M.
Laurent Akoun, Secrétaire Général par intérim du Front Populaire ivoirien (FPI)
sera jugé le vendredi 31 Août 2012 pour trouble à l’ordre public. Ce vendredi
donc, il sera en face des juges et ceux-ci seront face à la loi et à leur
intime conviction. Le procès qui s’annonce n’est pas celui du seul Akoun
Laurent, mais celui de tous les démocrates épris de justice. Il sera le procès
de ceux qui pensent avec raison que dans un Etat dit de droit, le glaive de la
justice tranche aussi bien les gouvernants que les opposants. Lorsque ce glaive
ne s’abat que sur ceux qui ne sont pas au pouvoir, alors il n’y a plus de
justice. Dans un tel cas la dénonciation de l’injustice est la seule
alternative qui s’offre. Mais qui prendra le risque de le faire ?
La justice ivoirienne a en
face d’elle M. Akoun Laurent. Les critiques à l’endroit de cette justice ne
faiblissent pas. Une justice partiale, une justice politique, une justice des
vainqueurs, une justice aux ordres, entend-on souvent. Voici donc une occasion
qui s’offre à elle pour dire le droit. Il faudra qu’elle nous explique ce que
c’est que le « trouble à l’ordre public ». Est-ce le fait de dire que le
régime installe un modèle totalitaire ? Est-ce le fait de dire que ce sont les
hommes du pouvoir qui ont attaqué le siège du FPI, brûlé une partie du siège du
quotidien le Temps ? Est-ce le fait d’avouer qu’une partie des Ivoiriens n’a
pas droit à la parole ? Si c’est cela un trouble à l’ordre public alors,
démocrates de tous les pays, craignez pour votre liberté. Doit-on penser que le
fait de dénoncer la dictature, le tribalisme, la corruption et la violence du
régime peut amener les citoyens à troubler l’ordre public ? Si oui, c’est que
les rédacteurs de la déclaration universelle des droits de l’homme ont
travaillé en vain. Peut être que la justice révélera que M. Akoun a érigé des
barricades sur la voie publique, qu’il a incendié des pneus et a empêché les
citoyens de vaquer tranquillement à leurs occupations. Certainement qu’elle
nous rappellera que dans ce pays, les manifestations politiques de l’opposition
sont interdites depuis le 11 Avril 2011. Nous attendons de voir.
On nous dit que la justice est juste, que le juge se fonde sur son intime conviction. Alors notre juge, se fondant sur son intime conviction, prendra-t-il le risque d’avouer que le pouvoir a préparé, par une opération de communication, l’arrestation de Laurent Akoun ? Prendra-t-il le risque de dire que le parti dont est issu M. Akoun a été qualifié de parti terroriste, de cancer, de plaie, par les tenants du pouvoir et leurs relais ? Ce qui veut dire que le secrétaire général de ce parti est un terroriste, un cancer, une plaie à éradiquer. Osera-t-il dévoiler que Soro Guillaume, dans un sondage sur son blog a posé la question suivante : « Attaques contre la Côte d’Ivoire : Croyez-vous que Laurent Akoun veut renverser les rôles ? » Prendra-t-il le risque de dire que le résultat de ce sondage a dû précipiter l’arrestation du secrétaire général ? En un mot, la justice ivoirienne prendra-t-elle le risque d’innocenter M. Akoun Laurent ? Chacun pourra deviner une réponse.
Si le secrétaire général du
FPI est condamné, qui prendra le risque de porter plainte contre Amadou
Soumahoro ou contre Soro Kigbafori Guillaume ? Le procureur de la République,
pour une question d’équité, jugera-t-il que le fait pour Amadou Soumahoro
d’avoir appelé à la mort est un trouble à l’ordre public ? Il serait
intéressant qu’il s’occupe du dossier du secrétaire général du Rdr, celui qui a
affirmé que ceux qui s’opposent à Ouattara vont au cimetière. Et quant on sait
que seuls les morts reposent au cimetière, le procureur ne devrait pas hésiter
à prouver que nous sommes dans un Etat dit de droit. Se taire et emprisonner
ceux qui se battent pour la liberté et la démocratie, c’est confirmer que la
justice ivoirienne n’est pas libre. Prendra-t-il le risque de s’autosaisir pour
inviter Soro Guillaume à expliquer devant le juge qu’est-ce qu’un parti
terroriste et que signifie éradiquer un parti ? Le parti étant une personne
morale, comment peut-on l’éradiquer ? Pour que règne la justice, il y a lieu
que ces cas soient examinés à la loupe par la justice ivoirienne.
Dans ce pays qu’on sait peu soucieux des droits de l’homme et des libertés individuelles, quel est ce citoyen qui prendra le risque de se menotter, ou d’arborer une pancarte dénonçant l’injustice ? Qui prendra le risque ce vendredi 31 Août 2012, de se présenter devant le tribunal la bouche bâillonnée, en signe de protestation ? Evidemment personne ; parce que l’Etat de droit se trouve au niveau des idées. Ni les forces de l’Onuci, ni les Frci n’empêcheront que des militants du Rdr ou tout simplement des loubards se ruent sur ces personnes pour les rouer de coups. Les Frci ne se retiendront pas de prendre le risque de brutaliser ces manifestants. Les membres du FPI, déjà terrorisés par le régime, attendront que le glaive frappe Akoun Laurent parce qu’ils sont convaincus que la justice ivoirienne est dépendante du pouvoir politique. Le régime voit ce procès comme une belle occasion pour arrêter d’éventuels manifestants qui tenteront de croire que nous ne sommes pas dans une dictature.
Aucun leader politique de l’opposition (hormis ceux du FPI) ne prendra le risque de dénoncer la mascarade qui se prépare. Mêmes ceux qui ont des agrégations en droit, ceux qui ont parlé au nom de la Lidho hier. Ceux qui, hier étaient dans les fers du parti unique, ceux qui hier jouissaient des mains magnanimes du Président Gbagbo, ceux là, ne prendront aucun risque. Certains ne prendront pas de risques tout simplement parce qu’ils se sont reniés. D’autres, se tairont parce que leur poste est plus important que l’avènement d’une société libre. C’est malheureux mais c’est ainsi que sont les choses dans notre petit univers traversé par la terreur.
Que Dieu nous soutienne.
Les pamphlets d’Alain Bouikalo
Source : CIVOX. NET 30 Août 2012
en maraude dans le Web
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« crise ivoirienne ».
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