jeudi 28 juin 2012

« Depuis la nuit des temps, ce pays est habité par des peuples qui s'identifient à lui... »

L’élaboration et l’adoption d'un nouveau code électoral en Côte d'Ivoire ont suscité beaucoup de réactions dans les états-majors des partis politiques et dans la presse. L'ampleur des commentaires dans la presse internationale démontre, s'il en était encore besoin, l'importance de la Côte d'Ivoire dans la sous-région ouest-africaine. Ces commentaires, pour ceux qui sont hostiles au texte, procèdent d'une situation sociologique propre à la Côte d'Ivoire : pays longtemps ouvert aux étrangers et ayant tout partagé avec ceux-ci, l'ajustement de  ses normes juridiques tendant à conférer le pouvoir politique à ses authentiques fils et filles uniquement s'accepte  difficilement.


OUVERTURE

Cependant, à lire avec intelligence l'histoire de la Côte d'Ivoire et à observer avec perspicacité la vie politique de ce pays, on comprend aisément que, pour réussir, le successeur de Félix Houphouët devait consolider les bases de l'Etat de droit tout en appliquant une politique pour les Ivoiriens, avec les Ivoiriens. Cela, d'autant plus que la trop large ouverture dont les étrangers avaient bénéficié dans les structures de décisions de l'Etat était devenue de moins en moins tolérable par les nationaux, ce qui, à terme, pouvait entraîner des fissures au niveau du tissu social.


INSERTION

Nous ne disons pas qu'intégrer les étrangers à la vie de la nation est une mauvaise chose en soi. La  Côte d'Ivoire est un pays qui a fait de l'accueil et de l'insertion des ressortissants des pays limitrophes un principe et une pratique d'actions politiques uniques, c’est l'exercice de la souveraineté. Et, sur ce point n'est pas besoin d'être expert en science politique pour savoir qu'à terme, le peuple de Côte d’Ivoire pourrait exprimer de façon plus ou moins violente sa désapprobation d'une politique qui l'en spolierait au profit d'un certain idéal d'intégration régionale aussi lointaine qu'incertaine. 

Dans chaque pays du monde, dans chaque société humaine, les règles définissent les principes selon lesquels le pouvoir politique s'exerce. L'idée selon laquelle le territoire actuel de Côte d'Ivoire est essentiellement habité par des peuples qui viennent d'ailleurs est historiquement et sociologiquement irrecevable tout comme se demander qui est véritablement Ivoirien et qui ne l’est pas est idiot. Depuis la nuit des temps, ce pays est habité par des peuples qui s'identifient à lui.

Il est vrai que le renouvellement du peuplement d'un espace socio-géographique étant une constante historique universelle, les peuples ivoiriens se sont enrichis au fil du temps d'apports extérieurs. Ces peuples séculaires, quels que soient les liens qui les unissent avec les autres nations ou les autres pays de la sous-région, ont une identité politique sui generis née du régime et de sa fin en 1960.


IDENTITE

Les différents peuples de Côte d'Ivoire, qui vivent sous le même régime administratif et politique depuis l'indépendance, ont développé un sens [communautaire propre, une synergie et une dynamique socio-historiques spécifiques. Il existe aujourd'hui une identité nationale ivoirienne qui, bien qu'en devenir, s'affirme de plus en plus. Juridiquement, tous ceux qui s'étalent établis dans ce territoire avant l'indépendance devraient pouvoir être considérés comme Ivoiriens de souche, au même titre que les autochtones, s'ils ne se sont pas réclamés d'une autre nationalité. Un tel principe, très simple en apparence, ne s'applique pourtant dans aucun pays d'Afrique où les peuples présentent tant de traits culturels communs.

Deux pays si intimement liés que le Congo et le Zaïre par l’exemple n'admettraient pas, d'avoir chacun pour président un ressortissant de l'un ou de l'autre, ou même un de leurs propres nationaux qui se serait affiché sous la nationalité de l'autre.

A part la position d'une certaine frange de l'opposition ivoirienne qui procède d'une logique de contestation permanente, toutes les critiques formulées contre le nouveau code électoral s’appuient sur un point – il ne sert à rien de s'en cacher : l'exclusion de l'éventuelle candidature d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle. On a beau faire savoir à tous ceux qui attribuent cette intention aux autorités ivoiriennes que la loi est impersonnelle et que l’on me saurait la concevoir en pensant à un seul individu, leur certitude ne s’ébranle pas. Mais pourquoi veut-on, nécessairement qu’Alassane Ouattara soit président de la Côte d'Ivoire, pays auquel il ne s’est identifié qu'au milieu des années quatre-vingt, alors qu'y étant né, il pouvait en être un fils naturel, même s'il existe des doutes sur l'origine de son père.

Article non signé.
Titre original : « Plaidoyer pour un nouveau code électoral ».
Source : Fraternité Matin 17 août 1995 


EN MARAUDE DANS LE WEB


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Le cercle victor biaka boda


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