Vingt-cinq ans après la chute du mur de Berlin, loin de
l’opulence des pays riches, la diplomatie occidentale continue de frayer avec
les dictateurs qu’elle paye grassement pour engager des guerres par
procuration. En clair, pour lutter contre ses propres ennemis. Le dernier
exemple en date est celui de l’ex-Président du Burkina Faso Blaise Compaoré, déposé
à la faveur d’un soulèvement populaire.
Le curriculum vitae de l’ex-dictateur retrace l’une des
périodes les plus sombres de l’Afrique contemporaine. Le Burkina Faso
s’appelait la Haute-Volta et était encore une colonie française lorsque naquit
dans une petite ville au nord de Ouagadougou Blaise Compaoré, en 1951. Fils
d’un ancien tirailleur, il s’engage dans l’armée de son pays après être passé
par des écoles militaires, au Cameroun, au Maroc puis à l’École d’infanterie
située à l’époque à Montpellier. Le beau Blaise comme on l’appelait à cette
époque en raison de son physique avantageux est affecté en 1981 à la tête du
centre national d’entraînement commando où il succède à un certain Thomas
Sankara. Celui-ci est son aîné de deux ans. Les deux hommes s’étaient liés
d’amitié lors d’un stage d’instructeur parachutiste à Rabat, en 1978. Au sein
de l’armée voltaïque, le duo fonde avec d’autres camarades de promotion le
Regroupement des officiers communistes.
La Haute-Volta est alors en proie à des coups d’État
militaires à répétition depuis son accession à l’indépendance, le 5 août 1960.
Cette instabilité chronique profite aux courants progressistes, dont
l’idéologie influence la génération montante des officiers subalternes à
laquelle appartiennent Thomas Sankara et Blaise Compaoré, principaux acteurs de
la Révolution de 1983.
Le premier nommé parvient finalement au pouvoir le 4 août
1983 et préside par la même occasion le Conseil national de la Révolution.
Thomas Sankara fait rapidement changer le nom de la Haute-Volta, nom issu de la
colonisation, en un nom issu de la tradition africain, le Burkina Faso, ce qui
signifie le pays des hommes intègres. Il définit son programme comme
anti-impérialiste, notamment dans son discours d’orientation politique. Ce dernier, comme son
nom l’indique, est la référence théorique de la révolution. Blaise Compaoré est
ministre dans ce gouvernement qui entend privilégier les éléments les plus
fragiles de la société.
Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est assassiné dans un
énième coup d’État. Accusé d’être le cerveau derrière la disparition tragique
de son ami et prédécesseur, Blaise Compaoré nie toute implication. Vingt-sept
ans après les faits, le mystère de cette disparition reste entier. Le
gouvernement français de l’époque, un gouvernement de cohabitation avec Jacques
Chirac Premier ministre et François Mitterrand président de la République,
ainsi que plusieurs gouvernements africains proches de la France, sont
soupçonnés d’avoir joué un rôle dans les événements qui ont précipité la fin de
Thomas Sankara et de treize de ses compagnons.
Le comité des droits de l’homme des Nations Unies a
condamné en 2006 le Burkina Faso pour « refus
d’enquêter sur les circonstances de la mort de l’ancien chef d’Etat ».
Blaise Compaoré n’en a pas moins continué son parcours en entretenant des
relations très étroites avec Paris, ce qui lui permet de promouvoir les
intérêts de l’ex-puissance coloniale en Afrique. Son clan a en parallèle
soutenu activement les milices de Charles Taylor au Liberia et en Sierra Leone,
participé à des trafics de diamants au profit du mouvement rebelle angolais de
l’UNITA pour
finalement jouer un rôle trouble vis-à-vis de certains groupes armés qui ont
occupé le nord du Mali à partir de début 2012.
Compaoré est aussi devenu un courtier politique au profit
des États-Unis. Ces derniers disposent
depuis 2007 d’une base dans la capitale
burkinabè. Cette
base constitue un réseau d’espionnage dans la région avec des avions espions
survolant la Mauritanie, le Mali et le Sahara. Par ailleurs, l’Oncle Sam a
offert en début d’année des équipements militaires d’une valeur totale de 1,8
million de dollars comme « matériel
de soutien pour les forces de maintien de la paix burkinabè » (sic). Ce
n’est pas pour rien que le quotidien Le Monde titrait le 26 avril 2010 son
article consacré à la présidentielle gagnée par le président burkinabé avec
près de 81 % des voix : « Blaise
Compaoré, ex-putschiste devenu artisan de la stabilité en Afrique ».
Alors que le président déchu a été exfiltré par les forces spéciales françaises en Côte d’Ivoire, le nouvel homme fort du pays semble être le lieutenant-colonel Isaac Zida. Adoubé par l’armée, il a affirmé lundi 3 novembre vouloir ouvrir la porte à un régime de transition dirigé par un civil. Paris et Washington ne semblent pas inquiets de la tournure des événements. Le nom du futur dirigeant importe finalement peu, du moment que l’armée, équipée et entraînée par l’Occident, soit en mesure de mettre fin à toute situation instable.
Source :
Résistance.fr 9 novembre 2014
Alors que le président déchu a été exfiltré par les forces spéciales françaises en Côte d’Ivoire, le nouvel homme fort du pays semble être le lieutenant-colonel Isaac Zida. Adoubé par l’armée, il a affirmé lundi 3 novembre vouloir ouvrir la porte à un régime de transition dirigé par un civil. Paris et Washington ne semblent pas inquiets de la tournure des événements. Le nom du futur dirigeant importe finalement peu, du moment que l’armée, équipée et entraînée par l’Occident, soit en mesure de mettre fin à toute situation instable.
Nous assistons en quelque sorte à une valse des
dictateurs, comme si finalement personne n’était descendu dans la rue pour les
destituer. Rien ne serait pire pour les puissances occidentales qu’un régime
islamique, nous dit-on. Ces basses manœuvres seraient donc organisées pour
conjurer la fièvre islamiste. Soit. Mais est-il possible que personne ne se
rende compte que cette politique, basée sur l’ingérence et le mépris des
peuples, ne fait qu’alimenter la popularité des groupes djihadistes, perçus
comme la seule alternative anti-impérialiste et révolutionnaire dans ces
régions ?
Bruno Delahaye, ex-responsable de la cellule africaine de
l’Élysée, affirmait dans un entretien publié par le Figaro le 12 janvier 1998
qu’il avait dû recevoir dans son bureau quatre cents assassins et deux mille
trafiquants de drogue. « On ne peut pas ne pas se salir les mains avec
l’Afrique », ajouta-t-il. Tout n’est pourtant qu’une question de
volonté. Il semble néanmoins qu’on s’achemine vers un changement dans la
continuité. Dommage que les Africains soient les derniers à en profiter. Le
continent noir est sous pression. Les troubles qui ne manqueront pas d’éclater
à terme auront au moins le mérite de clore cette partie de l’histoire que
d’aucuns ont appelée à tort la décolonisation.
Capitaine Martin
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