lundi 4 juin 2012

THIERRY TAN, LE RETOUR ?

« …tout le monde, y compris mes camarades d’HEC, se demandent pourquoi je m’entête à rester en Afrique, alors que j’aurais pu opter pour une brillante carrière internationale (…). C’est difficile à comprendre (…) …seuls ceux qui ont la foi peuvent comprendre pourquoi je l’ai fait. Néanmoins je voudrais vous donner quelques explications.
Tout d’abord, notre vie sur cette terre est très courte. Personne n’est éternel. Ce qui signifie que les biens terrestres ne nous servent à rien à notre mort. Alors, cela ne sert à rien de vouloir les accumuler au-delà de nos besoins. C’est pourquoi chacun de nous doit tout faire pour soulager les souffrances des autres, car si nous aimons Dieu que nous ne voyons pas, nous devons également aimer notre prochain que nous voyons tous les jours. Et dans ce cas, "il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de sacrifier sa vie pour ses amis"
(Jean 15, verset 13). Or vous êtes plus que des amis, vous êtes mes frères. C’est pourquoi j’ai accepté de supporter, durant mes 20 années de combat, tous les sacrifices qui sont parfois très lourds, mais qui sont nécessaires pour que mes frères puissent bénéficier des richesses que Dieu a mises à leur disposition. C’est cela le sens de mon Combat !
(…) si nous écoutons Dieu, nous aurons son aide divine pour accomplir le 2e Miracle Ivoirien. (…). En revanche, si nous refusons d’écouter Dieu, en refusant sa solution, alors les calamités vont continuer à s’abattre sur nous. Et l’histoire de l’humanité nous a montré de multiples exemples… J’ajoute que, depuis 20 ans, Dieu m’a mis à cœur (sic) pour faire comprendre à mes frères Ivoiriens que Dieu a choisi la Côte d’Ivoire pour être le "Japon de l’Afrique", c’est-à-dire pour servir de modèle de développement aux autres pays africains, afin que tous les Africains deviennent tous prospères. »
(propos recueillis par Assalé Tiémoko, L’Eléphant déchaîné 1er au 4 juin 2012)
 

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Ce n’est pas sans surprise ni sans inquiétude que j’ai lu, dans L’Eléphant déchainé (01-04/06/2012), l’interview du nommé Thierry Tan  par Assalé Tiémoko, dont j’ai tiré ces extraits… En fait il ne s’agit pas d’une interview originale, et elle n’est même pas récente ; c’est le recyclage d’un texte paru dans L’Inter le 24 janvier 2008, sous la signature de Charles d’Almeida ; texte que ce dernier lui-même avait repiqué à partir d’un CD mis en circulation par Thierry Tan sous le titre de « Ma vision pour la Côte d’Ivoire ». La soi-disant interview de T. Tan par Tiémoko Assalé n’est donc qu’un bidonnage, une escroquerie médiatique. Comme on dit : qui se ressemblent s’assemblent ! 

Assalé Tiémoko, je crois bien que c’est ce jeune journaliste dont l’incarcération, sous le régime précédent, avait provoqué une campagne de dénonciation virulente de certaines personnes aujourd’hui fort bien en cours, en particulier l’actuel ministre de l’Agriculture… Espérons que ce n’est pas là un lien de cause à effet.
J’ignore quel âge avait le citoyen Assalé vers 1995-1996 et ce qu’il faisait en ces temps-là. Travaillait-il déjà comme journaliste ou était-il encore étudiant ? Et s’il pouvait avoir ignoré l’escroquerie au long cours dont Thierry Tan fut le génial organisateur, et dont on fit grand bruit en partie parce qu’il s’en était fallu de peu que la Bad ne figurât au nombre de ses victimes. Ou s’il a estimé que c’était de l’histoire ancienne, et que l’homme parlant comme un dévot dont il prétendait rapporter les paroles, n’était plus le même homme que l’escroc de naguère. En tout état de cause, donner pour une interview originale ce qui n’est que le repiquage du texte d’autopromotion d’un escroc déjà condamné par la Justice ivoirienne, c’était prendre le risque de se faire complice d’un truand qui, peut-être, est à la recherche de pigeons en vue de son prochain méfait…
En souhaitant qu’il n’y ait eu, en l’occurrence, qu’imprudence ou manque occasionnel de vigilance, je lui dédie, ainsi qu’à tous ceux qui n’ont pas connu cette affaire ou qui l’ont oubliée, cet article qu’elle m’avait inspiré à l’époque.

Le cercle Victor Biaka Boda.
 
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Cinq ans d’emprisonnement fermes …par défaut, 3 millions de francs d’amende et 150 millions de dommages et intérêts au bénéfice de la Banque africaine de développement (BAD) pour tentative d’escroquerie, faux et usage de faux. 
Ce verdict a été rendu le 4 avril par le tribunal correctionnel d’Abidjan, à la grande satisfaction d’un nombreux public et …en l’absence du condamné, un certain Thierry Tan, Français d’origine vietnamienne (ou chinoise) né au Cambodge, et souffrant actuellement d’un très opportun décollement de la rétine impossible à transporter en avion, ce qui lui a évité d’avoir à comparaître en personne. Et pas à lui seulement, sans doute.
Ce Thierry Tan était, semble-t-il, très introduit dans le milieu des dirigeants ivoiriens, peut-être même au plus haut niveau ; mais cela, on ne peut que le supposer par des rapprochements avec maintes autres affaires similaires ou voisines, comme, vers le milieu des années 80, le rapt avec demande de rançon d’un ministre en exercice, dont il semble que la Justice ivoirienne n’eut jamais à connaître, ou le pillage par des proches du palais, de la SOGEFIA, qui mena quelques lampistes en prison le temps qu’on l’oublie. Ce qui semble tout à fait sûr, en revanche, c’est que cet homme, qu’on n’appelle plus aujourd’hui que l’aventurier Thierry Tan, bénéficia alors d’une telle confiance dans ces milieux qu’il fut appelé à conseiller plusieurs ministres.
Au début de l’année 1990, jouant très habilement de cette position forte, il sortit subitement de l’ombre de ses protecteurs en brandissant un mirifique projet de société. En quelques semaines seulement, il réussit à y intéresser des foules de gogos : des hommes politiques (il était, rappelons-le, le conseiller de certains d’entre eux), des hommes d’affaires, des fonctionnaires, des exploitants agricoles, de simples épargnants. Son truc ? Une société, IVOIR-CAFE, constituée en août 1992 en vue de produire du café soluble à partir de grains verts achetés sur place, au capital initial de 150 millions qu’il portera rapidement à 950 millions avec cotation de nouvelles actions à la Bourse des valeurs d’Abidjan (BVA), puis à 1.862.440.000 par voie de conversion de dettes, et dans laquelle il détenait 30,50% des parts. Il avait même réussi à obtenir de la BAD un engagement pour une prise de participation de 68 millions de francs et un prêt de 3,8 milliards. C’est d’ailleurs ce qui le perdra, si je puis dire, car il court encore.
Entre temps, alors que, semble-t-il, la société IVOIR-CAFE n’était même pas régulièrement constituée, elle était néanmoins cotée en bourse. Avec quelles complicités ? Cette dotation apportée par des petits épargnants, des sociétés d’assurance et des groupements à vocation de coopérative (GVC) s’élevait à… 860 millions, que Thierry Tan aurait touchés par l’intermédiaire d’un certain Me Serge Roux, notaire, et qu’il aurait aussitôt virés sur un compte bancaire, en France ou dans un paradis fiscal.
En revanche, sa tentative sur la BAD se heurtera rapidement à la vigilance de cette institution, sans doute parce qu’elle est indépendante des circuits politico-affairistes ivoiriens où ce Tan devait se sentir comme un poisson dans l’eau. En vue d’obtenir son prêt, en guise d’apport personnel, Tan avait présenté une première facture d’un montant de 490.201.524 francs CFA, datée de 1993, pour des travaux effectués au siège d’IVOIR-CAFE, mais à l’entête d’une société, EGESO, qui était, alors, officiellement en cessation d’activité depuis trois mois (des travaux avaient bien été effectués, mais par une autre société, LAVIBAT, dont le gérant, un certain Paulet, avait été le gérant de la défunte EGESO, et pour un coût très sensiblement inférieur : 8.080.000 francs) ; puis encore une deuxième facture d’un montant de 422.244.000 francs provenant d’une société domiciliée au Luxembourg (FINDEVIN), qui aurait aussi effectué des travaux pour sa société.
L’enquête diligentée par la BAD après le constat de ces bizarreries révéla aussi que deux autres sociétés domiciliées l’une à Genève (ROBILAC SA), l’autre à Londres (FIEDLAND), servaient également d’écrans à Tan. C’est ainsi que fut découvert le pot aux roses et que la banque interafricaine, quoiqu’elle n’ait rien perdu dans l’affaire, porta plainte contre l’homme qui voulait l’escroquer. C’est justement le procès qui vient d’être jugé en l’absence du coupable.
Mais, quid des victimes de l’escroc, les actionnaires floués d’IVOIR-CAFE, qui se compteraient par milliers ? Il paraît qu’on s’en occupe, à la mode houphouétiste. Le dossier IVOIR-CAFE était à l’ordre du jour de l’un des derniers conseils des ministres. Toutefois, le gouvernement du président Bédié, qui, au demeurant, n’a fait qu’hériter cet embarras de ses glorieux prédécesseurs, n’envisagerait pas d’action en justice, car ce qui le préoccupe surtout, c’est de sauver le projet nonobstant la défaillance de son indigne promoteur, parce que, assure-t-on, « bien géré, IVOIR-CAFE peut avoir des retombées favorables dans le cadre de la transformation locale des produits agricoles. » D’autre part, les gros sous des victimes de Thierry Tan ne sont peut-être pas perdus à jamais. Simplement, en ce qui les concerne, l’épilogue de cette ténébreuse affaire n’aura pas le palais de justice pour théâtre. Car nous sommes en Côte d’Ivoire. Ainsi qu’un chroniqueur le faisait finement remarquer, « Sous d’autres cieux on aurait, en pareilles circonstances, désigné maintes et maintes personnes, accusées de complicité, pour les vouer aux gémonies. Mais, en Côte d’Ivoire, l’on a toujours réprouvé cette façon de résoudre les problèmes. Ici, il s’agit plutôt de sauver un projet viable et en même temps, les intérêts des épargnants. »
Pas de doute ; La Côte d’Ivoire n’est pas n’importe quel pays. Le bonhomme Thierry Tan le savait bien, lui. Au Diable ! les paranos de la BAD…

Marcel Amondji
(Article paru dans Le Nouvel Afrique Asie N° 80, mai 1996 sous le titre : L’affaire Thierry Tan).

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