2012
« Si j’étais à votre place, vous investisseur ou chef d’entreprise
européen ou, tout simplement, étranger à la Côte d’Ivoire, j’aurais hésité à
effectuer ce déplacement, tant l’image que donnent de nombreux media de notre
pays est peu rassurante.
Parce que selon tous les indicateurs, selon
de nombreux spécialistes et experts en Economie, selon de grands cabinets
internationaux, selon les média les plus pointus qui écrivent sur l’Afrique,
investir dans un pays qui va de crise aiguë en crise aiguë depuis 15 ans, est
particulièrement risqué. Mettre de l’argent dans un pays dont la presse ne
parle que du climat d’insécurité qui y règne n’est pas très conseillé.
Comment puis-je avoir confiance dans un pays
dans lequel les commissariats, les casernes et les postes de polices sont
régulièrement attaqués ?
Un pays où régulièrement les journaux font
état de complots de déstabilisation déjoués par les autorités ?
Et pourtant, malgré ces tableaux alarmistes,
la Côte d’Ivoire est de retour.
Aux questions que certains d’entre vous et
pas des moindres se posent logiquement, vous permettrez que je réponde par des
interrogations :
Comment, malgré plus de 10 années de crise
politico-militaire, bon nombre d’investissements dans cette période de forte
instabilité se sont avérés judicieux car ayant générés de bons revenus et
produit de bons résultats. Tels, le secteur de la banque (le nombre
d’établissements financiers est passé de 18 en 2004 à 24 en 2012), le secteur
de l’assurance (1er de la zone CIMA avec une croissance moyenne de 6,6% par an
depuis 2004) ainsi que le secteur des TIC pour ne citer que ceux-là.
Comment ; malgré cette instabilité chronique
en Côte d’Ivoire, ce pays a pu maintenir sa position de premier producteur de
cacao au monde ; a pu se hisser au rang de troisième producteur et 1er
exportateur mondial d’anacarde et de sixième producteurs d’hévéa.
Enfin, comment ce pays-là a-t-il pu conserver
sa position de leader de la zone UEMOA ?
Un seul mot en guise de réponse : la
résilience de l’économie ivoirienne.
Cette résilience, qui permet à l’économie
ivoirienne de repartir vigoureusement après chaque grave crise sociopolitique :
- 2,5 point de croissance dès 2001 après la
crise de 1999
- 3,6 point de croissance après la crise de
2004
- 8,5 points de croissance en 2012 après la
crise postélectorale.
C’est cette même résilience de l’économie
ivoirienne qui a permis à son secteur privé de redémarrer ses activités dans un
délai enviable, alors qu’il fut très ébranlé par la crise poste électorale. En effet,
1954 entreprises ont été crées en 2011, et 1069 au premier trimestre de l’année
2012.
Certes, certains analystes économiques
essaieront d’expliquer cette résilience par des arguments rationnels. Mais pour
nous hommes d’affaires, cette économie a ce petit quelque chose d’inexplicable
qui fait sa force.
Mesdames et Messieurs, en me basant sur ses
faits concrets que je viens de mentionner, je ne me pose plus de questions, je
laisse tomber toutes les analyses des experts mondiaux en investissement qui insistent
sur le risque pays, et je dis, j’y vais.
J’y
vais,
comme le Groupe NSIA, qui de l’assurance en Côte d’Ivoire, s’est installé dans
11 pays africains incluant le Nigéria. Ce même groupe qui a étendu ses
activités à la banque en faisant l’acquisition de la BIAO en 2007. De cette
acquisition dont notre groupe en est fier, les performances de la BIAO lui ont
permis de passer de la 6ème place en 2007 à la 3ème en 2011 pendant cette
période de crise.
Je laisse tomber toutes les grandes théories
des Cabinets en stratégie et j’y vais, comme le Groupe OLAM l’a fait, en
s’alliant, entre autres, au Groupe SIFCA de mon jeune frère et (désormais) non
moins ministre Jean Louis Billon.
J’y
vais,
comme le Groupe Bolloré qui, avec sa filiale Bolloré Africa Logistique a
investi dans le Port à conteneurs d’Abidjan plusieurs dizaines de millions d’€uros,
consolidant ses positions et multipliant son chiffre d’affaires et ses
résultats pendant cette période.
J’y
vais
comme Petro Ivoire, un groupe ivoirien de distribution de produits pétroliers
qui s’est consolidé et a étendu ses activités dans le Gaz, y réalisant un des
investissements les plus importants de ces dernières années.
J’y
vais
comme ces grandes sociétés de téléphonie mobile qui rivalisent d’investissement
et d’innovation, mettant la modernité à la portée des masses populaires
ivoiriennes.
J’y
vais
comme les Groupes Marocains qui investissent massivement depuis quelque temps
en Côté d’Ivoire. Et ils n’ont pas tord.
Tout cela pour vous donner quelques exemples
concrets, car ils sont nombreux, les investisseurs qui ont réussi pendant cette
période de crise ou qui reviennent s’installer en Côte d’ivoire.
Aujourd’hui, j’avais juste envie de partager
avec vous mon intuition d’homme d’affaires qui croit très fort que la Côte
d’Ivoire est le pays où il faut investir, et investir maintenant. Car vous investirez
dans un pays à forte rentabilité, leader de la sous-région et hub d’un marché
de 300 millions de consommateurs (CEDEAO).
Croyez moi et soyez en sûr, si les
entreprises ivoiriennes que j’ai l’honneur de représenter, avait la capacité
d’absorber seules tout le flux financier qui va circuler en Côte d’Ivoire ces
prochaines années, je n’aurais pas été devant vous aujourd’hui afin de vous
recommander vivement de venir investir en Côte d’Ivoire. Comme on dit chez
nous, on aurait mangé seul cet argent.
Et au delà de ces éléments très concrets qui
illustrent l’opportunité que représente la Côte d’Ivoire, je dois mentionner
d’autres aspects qui viennent améliorer le climat des affaires depuis plus
d’une année maintenant.
Nous amorçons un tournant décisif dans
l’histoire économique de la Côte d’Ivoire avec pour la 1ère fois, une
convergence de vue, une vision d’avenir partagée entre les pouvoirs publics et
le secteur privé. Avec le Plan National de Développement élaboré par le
Gouvernement qui vient rencontrer celui, à plus long terme (le plan stratégique
Côte d’Ivoire 2040), défini et adopté par le Patronat, et mis à la disposition
des autorités. Désormais le cap est fixé et notre pays sait dans quelle
direction il doit se diriger. Comment et à quel rythme il doit construire son
développement.
Par ailleurs, de nombreux signes lancés par
le Gouvernement, ont considérablement amélioré le cadre des affaires depuis
quelques temps :
- Je pense notamment au guichet unique
récemment mis en place qui simplifie considérablement la procédure
administrative de création d’entreprise.
Ainsi en 48 heures, vous pouvez maintenant
boucler toute la procédure de création de votre entreprise.
- Je pense, également, est c’est très
important, vous le savez, à la création d’un tribunal de commerce qui gère
désormais les litiges entre entreprises.
- Autre mesure, et, c’est un signal notable,
une incitation à travailler pour créer de la richesse, la baisse substantielle
du B.I.C qui est passé de 35% à 25%.
Vous m’en voudrez, et c’est normal, si je
termine mon intervention sans dire un mot de la corruption.
Nous, hommes d’affaires ivoiriens partageons
le même sentiment sur la question; à savoir que la corruption est de moins en
moins flagrante dans notre pays. Et les signaux que nos gouvernants nous
envoient tendent à nous convaincre de ce que leur volonté de lutter contre ce
fléau est réelle.
La presse s’est largement faite l’écho de
l’effort d’assainissement dans la justice, notamment avec la suspension de
quatre (04) hauts Magistrats dans notre pays. Une mesure forte qui contribue à
rassurer à la fois l’investisseur, et le justiciable. Nous avons donc la
conviction que de moins en moins, en Côte d’Ivoire, la corruption sera un frein
à la rentabilité et à la prospérité des entreprises.
Venez donc, et nous ferons ensemble de bonnes
affaires. Vous y trouverez sur place, des partenaires compétents et intègres ;
des partenaires ayant la maîtrise de l’environnement des affaires en Côte
d’Ivoire et qui savent évoluer pour s’adapter à un climat des affaires en
pleine mutation.
Vous trouverez également une main d’œuvre de
qualité, disponible et abondante.
Le temps de la Côte d’Ivoire est venu. Et
nous vous invitons à être présents au moment où cela se passe. Parce que c’est
maintenant que cela se passe. Demain, il sera trop tard.
Je vous remercie. »
Jean Kacou Diagou, Président de la CGECI
Source : Banque Mondiale 5 décembre
2012
Le discours du président de la
Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), Jean Kacou
Diagou, lors de la réunion du Groupe Consultatif pour le Financement du PND
2012-2015, que la presse a diffusé sous le titre : "Investir en Côte d’Ivoire ? J’y vais !",
et que nous avons reproduit ci-dessus, est une véritable invitation au pillage
des ressources de la Côte d’Ivoire. Ces gens se croient revenus au beau temps
du prétendu « miracle ivoirien » des années 1960-1970, quand, toute
l’intelligentsia ivoirienne étant embastillée ou paralysée par la terreur, les
fameux bailleurs de fonds faisaient des fortunes faciles sur le dos des
Ivoiriens, avec la complicité d’Houphouët et ses ministres des Finances
successifs, dont un certain Bédié…, celui-là même qui joue à présent les
eunuques en chef au service des Ouattara. A cette époque-là, ce n’étaient pas
des Ivoiriens, mais des chroniqueurs de la presse colonialiste qui se
chargeaient de faire la réclame. Voici, par exemple, ce que cela donnait sous
la plume d’un Pierre Biarnès, alors le correspondant du Monde pour la
sous-région, basé à Dakar.
En 1963, il voyait « l’économie
ivoirienne en pleine expansion », et il ne semblait pas douter qu’elle
maintiendrait indéfiniment cette allure.
Vingt ans plus tard, en 1982,
changement de ton : il n’est plus question de miracle, mais d’« un
modèle à l’épreuve »...
M.A
1963
L'économie de la Côte d'Ivoire est en nette expansion
de notre envoyé spécial Pierre Biarnès
– Le Monde du 18 décembre 1963
« "SONAFI
8 % 1933". Cette affiche jaune, en lettres rouges et noires, reproduite à
des centaines d'exemplaires, attire l'attention dés que l'on quitte l'aérodrome
d'Abidjan. Pour l'étranger informé des menées subversives qui ont été
découvertes M en janvier et en août, et dans lesquelles sont impliquées
plusieurs dizaines de personnalités politiques, cet appel à l'épargne, lancé par
une société d'Etat avec la garantie de l’Etat, apparaît de prime abord comme un
défi.
Quelques Jours
passés à interroger les responsables, tant ivoiriens qu'étrangers, dés
différents secteurs d’activité du pays ment du contraire : ce pari de la Côte
d’Ivoire et de son gouvernement sur la confiance qu'ils estiment l'un et
l'autre continuer à inspirer n'a rien de téméraire.
Quelques chiffres
suffisent à témoigner de la poursuite de l’expansion économique et confirment
l'impression de prospérité que l'on ressent, immédiatement, en parcourant la
capitale ivoirienne, où s’élèvent chaque mois de nouveaux immeubles, hôtels ou
édifices publics, le disputant en luxe et en confort à ce que l'on fait de
mieux actuellement dans le monde.
Au 31 octobre
1963, les recettes douanières s'élevaient à 18090 millions de francs CFA contre
15364 millions en 1962, soit une progression de 2726 millions de francs CFA.
Le trafic du port
d'Abidjan au cours des neuf premiers mois 1963 s'élevait à 2182845 tonnes
contre 1844746 tonnes en 1962, soit une progression de 300 000 tonnes, dont
260000 tonnes à l'exportation et 78 000 tonnes à l'importation.
De leur côté, les
récoltes de café et de cacao qui viennent de s'achever ont atteint des chiffres
records : 184 800 tonnes pour le café et 100000 tonnes pour le cacao. Selon les
prévisions pour les nouvelles campagnes ouvertes officiellement le 28 septembre
1963, ces chiffres seraient dépassés, tout au moins en ce qui concerne le café.
On est en effet généralement moins optimiste actuellement en ce qui concerne le
cacao, par suite de l'abondance des pluies. Quoi qu'il en soit, l'augmentation
des prix à l’intérieur du pays, résultant de nouvelle» conditions de
commercialisation, ainsi que l'augmentation probable des tonnages devrait
entraîner normalement un accroissement de l'activité du commerce général et des
industries naissantes en Côte d'Ivoire.
Quant à la
balance commerciale, dont l’excédent était de 5 milliards de francs C.FA. en
1961 et avait atteint 10 milliards en 1962, soit un doublement, elle se soldait
par un excédent de 12 milliards à l’issue des huit premiers mois de l'année en
cours.
Ces résultats
remarquables sont ceux d’une politique économique réaliste, de caractère
libéral, poursuivie par M. Houphouët-Boigny et son ministre des finances, M.
Raphaël Saller.
La Côte d'Ivoire possède au surplus d'importants atouts
d'ordre géographique qui expliquent, eux aussi, l'expansion actuelle et qui
sont peut-être bien la cause profonde du maintien de la confiance des
investisseurs étrangers, par-delà certains risques d'agitation politique :
diversité des zones climatiques et des sols, et situation d'ensemble dans la
zone tropicale humide qui favorise la diversification, déjà grande, des
cultures ; position côtière, qui permet une moins coûteuse mise en exploitation
que dans les pays de l'intérieur ; plus grand pouvoir d'achat des masses
rurales.
Deux chiffres résument au reste à eux seuls cette
expansion et ce maintien de la confiance : en 1959, à peine 10000 français
résidaient en Côte d’Ivoire ; en 1963, ils dépassent le nombre de
20000. »
1982
UN MODÈLE A L’ÉPREUVE
Les limites du « miracle »
Par Pierre Biarnès – Le Monde 16-17 mai 1982
« Pendant deux décennies, la Côte d'Ivoire a été en
Afrique la vitrine de l’Occident. Dès février 1969, M. Mac-Namara, alors
président de la Banque mondiale, en visite à Abidjan, s'exclamait, admiratif et
satisfait : « II serait difficile sans
doute de trouver dans toute l'Afrique un pays gui ait accompli des progrès plus
décisifs vers la prospérité ».
De 1960 à 1979, le produit intérieur brut de la
Côte-d'Ivoire a été multiplié par treize en valeur courante, passant d'environ
145 milliards de francs CFA à près de 1900 milliards, et il a plus que
quadruplé en francs constants. Pendant la même période, le revenu réel par
habitant a triplé pour atteindre près de 200 000 francs C.P.A. par an en francs
courants, pour une population qui — du fait notamment de l'immigration en
provenance des pays voisins a elle-même plus que doublé (la Côte d'Ivoire
compte actuellement près de huit millions d'habitants).
En 1979, près de vingt ans après l'indépendance, quel
que soit le secteur considéré, il était incontestable qu'un premier et
important palier de développement avait été atteint. Les axes routiers
importants étaient revêtus ; l'infrastructure de l'éducation primaire était à
peu près en place (environ 80% des enfants étaient scolarisés) ;
l’électrification des villes et des principales localités (près de 450) était
réalisée, de même que l'approvisionnement régulier en eau potable de presque
tous les villages ; le pays était doté d'un tissu industriel de base pour les
activités les plus rentables de transformation des produits agricoles ou de
substitution aux importations, etc.
La très forte croissance de la production agricole,
notamment de la production agricole « industrielle » et d'exportation, passée
de 650 000 tonnes en 1960 à près de 1 500 000 en 1978, a été à la Base de cette
expansion et dans ce cadre, le cacao et le café qui, tout au long de la période
considérée, ont représenté environ 60 % des exportations à eux deux, ont joué
le rôle essentiel.
En 1978, avec 296884 tonnes (contre 85683 en 1960), la
Côte d'Ivoire est devenue le premier producteur mondial de cacao, dépassant le
Ghana, tandis que cette année-là, qui n'était cependant pas une très bonne
année, avec 196226 tonnes (contre 136635 en 1960), elle se maintenait au
troisième rang des producteurs mondiaux de café, derrière le Brésil et la
Colombie.
Parallèlement, dans le cadre d'une politique de diversification
méthodiquement menée, la Côte d'Ivoire était devenue un des plus gros
producteurs mondiaux d'huile de palme (118037 tonnes en 1977-1978, contre 20
736 en 1960). Sa production de coton était passée de 6 505 tonnes (de
coton-graines) en 1960 à près de 120 000 tonnes en 1978 ; celle d'ananas, de 19
885 tonnes à 62 200 ; celle de bananes, de 88 000 tonnes à 160 000 ; celle de
latex de 81 tonnes à 15500 tonnes. La Côte d'Ivoire était, d'autre part, en
train de devenir un important producteur de sucre de canne, et elle se lançait
dans la culture en grand du soja.
Durant les quatre dernières années, cette croissance
s'est poursuivie à un rythme très soutenu. 367000 tonnes de café (chiffre
record) ont été produites en 1980-1981 et environ 350 000 tonnes sont attendues
de la présente campagne. Quant au cacao, avec plus de 400 000 tonnes pour les
deux dernières campagnes, il bat, lui aussi, de nouveaux records.
Surtout, de 1976 à 1979, la flambée des prix de ces deux
produits, qui, à certains moments, ont même respectivement quadruplé et doublé,
a permis l'explosion de la croissance : en 1977, par exemple, année où les
cours du café ont atteint en moyenne 1222 francs CFA. le kilo et ceux du cacao
99800 F CFA, la valeur de la production ivoirienne totale augmentait de 47 %,
les investissements publics doublaient et la Côte-d'Ivoire triplait ses
emprunts extérieurs.
L'euphorie était à son comble et Abidjan devenait le
symbole de la réussite.
Le réveil devait être plus brutal. En moins de deux ans,
le marché international du café et du cacao se retournait complètement et les
cours de ces deux produits retrouvaient, en valeur nominale, leur médiocre
niveau de 1974 : autour de 400 F CFA pour le premier et de 550 pour le second.
En valeur réelle, c'était encore pire, et, le coût de ses importations s'étant,
pendant ce temps-là, par contre, considérablement élevé, la Côte d'Ivoire,
victime finalement d'une fantastique détérioration des termes de ses échanges,
se retrouvait, en dépit de la progression continue de sa production, avec des
revenus amputés de moitié, une infrastructure économique qu'elle avait de plus
en plus de mal à faire fonctionner, une structure financière en plein
déséquilibre.
Pour faire face à la crise, il fallait stopper
brutalement d'importants programmes d'investissements, en particulier dans le
secteur du bâtiment et des travaux publics, et dissoudre nombre de sociétés
publiques, qui, après avoir été pendant plusieurs années les locomotives de
l'expansion, se retrouvaient presque toutes en état de faillite virtuelle. Des
licenciements massifs s'ensuivaient, tandis que la chute des revenus, qui se
propageait de proche en proche, se répercutait sur le niveau de la production
industrielle, qui s'installait dans une relative stagnation, après avoir connu
des taux de croissance annuelle de l'ordre de 12 % pendant de longues années.
Plus profondément la crise mettait à nu les principaux
défauts du système de développement ivoirien, que les bons résultats des années
précédentes avaient eu tendance à masquer : une très grande dépendance
vis-à-vis de l'extérieur et de considérables disparités internes. Sa richesse
provenant essentiellement de cultures d'exportation dont elle ne maîtrise pas
les cours — c'est vrai de ses deux grandes cultures traditionnelles, le café et
le cacao, mais ce le sera tout autant de ses cultures nouvelles, telles que
l'huile de palme ou l'hévéa, — la Côte d'Ivoire ne peut prétendre assurer, sur
des bases aussi fragiles, un véritable décollage économique.
Mais, dans la mesure où, pour accélérer autrement sa
croissance, elle a très largement fait appel, par ailleurs, et avec succès à
d'autres facteurs étrangers — hommes, capitaux, techniques, — elle a d’autant
aggravé sa dépendance, et cela n'est pas non plus sans danger.
Ainsi, les intérêts étrangers représentent plus des
trois quarts du capital social des entreprises industrielles privées. Les
emprunts auprès de l'étranger atteignaient environ I 500 milliards de francs
O.P.A., à la fin de 1981, et la charge annuelle de cette dette approchait alors
près du tiers de la valeur des exportations. Les expatriés européens sont"
omniprésents et les travailleurs étrangers africains se retrouvent dans des
proportions très importantes dans tous les secteurs 25 % dans l'industrie, 85 %
dans le commerce, 75 % parmi les salariés de l'agriculture.
Le coût de cette dépendance est important du point de
vue financier, et il aggrave lourdement la balance des paiements. II est
également élevé quant aux risques politiques et sociaux. Bien que
l'assimilation soit particulièrement réussie en Côte d'Ivoire, où 30 % au moins
de la population est étrangère, il reste que, dans un contexte de crise et de
rareté de l'emploi, cette situation peut dégénérer en conflit de nationalités.
On le voit bien depuis un an ou deux, avec les controverses publiques qui sont
apparues au sujet de l'origine d'une criminalité urbaine dont la croissance est
inverse à la récession économique.
D'autre part, en dépit d'efforts certains en sens
contraire, entrepris à l'initiative du président Houphouët-Boigny lui-même, le
développement ivoirien, dans la mesure ou il était essentiellement axé sur la
croissance de te production, s'est incontestablement accompagné d'importantes
distorsions et a accentué les inégalités du pays.
— Les inégalités géographiques puisque la zone
forestière méridionale, qui était naturellement la plus riche, a reçu la
majorité des investissements agricoles et industriels depuis l'indépendance ;
— Les inégalités entre Abidjan, métropole du Sud en
pleine expansion, et de tout le reste du pays, encore que l'afflux considérable
d'immigrants que cela a provoqué dans la capitale a vite entraîné l'apparition
de gigantesques et dangereuses poches de pauvreté aux abords immédiats des
quartiers résidentiels de celle-ci ;
— Les inégalités de revenus, enfin, avec un éventail de
plus en plus large entre les faibles ressources de la majorité de la population
et la richesse criante de quelques centaines de super-privilégiés.
Avec l'entrée en exploitation du pétrole
off shore, la Côte d'Ivoire escompte légitimement sortir de la grave crise à
laquelle elle est actuellement confrontée. Dès l'an prochain, la production
(environ 600 000 tonnes) du petit gisement «Bélier», au large de Grand-Bassam,
et celle (de l’ordre de 1500 000 tonnes) des premiers forages du gisement
«Espoir », au large de Jacqueville, couvriront très largement ses besoins. En
attendant mieux, d'ici trois à quatre ans, le cap des 6 millions de tonnes
pourrait être atteint, permettant d'effacer toutes les dettes actuelles et de
repartir de l'ayant. »
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