L’annonce
du président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), d’élargir près de 3.100
prisonniers, avait laissé espérer certains pro-Gbagbo. Du moins, par
opportunisme politique, la grande famille du Front populaire ivoirien (FPI), du
fond de ses contradictions, avait trouvé là l’occasion de plaider la cause de
quelques-uns de ses membres qui croupissent dans les geôles ivoiriennes.
Seulement, le rêve a été de courte durée. Puisque le pouvoir ivoirien a mis fin
aux supputations et suppositions en précisant la catégorie de prisonniers
qui peuvent bénéficier de la mansuétude du chef de l’Etat. Il s’agit
essentiellement de prisonniers de droit commun. Exclues donc les personnes
emprisonnées dans le cadre de la crise postélectorale de 2011, à l’image de
Simone Gbagbo. Dans tous les cas, rappellent les autorités ivoiriennes, « on ne parle de grâce que quand il y a
condamnation. Par principe, la plupart des dossiers issus de la crise
postélectorale n’ont pas fait l’objet de jugement et il ne peut s’agir de ces
personnes-là ». Ainsi donc, les critères du choix présidentiel
ont clairement été définis. Si une centaine d’entre eux, comme on l’indique,
vont bénéficier d’une liberté provisoire en attendant leur jugement, la plupart
des 234 Ivoiriens emprisonnés dans le cadre de la crise postélectorale ne
devraient se faire aucune illusion. Alassane Ouattara ne leur fera pas grâce et
personne ni rien ne l’y contraindra. Pas même cette période où les princes font
généralement montre « d’humanité ».
Effectivement, si la grâce, par principe, est une prérogative typiquement
présidentielle, alors, personne ne devrait en vouloir au président ivoirien
d’avoir ignoré les prisonniers du « gbagboland ».
Certes, l’engagement d’Alassane Ouattara de gracier les quelques 3.100
prisonniers, qui s’inscrit dans une dynamique de « réconciliation
nationale », est un acte de grande portée. Mais, faut-il le rappeler, Alassane
Ouattara n’est ni le Père Noël, ni un ange de l’Annonciation. Certes, au nom de
la réconciliation nationale, il faut savoir faire des gestes, mais pas à
n’importe quel prix.
Le vrai engagement en faveur de
la réconciliation commence
par l’aboutissement des dossiers politiques pendants en Justice
par l’aboutissement des dossiers politiques pendants en Justice
Autrement
dit, l’élargissement et la remise des peines répondent à des conditions que
seul peut soupeser le chef de l’Etat ivoirien. Limiter le bénéfice de la grâce
à des condamnés de droit commun s’apparente à un non-évènement. Ce faisant, une
question fondamentale se pose. Pourquoi le président Alassane Dramane Ouattara,
pour une mesure aussi banale, a-t-il eu besoin de mettre tant d’emphase dans
son annonce ? En tout cas, au regard de ce qui précède, cette
grâce présidentielle ressemble à une stratégie d’évitement d’un problème réel
en matière de Justice et de réconciliation au pays d’Houphouët-Boigny. Depuis
la crise de 2011, la Justice ivoirienne peine à évacuer les dossiers
judiciaires et rien n’indique que demain sera la veille. Or, le vrai
engagement en faveur de la réconciliation commence par-là, c’est-à-dire
l’aboutissement des dossiers politiques pendants devant la Justice.
Michel NANA
Titre original : « Grâce
présidentielle en Côte d’Ivoire : Trop de bruit pour une mesure ordinaire »
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des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : Le pays (Burkina Faso) 06 Janvier 2016
[*] - Much Ado About Nothing (en français : Beaucoup de bruit pour rien), titre d’une comédie de William
Shakespeare publiée en 1600.
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