Un épisode de la Révolution française : la répression de la révolte des esclaves de Saint-Domingue. |
En fêtant le 14 juillet, les Français
se souviendront certainement que la Bastille Saint-Antoine, forteresse
construite à l’emplacement de l’actuelle place de la Bastille, fut prise
d’assaut le 14 juillet 1789 par le peuple parisien venu chercher de la poudre
après avoir récupéré des armes aux Invalides parce que la Bastille était le
symbole de l’arbitraire ; parce que les révolutionnaires français
(Mirabeau, Jean Sylvain Bailly, Camille Desmoulins, Robespierre, Saint-Just,
Sieyès et autres) ne voulaient plus que le roi y fasse incarcérer n’importe
quel opposant ; parce qu’ils étaient désireux d’en finir avec la
toute-puissance du roi ; parce qu’ils n’acceptaient plus que la taille de
leur béret soit mesurée en pouces du roi (1 pouce = 2,7 cm) ; parce qu’ils
étaient contre les privilèges, droits féodaux et inégalités fiscales ;
parce que la notion de liberté leur était chère. La légitime célébration de
cette liberté, chèrement conquise, ne devrait cependant pas faire oublier au
peuple français le mot d’un autre grand combattant de la liberté : « Être libre, ce n’est pas seulement se
débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce
la liberté des autres »[1].
Je ne demande pas au peuple français de mener à notre place le combat pour la
liberté ni de verser son sang pour nous, car c’est aux Africains et uniquement
à eux que revient la tâche de chasser leurs dictateurs, de prendre d’assaut
leurs Bastilles, de se battre pour le remplacement du franc CFA par une ou des
monnaies africaines, de forcer leurs dirigeants à construire chez eux des
écoles, routes et hôpitaux dignes de ce nom, au lieu de courir en Occident pour
un « oui » ou un « non ». Cette tâche n’a jamais été facile
; son coût humain est énorme. C’est la raison pour laquelle Henry Montherlant
estime que la liberté existe toujours pour quiconque accepte d’en payer le
prix.
Je n’attends pas du peuple français
qu’il paie le prix de notre liberté. À ceux et celles qui votent et paient les
impôts en France, je ne demande que 4 choses :
1) Qu’ils s’informent mieux sur ce que font leurs dirigeants et
entreprises (Bouygues, Bolloré, Areva, Total, Orange, EDF, etc.) dans les
ex-colonies françaises.
2) Qu’ils prennent leurs informations par d’autres canaux que par
les médias français corrompus et inféodés au gouvernement et aux grands groupes
français. Par exemple, s’ils lisent « L’horreur
économique » de Viviane Forrester[2],
ils apprendront que de plus en plus d’Africains ne reculent devant aucun risque
pour immigrer en France, parce que celle-ci a tout pris chez eux. Certains
citoyens français militent aujourd’hui pour la fermeture des frontières de leur
pays car, expliquent-ils, celui-ci « ne peut accueillir toute la misère du
monde », ce qui est vrai et compréhensible ; mais, si les Africains
éprouvent l’envie d’aller vivre ailleurs, c’est parce qu’ils ne profitent pas
de leurs richesses et parce que leurs pays n’ont rien d’autre à leur proposer
que le chômage.
3) Qu’ils ne laissent plus leurs dirigeants, de droite comme de gauche,
s’ingérer dans nos affaires ; qu’ils n’acceptent plus le grossier mensonge
selon lequel leurs autorités interviennent en Afrique pour rétablir la
démocratie ou pour empêcher les Nègres de s’entretuer ; qu’ils ne se laissent
plus tromper par des individus dont la vraie mission en Afrique est de faire
main basse sur les richesses des Africains sans aucune contrepartie, de
soutenir des tyrans qui, en plus d’exceller dans le détournement et le
transfert des fonds publics dans les banques françaises, sont prêts à réprimer
les journaux, marches et meetings des opposants.
4) Après avoir eu la bonne information, qu’ils interpellent leurs
dirigeants en marchant, en signant des pétitions et/ou en saisissant leurs
parlementaires.
Pour moi, c’est le minimum qui puisse
être fait par des personnes fières de la prise de la Bastille par leurs
ancêtres, en 1789. Une prise dont on rappellera qu’elle eut lieu parce que les
révolutionnaires français ne supportaient plus l’omnipotence du roi et les
avantages dont ne bénéficiait qu’une infime partie du peuple. Les Français ne
peuvent célébrer le 14 juillet et continuer à rester indifférents au viol des
mineurs africains par l’armée française (comme en Centrafrique et au Burkina
Faso), aux crimes de cette armée sur le continent (les jeunes Ivoiriens
massacrés par Licorne en 2004 et en 2011 alors qu’ils étaient désarmés et ne
faisaient que défendre les institutions de leur pays), au fait que, entre 1960
et 2015, les dirigeants et les entreprises de leur pays n’ont fait qu’écraser,
piller et terroriser l’Afrique francophone qui aspire, comme les autres
continents, à la justice, à la liberté et à la paix. Il est temps qu’ils
comprennent que la liberté d’un peuple n’a de sens et n’est complète que si ce
peuple se comporte d’une manière qui ne nuise pas à la liberté des autres. Ils
doivent surtout savoir que si, après avoir pris connaissance des faits et
méfaits de la Françafrique, ils ne font rien pour le démantèlement de cette
mafia qui s’est révélée, année après année, plus dangereuse que le sida, les
Africains seront en droit de les accuser de complicité avec les ennemis de la
liberté.
Les hommes politiques français aiment
dire que la France est l’amie de l’Afrique. Ce que les hommes politiques et
entreprises ont fait jusqu’ici en Afrique (coups d’État, soutien à des
rébellions armées, pillage des ressources naturelles, immoraux accords de
coopération, etc.) ne me semble pas relever de l’amitié mais d’un vrai
banditisme, car personne ne traite son ami de la sorte. Un ami, on se garde de
le mépriser, de l’exploiter et de l’agresser. « La France est l’amie de
l’Afrique » ne sont que des mots creux, parce qu’ils jurent avec le
comportement de ceux qui les prononcent. En d’autres termes, la droite et la
gauche françaises doivent arrêter de se gargariser de mots et de slogans
destinés à endormir ceux qui les écoutent. Qu’elles commencent par respecter
les Africains, ce qui signifie prendre au sérieux leurs Constitutions et leurs institutions ;
ne pas décider ou parler à leur place à l’ONU et ailleurs ; laisser leur
justice juger tout Français qui enfreint la loi en Afrique ; reconnaître
les crimes commis par l’armée française en Afrique ; etc. Si les
contribuables et électeurs français réussissent à faire comprendre cela à leurs
élus, ils auront à la fois sauvé la relation entre la France et ses ex-colonies,
et prouvé qu’ils sont les dignes fils et filles de ceux qui eurent, le 14
juillet 1789, le mérite, l’immense mérite, de s’emparer de la Bastille.
Jean-Claude Djéréké[3]
Source : Connectionivoirienne.net 9 juillet 2015
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