Me Bénéwendé Stanislas SANKARA |
« Nous étions
dans une logique de riposte populaire »
Comment avez-vous vécu cette folle
semaine du coup d’Etat et comment avez-vous réagi ?
Moi, je l’ai
vécue comme dans un état de guerre et on s’attendait au pire. C’est des
conditions extrêmement difficiles que nous avons vécues.
Etiez-vous à Ouagadougou quand les événements ont commencé ?
Oui. J’ai eu
les premières informations en étant dans mon cabinet d’avocat qui est en même
temps mon domicile. Au niveau de mon parti, la Direction nationale a été
transformée en Direction nationale de résistance active. Et cela a fait l’objet
d’une directive que nous avons envoyée à toutes nos structures dans l’ensemble
des 45 provinces. C’était pour leur demander, partout où elles sont, d’agir en
unité avec les partis membres du CCPPO (cadre de concertation des partis
politiques de l’opposition), de la Société civile, de l’Union d’action
syndicale, de toutes les forces vives, coutumières et religieuses pour mener la
résistance. Nous avons mis sur pied un comité de crise.
Vous dites qu’au début de la crise vous
étiez à Ouagadougou. Avez-vous quitté la capitale par la suite ?
Non, jamais.
Aviez-vous des consignes particulières
de sécurité ?
Oui. Nous
étions dans une logique de riposte populaire. C’est pour ça d’ailleurs qu’on a
décrété la résistance active et on a transformé notre Direction nationale de
campagne en Direction nationale de résistance active. Nous avons pris en main
notre propre sécurité et c’était nos militants qui assuraient la sécurité du
responsable que je suis, mais aussi de toute la Direction. Je peux par exemple
citer la Fédération des élèves et étudiants sankaristes (FDEES), la Coordination
de la jeunesse, la cellule sécurité du parti. Toutes ces structures ont été
mises à profit pour organiser et assurer notre sécurité.
Face au foudre de guerre du RSP,
pensez-vous qu’ils avaient réellement les moyens d’assurer cette sécurité ?
Oui, bien sûr
parce que la sécurité a beaucoup d’aspects. C’est vrai que nous n’avons pas
d’armes pour riposter. Mais la meilleure sécurité, c’est d’être renseigné sur
la position de l’ennemi pour ne pas être sur son chemin. Vous aurez remarqué
que je n’ai pas utilisé mon véhicule vert qui est très visible et s’apparente à
celui des militaires. Mais je me déplaçais à Ouagadougou. J’ai souvent dit à
propos du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), régiment terroriste, que
l’erreur fatale, c’est de ne pas savoir qu’à la faveur de la Révolution
démocratique et populaire, de 1983 à 1987, la plupart des jeunes de l’époque
ont été militairement formés. Ils n’ont pas tenu compte du fait que les
Burkinabè connaissent la chose militaire.
Est-ce que vous avez personnellement
fait l’objet d’une chasse à l’homme ?
Vous savez,
en pareille circonstance, d’abord, il faut être moralement et psychologiquement
fort car en période de guerre, vous recevez à la seconde près plusieurs
informations contradictoires. Et il y en a qui ne résistent pas à ça. Moi, je
recevais des paquets d’informations. Moralement, on vous atteint quand on sait
que vous ne résistez pas à ces informations alarmistes, contradictoires. Par
contre, devant chez moi, la nuit, ça a beaucoup tiré. Mais nous étions là où
nous étions de façon sereine. Ensuite, quand je sortais, il m’est arrivé de
tomber sur des barrages. Quand je descends la vitre, il se trouve que ce sont
des militants, ils applaudissent et m’ouvrent les barrières pour me permettre
de circuler. C’est dire que la ville était quadrillée par des résistants
actifs.
Est-ce que maître Sankara a été
contraint de déplacer sa famille ?
Non, je n’ai
pas déplacé ma famille parce que dans ma famille, il y a la Vierge Marie. Nous
nous sommes mis sous l’autorité de Celle-ci.
propos recueillis par Adama Sanou & Siébou Kansié
Source : L`Observateur
Paalga 29 septembre 2015
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