Où est passée la théorie
de la concertation nationale de Wodié ?
La crise postélectorale nous a laissé une Côte
d’Ivoire déchirée. En effet, sur le terrain politique règne désormais le
système des blocs caractérisé par l’impossible conciliation entre le pouvoir et
l’opposition. La cohésion sociale, elle-même influencée par ce système, est
atteinte. Depuis, les gouvernants disent faire des efforts pour ramener la
cohésion perdue. La mise sur pied de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation
(Cdvr) a sonné comme une œuvre vaine tant elle brille par son incapacité à
ressouder les liens cassés. En un mot, la réconciliation nationale patine, pour
ne pas dire qu’elle est figée.
La curiosité dans cette histoire, c’est que le
professeur Francis Vangah Wodié est, au sein du pouvoir d’Abidjan, une
personnalité de premier plan. Sa position devrait aider à accélérer le
processus de réconciliation d’autant plus qu’il est un défenseur acharné de la
théorie de la concertation nationale. Cette théorie, a été présentée comme une
sorte de conférence nationale devant réunir tous les acteurs politiques ainsi
que ceux de la société civile en vue de réfléchir sur le devenir de la Côte
d’Ivoire. L’idée a été portée sur les fonts baptismaux aux premières heures de
la chute du parti unique. Le professeur Wodié en a fait « un programme de
gouvernement » durant toutes ses années d’opposition. Elle était, selon lui,
l’une des composantes de « la clef du vrai changement ».
De 1990 jusqu’au déclenchement de la rébellion armée
menée par Guillaume Soro, la Côte d’Ivoire avait connu des moments difficiles
mais pas à l’image de ceux imposés par les bombardements de la coalition
Licorne-Onuci en 2011. C’est bien aujourd’hui que l’exaltation et la mise en
pratique de cette théorie s’imposent. Car, la mettre en œuvre pourrait sûrement
chasser les démons du système des blocs, système que le professeur Wodié
avouait craindre. Malheureusement, depuis le 11 avril 2011, les populations
ivoiriennes n’entendent plus de discours sur la concertation nationale.
La présence de Wodié à la tête du Conseil
constitutionnel a-t-elle enterré la concertation prônée pendant plus de 20 ans
? Nous n’en doutons point. Le refuge trouvé semble être la séparation entre les
fonctions de président du Conseil constitutionnel et l’activité politique (au
sein de son parti). Il aurait peut-être eu raison s’il arguait que la cohésion
nationale est bien inférieure à un appel à la concertation nationale qui est
très loin d’être une activité politique. Même si le fétichisme des règles lui
fait oublier sa fameuse théorie, il a bien dans son parti amputé des fidèles
qui se sont nourris de ses thèses.
Au nom donc du PIT (version Wodié), le secrétaire
général Kouablan François, les professeurs Kouadio Jérémie et Martin Bléou,
peuvent bien remettre l’idée au goût du jour. Si jusque-là, rien n’est fait,
c’est certainement parce que le pouvoir a eu raison des convictions du «
champion de la concertation nationale ». N’est-ce pas aussi parce qu’il a été
incapable de mettre en pratique la concertation au sein de son propre parti
(déchiqueté par des intérêts personnels), qu’il a choisi de faire profil bas ?
Tout compte fait, on retiendra que la théorie de la
concertation nationale est morte lorsque son champion est devenu membre du bloc
qui a l’entière responsabilité de faire sortir la Côte d’Ivoire du gouffre dans
lequel il l’a plongée. Dommage !
Ce même 14 décembre 2012, où Alain
Bouikalo s’interrogeait ainsi, dans Notre Voie, sur ce que
Francis Wodié avait fait de sa conviction que seule une conférence nationale
souveraine pourrait permettre d’en finir définitivement avec l’interminable
crise du politique qui s’est emparée de la Côte d’Ivoire depuis la fin des
années 1980, Le Nouveau Courrier
prêtait à l’actuel président du Conseil constitutionnel ces propos sibyllins qu’il
aurait adressés, la veille, à des étudiants de l’Université de Cocody :
Francis Wodié (cr Abidjan.net/Prisca) |
- "Je suis parti mais je suis encore debout. Et je vous invite à me guider"... S’agirait-il déjà d’un repentir ? C’est en tout cas une coïncidence bien étrange.
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