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Deux
semaines après sa chute, des zones d'ombre commencent à se dissiper sur la protection
accordée jusqu'au bout au président burkinabé Blaise Compaoré par la diplomatie
française, une _ nouvelle fois à contre-pied de l'histoire. Malgré le rôle
trouble joué par Compaoré dans les guerres au Liberia, en Sierra Leone, en Côte
d'Ivoire et au Mali, la France, qui a contribué à sa prise de pouvoir en 1987,
l'a toujours considéré comme un allié diplomatique, demeurant aveugle à ses
crimes et dérives. Un allié devenu stratégique avec la montée en puissance du
dispositif militaire français dans le Sahel, le Burkina Faso étant un des
premiers États à avoir accepté d'accueillir en toute opacité des forces spéciales
françaises sur son territoire. Un pilier de la « famille recomposée » de la
Françafrique décrite par le dernier ouvrage de l'association Survie. Après
avoir longtemps qualifié les relations franco-bukinabées d'« excellentes
» (à l'instar de Laurent Fabius, en visite à
Ouagadougou le 27 juillet 2012), la France a pris très tard la mesure du
mouvement de fond à l'œuvre depuis des mois au sein de la société civile
burkinabée. Dans une lettre datée du 7 octobre 2014, le président Hollande se
contentait de proposer comme solution de sortie un poste dans une organisation
internationale à un Biaise Compaoré toujours considéré comme « fréquentable
».
Les compromissions de la diplomatie
française ont été manifestes dans les jours précédant et suivant la chute du
despote avec les postures embarrassées d'un ministre des Affaires étrangères
français se contentant dans un premier temps d'un pusillanime appel au calme et
à la protection des ressortissants et de personnalités politiques telles que le
député socialiste François Loncle, défendant le bilan du dictateur burkinabé
face aux médias. Auparavant, l'ambassadeur de France au Burkina s'était invité
dans plusieurs réunions auprès des différents protagonistes du soulèvement,
alimentant l'idée qu'il y défendait le plan de transition de Compaoré, quand la
foule et l'opposition exigeaient un départ immédiat. Ce qui est désormais
avéré, c'est le rôle actif de la France dans la fuite du président burkinabé.
Après avoir louvoyé, François Hollande a fini par avouer que ce dernier a été
emmené en Côte d'Ivoire par un hélicoptère puis un avion des forces françaises,
sous-entendant même la possibilité d'un engagement armé des militaires
français. En confiant Compaoré à un régime ivoirien « ami » peu enclin à
l'extrader, il lui a permis de se soustraire à d'éventuelles poursuites
judiciaires au Burkina Faso, notamment pour son rôle dans les assassinats de
Thomas Sankara, du journaliste Norbert Zongo ou la mort de manifestants lors
du
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soulèvement de ces derniers jours. Indispensable, la tenue d'un procès du
despote permettrait d'en savoir davantage sur les soutiens multiformes dont il
a bénéficié de la part de la France depuis sa prise de pouvoir dans le sang en
1987. Entièrement consacrée au repositionnement de son armée dans le Sahel
(opérations « Serval », « Barkhane ») la France néglige les aspirations
démocratiques des populations des États qui soutiennent cette entreprise
militaire. Le scénario surprise burkinabé inspire aujourd'hui les mouvements de
résistance au Tchad, au Cameroun, au Congo-Brazzaville, au Gabon ou au Togo, et
les autorités françaises, qui ne manquent pas d'informations sur la nature de
ces régimes et l'exaspération de ceux qui les subissent, prennent le risque
d'être à nouveau prises de cours. Près de quatre ans après la chute du Tunisien
Ben Ali, la France continue à s'enfermer dans le soutien à des régimes dictatoriaux
au nom de la « stabilité », sans remettre en question les piliers de sa domination néocoloniale sur le continent : franc CFA, bases militaires, relations privilégiées avec des régimes autoritaires, sur fond de promotion tous azimuts des intérêts économiques tricolores. Au Burkina comme ailleurs, seule la lutte libère de la Françafrique.
Fabrice Tarrit et Thomas Noirot
(De l'association Survie)
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Source : L'Humanité 18 novembre 2014
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