jeudi 27 décembre 2012

UNE ETRANGE COÏNCIDENCE



Où est passée la théorie de la concertation nationale de Wodié ?

La crise postélectorale nous a laissé une Côte d’Ivoire déchirée. En effet, sur le terrain politique règne désormais le système des blocs caractérisé par l’impossible conciliation entre le pouvoir et l’opposition. La cohésion sociale, elle-même influencée par ce système, est atteinte. Depuis, les gouvernants disent faire des efforts pour ramener la cohésion perdue. La mise sur pied de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (Cdvr) a sonné comme une œuvre vaine tant elle brille par son incapacité à ressouder les liens cassés. En un mot, la réconciliation nationale patine, pour ne pas dire qu’elle est figée.

La curiosité dans cette histoire, c’est que le professeur Francis Vangah Wodié est, au sein du pouvoir d’Abidjan, une personnalité de premier plan. Sa position devrait aider à accélérer le processus de réconciliation d’autant plus qu’il est un défenseur acharné de la théorie de la concertation nationale. Cette théorie, a été présentée comme une sorte de conférence nationale devant réunir tous les acteurs politiques ainsi que ceux de la société civile en vue de réfléchir sur le devenir de la Côte d’Ivoire. L’idée a été portée sur les fonts baptismaux aux premières heures de la chute du parti unique. Le professeur Wodié en a fait « un programme de gouvernement » durant toutes ses années d’opposition. Elle était, selon lui, l’une des composantes de « la clef du vrai changement ».

De 1990 jusqu’au déclenchement de la rébellion armée menée par Guillaume Soro, la Côte d’Ivoire avait connu des moments difficiles mais pas à l’image de ceux imposés par les bombardements de la coalition Licorne-Onuci en 2011. C’est bien aujourd’hui que l’exaltation et la mise en pratique de cette théorie s’imposent. Car, la mettre en œuvre pourrait sûrement chasser les démons du système des blocs, système que le professeur Wodié avouait craindre. Malheureusement, depuis le 11 avril 2011, les populations ivoiriennes n’entendent plus de discours sur la concertation nationale.

La présence de Wodié à la tête du Conseil constitutionnel a-t-elle enterré la concertation prônée pendant plus de 20 ans ? Nous n’en doutons point. Le refuge trouvé semble être la séparation entre les fonctions de président du Conseil constitutionnel et l’activité politique (au sein de son parti). Il aurait peut-être eu raison s’il arguait que la cohésion nationale est bien inférieure à un appel à la concertation nationale qui est très loin d’être une activité politique. Même si le fétichisme des règles lui fait oublier sa fameuse théorie, il a bien dans son parti amputé des fidèles qui se sont nourris de ses thèses.

Au nom donc du PIT (version Wodié), le secrétaire général Kouablan François, les professeurs Kouadio Jérémie et Martin Bléou, peuvent bien remettre l’idée au goût du jour. Si jusque-là, rien n’est fait, c’est certainement parce que le pouvoir a eu raison des convictions du « champion de la concertation nationale ». N’est-ce pas aussi parce qu’il a été incapable de mettre en pratique la concertation au sein de son propre parti (déchiqueté par des intérêts personnels), qu’il a choisi de faire profil bas ?

Tout compte fait, on retiendra que la théorie de la concertation nationale est morte lorsque son champion est devenu membre du bloc qui a l’entière responsabilité de faire sortir la Côte d’Ivoire du gouffre dans lequel il l’a plongée. Dommage !

Ce même 14 décembre 2012, où Alain Bouikalo s’interrogeait ainsi, dans Notre Voie, sur ce que Francis Wodié avait fait de sa conviction que seule une conférence nationale souveraine pourrait permettre d’en finir définitivement avec l’interminable crise du politique qui s’est emparée de la Côte d’Ivoire depuis la fin des années 1980, Le Nouveau Courrier prêtait à l’actuel président du Conseil constitutionnel ces propos sibyllins qu’il aurait adressés, la veille, à des étudiants de l’Université de Cocody :

Francis Wodié (cr Abidjan.net/Prisca)
« C’est moins en ma qualité de président du Conseil Constitutionnel que celle de professeur que je reviens. C’est ce qui m’amène à me tenir devant vous pour vous parler comme le fait un professeur. Je suis parti mais je suis encore debout. Et je vous invite à me guider. Je suis prêt à revenir pour vous parler d’un sujet sur lequel nous nous mettrons d’accord, pour pouvoir réveiller en moi les idées qui tendent à s’évanouir ».

  • "Je suis parti mais je suis encore debout. Et je vous invite à me guider"... S’agirait-il déjà d’un repentir ? C’est en tout cas une coïncidence bien étrange.

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