pour nous.
Vous appelez donc à voter à la
présidentielle pour un candidat comme Philippe Poutou qui est favorable à cette
auto-détermination ?
Ce
sont des élections qui concernent la France. Notre mouvement aura une position
sur ces élections françaises mais nous n’appellerons pas à voter pour qui que
ce soit.
Quel message souhaitez-vous adresser aux
grévistes ?
Nous
n’avons rien à leur conseiller. Les Guyanais sont suffisamment grands et forts
pour combattre et poursuivre leur lutte comme ils doivent la mener. Mais je
leur dis qu’ils ont raison de lutter. Ils ont raison de contester l’ordre
établi, de demander que leurs enfants aient la chance d’accéder à l’excellence,
à un travail. Ils ont raison de demander à être maître de leur pays, de
prendre, en tant que Guyanais, les manettes de leur pays.
Les
luttes éclairent les luttes qui éclairent les luttes. Quelle que soit l’issue
de ce combat-là, les Guyanais ont entamé un combat qui doit mener, selon nous,
un jour, vers la décolonisation qui est la seule alternative possible.
Irez-vous en Guyane les soutenir ?
Nous
avons été invités mais les Guyanais sont suffisamment responsables et forts
pour mener à bien leur mouvement. Nous les soutenons, nous sommes solidaires
mais je reste en Guadeloupe.
Source : http://www.huffingtonpost.fr 27 mars
2017
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