lundi 13 août 2012

L’HERITAGE D’HOUPHOUËT : OSONS EN PARLER !

Félix Houphouët-Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire, décédé en 1993, aura eu, de son vivant, tous les honneurs. De nombreux Ivoiriens, dont certains le croyaient immortel (sérieusement !), ont versé des torrents de larmes à sa mort. Et les héritiers ont exposé la Côte d’Ivoire à toutes les avidités. Le pays est à présent en proie à la plus grossière imposture que puisse subir un pays. Les Ivoiriens subissent un piétinement sans nom, et les amis, alliés et protégés d’Houphouët hier se sont transformés en bourreaux intraitables de la Côte d’Ivoire aujourd’hui. « Le Bélier de Yamoussoukro » aura laissé aux Ivoiriens un héritage bien amer à maints égards.

Une terre sans âme ni propriétaire

La politique d’hégémonie ethnocentriste de l’autocrate Houphouët a fait de la Côte d’Ivoire un espace sans propriétaire où le premier venu peut s’ériger en maître et disposer de tout. La fameuse conception « houphouétienne » selon laquelle «la terre appartient à celui qui la met en valeur », avait pour objectif, entre autres, celui de déposséder de leurs terres les paysans de certaines parties du pays où la terre est généreuse, au profit des ressortissants du centre du pays où la terre est moins prometteuse et d’où l’autocrate était originaire. Evidemment, pour masquer la chose, on a également favorisé les membres de la bourgeoisie mécanique que le président voulait pour le pays, puis des personnes d’ailleurs. On alla jusqu’à faire véhiculer l’idée selon laquelle les ressortissants de l’ouest du pays étaient peu travailleurs, taisant le fait que celui qui laisse sa terre pour aller chercher fortune ailleurs est forcément plus enclin au travail que celui qu’il trouve sur place. Cette vérité est valable partout. Mais en Côte d’Ivoire on avait une vénération sans limite pour Houphouët et on l’a laissé avilir des réalités fondamentales. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, alors qu’on continue de lui conserver sa valeur initiale, de bien ancestral incorruptible dans les autres régions, la terre a perdu toute sa mystique dans les régions où elle est riche. Il n’est pas étonnant maintenant que dans l’ouest du pays, des hordes du Burkinabés et de Maliens, armés par le régime issu du coup d’Etat de la France en Côte d’Ivoire, massacrent les autochtones pour s’installer.

Une ouverture sauvage du pays à l’étranger

Du très long règne de Félix Houphouët-Boigny, l’une des constances les plus indiscutables, c’est qu’il faisait la politique dictée par la France. C’est peu dire ! Mais une des implications de cette réalité, c’est que la France qui se met dans la position de propriétaire de toute l’Afrique francophone, ne fait pas la différence entre les Africains d’un pays ou d’un autre dans la sphère francophone du contient africain. Alors, Houphouët qui était le premier des obligés de la France, s’est trouvé en situation de faire de la Côte d’Ivoire le pays de tous les francophones. Conséquence, il pouvait accorder les mêmes avantages dans son pays à tout le monde, sans distinction d’origine, ce qui n’a jamais été le cas dans aucun pays. Il a ainsi été à la base de certains accords que seule la Côte d’Ivoire applique, les autres pays francophones faisant un protectionnisme en règle chez eux. Par exemple, les activités économiques les plus ordinaires comme être chauffeur de taxi ne sont pas accessibles à un Ivoirien au Sénégal. Aujourd’hui, les chiffres officiels indiquent que plus de 26% des habitants de la Côte d’Ivoire sont étrangers. Mais ce chiffre est en deçà de la réalité, et le plus extraordinaire, c’est que certains de ces immigrés refusent d’être appelés étrangers. Alors se mêlant à tout et de tout, ils se permettent souvent les pires dérives qu’ils ne se permettraient jamais chez eux.

La promotion de mercenaires politico-économiques

Houphouët, en autocrate absolu, se permettait tout en Côte d’Ivoire. Il faisait et défaisait tout. Il nommait qui il voulait au poste qu’il voulait, pourvu, bien entendu que cela soit compatible avec les intérêts de la France. Il mettait ainsi à des postes stratégiques des personnes de son choix sans tenir compte des intérêts du pays. Il pouvait même créer des postes pour caser ceux qu’il voulait. C’est ainsi qu’au soir de sa vie, il créa de toute pièce le poste de « président de comité interministériel » pour nommer Alassane Dramane Ouattara dans la haute sphère de décision du pays, certainement sur incitation et des puissances étrangères, et de Dame Dominique Nouvian, qui servit de liant entre le vieux président et le banquier burkinabé de la BCEAO, lequel banquier Dame Nouvian avait auparavant convaincu Houphouët de caser au poste de gouverneur, poste normalement dévolu à un Ivoirien. Il créa ensuite, inconstitutionnellement, le poste de Premier Ministre, pour ce même personnage. Aujourd’hui, c’est peu dire que d’affirmer que Félix Houphouët nous a laissé en héritage ce protégé de Dominique Nouvian et des puissances étrangères comme un cadeau empoisonné.

Les difficultés économiques, la mise en lambeaux du tissu social et la perturbation de l’unité nationale, aboutissements logiques de l’héritage d’Houphouët

Certains pourraient croire que ce qui arrive à la Côte d’Ivoire depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny résulte de l’incapacité des Ivoiriens à gérer un patrimoine alléchant à eux légué par le défunt président. C’est une grosse erreur : Félix Houphouët a planté tout le décor de tout ce qui se passe aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Rien ne pouvait être évité dans l’état où il a laissé le pays.

Au plan économique, la Côte d’Ivoire avait des difficultés, comme la plupart des pays, à la fin des années 1980. Nous étions dans un virage dangereux qu’une approche plus sérieuse, mais surtout plus généreuse aurait permis de négocier adroitement. Mais le vieil autocrate ne voyait que la floraison de ses choix personnels : il a préféré s’acoquiner avec un cadre étranger qui ne pouvait que chercher le gain personnel, fût-il recommandé par les puissances occidentales et « la chère amie » Dominique Nouvian. Résultat, les privatisations assassines et les guerres de déstabilisation par boulimie de grandeur, avec les sabotages multiples dont les dénigrements systématiques : il a sali ce pays jusqu’à faire admettre que c’était des enfants esclaves qui produisaient notre cacao ! La Côte d’Ivoire se retrouve aujourd’hui dans l’œil du cyclone, avec toute la misère économique actuelle, et ce ne sont pas les voyages à travers le monde qui nous sortiront de là.

Au plan social et à celui de l’unité nationale, toutes les agressions dont notre pays est l’objet depuis la mort de l’autocrate font des plaies avec des cicatrices chaque jour plus nombreuses. La question c’est : lorsqu’on aura rétabli l’ordre et la sérénité, lorsque tous les auteurs des drames inhumains que nous vivons seront repartis chez eux, car il faut bien que cela arrive un jour, comment feront-nous pour revivre harmonieusement ensemble ?

C’est extrêmement déchirant de le dire, mais Félix Houphouët-Boigny est à l’origine de toute la misère actuelle de la Côte d’Ivoire. Le dire n’est pas une insulte à un homme dont tout le monde voudrait conserver un souvenir idyllique, le dire, c’est ouvrir une voie de compréhension de la situation, et peut-être se donner des chances de trouver la voie de sortie.

Que Dieu nous protège !

Suzanne Nda Adjoua
(Source : Le blog de Fernand Dindé 25 juillet 2012)
 
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