CRISE AU PDCI, CRISE DU PDCI, CRISE DE L’HOUPHOUETISME
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En marge de la réunion en cours de l’instance dirigeante suprême de l’ancien parti unique aujourd’hui en pleine crise identitaire, voici, à l’intention de ceux de nos lecteurs qui sont aussi des adhérents ou des sympathisants de ce parti – ce n’est pas impossible, et ce n’est pas un péché –, quelques réflexions sur son état vers le milieu des années 1980, qui, à en juger d’après certains bruits qui nous parviennent ces jours-ci du microcosme houphouéto-bédiéiste, n’ont peut-être pas cessé d’être actuelles, et qui pourraient donc, nous l'espérons, les aider à y voir plus clair au moment où se pose la question de la survie du vieux parti sous ce régime dominé par ceux qui, il y a 18 ans, y jetèrent les premiers germes de la division.
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Dans la mémoire collective des Ivoiriens, l'image du Parti démocratique de la Côte-d'Ivoire (P.D.C.I.) doit tout son lustre à ce qu'il fut ou faillit être entre le 9 avril 1946, date de sa création, et le 6 octobre 1950, jour où Félix Houphouët, tirant à sa façon la leçon des graves événements suscités par la provocation du 6 février 1949, mit brutalement fin à ce qu'on peut bien appeler la période héroïque du P.D.C.I.-R.D.A.[1].
Toute étude de la structure, du fonctionnement et du rôle du parti unique actuellement au pouvoir doit commencer par la reconnaissance du fait que, dans son histoire depuis le jour où les Ivoiriens ont pu s'organiser librement, le pays a connu, non pas une, mais deux formes d'organisation politique, quoique sous une seule et même appellation.
En effet, si le parti au pouvoir porte le nom de P.D.C.I., il n'en demeure pas moins vrai que la formation politique déclarée en 1946 sous cette appellation fut pratiquement détruite par l'action du gouverneur Péchoux et par l'inaction de ses propres dirigeants en 1950 et après 1950 ; que ses militants les plus actifs furent persécutés, neutralisés ou assassinés ; que ses dirigeants les plus irréductibles furent bannis de la vie publique pendant de longues années ; et, enfin, en 1956, lorsque ce parti put à nouveau se présenter au grand jour à l'occasion des élections législatives, qu'il ne s'est pas agi d'une résurrection au sens biblique, l'auréole du P.D.C.I. ayant servi à coiffer tout autre chose que le vaste mouvement populaire spontané et résolument anticolonialiste des années 1940. Très exactement c'en était l'antithèse, la négation même, après l'abandon des objectifs qui avaient été ceux de ce mouvement, de ses méthodes de direction et d'intervention, et après le renversement des alliances d'alors. Engagé sur cette pente, il fut inévitablement entraîné à entreprendre des actions conjointes avec les pires adversaires du mouvement anticolonialiste, en particulier, avec les colons français de Côte-d'Ivoire et leurs alliés des partis et organisations anti-R.D.A. Dans les assemblées de Paris, il fut mis au service des partis qui l'avaient combattu en tant qu'il était le parti des vrais patriotes africains.
L'existence de deux périodes bien distinctes de l'histoire du P.D.C.I. est donc un fait évident. La coupure se situe à la charnière des années 1949-1950. De part et d'autre de cette charnière, le sigle P.D.C.I. a incontestablement recouvert deux réalités très différentes.
Il s'agit de réalités historiques ; c'est-à-dire que leur nature n'est pas déterminée par une volonté consciente des hommes qui ont contribué à leur émergence, mais par des conditions diverses dont les plus déterminantes étaient imprévisibles et incontrôlables.
Il serait, bien entendu, naïf de vouloir dissocier le P.D.C.I. en deux essences étrangères l'une à l'autre et parfaitement distinctes, dont l'une appartiendrait à l'ère d'avant et l'autre à l'ère d'après la date fatidique de 1950. Si une telle distinction est certainement utile du point de vue théorique, il ne faut pas, toutefois, perdre de vue que certaines conditions de leur apparition ou de leur existence peuvent être réalisées à des époques différentes. Seules changent les proportions dans lesquelles elles se mélangent aux conditions vraiment spécifiques et singulières. Par exemple, et pour s'en tenir aux seuls faits de conscience en tant qu'ils manifestent le rapport des forces en interaction à un moment donné, l'état d'esprit qui dominait parmi les Ivoiriens avant 1950 n'a pas disparu de la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui. Inversement, l'état d'esprit qui domine aujourd'hui existait déjà à un certain degré avant 1950,
La période héroïque du P.D.C.I. ne recouvre que cinq courtes années sur les quarante ans d'existence de ce parti. Cinq années qui ont incontestablement marqué la Côte-d'Ivoire ; mais ce n'est pas à elles que la vie politique actuelle doit principalement ni, surtout, directement, sa physionomie.
Aujourd'hui, les motivations des responsables et, par conséquent, leur attitude vis-à-vis des masses, sont à l'opposé de ce qu'elles étaient avant 1950.
Le meilleur expert en la matière est F. Houphouët lui-même : « Notre parti, né le 9 avril 1946, héritier du Syndicat agricole africain créé le 10 juillet 1944, ( ... ) avait pour vocation d'exprimer et de défendre nos légitimes aspirations et de rassembler tout le peuple ivoirien, sans distinction de couches sociales, de races ni de religions. Pendant toute la durée de la lutte pour l'indépendance, il est demeuré fidèle à cet idéal. Toutes les volontés étaient tendues vers un objectif précis, qui était de recouvrer notre liberté confisquée et notre dignité bafouée.
« La population était mobilisée comme un seul homme au sein du parti et autour de ses responsables ( ... ) J'ai le regret de devoir dire qu'une fois l'indépendance acquise, nous n'avons pas retrouvé le même dynamisme, la même cohésion, la même mobilisation des esprits et des cœurs. A mesure que se développait le progrès économique et social, s'affadissait l'ardeur combative des militants et militantes et surtout des cadres. Le pur courant de l'idéal se perdait dans le marécage des intérêts personnels et des ambitions égoïstes. Le peuple ne se sentait plus concerné par l'action des dirigeants, ne participait pas réellement à leur choix ; il avait l'impression d'être livré à lui-même, peut-être méprisé par ceux-là mêmes qui ne rendaient pas compte de leur mandat... »[2].
On ne peut pas mieux faire ressortir ce qui fait la différence entre les deux époques du P.D.C.I. !
A la fin des années 1940, au plus fort de l'épreuve de force déclenchée par le gouverneur Péchoux, le P.D.C.I. est le seul parti politique dans lequel la presque totalité des Ivoiriens se reconnaissaient. Dans sa chronique de ce temps, Bernard Dadié signale à plusieurs reprises les visites de soutien que les enfants d'adversaires notoires du mouvement anticolonialiste faisaient aux prisonniers de Bassam. Cet exemple est pour montrer que, sans être des militants ou, formellement, des adhérents, beaucoup d'Ivoiriens s'identifiaient alors dans le P.D.C.I. dès lors qu'ils n'avaient pas de raisons particulières de pactiser avec son principal ennemi, l'administration coloniale française.
Le P.D.C.I. n'était pas alors un parti unique. Même réduits à de maigres comités d'aboyeurs dispersés sur la route des caravanes, il y avait d'autres formations politiques déclarées, regroupant soit des Africains, soit des Français. Ces partis anti-R.D.A. bénéficiaient de l'appui du gouverneur. Pourtant, c'est le P.D.C.I. seul qui contenait toute la force politique efficace disponible en Côte-d'Ivoire !
Aux deux périodes de l'histoire du P.D.C.I. correspondent deux orientations politiques et économiques et, par voie de conséquence, deux projets de société.
Une phrase prononcée par Jacob Williams, l'un des prisonniers de Bassam, définit assez bien l'orientation générale d'avant 1950 : « Nous luttons, nous lutterons contre toute politique d'expansion coloniale des trusts étrangers en Afrique noire française, parce que nous n'avons pas le droit d'aliéner l'avenir politique et économique de notre pays »[3]. Ce n'est pas là, précisément, le principe qui a prévalu au moment des choix politiques et économiques caractéristiques de la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui !
Les déclarations faites en 1950 devant la cour d'assises de Bassam par les dirigeants R.D.A. emprisonnés n'étaient pas des résolutions élaborées par les instances statutaires officielles du P.D.C.I. A considérer la diversité de ces textes et ce qu'ils doivent de toute évidence tant à la personnalité qu'à la qualité de la formation politique de chacun d'eux, il s'agit incontestablement de l'exposé de leurs vues personnelles. Mais, il s'agit de très hauts dirigeants du P.D.C.I., qui avaient dans ce parti une influence de plus en plus grande depuis 1948 en particulier. La plupart deviendront des hommes d'Etat de premier plan ; J. Williams, par exemple, sera le ministre de l'Economie du premier Conseil de gouvernement de la Côte-d'Ivoire.
Le P.D.C.I. était en outre en pleine recherche d'une doctrine. Il ne faut pas oublier qu'il se trouvait alors à seulement quatre années du jour de sa fondation. Quatre années pendant lesquelles la poignée de militants d'avant-garde avaient eu tant à faire dans tous les domaines, et alors que le plus urgent était d'organiser et d'informer la masse des adhérents qui ne cessait de croître.
Il était normal, dans ces conditions, qu'il n'existât pas alors une doctrine officielle univoque, une orthodoxie. On n'en constate pas moins une profonde unité de vue entre les différents orateurs et, sans aucun doute, tous les autres étaient d'accord avec J. Williams sur ce point. Quant à la masse des adhérents et la quasi totalité des Ivoiriens, on ne peut pas douter que les paroles de l'inculpé de Bassam, qui disait d'ailleurs, parler en leur nom, leur sont allées droit au cœur[4].
Avant 1950, les objectifs que visaient la majorité des Ivoiriens ne pouvaient être atteints que par la lutte positive et des actions de masse. C'est cette conviction que B. Dadié exprime en disant : « Nous, au Rassemblement démocratique africain, nous luttons parce que nous savons que les alouettes ne tombent pas toutes seules du ciel »[5].
Pratiquement, le retournement de 1950 revint à biffer, dans un premier temps, le verbe « Lutter » et à le remplacer par le verbe « Capituler » ; et, dans un deuxième temps, à entretenir, avec le thème du « miracle économique », l'illusion que les alouettes tombent du ciel toutes rôties. Dès lors, l'existence d'un parti vraiment capable de mobiliser les initiatives des masses n'était plus jugée nécessaire. Mais, surtout, l'immolation du mouvement anticolonialiste était réclamée par les nouveaux amis du député de la Côte-d'Ivoire.
F. Houphouët ne pouvait pas répudier l'auréole de cette école d'héroïsme désintéressé sans aggraver la suspicion dont il était déjà l'objet de la part de ceux qui étaient avertis de ce qui se tramait. En outre, abandonner ce symbole, c'était laisser aux éléments radicaux qui traînaient la jambe, la possibilité trop belle de relancer quelque jour le mouvement dans sa forme originelle. Les possibilités d'une telle relance existaient bel et bien. En tout cas, les autorités coloniales en étaient persuadées[6] et elles avaient fait savoir qu'elles ne voulaient pas en courir le risque. Ainsi, la fidélité dont F. Houphouët se réclame était à la fois une obligation et une apparence.
L'usage ainsi fait de l'auréole du mouvement anticolonialiste des années 1940 pour couvrir une démarche à rebours de ce courant a été le plus sûr moyen d'en finir avec lui. La fidélité purement verbale à l'idéal du P.D.C.I. n'a été et n'est encore qu'un moyen d'empêcher l'éclosion d'un autre parti qui serait plus justement fondé à s'en réclamer, parce qu'il reprendrait les mêmes objectifs et les mêmes méthodes.
Il était évidemment impossible de maintenir le P.D.C.I. de 1946 tel qu'il est dépeint avec une feinte nostalgie en 1980, en changeant si profondément son principe. Qui plus est, dans les années qui suivirent le « repli tactique », on ne constate pas d'actes concrets qui traduisent chez les dirigeants de ce parti la volonté de cultiver, en les pratiquant les premiers, les vertus qu'ils réclamaient des militants et des cadres subalternes. Bien au contraire, et sans même compter les effets délétères des graves crises internes des premières années 1960, qui n'ont pas dépendu d'une volonté ivoirienne conduite en toute conscience, le recrutement des hauts personnels du parti au pouvoir ne pouvait que le dégrader davantage.
Si le nom de P.D.C.I. a été conservé religieusement après 1950, on ne s'est pas soucié, dix pleines années durant, de convoquer un seul congrès de ce parti, ne fût-ce que pour y donner, publiquement et solennellement, acte aux nombreuses victimes directes et indirectes de la terreur coloniale, du triomphe de leur idéal ! En laissant ainsi se prolonger jusqu'en 1959 la paralysie provoquée par les mesures d'exception instaurées en 1950, on ne faisait, en somme, qu'exécuter le plan anti-R.D.A. à long terme du gouvernement français[7].
Pour bien juger des paroles de F. Houphouët qu'on a citées plus haut, il faut se souvenir que le VIIe Congrès s'est tenu dans le sillage de la « démocratisation », ce coup de poker qui avait libéré des processus dangereux auxquels il ne s'attendait pas et qui rendaient nécessaire et urgente la reprise en main d'un parti qui s'en allait de toutes parts et menaçait de lui échapper. Il s'agit donc de paroles de circonstance. Mais, au-delà du jeu politicien dérisoire, c'est la description fidèle de ce qu'on pourrait appeler le « qui pro quo » ivoirien.
Tout ce que F. Houphouët a dit ce jour-là est rigoureusement vrai. Mais d'une part, c'est incomplet et, d'autre part, aucun des auditeurs ne pouvait ignorer que le président du parti voulait faire porter à d'autres, principalement à Philippe Yacé, un chapeau qui n'appartenait qu'à lui-même.
C'est incomplet, car le principal dirigeant du P.D.C.I. depuis sa fondation passa sous silence les divergences graves qui surgirent en son sein dès 1947[8] et surtout en 1949-1950, pour ne rien dire de la crise de 1963-1965 qui appartient à l'histoire du P.D.C.I. d'après le « repli tactique ».
Ces divergences, d'ailleurs normales (on en voit dans la vie de tout mouvement politique), ne concernaient pas seulement les méthodes de lutte mais aussi les objectifs à court et à long termes. Il est notoire, par exemple, que le principe du « repli tactique » ne fut pas approuvé par la plupart des « compagnons ». Les uns ne s'y sont pliés que contraints par la menace d'être réduits à la misère, comme d'autres militants irréductibles du R.D.A. le furent ailleurs[9]. Les autres pour des raisons diverses, mais qui, en tout cas, n'eurent rien à voir avec la conception qu'ils avaient eux-mêmes de l'idéal politique du R.D.A.
F. Houphouët a imposé, avec l'appui ouvert des autorités coloniales et du gouvernement français, une politique qui impliquait non seulement l'abandon des actions de masse, mais aussi l'abandon du simple militantisme responsable des adhérents du parti. Par la suite, leur rôle s'amenuisera toujours plus dans la vie du parti et dans la vie politique, au fur et à mesure de l'intégration dans la direction du parti, à tous les niveaux, de la plupart des anciens adversaires du mouvement anticolonialiste. C'est ainsi que dans la dernière période, des fondateurs du Parti progressiste ont pu devenir des membres haut-placés du P.D.C.I. sans avoir eu à faire la preuve de leur ralliement sincère aux idéaux que ce sigle recouvre.
Une autre conséquence du « repli tactique », c'est l'importance que la corruption a prise dans la vie politique dès les années 1950. Jusqu'alors, c'était le fait des seuls suppôts du colonialisme. Quant aux militants du P.D.C.I., ils se caractérisaient aussi par leur moralité exemplaire.
B. Dadié rapporte cette anecdote qui devrait trouver sa place, la plus haute, dans un « De Viris… » ivoirien si quelqu'un pensait à l'écrire : « Un gouverneur (...) a essayé de détacher de nous, une de nos camarades femmes, secrétaire générale, en lui promettant une voiture toute neuve, trente mille francs de rente mensuels et des avantages divers. Elle lui répondit simplement : "Ce n'est pas le moment où les femmes de France et du monde entier luttent pour la liberté et la paix que nous, femmes africaines, allons croiser les bras... Depuis vingt ans je marche à pied, je n'ai que faire de votre voiture. Je vis bien sans votre rente. Nous continuerons la bataille à côté de nos frères, de nos pères et de nos maris qu'on arrête et tue". »[10]
A présent, ce sont les hautes sphères mêmes du P.D.C.I. qui sont gangrenées. On ne peut même pas être assuré qu'il n'y a pas une volonté politique à la racine de ce mal. Dès 1956, en effet, la politique était devenu le plus rapide moyen d'enrichissement en Côte-d'Ivoire à condition de se situer dans l'obédience de F. Houphouët. En même temps, l'opposition déclarée à cette ligne politique était aussi devenue le plus sûr moyen de tomber dans la misère ou de s'y enfoncer.
En octobre 1951, lorsqu'il appelait les masses R.D.A. à se rallier à sa politique de collaboration avec le colonat et l'administration coloniale, alors que les vrais patriotes avaient les mains liées, le président du R.D.A. ne faisait ni plus ni moins que supprimer ce qui constituait la force de ce mouvement, c'est-à-dire sa capacité de mobiliser les initiatives des masses en vue de la reconquête de leurs droits que ses nouveaux amis persistaient à leur nier.
Telles sont les actions qui ont entraîné, avec la perte du « pur courant de l'idéal », « l'affadissement de l'ardeur combative des militants et des militantes et surtout des cadres ».
Quant au deuxième point, il est évidemment impossible qu'il y ait eu, sous le secrétariat général de Ph. Yacé, une déviation dont le président du parti ne pût connaître l'existence qu'en en constatant les effets à l'occasion des renouvellements et des innovations électoraux de 1979. Si c'était le cas, les congressistes auraient d'ailleurs pu s'interroger sur sa capacité à servir les multiples fonctions qu'il s'est attribuées ! A quoi sert-il, en effet, d'être si puissant si on peut rester près de vingt ans sans s'apercevoir que vos agents et hommes de confiance vous trahissent ?
En réalité, et encore mieux depuis les curieuses confidences qu'il a faites en avril 1983[11] à l'occasion de la grève des enseignants, on sait bien comment, grâce aux fonds secrets dont Alain Belkiri est le généreux dispensateur[12], grâce aux écoutes téléphoniques, au viol des correspondances, aux filatures policières et aux rapports d'une nuée de sycophantes, le chef de l'Etat contrôle la scène politique et les acteurs qui s'y produisent.
Les congressistes ne pouvaient donc pas douter qu'il a toujours très bien su ce que les fonctionnaires du parti unique faisaient, ni qu'il n'a jugé bon d'y aller de ses critiques générales et vagues, autant dire sans portée politique, qu'à partir du moment où leurs agissements ne servaient plus sa politique de poudre aux yeux, parce qu'ils avaient fini par exaspérer l'opinion publique à un moment où, en outre, l'échec du modèle économique devenait patent.
La nostalgie du « pur courant de l'idéal » et la dénonciation du « marécage des intérêts personnels et des ambitions égoïstes » et, d'une façon générale, ce qui est dit dans la première partie de cette citation qui oppose et compare les pratiques des deux partis homonymes et l'attitude des simples gens à leur égard sous-entend que le P.D.C.I. fondé le 9 avril 1946 possédait les ressources nécessaires pour mobiliser les initiatives responsables des Ivoiriens et que le parti unique actuellement au pouvoir n'en a pas !
Certes, il est vrai que dans les années 1940, les Ivoiriens participaient effectivement au choix des dirigeants et qu'ils se sentaient concernés par leurs actions, comme on le vit si bien à l'occasion des manifestations spontanées de soutien aux grévistes de la faim. Leur adhésion au mouvement anticolonialiste était, selon le mot de B. Dadié, « une association librement consentie ». Il est vrai aussi que le peuple n'était pas méprisé. Témoin la belle formule de J.-B. Mockey : « Pour moi, la force d'un pays réside avant tout dans la conviction qu'ont ses enfants à défendre les droits et libertés chèrement acquis et qui leur appartiennent tous et non point dans celle qu'ils peuvent avoir à se faire les complices du maintien de privilèges de classe. Bien plus, je suis convaincu que sans le peuple, l'élite d'un pays ne saurait avoir de justification à sa propre existence. »[13]
La censure tardive des signes de déliquescence de la morale politique dans la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui constitue l'aveu involontaire qu'en tout état de cause, le parti unique au pouvoir ne possède ni sa propre doctrine, ni ses propres objectifs et méthodes d'action, et qu'en cela il est essentiellement différent du P.D.C.I. des années 1940. Il y a donc le souci d'entretenir l'illusion d'une identité bien improbable et, en même temps, l'aveu implicite qu'en réalité le P.D.C.I. n'existe peut-être plus.
Au moment de ce constat, le pays se trouve de nouveau à un tournant de son histoire. On parle de l'après-Houphouët. Le chef de l'Etat sera tantôt parvenu à un âge où il est normal de mourir ou d'aller à la retraite. Mais, quelle que soit la profondeur du vide qu'il laissera après lui et quoi qu'il advienne de la Côte-d'Ivoire, l'« après-Houphouët » ne sera que la période plus ou moins étendue durant laquelle les nouvelles autorités constitueront les caractères originaux d'un nouveau régime.
Si le règne de F. Houphouët fut utile à beaucoup, surtout en dehors de la Côte-d'Ivoire, il fut probablement trop long pour pouvoir se survivre sur le même train sans beaucoup d'inconvénients sérieux. Les « compagnons » sont vieux, ou bien ils ont pâli et, parfois, se sont corrompus à attendre si longtemps à l'ombre du plus élevé d'entre eux. De sorte qu'il est bien improbable que le personnel politique issu de l'histoire de la période héroïque du P.D.C.I. puisse fournir le remplacement idéal, c'est-à-dire un homme possédant assez de sang-froid pour conduire une politique tout en cultivant chez le peuple le rêve d'une autre.
La conscience de cette difficulté a dû certainement guider la réorganisation du parti unique, opérée en 1980 dans la foulée de la « démocratisation ». Le VIIe Congrès a vu, en effet, la cooptation au sommet du parti d'un certain nombre d'hommes jeunes qui illustrèrent, au sein de l'histoire mouvementée du M.E.O.C.A.M. et du M.E.E.C.I.[14], des idées et des méthodes tout à l'opposé de la tradition du P.D.C.I. des années 1940. Avec eux et pour la première fois, ce n'est plus l'idéal anticolonialiste auquel F. Houphouët lui-même était obligé de se référer, mais un nationalisme étroit, élitaire, tel que les pétainistes invétérés qui combattaient le R.D.A. le trouveraient tout à fait à leur goût, qui fait son entrée à la direction du P.D.C.I. ! Cette orientation existe aussi au sein des instances locales de ce parti où elle s'exprime avec beaucoup plus de naïveté. Le secrétaire à la Presse de la section du P.D.C.I.-R.D.A. d'Agnibilékrou écrit dans une tribune, libre il est vrai, de l'hebdomadaire de ce parti : « La direction du parti doit recenser ces sections et les réorganiser en comités de quartier. Cette réorganisation devra s'appuyer uniquement sur les nationaux afin de pouvoir constater réellement l'amour des Ivoiriens pour le parti, pour leur pays, car le poids des étrangers fausse la vie du parti dans nos régions... »[15]
La promotion de ceux qui professent une telle idéologie signifie-t-elle qu'on a définitivement renoncé aux vertus du P.D.C.I. que le président évoquait avec une tristesse feinte dans son adresse aux congressistes ? En 1946, le P.D.C.I. était aussi internationaliste ; il comptait de nombreux étrangers parmi ses membres éminents et même parmi ses fondateurs !
Quoi qu'il en soit, on peut s'inquiéter de constater à quel point l'idéal dont F. Houphouët regrette la perte a peu à voir avec l'idéal de ses jeunes compagnons qui, en outre, semblent encore à la recherche d'une définition de l’houphouétisme qui les satisfasse, près de cinq ans après le VIIe Congrès ![16] Les fameux appels aux jeunes ne seraient-ils que des appels à ceux qui n'ont pas de mémoire ?
Les nouveaux jeunes turcs du parti unique obligatoire sont-ils l'avenir qu'on prépare pour la Côte-d'Ivoire ? Ce n'est qu'une hypothèse. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont bel et bien le présent de ce parti. Avec de tels idéologues à sa direction, qui semblent, en outre, avoir été éduqués en vue de ce rôle, le P.D.C.I. est désormais tout à fait dégagé de ses traditions populaires et démocratiques.
II est d'ailleurs incorrect de dire qu'ils sont à la recherche d'une définition de l’houphouétisme.
L’houphouétisme, chacun sait ce que c'est. C'est la politique que seul F. Houphouët a pu conduire en Côte-d'Ivoire sans soulever en même temps l'ensemble du peuple contre elle. De ce fait, on ne peut pas imaginer l’houphouétisme sans celui qui lui donne son nom. Après lui, personne n'aura besoin de l’houphouétisme parmi les Ivoiriens, surtout pas ces bons élèves des missions récemment appelés à la direction du parti et qui paraissent tout à fait convaincus que la direction des hommes est une simple technique qu'il suffit d'appliquer.
Ces jeunes gens sont venus tout armés dans ce bastion du pouvoir. C'est pourquoi, presque dans le même temps où F. Houphouët regrette qu'on ne sache plus mobiliser les initiatives des masses, Alphonse Djédjé Mady, lui, parle de les mener : « Je sais, par expérience, ce que c'est que diriger les hommes ; et je sais que, toujours, ce n'est pas facile »[17]. Voilà une belle preuve que le parti fondé en 1946 et le parti dont ce meneur d'hommes est l'un des hauts dirigeants ne sont décidément pas le même parti !
Mais il ne faut pas s'attacher trop au sens des mots. N'est-ce pas le mobilisateur qui a appelé le meneur auprès de lui pour diriger le P.D.C.I. et tout spécialement sa fraction la plus jeune, celle qui est la plus éloignée des sources du « pur courant de l'idéal » ? Et n'est-ce pas lui aussi qui, bien avant que ce pur produit d'une mission probablement mal épurée en 1944 et mal décolonisée après 1960 ne se fasse connaître comme casseur du mouvement étudiant, avait décrété l'appartenance obligatoire de tous les Ivoiriens au parti unique ?
Comme on forme le troupeau, on le mène ; et le bouvier ne s'inquiète pas de la volonté des bœufs !
Le P.D.C.I. est, aujourd'hui, non seulement le seul parti légal en Côte-d'Ivoire, mais encore c'est un parti auquel tous les Ivoiriens et même les résidents africains doivent obligatoirement cotiser. La carte d'adhérent est devenue une sorte de passeport intérieur. Ce procédé n'en a pas fait un parti populaire dans lequel les masses se reconnaissent, au contraire ! Les simples gens « achètent » leur carte « sous l'effet de la contrainte pour pouvoir voyager en paix, pour ne pas être inquiétés par la police, ou pour faire comme tout le monde »[18]. Seuls « les vieux, ceux qui ont connu les travaux forcés[19] et les vicissitudes de la colonisation voient toujours le parti comme l'organe de la libération du pays, de la suppression de l'impôt et des travaux forcés et ont déclaré être membres du parti par conviction personnelle »[20]. Ils n'en sont pas moins, eux aussi, tenus à distance respectueuse par les égoïstes, les contempteurs et les meneurs d'hommes qui gravitent autour de F. Houphouët.
Ainsi s'explique que, en dépit de la puissance théorique que lui confèrent les moyens de l'Etat mis à son service, le parti unique au pouvoir ne peut fonctionner que comme une fiction cérémonielle ou comme une Eglise concordataire qui demande à ses membres non pas tant de croire que d'être soumis.
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En marge de la réunion en cours de l’instance dirigeante suprême de l’ancien parti unique aujourd’hui en pleine crise identitaire, voici, à l’intention de ceux de nos lecteurs qui sont aussi des adhérents ou des sympathisants de ce parti – ce n’est pas impossible, et ce n’est pas un péché –, quelques réflexions sur son état vers le milieu des années 1980, qui, à en juger d’après certains bruits qui nous parviennent ces jours-ci du microcosme houphouéto-bédiéiste, n’ont peut-être pas cessé d’être actuelles, et qui pourraient donc, nous l'espérons, les aider à y voir plus clair au moment où se pose la question de la survie du vieux parti sous ce régime dominé par ceux qui, il y a 18 ans, y jetèrent les premiers germes de la division.
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Dans la mémoire collective des Ivoiriens, l'image du Parti démocratique de la Côte-d'Ivoire (P.D.C.I.) doit tout son lustre à ce qu'il fut ou faillit être entre le 9 avril 1946, date de sa création, et le 6 octobre 1950, jour où Félix Houphouët, tirant à sa façon la leçon des graves événements suscités par la provocation du 6 février 1949, mit brutalement fin à ce qu'on peut bien appeler la période héroïque du P.D.C.I.-R.D.A.[1].
Toute étude de la structure, du fonctionnement et du rôle du parti unique actuellement au pouvoir doit commencer par la reconnaissance du fait que, dans son histoire depuis le jour où les Ivoiriens ont pu s'organiser librement, le pays a connu, non pas une, mais deux formes d'organisation politique, quoique sous une seule et même appellation.
En effet, si le parti au pouvoir porte le nom de P.D.C.I., il n'en demeure pas moins vrai que la formation politique déclarée en 1946 sous cette appellation fut pratiquement détruite par l'action du gouverneur Péchoux et par l'inaction de ses propres dirigeants en 1950 et après 1950 ; que ses militants les plus actifs furent persécutés, neutralisés ou assassinés ; que ses dirigeants les plus irréductibles furent bannis de la vie publique pendant de longues années ; et, enfin, en 1956, lorsque ce parti put à nouveau se présenter au grand jour à l'occasion des élections législatives, qu'il ne s'est pas agi d'une résurrection au sens biblique, l'auréole du P.D.C.I. ayant servi à coiffer tout autre chose que le vaste mouvement populaire spontané et résolument anticolonialiste des années 1940. Très exactement c'en était l'antithèse, la négation même, après l'abandon des objectifs qui avaient été ceux de ce mouvement, de ses méthodes de direction et d'intervention, et après le renversement des alliances d'alors. Engagé sur cette pente, il fut inévitablement entraîné à entreprendre des actions conjointes avec les pires adversaires du mouvement anticolonialiste, en particulier, avec les colons français de Côte-d'Ivoire et leurs alliés des partis et organisations anti-R.D.A. Dans les assemblées de Paris, il fut mis au service des partis qui l'avaient combattu en tant qu'il était le parti des vrais patriotes africains.
L'existence de deux périodes bien distinctes de l'histoire du P.D.C.I. est donc un fait évident. La coupure se situe à la charnière des années 1949-1950. De part et d'autre de cette charnière, le sigle P.D.C.I. a incontestablement recouvert deux réalités très différentes.
Il s'agit de réalités historiques ; c'est-à-dire que leur nature n'est pas déterminée par une volonté consciente des hommes qui ont contribué à leur émergence, mais par des conditions diverses dont les plus déterminantes étaient imprévisibles et incontrôlables.
Il serait, bien entendu, naïf de vouloir dissocier le P.D.C.I. en deux essences étrangères l'une à l'autre et parfaitement distinctes, dont l'une appartiendrait à l'ère d'avant et l'autre à l'ère d'après la date fatidique de 1950. Si une telle distinction est certainement utile du point de vue théorique, il ne faut pas, toutefois, perdre de vue que certaines conditions de leur apparition ou de leur existence peuvent être réalisées à des époques différentes. Seules changent les proportions dans lesquelles elles se mélangent aux conditions vraiment spécifiques et singulières. Par exemple, et pour s'en tenir aux seuls faits de conscience en tant qu'ils manifestent le rapport des forces en interaction à un moment donné, l'état d'esprit qui dominait parmi les Ivoiriens avant 1950 n'a pas disparu de la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui. Inversement, l'état d'esprit qui domine aujourd'hui existait déjà à un certain degré avant 1950,
La période héroïque du P.D.C.I. ne recouvre que cinq courtes années sur les quarante ans d'existence de ce parti. Cinq années qui ont incontestablement marqué la Côte-d'Ivoire ; mais ce n'est pas à elles que la vie politique actuelle doit principalement ni, surtout, directement, sa physionomie.
Aujourd'hui, les motivations des responsables et, par conséquent, leur attitude vis-à-vis des masses, sont à l'opposé de ce qu'elles étaient avant 1950.
Le meilleur expert en la matière est F. Houphouët lui-même : « Notre parti, né le 9 avril 1946, héritier du Syndicat agricole africain créé le 10 juillet 1944, ( ... ) avait pour vocation d'exprimer et de défendre nos légitimes aspirations et de rassembler tout le peuple ivoirien, sans distinction de couches sociales, de races ni de religions. Pendant toute la durée de la lutte pour l'indépendance, il est demeuré fidèle à cet idéal. Toutes les volontés étaient tendues vers un objectif précis, qui était de recouvrer notre liberté confisquée et notre dignité bafouée.
« La population était mobilisée comme un seul homme au sein du parti et autour de ses responsables ( ... ) J'ai le regret de devoir dire qu'une fois l'indépendance acquise, nous n'avons pas retrouvé le même dynamisme, la même cohésion, la même mobilisation des esprits et des cœurs. A mesure que se développait le progrès économique et social, s'affadissait l'ardeur combative des militants et militantes et surtout des cadres. Le pur courant de l'idéal se perdait dans le marécage des intérêts personnels et des ambitions égoïstes. Le peuple ne se sentait plus concerné par l'action des dirigeants, ne participait pas réellement à leur choix ; il avait l'impression d'être livré à lui-même, peut-être méprisé par ceux-là mêmes qui ne rendaient pas compte de leur mandat... »[2].
On ne peut pas mieux faire ressortir ce qui fait la différence entre les deux époques du P.D.C.I. !
A la fin des années 1940, au plus fort de l'épreuve de force déclenchée par le gouverneur Péchoux, le P.D.C.I. est le seul parti politique dans lequel la presque totalité des Ivoiriens se reconnaissaient. Dans sa chronique de ce temps, Bernard Dadié signale à plusieurs reprises les visites de soutien que les enfants d'adversaires notoires du mouvement anticolonialiste faisaient aux prisonniers de Bassam. Cet exemple est pour montrer que, sans être des militants ou, formellement, des adhérents, beaucoup d'Ivoiriens s'identifiaient alors dans le P.D.C.I. dès lors qu'ils n'avaient pas de raisons particulières de pactiser avec son principal ennemi, l'administration coloniale française.
Le P.D.C.I. n'était pas alors un parti unique. Même réduits à de maigres comités d'aboyeurs dispersés sur la route des caravanes, il y avait d'autres formations politiques déclarées, regroupant soit des Africains, soit des Français. Ces partis anti-R.D.A. bénéficiaient de l'appui du gouverneur. Pourtant, c'est le P.D.C.I. seul qui contenait toute la force politique efficace disponible en Côte-d'Ivoire !
Aux deux périodes de l'histoire du P.D.C.I. correspondent deux orientations politiques et économiques et, par voie de conséquence, deux projets de société.
Une phrase prononcée par Jacob Williams, l'un des prisonniers de Bassam, définit assez bien l'orientation générale d'avant 1950 : « Nous luttons, nous lutterons contre toute politique d'expansion coloniale des trusts étrangers en Afrique noire française, parce que nous n'avons pas le droit d'aliéner l'avenir politique et économique de notre pays »[3]. Ce n'est pas là, précisément, le principe qui a prévalu au moment des choix politiques et économiques caractéristiques de la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui !
Les déclarations faites en 1950 devant la cour d'assises de Bassam par les dirigeants R.D.A. emprisonnés n'étaient pas des résolutions élaborées par les instances statutaires officielles du P.D.C.I. A considérer la diversité de ces textes et ce qu'ils doivent de toute évidence tant à la personnalité qu'à la qualité de la formation politique de chacun d'eux, il s'agit incontestablement de l'exposé de leurs vues personnelles. Mais, il s'agit de très hauts dirigeants du P.D.C.I., qui avaient dans ce parti une influence de plus en plus grande depuis 1948 en particulier. La plupart deviendront des hommes d'Etat de premier plan ; J. Williams, par exemple, sera le ministre de l'Economie du premier Conseil de gouvernement de la Côte-d'Ivoire.
Le P.D.C.I. était en outre en pleine recherche d'une doctrine. Il ne faut pas oublier qu'il se trouvait alors à seulement quatre années du jour de sa fondation. Quatre années pendant lesquelles la poignée de militants d'avant-garde avaient eu tant à faire dans tous les domaines, et alors que le plus urgent était d'organiser et d'informer la masse des adhérents qui ne cessait de croître.
Il était normal, dans ces conditions, qu'il n'existât pas alors une doctrine officielle univoque, une orthodoxie. On n'en constate pas moins une profonde unité de vue entre les différents orateurs et, sans aucun doute, tous les autres étaient d'accord avec J. Williams sur ce point. Quant à la masse des adhérents et la quasi totalité des Ivoiriens, on ne peut pas douter que les paroles de l'inculpé de Bassam, qui disait d'ailleurs, parler en leur nom, leur sont allées droit au cœur[4].
Avant 1950, les objectifs que visaient la majorité des Ivoiriens ne pouvaient être atteints que par la lutte positive et des actions de masse. C'est cette conviction que B. Dadié exprime en disant : « Nous, au Rassemblement démocratique africain, nous luttons parce que nous savons que les alouettes ne tombent pas toutes seules du ciel »[5].
Pratiquement, le retournement de 1950 revint à biffer, dans un premier temps, le verbe « Lutter » et à le remplacer par le verbe « Capituler » ; et, dans un deuxième temps, à entretenir, avec le thème du « miracle économique », l'illusion que les alouettes tombent du ciel toutes rôties. Dès lors, l'existence d'un parti vraiment capable de mobiliser les initiatives des masses n'était plus jugée nécessaire. Mais, surtout, l'immolation du mouvement anticolonialiste était réclamée par les nouveaux amis du député de la Côte-d'Ivoire.
F. Houphouët ne pouvait pas répudier l'auréole de cette école d'héroïsme désintéressé sans aggraver la suspicion dont il était déjà l'objet de la part de ceux qui étaient avertis de ce qui se tramait. En outre, abandonner ce symbole, c'était laisser aux éléments radicaux qui traînaient la jambe, la possibilité trop belle de relancer quelque jour le mouvement dans sa forme originelle. Les possibilités d'une telle relance existaient bel et bien. En tout cas, les autorités coloniales en étaient persuadées[6] et elles avaient fait savoir qu'elles ne voulaient pas en courir le risque. Ainsi, la fidélité dont F. Houphouët se réclame était à la fois une obligation et une apparence.
L'usage ainsi fait de l'auréole du mouvement anticolonialiste des années 1940 pour couvrir une démarche à rebours de ce courant a été le plus sûr moyen d'en finir avec lui. La fidélité purement verbale à l'idéal du P.D.C.I. n'a été et n'est encore qu'un moyen d'empêcher l'éclosion d'un autre parti qui serait plus justement fondé à s'en réclamer, parce qu'il reprendrait les mêmes objectifs et les mêmes méthodes.
Il était évidemment impossible de maintenir le P.D.C.I. de 1946 tel qu'il est dépeint avec une feinte nostalgie en 1980, en changeant si profondément son principe. Qui plus est, dans les années qui suivirent le « repli tactique », on ne constate pas d'actes concrets qui traduisent chez les dirigeants de ce parti la volonté de cultiver, en les pratiquant les premiers, les vertus qu'ils réclamaient des militants et des cadres subalternes. Bien au contraire, et sans même compter les effets délétères des graves crises internes des premières années 1960, qui n'ont pas dépendu d'une volonté ivoirienne conduite en toute conscience, le recrutement des hauts personnels du parti au pouvoir ne pouvait que le dégrader davantage.
Si le nom de P.D.C.I. a été conservé religieusement après 1950, on ne s'est pas soucié, dix pleines années durant, de convoquer un seul congrès de ce parti, ne fût-ce que pour y donner, publiquement et solennellement, acte aux nombreuses victimes directes et indirectes de la terreur coloniale, du triomphe de leur idéal ! En laissant ainsi se prolonger jusqu'en 1959 la paralysie provoquée par les mesures d'exception instaurées en 1950, on ne faisait, en somme, qu'exécuter le plan anti-R.D.A. à long terme du gouvernement français[7].
Pour bien juger des paroles de F. Houphouët qu'on a citées plus haut, il faut se souvenir que le VIIe Congrès s'est tenu dans le sillage de la « démocratisation », ce coup de poker qui avait libéré des processus dangereux auxquels il ne s'attendait pas et qui rendaient nécessaire et urgente la reprise en main d'un parti qui s'en allait de toutes parts et menaçait de lui échapper. Il s'agit donc de paroles de circonstance. Mais, au-delà du jeu politicien dérisoire, c'est la description fidèle de ce qu'on pourrait appeler le « qui pro quo » ivoirien.
Tout ce que F. Houphouët a dit ce jour-là est rigoureusement vrai. Mais d'une part, c'est incomplet et, d'autre part, aucun des auditeurs ne pouvait ignorer que le président du parti voulait faire porter à d'autres, principalement à Philippe Yacé, un chapeau qui n'appartenait qu'à lui-même.
C'est incomplet, car le principal dirigeant du P.D.C.I. depuis sa fondation passa sous silence les divergences graves qui surgirent en son sein dès 1947[8] et surtout en 1949-1950, pour ne rien dire de la crise de 1963-1965 qui appartient à l'histoire du P.D.C.I. d'après le « repli tactique ».
Ces divergences, d'ailleurs normales (on en voit dans la vie de tout mouvement politique), ne concernaient pas seulement les méthodes de lutte mais aussi les objectifs à court et à long termes. Il est notoire, par exemple, que le principe du « repli tactique » ne fut pas approuvé par la plupart des « compagnons ». Les uns ne s'y sont pliés que contraints par la menace d'être réduits à la misère, comme d'autres militants irréductibles du R.D.A. le furent ailleurs[9]. Les autres pour des raisons diverses, mais qui, en tout cas, n'eurent rien à voir avec la conception qu'ils avaient eux-mêmes de l'idéal politique du R.D.A.
F. Houphouët a imposé, avec l'appui ouvert des autorités coloniales et du gouvernement français, une politique qui impliquait non seulement l'abandon des actions de masse, mais aussi l'abandon du simple militantisme responsable des adhérents du parti. Par la suite, leur rôle s'amenuisera toujours plus dans la vie du parti et dans la vie politique, au fur et à mesure de l'intégration dans la direction du parti, à tous les niveaux, de la plupart des anciens adversaires du mouvement anticolonialiste. C'est ainsi que dans la dernière période, des fondateurs du Parti progressiste ont pu devenir des membres haut-placés du P.D.C.I. sans avoir eu à faire la preuve de leur ralliement sincère aux idéaux que ce sigle recouvre.
Une autre conséquence du « repli tactique », c'est l'importance que la corruption a prise dans la vie politique dès les années 1950. Jusqu'alors, c'était le fait des seuls suppôts du colonialisme. Quant aux militants du P.D.C.I., ils se caractérisaient aussi par leur moralité exemplaire.
B. Dadié rapporte cette anecdote qui devrait trouver sa place, la plus haute, dans un « De Viris… » ivoirien si quelqu'un pensait à l'écrire : « Un gouverneur (...) a essayé de détacher de nous, une de nos camarades femmes, secrétaire générale, en lui promettant une voiture toute neuve, trente mille francs de rente mensuels et des avantages divers. Elle lui répondit simplement : "Ce n'est pas le moment où les femmes de France et du monde entier luttent pour la liberté et la paix que nous, femmes africaines, allons croiser les bras... Depuis vingt ans je marche à pied, je n'ai que faire de votre voiture. Je vis bien sans votre rente. Nous continuerons la bataille à côté de nos frères, de nos pères et de nos maris qu'on arrête et tue". »[10]
A présent, ce sont les hautes sphères mêmes du P.D.C.I. qui sont gangrenées. On ne peut même pas être assuré qu'il n'y a pas une volonté politique à la racine de ce mal. Dès 1956, en effet, la politique était devenu le plus rapide moyen d'enrichissement en Côte-d'Ivoire à condition de se situer dans l'obédience de F. Houphouët. En même temps, l'opposition déclarée à cette ligne politique était aussi devenue le plus sûr moyen de tomber dans la misère ou de s'y enfoncer.
En octobre 1951, lorsqu'il appelait les masses R.D.A. à se rallier à sa politique de collaboration avec le colonat et l'administration coloniale, alors que les vrais patriotes avaient les mains liées, le président du R.D.A. ne faisait ni plus ni moins que supprimer ce qui constituait la force de ce mouvement, c'est-à-dire sa capacité de mobiliser les initiatives des masses en vue de la reconquête de leurs droits que ses nouveaux amis persistaient à leur nier.
Telles sont les actions qui ont entraîné, avec la perte du « pur courant de l'idéal », « l'affadissement de l'ardeur combative des militants et des militantes et surtout des cadres ».
Quant au deuxième point, il est évidemment impossible qu'il y ait eu, sous le secrétariat général de Ph. Yacé, une déviation dont le président du parti ne pût connaître l'existence qu'en en constatant les effets à l'occasion des renouvellements et des innovations électoraux de 1979. Si c'était le cas, les congressistes auraient d'ailleurs pu s'interroger sur sa capacité à servir les multiples fonctions qu'il s'est attribuées ! A quoi sert-il, en effet, d'être si puissant si on peut rester près de vingt ans sans s'apercevoir que vos agents et hommes de confiance vous trahissent ?
En réalité, et encore mieux depuis les curieuses confidences qu'il a faites en avril 1983[11] à l'occasion de la grève des enseignants, on sait bien comment, grâce aux fonds secrets dont Alain Belkiri est le généreux dispensateur[12], grâce aux écoutes téléphoniques, au viol des correspondances, aux filatures policières et aux rapports d'une nuée de sycophantes, le chef de l'Etat contrôle la scène politique et les acteurs qui s'y produisent.
Les congressistes ne pouvaient donc pas douter qu'il a toujours très bien su ce que les fonctionnaires du parti unique faisaient, ni qu'il n'a jugé bon d'y aller de ses critiques générales et vagues, autant dire sans portée politique, qu'à partir du moment où leurs agissements ne servaient plus sa politique de poudre aux yeux, parce qu'ils avaient fini par exaspérer l'opinion publique à un moment où, en outre, l'échec du modèle économique devenait patent.
La nostalgie du « pur courant de l'idéal » et la dénonciation du « marécage des intérêts personnels et des ambitions égoïstes » et, d'une façon générale, ce qui est dit dans la première partie de cette citation qui oppose et compare les pratiques des deux partis homonymes et l'attitude des simples gens à leur égard sous-entend que le P.D.C.I. fondé le 9 avril 1946 possédait les ressources nécessaires pour mobiliser les initiatives responsables des Ivoiriens et que le parti unique actuellement au pouvoir n'en a pas !
Certes, il est vrai que dans les années 1940, les Ivoiriens participaient effectivement au choix des dirigeants et qu'ils se sentaient concernés par leurs actions, comme on le vit si bien à l'occasion des manifestations spontanées de soutien aux grévistes de la faim. Leur adhésion au mouvement anticolonialiste était, selon le mot de B. Dadié, « une association librement consentie ». Il est vrai aussi que le peuple n'était pas méprisé. Témoin la belle formule de J.-B. Mockey : « Pour moi, la force d'un pays réside avant tout dans la conviction qu'ont ses enfants à défendre les droits et libertés chèrement acquis et qui leur appartiennent tous et non point dans celle qu'ils peuvent avoir à se faire les complices du maintien de privilèges de classe. Bien plus, je suis convaincu que sans le peuple, l'élite d'un pays ne saurait avoir de justification à sa propre existence. »[13]
La censure tardive des signes de déliquescence de la morale politique dans la Côte-d'Ivoire d'aujourd'hui constitue l'aveu involontaire qu'en tout état de cause, le parti unique au pouvoir ne possède ni sa propre doctrine, ni ses propres objectifs et méthodes d'action, et qu'en cela il est essentiellement différent du P.D.C.I. des années 1940. Il y a donc le souci d'entretenir l'illusion d'une identité bien improbable et, en même temps, l'aveu implicite qu'en réalité le P.D.C.I. n'existe peut-être plus.
Au moment de ce constat, le pays se trouve de nouveau à un tournant de son histoire. On parle de l'après-Houphouët. Le chef de l'Etat sera tantôt parvenu à un âge où il est normal de mourir ou d'aller à la retraite. Mais, quelle que soit la profondeur du vide qu'il laissera après lui et quoi qu'il advienne de la Côte-d'Ivoire, l'« après-Houphouët » ne sera que la période plus ou moins étendue durant laquelle les nouvelles autorités constitueront les caractères originaux d'un nouveau régime.
Si le règne de F. Houphouët fut utile à beaucoup, surtout en dehors de la Côte-d'Ivoire, il fut probablement trop long pour pouvoir se survivre sur le même train sans beaucoup d'inconvénients sérieux. Les « compagnons » sont vieux, ou bien ils ont pâli et, parfois, se sont corrompus à attendre si longtemps à l'ombre du plus élevé d'entre eux. De sorte qu'il est bien improbable que le personnel politique issu de l'histoire de la période héroïque du P.D.C.I. puisse fournir le remplacement idéal, c'est-à-dire un homme possédant assez de sang-froid pour conduire une politique tout en cultivant chez le peuple le rêve d'une autre.
La conscience de cette difficulté a dû certainement guider la réorganisation du parti unique, opérée en 1980 dans la foulée de la « démocratisation ». Le VIIe Congrès a vu, en effet, la cooptation au sommet du parti d'un certain nombre d'hommes jeunes qui illustrèrent, au sein de l'histoire mouvementée du M.E.O.C.A.M. et du M.E.E.C.I.[14], des idées et des méthodes tout à l'opposé de la tradition du P.D.C.I. des années 1940. Avec eux et pour la première fois, ce n'est plus l'idéal anticolonialiste auquel F. Houphouët lui-même était obligé de se référer, mais un nationalisme étroit, élitaire, tel que les pétainistes invétérés qui combattaient le R.D.A. le trouveraient tout à fait à leur goût, qui fait son entrée à la direction du P.D.C.I. ! Cette orientation existe aussi au sein des instances locales de ce parti où elle s'exprime avec beaucoup plus de naïveté. Le secrétaire à la Presse de la section du P.D.C.I.-R.D.A. d'Agnibilékrou écrit dans une tribune, libre il est vrai, de l'hebdomadaire de ce parti : « La direction du parti doit recenser ces sections et les réorganiser en comités de quartier. Cette réorganisation devra s'appuyer uniquement sur les nationaux afin de pouvoir constater réellement l'amour des Ivoiriens pour le parti, pour leur pays, car le poids des étrangers fausse la vie du parti dans nos régions... »[15]
La promotion de ceux qui professent une telle idéologie signifie-t-elle qu'on a définitivement renoncé aux vertus du P.D.C.I. que le président évoquait avec une tristesse feinte dans son adresse aux congressistes ? En 1946, le P.D.C.I. était aussi internationaliste ; il comptait de nombreux étrangers parmi ses membres éminents et même parmi ses fondateurs !
Quoi qu'il en soit, on peut s'inquiéter de constater à quel point l'idéal dont F. Houphouët regrette la perte a peu à voir avec l'idéal de ses jeunes compagnons qui, en outre, semblent encore à la recherche d'une définition de l’houphouétisme qui les satisfasse, près de cinq ans après le VIIe Congrès ![16] Les fameux appels aux jeunes ne seraient-ils que des appels à ceux qui n'ont pas de mémoire ?
Les nouveaux jeunes turcs du parti unique obligatoire sont-ils l'avenir qu'on prépare pour la Côte-d'Ivoire ? Ce n'est qu'une hypothèse. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont bel et bien le présent de ce parti. Avec de tels idéologues à sa direction, qui semblent, en outre, avoir été éduqués en vue de ce rôle, le P.D.C.I. est désormais tout à fait dégagé de ses traditions populaires et démocratiques.
II est d'ailleurs incorrect de dire qu'ils sont à la recherche d'une définition de l’houphouétisme.
L’houphouétisme, chacun sait ce que c'est. C'est la politique que seul F. Houphouët a pu conduire en Côte-d'Ivoire sans soulever en même temps l'ensemble du peuple contre elle. De ce fait, on ne peut pas imaginer l’houphouétisme sans celui qui lui donne son nom. Après lui, personne n'aura besoin de l’houphouétisme parmi les Ivoiriens, surtout pas ces bons élèves des missions récemment appelés à la direction du parti et qui paraissent tout à fait convaincus que la direction des hommes est une simple technique qu'il suffit d'appliquer.
Ces jeunes gens sont venus tout armés dans ce bastion du pouvoir. C'est pourquoi, presque dans le même temps où F. Houphouët regrette qu'on ne sache plus mobiliser les initiatives des masses, Alphonse Djédjé Mady, lui, parle de les mener : « Je sais, par expérience, ce que c'est que diriger les hommes ; et je sais que, toujours, ce n'est pas facile »[17]. Voilà une belle preuve que le parti fondé en 1946 et le parti dont ce meneur d'hommes est l'un des hauts dirigeants ne sont décidément pas le même parti !
Mais il ne faut pas s'attacher trop au sens des mots. N'est-ce pas le mobilisateur qui a appelé le meneur auprès de lui pour diriger le P.D.C.I. et tout spécialement sa fraction la plus jeune, celle qui est la plus éloignée des sources du « pur courant de l'idéal » ? Et n'est-ce pas lui aussi qui, bien avant que ce pur produit d'une mission probablement mal épurée en 1944 et mal décolonisée après 1960 ne se fasse connaître comme casseur du mouvement étudiant, avait décrété l'appartenance obligatoire de tous les Ivoiriens au parti unique ?
Comme on forme le troupeau, on le mène ; et le bouvier ne s'inquiète pas de la volonté des bœufs !
Le P.D.C.I. est, aujourd'hui, non seulement le seul parti légal en Côte-d'Ivoire, mais encore c'est un parti auquel tous les Ivoiriens et même les résidents africains doivent obligatoirement cotiser. La carte d'adhérent est devenue une sorte de passeport intérieur. Ce procédé n'en a pas fait un parti populaire dans lequel les masses se reconnaissent, au contraire ! Les simples gens « achètent » leur carte « sous l'effet de la contrainte pour pouvoir voyager en paix, pour ne pas être inquiétés par la police, ou pour faire comme tout le monde »[18]. Seuls « les vieux, ceux qui ont connu les travaux forcés[19] et les vicissitudes de la colonisation voient toujours le parti comme l'organe de la libération du pays, de la suppression de l'impôt et des travaux forcés et ont déclaré être membres du parti par conviction personnelle »[20]. Ils n'en sont pas moins, eux aussi, tenus à distance respectueuse par les égoïstes, les contempteurs et les meneurs d'hommes qui gravitent autour de F. Houphouët.
Ainsi s'explique que, en dépit de la puissance théorique que lui confèrent les moyens de l'Etat mis à son service, le parti unique au pouvoir ne peut fonctionner que comme une fiction cérémonielle ou comme une Eglise concordataire qui demande à ses membres non pas tant de croire que d'être soumis.
Marcel AMONDJI
(Article paru dans Peuples Noirs Peuples Africains no. 41-42 / 1984)
(Article paru dans Peuples Noirs Peuples Africains no. 41-42 / 1984)
NOTES
[1] Ce sigle apparaîtra dans la suite souvent dissocié. On dira tantôt P.D.C.I., tantôt R.D.A. pour désigner la même chose. « P.D.C.I. » sera généralement employé quand il ne s'agira que de l'organisation formelle tandis que « R.D.A. » en désignera plus précisément l'esprit, l'idéal. En 1949-1950, les masses ivoiriennes qui allaient « à l'assaut du ciel » se disaient R.D.A. mais l'organisation à laquelle elles adhéraient était P.D.C.I., la section ivoirienne du Rassemblement démocratique africain (R.D.A.).
[2] Félix Houphouët-Boigny au VIIe Congrès du P.D.C.I, 1980.
[3] Jacob Williams, Déclaration au tribunal, mars 1950.
[4] « ... Nous sommes les porte-parole conscients des populations africaines dont les impérialistes ont gravement sous-estimé la volonté de lutte, la volonté d'en finir avec le colonialisme... », J. Williams, loc. cit.
[5] Bernard Dadié, Déclaration au tribunal, mars 1950.
[6] Voir à ce sujet : François Mitterrand, Présence française et abandon, Seuil, 1957.
[7] Cf. F. Mitterrand, op. cit.
[8] Trahison de la grève des cheminots.
[9] Tel fut le sort, par exemple, de Madeira Kéita, l'un des fondateurs du R.D.A. en Guinée française. Voir à ce propos : P.-H. Siriex, Houphouët-Boigny, l'homme de la paix, Seghers-N.E.A., 1975.
[10] B. Dadié, loc. cit.
[11] Fraternité-Matin, 29-4-1984.
[12] C'est du moins ce qu'on peut déduire de cette phrase de F. Houphouët, « ... le quatrième, qui distribue le plus, et qui n'étant pas du pays ne fait pas de distinction, est mon Secrétaire général du gouvernement ».
[13] J.-B. Mockey, Déclaration au tribunal mars 1950. (Souligné par nous, M.A.)
[14] M.E.O.C.A.M. : Mouvement des étudiants de l'Organisation commune africaine, M.E.E.C.I. : Mouvement des étudiants et élèves de Côte-d'Ivoire
[15] Fraternité-Hebdo, no 1280 du 10-11-1983.
[16] Voir note suivante.
[17] A. Djédjé Mady, interview à Fraternité-Hebdo, 18-12-1983.
[18] Besoins culturels des Ivoiriens en milieu urbain, Université d'Abidjan, Institut d'ethno-sociologie, 1975.
[19] L’expression « travaux forcés » ici est impropre : il faudrait plutôt parler de « travail forcé » ou de « travail obligatoire ».
[20] Besoins culturels..., 1975.
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