J’ai
fait un rêve, celui de l’indépendance de mon pays.
Oui,
j’ai rêvé qu’il était enfin libre au point de ne plus tendre la main à ceux qui
donnent avec la droite pour reprendre avec la gauche. J’ai rêvé qu’il était si
autonome et fier qu’il a refusé de signer les accords qui assujettissent des
générations entières contre les broutilles de la paupérisation constante. J’ai
rêvé qu’il a brisé les chaînes de la « colonisation insidieuse » et crié
l’hymne de la Victoire sans regretter. J’ai rêvé qu’il a fait de la bonne
gouvernance un credo sans complaisance dont le refrain fait fuir la corruption
et le népotisme.
Dans
mon rêve, le travail bien fait était reconnu et seuls ceux qui mouillaient le
maillot soupaient à la table du roi. Les meilleurs étaient récompensés pour
susciter des émules au sein de la meute des médiocres. Chaque place était à
l’aune de l’homme qui l’occupait et les encombrants restaient dans le tamis de
la compétition. Les choix de la République faisaient fi des liens de sang pour
auréoler le méritant qui saigne, sans distinction de chapelle politique,
d’ethnie ou de religion. Le décideur avait la carrure d’un père de famille
rassembleur. Son discours était teinté de sagesse, au point que même ses
détracteurs lui tiraient leurs chapeaux. Il avait le sens de l’écoute, malgré
le tintamarre des cloches de l’entourage. Il savait s’élever au-dessus de la
mêlée pour faire taire la cacophonie et ramener l’harmonie. Son intérêt était
celui du grand nombre.
C’était
un franc serviteur qui avait du cran face aux vagues des intérêts partisans.
Dans
mon rêve, il n’y avait pas de très riches et de très pauvres. Les hommes
n’avaient pas le même destin, mais ils avaient les mêmes opportunités et
l’égalité des chances. Le handicapé n’était pas un fardeau social mais une
force supplémentaire au mental de fer.
La
femme n’était pas un « genre pitoyable », pusillanime et une excuse humaine.
Elle n’était pas non plus le « sexe faible » qui se défend par le « bas » pour
prendre de la hauteur. Elle n’avait pas besoin de faire partie d’un gotha de
charme pour avoir droit à un quota. Elle n’avait même pas besoin de donner pour
recevoir. Le droit des enfants n’était pas un baratin enfantin copié et collé
pour les beaux yeux d’une génération de bambins gâtés. L’éducation ne se
contentait pas de remplir les cerveaux vides. Elle forgeait le cœur pour
affûter l’esprit. La jeunesse n’était pas une charge détestable mais un potentiel
probant pour l’avenir. La relève n’était pas formée pour écumer les rues mais
pour servir de grue au poids de la patrie qui se ploie. Le patriote n’était pas
forcément décoré dans un cercueil au pied d’une tombe. Il recevait fièrement et
vivant sa distinction, pour le combat mené à vie pour un pays reconnaissant.
Les
martyrs n’étaient pas de simples victimes de tirs des sbires ; ils étaient les
icônes immortelles d’une histoire vénérée.
Dans
mon rêve, les forces de défense et de sécurité avaient de quoi se défendre face
aux démons de l’insécurité. Elles étaient armées jusqu’aux dents et motivées à
éradiquer le mal.
Après
les échanges de tirs, elles n’enregistraient aucun blessé dans leurs rangs.
Point d’égratignure ! Elles livraient combat sans faire profil bas, sans le
moindre branle-bas. Seuls les assaillants saignaient et tombaient comme des
mouches.
Dans
mon rêve, j’ai entendu des coups de feu et des détonations d’armes lourdes.
L’écho du drame a retenti au-delà du rêve. L’impact des balles a traversé mon
rêve. Le sang des braves a entaché mon rêve. Et je me suis rendu compte que ce
n’était qu’un rêve. Rien qu’un rêve ! Depuis, je cours vainement après ce rêve
manqué qui a trahi mes espoirs.
Depuis,
je cherche sans trêve les traces du rêve inachevé, interrompu, abattu par une
balle perdue. Les rêves sont-ils en grève ? Finalement, le rêve n’est plus
permis. La réalité donne le tournis, le rêve n’est qu’un abri sans bouclier,
sans alibi. Les cartouchards ne rêvent pas, ils veillent. Il nous faut abattre
un travail de fourmi pour ne plus être surpris par des malappris impunis.
Vive
les héros qui tombent les armes à la main pour que nos rêves se poursuivent !
En attendant, je cours toujours derrière ce rêve qui m’a échappé et je rêve de
le rattraper un jour.
Et
au nom du « droit de rêver », je suis prêt à aller en grève pour réclamer le
retour de tous mes rêves perturbés, confisqués ou brisés. Parce que c’est bon
de rêver.
Clément
Zongo (Sidwaya 13 octobre 2016)
Source : Fraternité
Matin 10 novembre 2016
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