Photo de Luc Gnago (Reuters) |
Il était
annoncé pour être le principal adversaire d’Alassane Dramane Ouattara lors de
la consultation référendaire du 30 octobre dernier. Et il aura tenu toutes ses
promesses. En effet, le taux de participation, puisque c’est bien de lui qu’il
s’agit, véritable enjeu du dernier scrutin en Côte d’Ivoire, à en croire les
résultats fournis par la Commission électorale indépendante (CEI), est
nettement en deçà de ce qu’avaient espéré Ouattara et ses partisans. Il aura
même réussi le pari de ravir la vedette au « oui » largement
majoritaire. Pourquoi les Ivoiriens ont-ils fait la moue au référendum visant à
doter le pays d’une Constitution censée tourner la douloureuse page du
passé ?
On peut, de
prime abord, y lire la désaffection des populations pour la chose politique.
Car ils sont nombreux en Côte d’Ivoire, à s’être brûlés les doigts en manipulant
la flamme politique et à en porter encore les séquelles. A ces Ivoiriens qui
ont fini par développer une véritable phobie politique, il convient d’ajouter
le peuple des blasés qui ont boudé le scrutin soit parce qu’ils n’espèrent plus
rien des élites politiques ou parce qu’ils estiment que les dés étaient déjà
pipés avant même le scrutin. Il y a enfin la masse silencieuse pour qui les
questions référendaires ne sont que des bagouts pour intellectuels et qui, par
conséquent, n’y porte aucun intérêt. Les tenants du référendum se seraient bien
contentés de ces explications pour endormir leur conscience. Mais comme on le
dit, « on ne peut cacher le soleil avec un doigt ». Le fort taux
d’abstention n’est pas étranger au mot d’ordre de boycott du scrutin lancé par
l’opposition ivoirienne. Ce serait faire dans le déni que d’ignorer l’écho de
cet appel, au regard des incidents ayant émaillé la journée de vote et surtout
des bureaux de vote quasi déserts dans les zones réputées être les fiefs de
l’opposition comme Yopougon à Abidjan ou Gagnoa.
Ouattara serait bien inspiré de renoncer à cette constitution
Ouattara serait bien inspiré de renoncer à cette constitution
Quoi qu’il en soit, et quels que soient les mobiles de l’inertie de l’électorat ivoirien face au projet constitutionnel de Ouattara, elle vient rappeler la profonde fracture sociopolitique latente en Côte d’Ivoire et le risque de réveil des vieux démons qui ne sommeillent que d’un œil dans la lagune Ebrié. En cela au moins, ce scrutin controversé aura été utile puisqu’il a le mérite de constituer un signal d’alarme pour la classe politique ivoirienne qui doit prendre ses responsabilités pour éviter au pays de replonger dans les heures sombres de son histoire dont les dernières pages ont été écrites en lettres de sang. Ouattara qui tient la rame de la barque, est le premier interpellé. Mais entendra-t-il raison ?
Comme le
recommandent déjà certaines voix, le président doit prendre le courage de
rejeter simplement et purement ce scrutin. Il n’y perdra pas grand-chose. Bien
au contraire, il confortera ce qui lui reste de réputation de démocrate et
évitera de se faire prendre le gros orteil dans la déchirure du tissu social
ivoirien. Car, faut-il le rappeler, le tout n’est pas d’obtenir une nouvelle
Constitution, encore faut-il pouvoir l’appliquer et préserver la concorde nationale
qu’elle est censée préserver. Les exemples de Constitutions ayant servi de TNT
à la déflagration nationale sont légion. Tout proche de la Cote d’Ivoire, au
Burkina Faso, l’Assemblée nationale, sur proposition du Conseil Consultatif
pour les réformes politiques (CCRP), avait acté la création du Sénat. Mais non
seulement cette deuxième Chambre du Parlement n’a jamais vu le jour, mais la
contestation qui en a aussi résulté a lourdement contribué à la chute du régime
Compaoré. Non seulement Ouattara serait bien inspiré de renoncer à cette constitution,
mais il le serait davantage en enclenchant un vrai dialogue national avec
toutes les composantes de la nation ivoirienne pour aller à l’impératif de la
réconciliation nationale. La RCI ne peut pas se payer le luxe d’une nouvelle
crise politique. Ce serait fatal à son économie qui commençait à respirer à
pleins poumons et au pire des cas, à l’existence même de la Nation. Mais il
faut malheureusement craindre que, confortés par les courtisans qui arpentent
les arcanes de son palais, l’homme se croit dans son droit d’imposer malgré
tout cette constitution à son peuple, car comme le dit Adams, « le pouvoir
pense toujours qu’il est dans son bon droit et qu’il agit au nom du bon Dieu.
Or, il viole toutes les lois divines ».
SAHO
Titre original : « Référendum
constitutionnel en RCI : Un taux de participation qui interpelle ».
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des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
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crise ivoirienne ».
Source : Le Pays (Burkina Faso) 2 novembre
2016
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