mercredi 19 novembre 2014

« Beau Blaise » est parti, mais le Burkina Faso n'est pas encore libéré.


Le nouveau président du Faso et son Premier ministre
"Voyons voir si au moins il sait marcher au pas !"
Les 30 et 31 octobre 2014, le Burkina Faso a connu une insurrection populaire contre la velléité de « monarchisation » du pouvoir. La jeunesse du Pays des hommes intègres s'est fortement inspirée de l'expérience révolutionnaire vécue avec le capitaine Thomas Sankara pour remettre en cause un système néocolonial bâti autour d'un tyran. Seule une lecture combinée des enjeux de la politique africaine de la France et de l'éveil des consciences des peuples africains permet d'envisager l'avenir de la Françafrique. Il convient de rappeler que les origines de la Françafrique remontent au régime du général de Gaulle confronté à une opinion pu­blique favorable à la décolonisation. La France souhaitait le maintien de l'empire colonial français pour trois raisons : économique, politique et une dernière inavouable : piller et détourner des ressources africaines pour financer les hommes et les partis politiques français. Depuis l'assassinat de Thomas Sankara, les régimes se sont succédé dans l'Hexagone, mais rien n'a changé dans sa politique afri­caine. Le dénominateur commun reste et demeure la protection des intérêts de la France. Tout comme ses prédécesseurs, François Hollande n'a pas manqué à la promesse de « rompre » avec la « Françafrique ». Existe-t-il une politique africaine « de gauche » ? La réalité est que la politique africaine de François Hollande ne diffère en rien de celle de Nicolas Sarkozy.
En tout état de cause, François Hollande semble avoir été rattrapé par le fantôme de la Françafrique. Le Tchadien Idriss Deby en s'engageant au Mali aux côtés des troupes françaises, le Camerounais Paul Biya en œuvrant à la libération de la famille française Moulin-Fournier qui avait été prise en otage, le Congolais Denis Sassou-Nguesso et le Burkinabé Blaise Compaoré en jouant les médiateurs respectivement en Côte d'Ivoire, en Centrafrique et au Mali, tous en ont tiré une nouvelle légitimité internationale qui les a renforcés et fait de Biaise Compaoré la pièce maîtresse du système.
La France est intervenue pour protéger son valet local. II aura fallu compter sur le courage et l'abnégation du peuple pour chasser le président du pouvoir. C'est au nom de ses intérêts que la France a exfiltré Biaise Compaoré vers la Côte d'Ivoire plutôt que de le laisser répondre de ses nombreux crimes économiques et de sang. On s'imagine bien que la France ne peut pas soutenir un procès contre Biaise Compaoré dans le cadre de l'assassinat du capitaine Thomas Sankara vu le rôle qu'elle y a joué, ou pour son implication dans la crise ivoirienne, ses trafics d'armes et de diamant au Liberia et en Sierra Leone... Ce n'est d'ailleurs pas un fait du hasard que le numéro deux de la garde présidentielle soit celui qui s'est accaparé le pouvoir, quand on sait que toutes les interventions militaires menées en Côte d'Ivoire et dans la sous-région ont été conduites par le régi­ment de la sécurité présidentielle et donc sous la supervision du lieutenant-colonel Zida. Bref ! Blaise est parti, mais l'Afrique n'est pas encore libérée, le Burkina non plus. D'autres valets locaux de l'impéria­lisme seront mis en branle. Au plan interne, des néolibéraux acquis à la solde de l'impérialisme seront soutenus. Mais il faut tout de même se nourrir d'espoir : que l'insurrection populaire du Burkina Faso soit le début du « printemps noir », afin de débarrasser les États africains des valets locaux de l'impérialisme. C'est à ce prix seulement que les États africains se dé­barrasseront de la Françafrique. Aucun président français ne mettra fin à ce système mafieux qui sert les intérêts de son pays, c'est aux peuples africains de s'affranchir eux-mêmes en comptant sur leurs propres forces.
 
Ambroise Farama, avocat, SN de l'Union pour la Renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) chargé de la Communication.
Source : L'Humanité 18 novembre 2014

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