vendredi 14 novembre 2014

Burkina Faso. Regard d’un observateur ivoirien sur les « Quatre glorieuses » et leurs suites immédiates


« Qu’il y ait des manifestations, qu’il y ait des avis contraires, ce n’est pas seulement au Burkina qu’on voit ça, par rapport aux dispositions légales et fonctionnelles. Jamais à Paris ou en Amérique une marche n’a changé une loi, n’a changé la Constitution. Ça n’existe pas. » B. Compaoré 

Au risque de surprendre maints lecteurs, voire de les scandaliser même, je commencerai par affirmer ceci : malgré le grand bouleversement que ce pays a connu fin octobre-début novembre 2014, il ne s’est encore rien passé au Burkina Faso dont nous autres patriotes et démocrates ivoiriens ayons vraiment lieu de nous réjouir pour nous ou pour nos frères Burkinabè. Mais, attention !, je ne dis pas qu’il ne s’est rien passé ces jours-ci au Burkina Faso, ni qu’il n’y a point pour nous d’enseignements à en tirer ; bien au contraire !

Un parfum de victoire à la Pyrrhus

Sic transit...
Comme tout le monde, je sais que Blaise Compaoré, qui la veille encore était tellement sûr de lui et de ses soutiens à l’étranger qu’il se croyait indéboulonnable, comme dirait l’autre, s’est finalement enfui de son palais le 31 octobre ; qu’il a été exfiltré par ses employeurs français ; et qu’il est présentement réfugié en Côte d’Ivoire auprès de ses homologues en fantochisme, qu’il contribua beaucoup à installer là où ils sont.
Mais est-ce bien là le plus important de cette histoire ?
Renverser les gouvernants qui ont perdu leur confiance, les Burkinabè savent faire. La première fois ce fut en 1966, quand ils chassèrent Maurice Yaméogo pour s’être vendu à Houphouët. Le régime de Blaise Compaoré n’a pas été épargné, même s’il a duré plus longtemps qu’aucun autre avant lui : entre 1999 et 2011, il manqua six fois d’être renversé. Mais ce n’est pas tout de renverser celui qui règne et qui a déplu ; encore faut-il le faire de telle sorte que le suivant ne puisse pas remettre ça comme en se jouant, ainsi que cela s’est vu ici tellement souvent que le destin du peuple burkinabè ressemble à celui du fameux Sisyphe, que Zeus condamna à pousser éternellement jusqu’en haut d’une montagne un maudit rocher qui sans cesse en retombait…
Quant à la fuite du tyranneau de Ziniaré, pour ceux qui savent lire les événements, ce n’est pas vraiment un scoop. En effet il y avait longtemps que tel Caïn après son fratricide, Blaise Compaoré fuyait éperdument devant l’imminence de son châtiment ; longtemps que, dans le vain espoir d’épuiser la vigilance et la volonté du valeureux peuple burkinabè et, en même temps, de faire croire à ses employeurs qu’ils pouvaient toujours compter sur lui, il s’était lancé dans une ridicule fuite en avant émaillée d’happenings foireux, qui vient de se terminer lamentablement à Yamoussoukro.
Or que s’est-il passé immédiatement après cette fuite ? Un lieutenant-colonel s’est proclamé chef de l’Etat au nez et à la barbe de la pléthore de politiciens professionnels qui n’en reviennent toujours pas de s’être fait coiffer sur le poteau par cet amateur. Et le comble, c’est que le lieutenant-colonel en question, Yacouba Isaac Zida, est un affidé du fantoche déchu. Commandant en second du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), la garde prétorienne de Blaise Compaoré, il est même fortement soupçonné d’être en service commandé, peut-être pour le compte de son chef direct, le général Gilbert Diendéré, en tout cas pour le plus grand bénéfice de la Françafrique dont ce dernier semble être le véritable bras armé dans la région depuis le meurtre de Thomas Sankara, dont il fut à tout le moins un témoin privilégié. Gilbert Diendéré, dont la position ni les pouvoirs n’auraient nullement été entamés par les événements qui ont emporté celui dont il était le « chef d’état-major personnel ».[1] Ce qui donne à cette énième révolution burkinabè un parfum de victoire à la Pyrrhus… Enfin, pour nous, patriotes et démocrates ivoiriens, il n’est pas sans intérêt de savoir que le lieutenant-colonel Zida « a été officier de liaison durant la médiation de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire au moment de la crise postélectorale ». Autant dire que c’était lui qui commandait le corps expéditionnaire burkinabè qui, sous le masque des soi-disant « forces nouvelles », agissait de concert avec les forces spéciales françaises. Lesquelles, s’il faut en croire une autre rumeur, viennent donc de le porter au pouvoir dans son pays après avoir puissamment aidé son régiment à surmonter l’opposition décidée d’autres fractions de l’armée burkinabè à l’exfiltration – c’est-à-dire à l’impunité – de Blaise Compaoré.

Plus le temps passe, moins nous croyons à honnêteté de nos leaders politiques

Ce n’est évidemment pas d’un Zida, et d’un Diendéré encore moins, que les masses qui ont chassé Blaise Compaoré peuvent espérer la prise en compte de leurs aspirations à la véritable indépendance nationale, à la justice sociale, à la liberté, au progrès. C’est pourtant ce dont l’opposant Zéphirin Diabré semblait persuadé lors de sa conférence de presse du 3 novembre : « Dans le vide créé par la démission de Blaise Compaoré, notre armée nationale a pris ses responsabilités, en prenant en charge la destinée du pays, et a désigné un de ses membres, le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida, pour diriger une transition. L’Opposition politique burkinabè, républicaine par essence, a toujours eu une considération importante pour notre armée, et pour toutes les forces de défense et de sécurité. Membre à part entière de la communauté nationale, garante de l’intégrité territoriale de notre pays et de la sécurité des burkinabè, l’armée demeure une composante essentielle de la vie de la nation, dont la contribution sera toujours demandée, pour assurer la stabilité et le progrès de notre pays ».[2] Mais, dans leur ensemble, les Burkinabè n’en sont pas dupes. Contrairement aux dirigeants de l’opposition officielle, ils ont en général condamné l’usurpation des militaires et dit toute la méfiance que leur inspirent ceux qui semblent prêts à pactiser avec eux, pour pouvoir continuer à tondre impunément la laine sur le dos du bon peuple. Ainsi, réagissant à l’article de Sayouba Traoré intitulé « On est tous d’accord, on veut le meilleur pour la patrie », un internaute signant Yelwingtiim écrit : « Plus le temps passe, moins nous croyons à honnêteté de nos leaders politiques civils et des militaires usurpateurs ».[3]
Voilà, grosso modo, pour les faits. Examinons maintenant les enseignements qui en découlent pour nous, patriotes et démocrates ivoiriens.
La première chose qui saute aux yeux, c’est la facilité avec laquelle Isaac Zida et ceux qui sont derrière lui – et qui, comme on sait, ne sont pas tous des Burkinabè – ont pu faire leur coup, et si vite après un mouvement insurrectionnel d’une telle puissance. Qu’est-ce que cela nous dit à propos de ce mouvement ? Qu’en réalité il n’était puissant qu’en apparence ; qu’il ne reposait pas sur des bases tellement solides ; qu’il n’était pas vraiment organisé ni dirigé ; bref, que les partis d’opposition officiels n’y étaient point aussi enracinés qu’ils le disent, mais qu’ils étaient seulement plaqués dessus à la manière d’un saprophyte qui avec son support vivent chacun leur vie. Sauf que, en l’occurrence, il ne s’agit pas de biologie… Ce que montre cette facile victoire de ceux qu’on appelle abusivement « l’armée » ou « les militaires » – il ne s’agit que d’une fraction de l’armée, même si le RSP, beaucoup mieux équipé que tous les autres corps réunis, est une véritable « armée dans l’armée » –, c’est l’état d’impréparation, voire d’abandon, où ceux qui disaient ne chercher que leur bonheur ont laissé les masses depuis des années. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que les Burkinabè se soient fait voler leur victoire par le premier galonné venu.
A l’occasion de ces événements, certains ont parlé de révolution. N’était-ce pas bien rabaisser cette noble chose que de donner son nom à un simple coup de sang d’un peuple excédé par l’incurie et le mépris de ses gouvernants, mais bien incapable, mal informé et point organisé comme il est, de s’en défaire vraiment. Car, dit le dirigeant de la révolution russe de 1917, « Il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque "ceux d’en bas" ne veulent plus et que "ceux d’en haut" ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher ».[4] Or, si en l’occurrence la première partie du programme est bel et bien réalisé, la deuxième partie, quant à elle, est très loin de l’être, et tout porte même à croire que cette fois encore elle ne le sera pas. Le mouvement populaire a certes vaincu mais, faute d’avoir été dûment informés des conditions politiques réelles dans le pays et organisés en conséquence, les tombeurs de Blaise Compaoré ne sont point en mesure de profiter de leur victoire. Le système contre lequel ils se sont soulevés est demeuré intact après et malgré la fuite de son chef visible. Et l’opposition officielle est déjà prête à accepter n’importe quel arrangement mangécratique avec les complices de Compaoré, qu’il s’agisse des chefs du RSP, de la France, des Etats-Unis ou du soi-disant Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Parce que, à force, ils n’en pouvaient plus d’être « calmes et sereins »

Sitôt après avoir chassé le despote, le peuple insurgé a été comme mis entre parenthèses non seulement par la CEDEAO et la soi-disant Union africaine, cette courroie de transmission des volontés occidentales, mais aussi par ceux qui depuis des mois l’incitaient à la révolte afin de s’en faire un bélier pour forcer les portes du pouvoir suprême. D’après La Lettre Du Continent (n°693 – 05/11/2014), au plus fort des événements, Roch Kaboré, le président du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), aurait adressé à Zéphirin Diabré, président, lui, de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) et « chef de file de l’opposition politique » (CFOP), ce tweet dont la tonalité défaitiste ne doit sans doute rien au hasard : « Que notre frère @zephirindiabre appelle ses militants au calme et au respect des institutions ». Ce que le CFOP semble avoir trouvé parfaitement normal de faire, puisque dans un communiqué daté du 2 novembre, « il [invitait le peuple burkinabè à rester calme et serein ». De fait, à lire les propos des uns et des autres durant ces heures exaltantes, ces appels au calme et à la sérénité semblent avoir été les seules exhortations que « ceux d’en haut », de quelque bord qu’ils fussent, jugeaient utile d’adresser au peuple insurgé ! Comme on dit chez nous, le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir ! Plus soucieux de l’opinion qu’on a d’eux dans les chancelleries occidentales, notamment la française et l’étatsunienne, que de la cohérence de leurs actions avec les véritables aspirations de leur peuple – qu’ils ne peuvent pas ignorer –, on dirait que les anciens complices de Blaise Compaoré récemment convertis à la « démocratie », ne se sont toujours pas rendu compte que c’est uniquement parce que leurs compatriotes les plus humbles sont sortis en masse dans les rues de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso au mépris des armes du despotisme, au mépris de ses institutions faux-semblant, bref parce que, à force, ils n’en pouvaient plus d’être « calmes et sereins », qu’eux sont aujourd’hui en passe de réaliser le grand rêve de leur vie ! Enfin, pourvu que depuis Paris et Washington on veuille bien le leur permettre…
Franchement, ces civils, pour lesquels toutes sortes d’organisations-kpakpato et de pays aux insatiables appétits de domination revendiquent à cor et à cris la direction du futur organe exécutif de « la transition », qu’ont-ils de plus à offrir aux Burkinabè que les militaires auxquels ils veulent absolument les substituer sous prétexte qu’un civil au pouvoir – et surtout s’il n’a aucune force à sa main sur laquelle il puisse s’appuyer pour conduire des politiques vraiment nationales –, c’est plus …démocratique ? Les Roch Kaboré, les Salif Diallo, les Simon Compaoré, les Ablassé Ouédraogo, les Zéphirin Diabré même, comptaient sur le bon peuple pour réaliser leurs ambitions, mais ils avaient juste « oublié » de le préparer de telle sorte que le bon peule profite aussi, enfin  et durablement, de ses travaux et de ses sacrifices ! En sorte que même sans ce coup d’Etat du RSP, chef-d’œuvre international d’hypocrisie militaro-politique, le peuple n’aurait fait que servir de marchepied à une nouvelle oligarchie soumise à l’étranger. Alors, en quoi donc sont-ils plus dignes de confiance à cet égard qu’un Isaac Zida ou, même, qu’un Gilbert Diendéré ? Rappelons que tous ceux qu’on vient de nommer ont fricoté avec le système Compaoré à un moment ou à un autre des 27 ans de son existence ; que pour la plupart, ils ont cessé trop récemment d’en être pour qu’on puisse les en croire décontaminés…
Mais, bah !, entre le 15 octobre 1987 et le 31 octobre 2014, combien d’hommes politiques burkinabè tant soit peu connus n’ont jamais trempé dans cette mare putride à un titre ou à un autre, fut-ce à leur corps défendant et en se pinçant fortement le nez ? Aussi bien, il ne s’agit pas ici de juger quiconque sur ou pour son passé ; d’autant moins qu’il y a eu, sinon des remords, au moins des repentirs publiquement exprimés, notamment par Roch Kaboré. Et peu importe qu’ils fussent sincères ou non ; le simple fait qu’il les ait jugés nécessaires et utiles suffirait à les justifier, s’il le fallait. Mais à quoi bon ? Non, ce qui nous intéresse c’est seulement ce que nous observons depuis le 31 octobre ; et ce que nous observons jette une bien triste lumière sur une certaine réalité politique de nos pays.
A bien considérer ce qui se passe à Ouagadougou depuis la fuite de Blaise Compaoré, notamment la docilité des leaders de l’opposition officielle face aux oukases de la soi-disant « communauté internationale », bien des choses deviennent claires. Par exemple, on comprend mieux pourquoi les tenants du système ont si longtemps fait semblant de ne pas voir ce qui mijotait dans les profondeurs de la société. Blaise Compaoré, qui connaissait bien son monde, savait que ses anciens complices devenus dissidents ne se souciaient pas plus que lui de ce que voulait vraiment le peuple, et que le peuple ne pouvait pas l’ignorer. Aussi croyait-il que l’opposition officielle ne serait jamais capable de soulever le peuple contre lui jusqu’à le forcer à renoncer au pouvoir. En quoi il n’avait pas tout à fait tort, puisque, pour l’essentiel, l’insurrection fut largement spontanée ; ce que l’armée elle-même aurait reconnu : « L'armée a elle-même reconnu que ce qui s'est passé est une insurrection populaire conduite par l'ensemble des composantes de la société. Cela veut dire (…) que ce n'est pas l'armée mais le peuple qui a pris le pouvoir »[5]. A l’instar de leur maître, tout le sérail était même tellement persuadé de cette impossibilité que, à quelques jours de l’échéance fatale, leur Premier ministre avait prévu d’aller à Paris pour y présenter un livre de son cru, intitulé : « Blaise Compaoré, homme d’Etat, homme d’action. De l’édification du Burkina Faso aux médiations dans les crises africaines », avec une préface de l’impayable Abdou Diouf, où il est question « [d’]engagement humaniste, [d’]altruisme, [de] rectitude morale, [de] don de soi pour la paix et le progrès du peuple », autant de « valeurs » dont, selon l’illustre parangon du fantochisme francophonique, Blaise Compaoré serait porteur mais que les Burkinabè, eux, furent toujours incapables de discerner en lui.
Ainsi s’explique aussi qu’il ait été si facile à Gilbert Diendéré et consort d’enrayer la dynamique de l’insurrection et de reprendre la main, à peine leur patron parti. Au moins en partie… Car d’après certaines sources, il se pourrait bien que la débandade soudaine de la « Maison Compaoré » le 31 octobre n’ait été qu’une « opération de couverture » pour éliminer un rouage périmé dont le maintien risquait d’entraver la bonne marche du système. Ainsi s’expliquerait aussi l’encadrement très strict de l’information sur les récents événements du Burkina Faso, dont les frontières ont été fermées même aux journalistes occidentaux les mieux en cour.[6]

Où donc sont-ils passés ?

Outre l’impuissance criante où on a vu l’opposition officielle face au coup d’Etat feutré du sous-chef des prétoriens de Blaise Compaoré, impuissance qui l’a privée de toute influence réelle sur le processus préparatoire de « la transition », la fuite inopinée de Blaise Compaoré a eu sur elle d’autres conséquences de moindre importance, mais qu’il n’est pas sans intérêt de connaître.
Une première conséquence, c’est l’obsolescence de la fonction de CFOP, acronyme de « chef de file de l’opposition politique », cette institution ridicule – vrai marché des dupes – dans laquelle se résumaient toutes les connivences entre le système Compaoré et ses prétendus adversaires. Zéphirin Diabré, qui en portait le titre, ne croyait sans doute pas si bien dire quand il déclarait avec un air de regret : « Franchement, personne n’osait imaginer ce qui s’est passé le 30 octobre […] Dans toute l’opposition burkinabè, personne ne souhaitait que Blaise Compaoré s’en aille avant le terme de son mandat […] Les chefs d’Etat sont souvent entourés par une panoplie de personnages qui finissent par leur dicter leurs pensées en se coupant du vrai peuple »[7]. Je ne sais s’il faut admirer ou déplorer tant de candeur dans l’un de ceux qui se rêvaient en chef de l’Etat burkinabè lorsque, après avoir accompli cahin-caha son dernier mandat, Blaise Compaoré aurait bien voulu accepter de céder la place. Mais au moins peut-on se réjouir que cet épisode ait permis à ces messieurs de prendre enfin conscience de l’incommodité d’être assis le cul entre deux chaises.
Une autre conséquence, c’est la nouvelle image du MPP, telle qu’elle apparaît depuis la chute de Compaoré. Jusqu’ici, c’était un trio apparemment insécable : on ne voyait jamais le président Roch Kaboré que flanqué de ses deux vice-présidents, Salif Diallo et Simon Compaoré, comme sur un terrain de foot des défenseurs marquant à la culotte le meilleur buteur de l’équipe adverse… Or, désormais, on ne voit plus pratiquement que Roch Kaboré tout seul. Où donc sont passés ses deux acolytes ? Bon, s’agissant du dernier nommé, sa disparition est facile à expliquer : quand on s’appelle Compaoré, par les temps qui courent, même si on n’est pas de la famille de l’autre il vaut sans doute mieux se tenir loin des regards indiscrets. En revanche, s’agissant de Salif Diallo, surnommé le « môgô-puissant » à l’époque de sa splendeur, j’hésite entre plusieurs hypothèses. Est-ce seulement par discrétion qu’il est devenu si rare, lui qui naguère suivait partout Roch Kaboré comme s’il était son ombre ? Ou est-ce plutôt de la prudence ? Aurait-il craint, par exemple, que le raz-de-marée insurrectionnel ait ramené à la surface des flots quelque indice susceptible de compromettre son image, et se serait-il alors par précaution retiré dans son refuge habituel, au Niger, pour y attendre la fin de la tempête ? Ou bien, peut-être la vague qui a emporté son vieux compère l’aura-t-elle emporté aussi… Ce serait, pour le coup, un beau sujet de satisfaction pour nous autres, patriotes et démocrates ivoiriens. Ce serait le seul, malheureusement, que nous auraient apporté les « Quatre glorieuses »… Mais nous ne ferons pas la fine bouche !
Salif Diallo n’est pas notre seul cauchemar. Il y a aussi Ablassé Ouédraogo, et lui est bien présent et, à ce qu’il semble, déjà bien installé sur la ligne de départ, attendant de pied ferme le coup d’envoi du prochain scrutin présidentiel post-« transition ». Rappelons que cet ancien fonctionnaire international polyvalent et ancien ministre des Affaires étrangères de B. Compaoré fut le premier, et le seul à ce jour, à s’être déclaré candidat à cette élection. C’était avant que ne s’ouvre devant lui ce vaste champ labouré par Diendéré et Zida sous la houlette de la « Communauté internationale », où une si bonne graine de fantoche n’aurait qu’à se jeter pour prospérer… Touchons du bois !… Mais, vu ce qui se passe actuellement avec cette « transition » – ils disent « transition », mais tous pensent « normalisation », en se fondant sur le fameux « droit d’ingérence » dont l’Occident, la France et les Etats-Unis en tête, s’est arrogé le monopole –, un profil comme celui-là, c’est un peu comme le portrait-robot du successeur idéal d’un Blaise Compaoré démonétisé, celui qui serait le plus compatible avec la CEDEAO, l’UA, la Françafrique, les Etats-Unis, etc.… Ablassé Ouédraogo est le seul politicien burkinabè de premier plan vivant qui a fait l’essentiel de sa carrière hors du Burkina Faso et du système Compaoré proprement dit, et dont en même temps on peut être absolument sûr que, quoi qu’il arrive, il ne se laissera jamais tenter par une forme ou une autre de ce « sankarisme » dont rêvent toujours tant de Burkinabè.
Cruelle ironie de l’histoire ! A la faveur de la nouvelle donne politique qui a résulté d’une insurrection populaire victorieuse, un vil carriériste, qui ne représentait rien sur l’échiquier burkinabè – il était le seul député de son parti, « Le Faso Autrement ». Vous parlez d’un programme ! –, s’est vu soudain propulsé au premier rang de ceux qui ont les meilleures chances de profiter de l’aubaine…
Patriotes et démocrates burkinabè, mes frères, touchons du bois !, afin que cette calamité au moins vous soit épargnée ainsi qu’à nous !  

Marcel Amondji[8]


NOTES
[1] - Voir à ce propos, dans La Lettre du Continent N°693 le billet intitulé « Comment Diendéré a manœuvré en coulisses».
[2] - Zéphirin Diabré, conférence de presse du 3 novembre, Lefaso.net 4 novembre 2014.
[3] - Lefaso.net 4 novembre 2014.
[4] - Lénine, Œuvres choisies, t. 2, pp. 751-752.
[5] - Z. Diabré, cité par .
[7] - Jean-Pierre Bejot, « Jusqu’où le "Pays des hommes intègres" va-t-il se désintégrer ? », Lefaso.net 5 novembre 2014. 
[8] - Sur le même sujet, Voir dans ce blog, de ce même auteur : « Le bêtisier burkina-fasciste », « Burkina Faso : La crise qui vient » et « Franklin Nyamsi jugé par les internautes burkinabè ».

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