« Qu’il y ait des manifestations,
qu’il y ait des avis contraires, ce n’est pas seulement au Burkina qu’on voit
ça, par rapport aux dispositions légales et fonctionnelles. Jamais à Paris ou
en Amérique une marche n’a changé une loi, n’a changé la Constitution. Ça
n’existe pas. » B. Compaoré
Au
risque de surprendre maints lecteurs, voire de les scandaliser même, je
commencerai par affirmer ceci : malgré le grand bouleversement que ce pays
a connu fin octobre-début novembre 2014, il ne s’est encore rien passé au
Burkina Faso dont nous autres patriotes et démocrates ivoiriens ayons vraiment
lieu de nous réjouir pour nous ou pour nos frères Burkinabè. Mais, attention !,
je ne dis pas qu’il ne s’est rien passé ces jours-ci au Burkina Faso, ni qu’il
n’y a point pour nous d’enseignements à en tirer ; bien au contraire !
Un parfum de victoire à la Pyrrhus
Sic transit... |
Comme
tout le monde, je sais que Blaise Compaoré, qui la veille encore était
tellement sûr de lui et de ses soutiens à l’étranger qu’il se croyait
indéboulonnable, comme dirait l’autre, s’est finalement enfui de son palais le
31 octobre ; qu’il a été exfiltré par ses employeurs français ; et qu’il
est présentement réfugié en Côte d’Ivoire auprès de ses homologues en
fantochisme, qu’il contribua beaucoup à installer là où ils sont.
Mais
est-ce bien là le plus important de cette histoire ?
Renverser
les gouvernants qui ont perdu leur confiance, les Burkinabè savent faire. La
première fois ce fut en 1966, quand ils chassèrent Maurice Yaméogo pour s’être
vendu à Houphouët. Le régime de
Blaise Compaoré n’a pas été épargné, même s’il a duré plus longtemps qu’aucun
autre avant lui : entre 1999 et 2011, il manqua six fois d’être renversé. Mais ce n’est
pas tout de renverser celui qui règne et qui a déplu ; encore faut-il le
faire de telle sorte que le suivant ne puisse pas remettre ça comme en se
jouant, ainsi que cela s’est vu ici tellement souvent que le destin du peuple burkinabè
ressemble à celui du fameux Sisyphe, que Zeus condamna à pousser éternellement jusqu’en
haut d’une montagne un maudit rocher qui sans cesse en retombait…
Quant
à la fuite du tyranneau de Ziniaré, pour ceux qui savent lire les événements,
ce n’est pas vraiment un scoop. En effet il y avait longtemps que tel Caïn
après son fratricide, Blaise Compaoré fuyait éperdument devant l’imminence de
son châtiment ; longtemps que, dans le vain espoir d’épuiser la vigilance
et la volonté du valeureux peuple burkinabè et, en même temps, de faire croire
à ses employeurs qu’ils pouvaient toujours compter sur lui, il s’était lancé
dans une ridicule fuite en avant émaillée d’happenings foireux, qui vient de se
terminer lamentablement à Yamoussoukro.
Or
que s’est-il passé immédiatement après cette fuite ? Un lieutenant-colonel
s’est proclamé chef de l’Etat au nez et à la barbe de la pléthore de politiciens
professionnels qui n’en reviennent toujours pas de s’être fait coiffer sur le
poteau par cet amateur. Et le comble, c’est que le lieutenant-colonel en
question, Yacouba Isaac Zida, est un affidé du fantoche déchu. Commandant en
second du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), la garde prétorienne de Blaise
Compaoré, il est
même fortement soupçonné d’être en service commandé, peut-être pour le compte de
son chef direct, le général Gilbert Diendéré, en tout cas pour le plus grand bénéfice
de la Françafrique dont ce dernier semble être le véritable bras armé dans la
région depuis le meurtre de Thomas Sankara, dont il fut à tout le moins un
témoin privilégié. Gilbert Diendéré, dont la position ni les pouvoirs n’auraient
nullement été entamés par les événements qui ont emporté celui dont il était le
« chef d’état-major personnel ».[1] Ce
qui donne à cette énième révolution burkinabè un parfum de victoire à la
Pyrrhus… Enfin, pour nous, patriotes et démocrates ivoiriens, il n’est pas sans
intérêt de savoir que le lieutenant-colonel Zida « a été officier de liaison durant la médiation de Blaise Compaoré
en Côte d’Ivoire au moment de la crise postélectorale ». Autant dire
que c’était lui qui commandait le corps expéditionnaire burkinabè qui, sous le
masque des soi-disant « forces nouvelles », agissait de concert avec
les forces spéciales françaises. Lesquelles, s’il faut en croire une autre
rumeur, viennent donc de le porter au pouvoir dans son pays après avoir
puissamment aidé son régiment à surmonter l’opposition décidée d’autres
fractions de l’armée burkinabè à l’exfiltration – c’est-à-dire à l’impunité –
de Blaise Compaoré.
Plus le temps passe, moins nous croyons à honnêteté
de nos leaders politiques
Ce n’est évidemment pas d’un Zida, et d’un
Diendéré encore moins, que les masses qui ont chassé Blaise Compaoré peuvent espérer
la prise en compte de leurs aspirations à la véritable indépendance nationale,
à la justice sociale, à la liberté, au progrès. C’est pourtant ce dont l’opposant
Zéphirin Diabré semblait persuadé lors de sa conférence de presse du 3
novembre : « Dans le vide créé par la démission de Blaise Compaoré, notre armée
nationale a pris ses responsabilités, en prenant en charge la destinée du pays,
et a désigné un de ses membres, le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida, pour
diriger une transition. L’Opposition politique burkinabè, républicaine par
essence, a toujours eu une considération importante pour notre armée, et pour
toutes les forces de défense et de sécurité. Membre à part entière de la
communauté nationale, garante de l’intégrité territoriale de notre pays et de
la sécurité des burkinabè, l’armée demeure une composante essentielle de la vie
de la nation, dont la contribution sera toujours demandée, pour assurer la
stabilité et le progrès de notre pays ».[2]
Mais,
dans leur ensemble, les Burkinabè n’en sont pas dupes. Contrairement aux
dirigeants de l’opposition officielle, ils ont en général condamné l’usurpation
des militaires et dit toute la méfiance que leur inspirent ceux qui semblent prêts
à pactiser avec eux, pour pouvoir continuer à tondre impunément la laine sur le
dos du bon peuple. Ainsi, réagissant
à l’article de Sayouba Traoré intitulé
« On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie », un internaute
signant Yelwingtiim écrit : « Plus
le temps passe, moins nous croyons à honnêteté de nos leaders politiques civils
et des militaires usurpateurs ».[3]
Voilà,
grosso modo, pour les faits. Examinons maintenant les enseignements qui en
découlent pour nous, patriotes et démocrates ivoiriens.
La
première chose qui saute aux yeux, c’est la facilité avec laquelle Isaac Zida
et ceux qui sont derrière lui – et qui, comme on sait, ne sont pas tous des
Burkinabè – ont pu faire leur coup, et si vite après un mouvement
insurrectionnel d’une telle puissance. Qu’est-ce que cela nous dit à propos de
ce mouvement ? Qu’en réalité il n’était puissant qu’en apparence ;
qu’il ne reposait pas sur des bases tellement solides ; qu’il n’était pas
vraiment organisé ni dirigé ; bref, que les partis d’opposition officiels
n’y étaient point aussi enracinés qu’ils le disent, mais qu’ils étaient
seulement plaqués dessus à la manière d’un saprophyte qui avec son support
vivent chacun leur vie. Sauf que, en l’occurrence, il ne s’agit pas de biologie…
Ce que montre cette facile victoire de ceux qu’on appelle abusivement « l’armée »
ou « les militaires » – il ne s’agit que d’une fraction de l’armée,
même si le RSP, beaucoup mieux équipé que tous les autres corps réunis, est une
véritable « armée dans l’armée » –, c’est l’état d’impréparation,
voire d’abandon, où ceux qui disaient ne chercher que leur bonheur ont laissé
les masses depuis des années. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant
que les Burkinabè se soient fait voler leur victoire par le premier galonné
venu.
A
l’occasion de ces événements, certains ont parlé de révolution. N’était-ce pas
bien rabaisser cette noble chose que de donner son nom à un simple coup de sang
d’un peuple excédé par l’incurie et le mépris de ses gouvernants, mais bien
incapable, mal informé et point organisé comme il est, de s’en défaire vraiment.
Car, dit le dirigeant de la révolution russe de 1917, « Il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent
conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des
changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne
puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque
"ceux d’en bas" ne veulent plus et que "ceux d’en haut" ne
peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que
la révolution peut triompher ».[4]
Or, si en l’occurrence la première partie du programme est bel et bien réalisé,
la deuxième partie, quant à elle, est très loin de l’être, et tout porte même à
croire que cette fois encore elle ne le sera pas. Le mouvement populaire a
certes vaincu mais, faute d’avoir été dûment informés des conditions politiques
réelles dans le pays et organisés en conséquence, les tombeurs de Blaise
Compaoré ne sont point en mesure de profiter de leur victoire. Le système
contre lequel ils se sont soulevés est demeuré intact après et malgré la fuite
de son chef visible. Et l’opposition officielle est déjà prête à accepter
n’importe quel arrangement mangécratique avec les complices de Compaoré, qu’il
s’agisse des chefs du RSP, de la France, des Etats-Unis ou du soi-disant Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
Parce que, à force, ils n’en pouvaient plus d’être « calmes et
sereins »
Sitôt
après avoir chassé le despote, le peuple insurgé a été comme mis entre
parenthèses non seulement par la CEDEAO et la soi-disant Union africaine, cette
courroie de transmission des volontés occidentales, mais aussi par ceux qui
depuis des mois l’incitaient à la révolte afin de s’en faire un bélier pour
forcer les portes du pouvoir suprême. D’après La Lettre Du Continent (n°693 –
05/11/2014), au plus fort des événements, Roch Kaboré, le président du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), aurait adressé à Zéphirin
Diabré, président, lui, de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) et
« chef de file de l’opposition politique » (CFOP), ce tweet dont
la tonalité défaitiste ne doit sans doute rien au hasard : « Que notre frère @zephirindiabre appelle ses militants au calme
et au respect des institutions ». Ce que le CFOP semble avoir trouvé
parfaitement normal de faire, puisque dans un communiqué daté du 2 novembre, « il [invitait le peuple burkinabè à
rester calme et serein ». De fait, à lire les propos des uns
et des autres durant ces heures exaltantes, ces appels au calme et à la
sérénité semblent avoir été les seules exhortations que « ceux d’en
haut », de quelque bord qu’ils fussent, jugeaient utile d’adresser au
peuple insurgé ! Comme on dit chez nous, le chien ne change jamais sa
façon de s’asseoir ! Plus soucieux de l’opinion qu’on a d’eux dans les
chancelleries occidentales, notamment la française et l’étatsunienne, que de la
cohérence de leurs actions avec les véritables aspirations de leur peuple –
qu’ils ne peuvent pas ignorer –, on dirait que les anciens complices de Blaise
Compaoré récemment convertis à la « démocratie », ne se sont toujours
pas rendu compte que c’est uniquement parce que leurs compatriotes les plus
humbles sont sortis en masse dans les rues de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso
au mépris des armes du despotisme, au mépris de ses institutions faux-semblant,
bref parce que, à force, ils n’en pouvaient plus d’être « calmes et sereins »,
qu’eux sont aujourd’hui en passe de réaliser le grand rêve de leur vie ! Enfin,
pourvu que depuis Paris et Washington on veuille bien le leur permettre…
Franchement,
ces civils, pour lesquels toutes sortes d’organisations-kpakpato et de pays aux
insatiables appétits de domination revendiquent à cor et à cris la direction du
futur organe exécutif de « la transition », qu’ont-ils de plus à
offrir aux Burkinabè que les militaires auxquels ils veulent absolument les
substituer sous prétexte qu’un civil au pouvoir – et surtout s’il n’a aucune
force à sa main sur laquelle il puisse s’appuyer pour conduire des politiques
vraiment nationales –, c’est plus …démocratique ? Les Roch Kaboré, les
Salif Diallo, les Simon Compaoré, les Ablassé Ouédraogo, les Zéphirin Diabré
même, comptaient sur le bon peuple pour réaliser leurs ambitions, mais ils avaient
juste « oublié » de le préparer de telle sorte que le bon peule profite
aussi, enfin et durablement, de ses travaux et de ses sacrifices ! En
sorte que même sans ce coup d’Etat du RSP, chef-d’œuvre international
d’hypocrisie militaro-politique, le peuple n’aurait fait que servir de
marchepied à une nouvelle oligarchie soumise à l’étranger. Alors, en quoi donc sont-ils
plus dignes de confiance à cet égard qu’un Isaac Zida ou, même, qu’un Gilbert Diendéré ?
Rappelons que tous ceux qu’on vient de nommer ont fricoté avec le système Compaoré
à un moment ou à un autre des 27 ans de son existence ; que pour la
plupart, ils ont cessé trop récemment d’en être pour qu’on puisse les en croire
décontaminés…
Mais,
bah !, entre le 15 octobre 1987 et le 31 octobre 2014, combien d’hommes
politiques burkinabè tant soit peu connus n’ont jamais trempé dans cette mare
putride à un titre ou à un autre, fut-ce à leur corps défendant et en se
pinçant fortement le nez ? Aussi bien, il ne s’agit pas ici de juger quiconque
sur ou pour son passé ; d’autant moins qu’il y a eu, sinon des remords, au
moins des repentirs publiquement exprimés, notamment par Roch Kaboré. Et peu
importe qu’ils fussent sincères ou non ; le simple fait qu’il les ait
jugés nécessaires et utiles suffirait à les justifier, s’il le fallait. Mais à
quoi bon ? Non, ce qui nous intéresse c’est seulement ce que nous
observons depuis le 31 octobre ; et ce que nous observons jette une bien
triste lumière sur une certaine réalité politique de nos pays.
A
bien considérer ce qui se passe à Ouagadougou depuis la fuite de Blaise
Compaoré, notamment la docilité des leaders de l’opposition officielle face aux
oukases de la soi-disant « communauté internationale », bien des
choses deviennent claires. Par exemple, on comprend mieux pourquoi les tenants
du système ont si longtemps fait semblant de ne pas voir ce qui mijotait dans
les profondeurs de la société. Blaise Compaoré, qui connaissait bien son monde,
savait que ses anciens complices devenus dissidents ne se souciaient pas plus
que lui de ce que voulait vraiment le peuple, et que le peuple ne pouvait pas
l’ignorer. Aussi croyait-il que l’opposition officielle ne serait jamais capable
de soulever le peuple contre lui jusqu’à le forcer à renoncer au pouvoir. En
quoi il n’avait pas tout à fait tort, puisque, pour l’essentiel, l’insurrection
fut largement spontanée ; ce que l’armée elle-même aurait reconnu : « L'armée a elle-même reconnu que ce qui s'est passé
est une insurrection populaire conduite par l'ensemble des composantes de la
société. Cela veut dire (…) que ce n'est pas l'armée mais le peuple
qui a pris le pouvoir »[5]. A l’instar de
leur maître, tout le sérail était même tellement persuadé de cette
impossibilité que, à quelques jours de l’échéance fatale, leur Premier ministre
avait prévu d’aller à Paris pour y présenter un livre de son cru,
intitulé : « Blaise Compaoré,
homme d’Etat, homme d’action. De l’édification du Burkina Faso aux médiations
dans les crises africaines », avec une préface de l’impayable Abdou
Diouf, où il est question « [d’]engagement
humaniste, [d’]altruisme, [de] rectitude morale, [de] don de soi pour la paix
et le progrès du peuple », autant de « valeurs » dont, selon l’illustre parangon du
fantochisme francophonique, Blaise Compaoré serait porteur mais que les Burkinabè,
eux, furent toujours incapables de discerner en lui.
Ainsi
s’explique aussi qu’il ait été si facile à Gilbert Diendéré et consort
d’enrayer la dynamique de l’insurrection et de reprendre la main, à peine leur
patron parti. Au moins en partie… Car d’après certaines sources, il se pourrait
bien que la débandade soudaine de la « Maison Compaoré » le 31
octobre n’ait été
qu’une « opération de couverture » pour éliminer un rouage périmé dont le
maintien risquait d’entraver la bonne marche du système. Ainsi s’expliquerait
aussi l’encadrement très strict de l’information sur les récents événements du
Burkina Faso, dont les frontières ont été fermées même aux journalistes
occidentaux les mieux en cour.[6]
Où donc sont-ils passés ?
Outre
l’impuissance criante où on a vu l’opposition officielle face au coup d’Etat
feutré du sous-chef des prétoriens de Blaise Compaoré, impuissance qui l’a privée
de toute influence réelle sur le processus préparatoire de « la
transition », la fuite inopinée de Blaise Compaoré a eu sur elle d’autres
conséquences de moindre importance, mais qu’il n’est pas sans intérêt de
connaître.
Une
première conséquence, c’est l’obsolescence de la fonction de CFOP, acronyme de
« chef de file de l’opposition politique », cette institution
ridicule – vrai marché des dupes – dans laquelle se résumaient toutes les
connivences entre le système Compaoré et ses prétendus adversaires. Zéphirin
Diabré, qui en portait le titre, ne croyait sans doute pas si bien dire quand
il déclarait avec un air de regret : «
Franchement, personne n’osait imaginer ce qui s’est passé le 30 octobre […]
Dans toute l’opposition burkinabè, personne ne souhaitait que Blaise Compaoré
s’en aille avant le terme de son mandat […] Les chefs d’Etat sont souvent entourés
par une panoplie de personnages qui finissent par leur dicter leurs pensées en
se coupant du vrai peuple »[7].
Je ne sais s’il faut admirer ou déplorer tant de candeur dans l’un de ceux qui
se rêvaient en chef de l’Etat burkinabè lorsque, après avoir accompli
cahin-caha son dernier mandat, Blaise Compaoré aurait bien voulu accepter de
céder la place. Mais au moins peut-on se réjouir que cet épisode ait permis à
ces messieurs de prendre enfin conscience de l’incommodité d’être assis le cul
entre deux chaises.
Une
autre conséquence, c’est la nouvelle image du MPP, telle qu’elle apparaît
depuis la chute de Compaoré. Jusqu’ici, c’était un trio apparemment insécable :
on ne voyait jamais le président Roch Kaboré que flanqué de ses deux
vice-présidents, Salif Diallo et Simon Compaoré, comme sur un terrain de foot des
défenseurs marquant à la culotte le meilleur buteur de l’équipe adverse… Or,
désormais, on ne voit plus pratiquement que Roch Kaboré tout seul. Où donc sont
passés ses deux acolytes ? Bon, s’agissant du dernier nommé, sa
disparition est facile à expliquer : quand on s’appelle Compaoré, par les
temps qui courent, même si on n’est pas de la famille de l’autre il vaut sans
doute mieux se tenir loin des regards indiscrets. En revanche, s’agissant de
Salif Diallo, surnommé le « môgô-puissant » à
l’époque de sa splendeur,
j’hésite entre plusieurs hypothèses. Est-ce seulement par discrétion qu’il est
devenu si rare, lui qui naguère suivait partout Roch Kaboré comme s’il était
son ombre ? Ou est-ce plutôt de la prudence ? Aurait-il craint, par
exemple, que le raz-de-marée insurrectionnel ait ramené à la surface des flots
quelque indice susceptible de compromettre son image, et se serait-il alors par
précaution retiré dans son refuge habituel, au Niger, pour y attendre la fin de
la tempête ? Ou bien, peut-être la vague qui a emporté son vieux compère
l’aura-t-elle emporté aussi… Ce serait, pour le coup, un beau sujet de
satisfaction pour nous autres, patriotes et démocrates ivoiriens. Ce serait le
seul, malheureusement, que nous auraient apporté les « Quatre
glorieuses »… Mais nous ne ferons pas la fine bouche !
Salif
Diallo n’est pas notre seul cauchemar. Il y a aussi Ablassé Ouédraogo, et lui
est bien présent et, à ce qu’il semble, déjà bien installé sur la ligne de
départ, attendant de pied ferme le coup d’envoi du prochain scrutin
présidentiel post-« transition ». Rappelons que cet ancien
fonctionnaire international polyvalent et ancien ministre des Affaires
étrangères de B. Compaoré fut le premier, et le seul à ce jour, à s’être
déclaré candidat à cette élection. C’était avant que ne s’ouvre devant lui ce
vaste champ labouré par Diendéré et Zida sous la houlette de la
« Communauté internationale », où une si bonne graine de fantoche n’aurait
qu’à se jeter pour prospérer… Touchons du bois !… Mais, vu ce qui se passe
actuellement avec cette « transition » – ils disent
« transition », mais tous pensent « normalisation », en se
fondant sur le fameux « droit d’ingérence » dont l’Occident, la France
et les Etats-Unis en tête, s’est arrogé le monopole –, un profil comme celui-là,
c’est un peu comme le portrait-robot du successeur idéal d’un Blaise Compaoré
démonétisé, celui qui serait le plus compatible avec la CEDEAO, l’UA, la
Françafrique, les Etats-Unis, etc.… Ablassé Ouédraogo est le seul politicien
burkinabè de premier plan vivant qui a fait l’essentiel de sa carrière hors du
Burkina Faso et du système Compaoré proprement dit, et dont en même temps on peut
être absolument sûr que, quoi qu’il arrive, il ne se laissera jamais tenter par
une forme ou une autre de ce « sankarisme » dont rêvent toujours tant
de Burkinabè.
Cruelle
ironie de l’histoire ! A la faveur de la nouvelle donne politique qui a résulté
d’une insurrection populaire victorieuse, un vil carriériste, qui ne
représentait rien sur l’échiquier burkinabè – il était le seul député de son
parti, « Le Faso Autrement ». Vous parlez d’un programme ! –,
s’est vu soudain propulsé au premier rang de ceux qui ont les meilleures
chances de profiter de l’aubaine…
Patriotes
et démocrates burkinabè, mes frères, touchons du bois !, afin que cette
calamité au moins vous soit épargnée ainsi qu’à nous !
Marcel
Amondji[8]
[1] - Voir à ce
propos, dans La Lettre du Continent N°693 le billet intitulé « Comment Diendéré
a manœuvré en coulisses».
[3] - Lefaso.net 4
novembre 2014.
[4] - Lénine, Œuvres choisies, t. 2, pp. 751-752.
[7] - Jean-Pierre Bejot, « Jusqu’où
le "Pays des hommes intègres" va-t-il se désintégrer ? », Lefaso.net 5 novembre 2014.
[8] - Sur le même
sujet, Voir dans ce blog, de ce même auteur : « Le bêtisier
burkina-fasciste », « Burkina Faso : La crise qui vient »
et « Franklin Nyamsi jugé par les internautes
burkinabè ».
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