lundi 25 janvier 2016

Burkina Faso. Attaques terroristes, ingérences françaises et montée de l’exaspération dans l’opinion (Dossier)

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Des contradictions dangereuses et regrettables dans la communication


Que se passe-t-il entre dirigeants burkinabè et français en matière de communication ? Ils ne semblent pas communiquer sur la même longueur d’onde.
En effet, pendant que les autorités burkinabè disent que ce sont trois terroristes qui ont perpétré les attaques sur Kwame Nkrumah, celles françaises parlent de six djihadistes dont trois seraient toujours en cavale. Alors que les Burkinabè annonçaient qu’il y avait des femmes parmi les assaillants, l’ambassadeur de France, Gilles Thibault, démentait cette information sur Twitter. Et, comme si tout cela ne suffisait pas, après que le gouvernement burkinabè a informé l’opinion nationale de l’arrivée du Premier ministre français, Manuel Valls, au pays des Hommes intègres, samedi prochain 23 janvier 2015, Gilles Thibault a annoncé de son côté que cette visite se fera à une date ultérieure. Comme on peut le constater, bien plus que la différence des canaux de communication utilisés, c’est la contradiction des informations données par les deux parties qui retient l’attention.
On peut penser que les Français veulent prouver l’importance
de leur présence sur le territoire burkinabè
Il souffle comme un parfum de concurrence entre autorités françaises et burkinabè. Dans le meilleur des cas, il s’agirait d’un problème de coordination. En principe, on peut comprendre qu’il y ait, de prime abord, une différence entre les informations collectées par les Burkinabè et les Français en termes de consistance et de fiabilité. Il est notoire qu’en l’état actuel du développement des deux pays, les autorités françaises ont plus de moyens que le gouvernement burkinabè pour collecter des informations de première main. Rien que l’assistance portée aux forces burkinabè lors des attaques terroristes par les forces militaires et sécuritaires françaises convainc, si besoin en était encore, de leur capacité d’intervention, à l’instar des forces américaines, à des milliers de kilomètres de leur territoire. Cela, les grandes puissances ont travaillé à s’en donner les moyens et cela fait partie des raisons de leur hégémonie dans le monde. Pour être opérationnels, les Français se sont donc donné les hommes et la logistique nécessaires, conscients qu’il leur faut l’information la plus fiable possible et en temps réel. Et compte tenu de leur devoir de rendre compte de façon transparente à leur opinion nationale, on peut comprendre que les autorités françaises aient eu à cœur de donner l’information qui leur semblait la bonne.
Mais il y a que cette façon de faire peut également procéder de questions stratégiques et d’intentions plus difficiles à avouer. Il n’est un secret pour personne que certaines organisations de la société civile burkinabè et non des moindres, réclament le départ pur et simple des forces étrangères du Burkina. Dans leur ligne de mire, les forces américaines et françaises déployées dans le pays, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. On peut, de ce fait, penser que les Français qui se sentent légitimement en sursis, veulent prouver, à tout point de vue, l’importance de leur présence sur le territoire burkinabè. En démontrant que les autorités burkinabè n’ont pas, par leurs propres capacités, les bonnes informations, les dirigeants français entendent certainement prouver le caractère indispensable de leurs forces dans le pays. Ils lèvent, quelque peu diplomatiquement, un coin de voile sur le danger que pourrait représenter un éventuel départ des forces françaises, pour la sécurité du Burkina et de son peuple.
La cacophonie ne peut être ni comprise
ni acceptée par les populations
C’est dire que les autorités françaises ont des raisons, objectives ou non, de publier des informations contradictoires avec celles données par le gouvernement burkinabè. Il appartenait dès lors aux autorités burkinabè d’aller à la bonne source, de mettre en place un dispositif de coopération qui leur permette d’avoir les informations les plus fiables en temps réel. Ce dispositif devrait connaître la participation, autant que faire se peut, des Américains et des Français. Du reste, on se dit que si les forces de ces pays se sont coalisées avec les soldats d’élite burkinabè pour mener les opérations de libération des otages, de neutralisation des terroristes, et d’investigation, c’est avec l’accord et la bénédiction de leurs représentants officiels que sont les ambassadeurs. On ne peut pas imaginer le contraire. On peut donc estimer que cette collaboration peut aussi s’étendre au volet communication. En tout cas, cela ne devrait pas être la mer à boire.
Ceci dit, et sauf si leur attitude est dictée par des raisons inavouables, les autorités françaises aussi pouvaient faire un effort pour améliorer la coordination avec les autorités burkinabè. En tout état de cause, la nécessité pour elles de livrer la bonne information, du moins l’information la plus fiable, n’est pas incompatible avec un effort de coordination de la communication avec le gouvernement burkinabè. En effet, pour ne prendre que le cas des informations relatives au sexe des assaillants et à la visite du Premier ministre français au Burkina Faso, rien n’interdisait à l’ambassadeur de France d’alerter les dirigeants burkinabè qu’ils n’ont pas les bonnes informations. Dès lors, il aurait appartenu au gouvernement, de prendre les dispositions nécessaires pour rectifier le tir. Si tout cela relève de simples maladresses, il faudra que les protagonistes comprennent que celles-ci n’honorent aucun d’eux. Si cela procède, bien au contraire, de choix délibérés, il y a matière à s’inquiéter. On ne le dira jamais assez : l’union sacrée des hommes de bonne volonté est indispensable pour vaincre les terroristes. Et cette vérité, personne ne devrait l’apprendre aux autorités burkinabè et françaises. Il convient, de ce fait, que ces autorités resserrent au plus vite les rangs. Elles pourraient procéder, au besoin, à la mise en place d’une cellule commune de crise qui intégrerait en bonne et due place la dimension communication au profit du grand public.
La cacophonie, à ce niveau de responsabilité et en des instants si graves pour le pays, ne peut être ni comprise ni acceptée par les populations. Par exemple, les informations contradictoires relatives au sexe et au nombre des terroristes qui ont frappé le Cappuccino et le Splendid Hôtel à Ouagadougou, sont de nature à inquiéter les populations. Ne sachant plus à quel communicateur officiel se vouer, elles peuvent être gagnées par l’anxiété. Du reste, si ce jeu du « tu publies tes informations, je les rectifie publiquement » devait perdurer, il faut craindre une réaction d’hostilité des populations, surtout vis-à-vis du gouvernement burkinabè. Une situation qui, si elle devait advenir, ferait le jeu des terroristes qui ne se feraient pas prier pour surfer sur de telles dissensions. Il est donc grand temps pour les autorités burkinabè et françaises, de se ressaisir et de travailler davantage de concert. Elles seraient bien inspirées d’éviter désormais les contradictions dangereuses qui n’honorent ni les unes ni les autres.

Le Pays (BF) 24 janvier 2016
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L’ex-ambassadeur Beth a manqué une occasion de se taire


Réagissant aux attaques jihadistes qui ont frappé la capitale burkinabè le week-end dernier, l’ex-
Emmanuel Beth
ambassadeur de France au Burkina, le général Emmanuel Beth s’est exprimé hier mardi 20 janvier sur les antennes de RFI pour donner sa lecture de la situation. En substance, le diplomate français semble regretter la façon « précipitée » dont le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a été dissous au Burkina Faso, alors que ce corps d’élite aurait peut-être permis au Burkina d’éviter ce qui est arrivé. Sans vouloir verser dans la polémique ni faire un procès d’intention au diplomate français, cette sortie paraît pour le moins inopportune, à moins qu’elle ne soit fortement intéressée. En effet, on peut être quand même surpris qu’au moment où les cœurs sont meurtris et les cadavres des victimes encore fumants suite à cette funeste attaque, de tels propos tendant à remuer le couteau dans la plaie non encore cicatrisée de la dissolution du RSP, soient prononcés, en occultant totalement les raisons et les conditions qui ont prévalu à cette dissolution. De fait, Beth regrette tout simplement que les Burkinabè aient pris une telle décision. Or, pour avoir longtemps servi au Burkina, le général Beth est bien averti de l’histoire de ce corps et de son contentieux avec le peuple burkinabè, à travers les enlèvements, les tortures, les assassinats de citoyens dont celui du journaliste Norbert Zongo, qui ont contribué à l’éloigner du peuple et à rendre problématique la question de son existence au moment où se renforçait, en ce même peuple, le sentiment que ce corps d’élite n’était qu’un instrument au service d’un seul individu et de son clan. C’est dire que bien avant les djihadistes, c’est le RSP qui terrorisait les Burkinabè. Illustration en a encore été donnée avec le coup d’Etat de septembre dernier dont le bilan macabre n’a rien de différent de celui des attaques djihadistes du week-end dernier. Or, le RSP aurait pu travailler à avoir l’estime et la confiance du peuple souverain du Burkina Faso qui n’aurait alors jamais demandé sa dissolution parce que conscient de sa force de frappe et de la valeur de ses éléments. Au demeurant, après la chute de Blaise Compaoré, les autorités de la Transition avaient demandé au chef historique du RSP, le général Gilbert Diendéré, de faire des propositions quant à l’avenir et la réorganisation de ce corps au profit de la protection du peuple burkinabè tout entier. L’occasion était belle pour cette unité d’élite de se racheter, et de prouver au peuple burkinabè qu’il était un corps républicain, résolument au service de la Nation et non d’un clan comme cela est incrusté dans le subconscient des masses populaires. Mais Gilbert Diendéré ne saisira pas cette opportunité.
En se retournant contre la République,
le RSP s’est disqualifié lui-même
Au contraire, il retournera ses armes contre les institutions du pays, en perpétrant un coup d’Etat qui restera dans les mémoires comme le geste de trop qui aura été fatal au RSP. Finalement, ce dernier n’aura jamais pu se départir de la mauvaise image qui lui collait à la peau, jusqu’à son démantèlement. En se retournant contre la République, le RSP s’est disqualifié lui-même aux yeux du peuple burkinabè en quête de démocratie et de liberté. Il a lui-même signé son arrêt de mort et s’est auto-dissous. Or, Dieu seul sait si des éléments patriotes, il y en avait au sein de ce corps, prêts à se sacrifier pour la nation. Comparaison n’est pas raison, mais si le GIGN ou le RAID, qui sont des corps d’élite en France,  s’avisaient d’adopter les agissements du RSP décriés par les Burkinabè, qu’aurait été la réaction du peuple français ? En tout cas, le retrait par Paris de la légion d’honneur à son chef, Gilbert Diendéré, après l’échec de son coup foireux, est assez éloquent sur la question. Au demeurant, malgré tout ce qu’on en dit, l’on ne peut pas soutenir que le RSP était aussi opérationnel que les super gendarmes et les superflics français en termes d’équipements, d’entraînement des troupes, de logistique, etc. Cela n’a pas empêché les terroristes de frapper durement la capitale française par deux fois en l’espace de onze mois. Qu’en dit le général Beth ? 
A défaut donc de partager la peine des Burkinabè, le général Beth a manqué l’occasion de se taire. Car, vu les conditions dans lesquelles la dissolution du RSP est intervenue, ce n’était ni le lieu ni le moment d’avoir une telle sortie médiatique. A moins qu’il soit nostalgique de la période Compaoré, ce qui est, du reste, bien compréhensible, vu les atomes crochus qu’il avait avec les hommes forts du pays à l’époque. Ce qui a même fait dire à une certaine opinion qu’il ne désapprouvait pas la forfaiture du général Diendéré avec qui il partageait de bons moments de sauts en parachute quand il était en poste au Burkina. C’est pourquoi le moment semble mal choisi pour poser le problème de la dissolution du RSP en des termes qui peuvent heurter la conscience des Burkinabè. En tout état de cause, le Burkina Faso l’a fait en  toute souveraineté, en toute connaissance de cause et en assume les conséquences. Il faut maintenant penser à l’avenir. Du reste, du temps où il existait, le RSP n’a pas pu éviter l’enlèvement du Roumain à Tambao, rapt qui était, sauf erreur de notre part, l’un des premiers actes terroristes posés contre le Burkina Faso, certes post-Compaoré, mais en présence du général Diendéré qui avait encore la haute main sur les renseignements burkinabè.
A moins que…

Outélé KEITA - Le Pays (BF) 21 janvier 2016
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Le Balai Citoyen : «Nous ne regrettons pas le RSP»

Dans cette déclaration, le mouvement le Balai Citoyen s'insurge contre les propos des personnalités qui vantent les mérites de l'ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), ou qui suggèrent de faire appel au général Diendéré pour combattre le terrorisme.

E. Beth & B. Compaoré ...en toute sécurité. Mais ça, c'était avant.
« Le mouvement le Balai Citoyen constate depuis les attaques terroristes du 15 janvier qui ont endeuillé de nombreuses familles et la Nation entière que des nostalgiques du régime déchu tentent de lier la survenue de ce carnage au démantèlement du tristement célèbre Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP).
On a pu entendre Juliette Bonkoungou, vice-présidente du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) et troisième vice-présidente de l'Assemblée nationale, lors de l'émission « Dimanche politique » du 17 janvier de la radio OMEGA, contre tout bon sens, suggérer de faire appel au général Diendéré, lequel est incarcéré à la Maison d'Arrêt et de Correction de l'Armée (MACA) pour des faits graves de « crime contre l'humanité ».
Comme dans une symphonie bien orchestrée, c'est au tour du général Emmanuel Beth, ancien ambassadeur de France au Burkina Faso, ami intime de Blaise Compaoré et de Gilbert Diendéré, sur les antennes de radio France internationale (RFI) ce 20 janvier, de vanter les capacités du RSP qui aurait pu empêcher les terroristes de commettre leur sinistre forfait.
Comme eux, des militants indécrottables de l'ancien parti au pouvoir, sur les réseaux sociaux, rivalisent d'ardeur dans le dénigrement de nos vaillantes forces de défense et de sécurité tout en portant au pinacle une unité criminelle qui a tant endeuillé notre peuple.
Selon leur logique, le peuple burkinabè porte la responsabilité des attaques terroristes du 15 janvier dernier pour avoir osé dissoudre « leur » RSP. Et pour ne pas avoir à subir la même sanction, il se doit de le reconstituer. Mais faute d'atteindre leur objectif, ils tentent une entreprise de réhabilitation du RSP et partant de l'ensemble du régime déchu qui était selon eux un bouclier contre les attentats terroristes.
Bien sûr, ces nostalgiques d'un temps révolu oublient de mentionner les liaisons incestueuses et mafieuses entre leurs amis et mentors et les groupes extrémistes violents. Peuvent-ils nous dire qui a donné gîtes et couverts chez nous aux chefs rebelles et autres terroristes qui fomentent des attaques contre des pays frères et amis ? Qui assurait le convoyage des cargaisons d'armes à destination des pays voisins, armes qui endeuillaient de nombreuses familles ?
Qui protégeait les trafiquants de drogues et autres stupéfiants contre les contrôles de nos vaillantes forces de défense et de sécurité dans notre capitale et lors de leur passage au niveau de nos frontières ?
Les Burkinabè ne sont pas dupes. Ils savent que les attaques de Ouagadougou et celles qui ont eu lieu dans d'autres localités du pays sont le fait de groupes qui ont longtemps fricoté avec le régime déchu. S'il y a des responsabilités à situer et à partager, c'est bel et bien à leur niveau. Nous pensons qu'il faut rechercher les vrais commanditaires de ces attaques parmi ceux qui ont intérêt à faire regretter au peuple son insurrection et ses acquis. Le Burkina Faso ne fait que subir le contre coup de leur politique aventureuse et gloutonne.
En tout état de cause, le bon sens suffit pour savoir que le RSP n'aurait aucunement pu nous éviter une attaque terroriste. Une unité qu'on a longtemps surestimée d'un effectif de 1300 hommes environ ne peut pas, en dépit de ses capacités surestimées, assurer la sécurité d'un territoire de 274.200 Km². Encore que tout le RSP n'était pas entrainé à la lutte contre le terrorisme. Combien d'éléments parmi les 1300 hommes du RSP avaient reçu cette fameuse formation anti-terroriste ?
L'ambassadeur Beth, puisqu'il est militaire, devrait savoir pertinemment que ce n'est pas avec une unité qu'on fait face aux terroristes. Tous les pays qui ont été attaqués récemment (Mali, France, pour ne citer que ces deux) ont-ils eux aussi dissout leurs unités d'élite ?
La seule chose qui a toujours « protégé » le Burkina Faso contre ces barbares sous le régime de Blaise Compaoré, c'est ce pacte de non-agression avec les terroristes qui permettait à Blaise Compaoré et à sa clique de jouer aux libérateurs d'otages avec en prime des millions d'euros. Un cycle infernal qui endeuillait et rançonnait impunément des familles ici et ailleurs.
Le RSP jusqu'à la date de sa dissolution n'avait jamais fait la preuve de son utilité au service du Peuple. Au contraire, et ce qui est fort regrettable, le RSP a bâti sa triste renommée en commettant des crimes contre les citoyens de ce pays.
On ne peut pas bâtir une bonne et longue stratégie de défense d'un pays en établissant des liaisons d'intérêt purement égoïstes avec des terroristes. Si c'est cela qu'on demande au peuple de renouer, nous disons NON.
Nous ne regretterons jamais le tristement célèbre RSP. Notre pays ne doit plus jamais ressusciter une telle unité militaire sous quelque forme que ce soit. Face au terrorisme, le peuple a d'autres solutions : Unité, Vigilance, Confiance et Moyens conséquents aux forces de défense et de sécurité républicaines.
N'en déplaise aux nostalgiques patentés, le Peuple burkinabè a décidé : PLUS JAMAIS DE RSP. »

Notre nombre est notre force !
Ensemble, on n'est jamais seul !

Fait à Ouagadougou, le 20 janvier 2016

Par La Coordination Nationale

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