mardi 4 décembre 2012

« Nous ne permettrons pas aux allogènes d’agresser nos forêts classées. »

"Ils sont venus essentiellement des pays de la Cedeao et s’introduisent dans les forêts classées comme si c’était un butin de guerre."
Interview du colonel Martin Kouassi Kouadio, Directeur du centre de gestion de la Sodefor d’Abengourou, où il est question des activités de cette société d’Etat, de ses difficultés sur le terrain et des actions qu’il entend mener pour préserver le patrimoine forestier.

Notre Voie : Cela fait quelques mois que vous avez pris fonction dans cette partie Est du pays ; quelles sont vos zones de compétence ?
Martin Kouassi Kouadio : Notre zone de compétence est assez large. Le côté Est est délimité par le fleuve Comoé. La partie Est entre le fleuve Comoé et le Ghana est le ressort territorial du centre de gestion d’Abengourou. Mais ce n’est pas linéaire. Il y a aussi une incursion autour des départements de Daoukro, M’bahiakro et Bongouanou. A ce niveau, nous gérons les forêts situées dans cette zone. Nous faisons limite avec le centre de gestion de Bouaké dans sa partie Nord au-dessus de M’bahiakro et puis un peu à l’Ouest de Bocanda, le centre de gestion d’Agboville, et maintenant vers le Sud, nous faisons frontière avec le centre de gestion d’Abidjan autour d’Alepé. Voilà en fait toute la partie Est qui compose notre zone de compétence.

N.V. : Nous sortons d’une crise armée, dans quel état avez-vous trouvé les forêts de l’EST du pays ?
M.K.K. : A l’Est du pays, les forêts sont dans un état piteux. Mais à les comparer à celles de l’Ouest, nous nous réjouissons. En matière de sécurité, nous arrivons à fréquenter nos forêts. Et donc, pas de problèmes d’insécurité comme à l’Ouest où les étrangers occupent de manière illégale les forets classées. Là-bas, ils sont venus essentiellement des pays de la Cedeao et s’introduisent dans les forêts classées comme si c’était un butin de guerre qu’on se partage. Nos forêts sont aussi concernées par ce phénomène. Mais ici, il y a le concours assez salutaire des autorités administratives et coutumières d’Abengourou qui nous aident à éradiquer ce phénomène.

N.V. : Mais Il y a eu quand même des actions de déguerpissement dans les forets d’Abengourou, quel est l’état des lieux à ce jour ?
M.K.K. : Les forêts classées d’Abengourou, notamment celles de Bossematchè et de Beki ne sont pas en reste. Elles ont été infiltrées. Donc nous avons organisé des patrouilles. Pour l’heure, nous avons la maîtrise du terrain. N’empêche qu’il y a quelques actions isolées. Car il y a des gens qui se cachent toujours dans la forêt classée de Beki où nous n’avons pas pu démanteler tout le réseau. Pour l’heure, nous avons pu faire sortir le gros du contingent de la forêt de Bossematchè.

N.V. : Mais combien d’hectares de plantations de cacao et de café avez vous détruits ?
M.K.K. : Les déguerpissements ont été de grande ampleur. Il n’y a pas que cette année. Le phénomène a commencé en 2011, on a estimé à 300 hectares les forêts qui ont été détruites sur les deux années. Toutes les plantations de cacao ont été détruites. Il ne reste qu’une petite superficie à détruire.

N.V. : Vous avez pour mission de reconstituer la forêt, au niveau de l’Est, peut-on avoir des chiffres en terme de reboisement ?
M.K.K. : De gros efforts de reboisement ont été faits. Il faut distinguer deux périodes. La première période est équivalente à l’ouverture du centre de gestion de la Sodefor d’Abengourou. Et puis, le financement par la coopération allemande pour l’amélioration de ces forêts. Donc, à cette période, comme les moyens ont été dégagés, il y a eu de grandes superficies reboisées. Et cela, vers l’année 1992, il y a eu les Allemands d’un côté et les Français de l’autre. Avec l’action conjuguée de ces bailleurs de fonds, on a réussi à faire de grandes superficies de reboisement. La deuxième période, après le départ de ces bailleurs de fond, nos actions de reboisement ont diminué parce que cela se fait avec le financement de la Sodefor. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, ce sont 23.000 hectares de forêt qui ont été reboisés.

N.V. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de vos fonctions ?
M.K.K. : Effectivement, la crise postélectorale ne nous a pas épargnés. Tous nos véhicules ont été emportés. Ce qui rendait nos activités difficiles sur le terrain. Mais également, il y a des problèmes de finances, cela est à l’image du pays. Progressivement, tout se renouvelle, par conséquent nous continuons nos activités.

N.V. : Quels sont vos projets pour la sauvegarde des forêts de l’Est ?
M.K.K. : Nous allons détruire toute nouvelle plantation dans les forêts classées dont nous avons la charge. Mais, également, nous procéderons au déguerpissement. Je vous informe qu’au Sénégal, au Mali et au Burkina-Faso, celui qui détruit un arbre est jugé et condamné avec de lourdes amendes. Alors, pourquoi ces ressortissants de la Cedeao, lorsqu’ils arrivent en Côte d’Ivoire, cherchent-ils à infiltrer nos forets classées ? Pour cela, nous ferons tout pour ne pas permettre aux allogènes d’agresser nos forêts classées. C’est vrai, à l’Ouest toutes les forêts classées sont exploitées illicitement par des étrangers. Mais au niveau d’Abengourou nous sommes en train de les vider. Il faut que nous conjuguions nos efforts pour éradiquer ce fléau. Car il en va de la survie de nos forêts.

Interview réalisée par Jean Goudale


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : Notre Voie 19 octobre 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire