NOTRE
HOMMAGE À BERNARD BINLIN DADIÉ
1916-2019
Avec l'aimable permission de Grah Pol |
Non !
Le maître n’est pas mort. Il s’est seulement déporté sur l’autre rive de
l’Histoire, d’où, certes, il ne nous sera plus jamais donné d’apercevoir son
être de chair ni de l’entendre de vive voix mais d’où il continue de nous
parler, et continuera tant que subsisteront ce pays et ce peuple qu’il a tant
œuvré à faire naître à la conscience d’eux-mêmes.
HONNEUR
ET PAIX À SON ÂME, ÉTERNELLEMENT !
La
Rédaction
La déclaration de Bernard Dadié
Dans ce procès nous disons nettement que
nous sommes ici devant vous des détenus politiques, titre qu’on a toujours
refusé, mais qui s’est toujours aussi imposé de lui-même. Il s’est imposé de
lui-même, dès le premier jour de notre arrestation, lorsque le juge
d'instruction, après nous avoir déclaré : « j'ai reçu l'ordre de vous arrêter », ajouta : « cette fois nous tenons la tête ; nous
avons assez des lampistes ». La tête de quoi ? La tête de notre mouvement,
nous, ses dirigeants. Cette phrase éclaire d'un jour cru le complot longtemps
ourdi, tramé, complot qui a abouti à notre arrestation. C'était un aveu de
taille que devaient venir corroborer les perquisitions dans les bureaux du
parti, les fouilles domiciliaires à la recherche d'on ne sait quoi, le grand
déploiement de forces pour frapper l'esprit de la masse, dans le but
intentionnel de la décourager, la détacher de nous. On a escompté le même
résultat, quand après nous avoir mis, enfermés dans le corbillard municipal,
l'on nous promena dans Treichville et Adjamé, quartiers africains d'Abidjan,
comme pour dire à nos camarades militants : «
Voilà ce qu'on fait de vos dirigeants, si vous ne quittez pas le Rassemblement
Démocratique Africain vous subirez le même sort ». N'est-ce pas là le sens
des arrestations massives actuelles ; l'origine du terrorisme qui pèse sur nos
populations dont le seul crime a consisté à être ferme dans ses convictions et
à penser autrement qu'un gouverneur ? Puis ce fut notre enterrement dans la
prison de Grand-Bassam avec sur notre dos, des nuées d'agents secrets tel du
chiendent sur la tombe. A la prison, sur plus de six cents détenus, à plusieurs
reprises, l'on vient nous fouiller, nous les « 8 ». Tout cela pour chercher la
vérité qu'on ne trouvait pas, la vérité qu'on ne voulait point reconnaître, la
vérité que nous sommes des détenus politiques, les victimes d'un complot
longtemps ourdi.
Mieux ! M. le
Procureur Delamotte, au cours de sa première visite à la prison n'a-t-il pas
déclaré publiquement qu'il allait bientôt nous mettre en liberté ? Or voilà
qu'à la clôture du dossier, nous qui passons pour être des détenus de droit
commun, l'on trouve d'un coup que notre mise en liberté « risque d'être gravement préjudiciable à l'ordre public ». Tandis
que dans le même temps, on libère nos adversaires politiques pris, eux, en
flagrant délit de port d'armes au cours d'une réunion publique.
Mieux encore,
nous qui sommes nés dans ce pays, nous qui avons nos parents, nos amis et nos
familles et nos biens dans ce pays, l'on trouve que nous nous soustrairions à
l'action de la justice si on noua mettait en liberté provisoire. Pourquoi nous
traite-t-on de la sorte ? C'est parce que nous sommes RDA et qu'on nous juge
trop souvent sur des ouï-dire et des mensonges répandus par des journalistes
besogneux, par des individus aveuglés par leur égoïsme. Le Rassemblement Démocratique
Africain est une fédération de mouvements. Son programme ?
Plaçant
au-dessus de toutes les considérations philosophiques ou religieuses le souci
de lutter pour le progrès vers la liberté et la bien-être des populations
africaines, les hommes du RDA ne veulent voir que l'effort considérable que la
situation exige des Africains :
Effort de compréhension des intérêts
véritables de l'Afrique.
a) Effort de compréhension des intérêts
véritables de l'Afrique.
b) Effort de moralité pour faire taire nos
préférences personnelles devant l'idéal humain qui nous anime.
c) Effort
d'efficacité pour faire aboutir les légitimes revendications des Africains.
Les idées du RDA ?
La résolution
votée à Bamako le 21 octobre 1946 exprime ainsi les idées fondamentales qui
sont à la base du Rassemblement Démocratique Africain.
a) Elaboration d'une politique qui
reconnaisse et favorise la libre expression de l'originalité africaine en
rejetant les entraves d'une fausse assimilation.
b) Union de tous les Africains sans
considération de croyance dans leur lutte contre le colonialisme.
c) Union des Africains se réclamant de
l'esprit du Rassemblement et des démocrates français décidés à les aider dans
leur lutte commune contre l'impérialisme.
Originalité
africaine ?
Oui, Monsieur
le Président, Messieurs de la Cour, les Contes de Perrault nous enchantent,
mais les ruses du lièvre et de l'araignée nous enthousiasment. C'est pourquoi
nous voulons venir à l'Union Française avec notre fond proposé. Nous entendons,
après avoir parlé de Vercingétorix, parler de tous nos Amadou Bamba, qui se
sont fait sauter dans leurs citadelles assiégées.
Nous voulons,
après avoir parlé de Jeanne d'Arc, parler de toutes nos héroïnes, de toutes nos
amazones, de cette reine Aoura Pokou qui, pour la liberté de son peuple, jette
dans le Bandama son unique enfant.
Nous voulons,
après avoir parlé de Binger, parler de cette reine des Bobo, Makoura Ouattara
qui le reçut pacifiquement.
Mais partout,
nous ne rencontrons que des obstacles, des entraves. L'on semble vouloir
étouffer notre génie afin de mieux nous asservir.
Ce sont des
condamnations qui pleuvent sur nos organes de presse qu'on veut tuer.
Ce sont des
recommandations sournoises pour qu'on « punisse sévèrement Réveil et ses collaborateurs ».
Ce sont des
procès qu'on intente à nos responsables de sous-sections, parce que le peuple
librement souscrit pour soutenir sa lutte contre les forces oppressives.
C'est
l'interdiction de jouer ici, en Afrique Noire, des disques de Kéita Fodéba.
C'est l'interdiction à Paul Robeson, de donner là-bas, on Amérique, des
concerts. C'est la censure, l'interdiction à des livres, à des journaux de
pénétrer ici en Afrique Noire.
Et, pour couronner tout cela,
l'interdiction au Rassemblement Démocratique Africain de tenir des réunions
publiques ici, en Afrique Noire, après l'interdiction de toute souscription ou
quête dans ce pays. Ainsi nous n'avons même plus le droit de chanter nos
propres misères ; plus le droit de pleurer nos libertés perdues ; plus le droit
de refuser publiquement leurs mensonges et leurs calomnies ; pas le droit de
transmettre quelque chose à l'avenir... Rien ! Et, c'est au moment où la Côte
d'Ivoire entière est devenue une prison, c'est au moment où des administrateurs de colonie descendent des pauvres femmes, prennent la
tête des razzias révolver au poing comme cela se passe dans Agboville, au
moment où l'on tue à coups de bottes et de fusils, c'est ce moment-là que le
gouverneur Péchoux choisit pour faire publier par son journal officiel la
déclaration universelle des « Droits de l'Homme», laquelle déclaration en son
article 19 dit :
« Tout individu a droit à la liberté
d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété
pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans
considération de frontière, les idées et les informations par quelque moyen
d'expression que ce soit ».
Et oui ! C'est bien loin, la Charte des Nations
Unies ! — Quatre ans à peine après la guerre — bien loin cet article 73 par
lequel
« les puissances coloniales reconnaissent
la primauté des intérêts des populations qu'elles ont en tutelle et acceptent
comme une mission sacrée de les conduire rapidement vers leur émancipation
politique, économique et sociale, de les instruire en respectant leur culture,
de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus ».
C'est bien loin tout cela, puisque lorsque nous
parlons d'originalité africaine, l'on nous traite de Russes, et de séparatistes
lorsque nous parlons d'émancipation politique, économique et sociale. L'on nous
combat donc parce que le Rassemblement Démocratique Africain est le seul
mouvement qui ait pour la première fois, ici en Afrique Noire, posé le problème
du devenir africain sous son vrai jour.
L'on nous combat parce que nous sommes un mouvement
de lutte, un mouvement à programme revendicatif, un mouvement qui combat les
abus et ne tresse aucun laurier à des gouverneurs de passage.
L'on nous combat parce que nous sommes pour le
respect de la Constitution, pour la liberté contre l'esclavage — pour le
bien-être contre les misères — pour la paix contre la guerre.
Etant persuadés que nous sommes incapables de penser
par nous-mêmes, les réacteurs vont répétant, de telles conceptions ne peuvent
venir que de Russie : et nous voilà traités de Russes, de communistes. Or nous
savons que sous le couvert de l'anticommunisme, c'est une guerre incessante
qu'on livre à la Paix ; une croisade contre la liberté ; une chasse
effrénée à l'homme de progrès. Ainsi :
a) En 1789, la Société des Amis des Noirs, qui combat l'esclavage, voit
ses membres pourchassés et condamnés parce qu'ils propageaient des idées
dangereuses, proposaient des mesures qui atteignaient de plein fouet les
intérêts des esclavagistes. Autour de ce mouvement que l'on traite d'étranger,
que l'on dit à la solde de l'étranger, se déclenche une propagande intense,
endiablée, à l'instigation des colons dans le but de perdre ce mouvement dans
l'esprit du peuple français.
b) En 1824. Trois jeunes Martiniquais, pour avoir introduit dans l'île des
ouvrages français critiquant la colonisation, sont traités de communistes et
condamnés à être marqués au fer rouge.
c) En 1832. Un jeune instituteur français, pour avoir ouvert une école
où il donnait des cours gratuits aux ouvriers, est traité de communiste,
révoqué et condamné.
c) En 1840. L'abbé de Lamenais, pour avoir épousé la cause du peuple,
pour avoir écrit : «
O, peuple paria, réclames-tu quelque soulagement à ton sort on te sabre, on te
fusille et tu tombes sous le gourdin des assommeurs payés et patentés », cet abbé, est traité de communiste et condamné.
Ainsi, M. D... est dans le ton, dans la tradition.
Il est bien dans le ton lorsqu'il se permet d'expédier à nos sous-sections, son télégramme du 2 février,
télégramme ainsi conçu :
« Bataille destruction RDA soviétique déclenchée - Stop - Bloquez toute
activité suppôts Kominform - Stop », télégramme qui, à ce qu'il
paraît, avait échappé — et pour cause — à la vigilante attention des services
de l'Administration. Il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !
En effet, il ne faut pas voir.
D... le 14 novembre n'avait pas été réélu conseiller de la République.
Tous ses rêves donc s'écroulaient. Faut-il partir du RDA ? Faut-il rester
au RDA ? Il balance, calcule, hésite... Il rompt sans rompre, toutefois... Il
veut rester au RDA mais demander à ce que M. Houphouët lui donne 600 000 francs
pour se payer un camion car «
il ne voudrait plus, lui qui a été conseiller de la République, retourner petit
fonctionnaire dans l'Administration. Il en aurait honte ». M. Houphouët promet de lui remettre cette somme lorsqu'il aura vendu
ses produits. Mais M. D... est pressé... Il lui faut une voiture ! Entre-temps,
son ami Péchoux arrive. Il est gouverneur. Ce gouverneur dont l'arrivée ici fut
saluée avec des transports de joie par ses alliés actuels qui allaient chantant
« Notre Gouverneur est
venu. Nous sommes au pouvoir », alliés dont la première victime
fut notre camarade Indat Frédéric d'Agboville, Indat qui passa trois mois en
prison. Indat était accusé de propagation de fausses nouvelles par un chef de
canton ami de M. Houphouët à ce qu'il disait lui-même. Il promit d'aller voir «
son gouverneur » pour faire arrêter Indat. Il descendit à Abidjan et
effectivement, quelques jours après, c'est-à-dire le 9 décembre 1948, Indat, secrétaire
général de la sous-section d'Agboville, notre camarade que ce chef de canton ne
voulait pas voir, est écroué. Le 2 mars 1949, il bénéficie d'un acquittement
confirmé par la cour d'appel de Dakar.
Dimanche 6 février 1949. La provocation
M. D... est pressé ! Son ami M. Péchoux est là, qui veille... Les 600
000 francs promis par M. Houphouët tardent à venir. La voiture hante le sommeil
de M. D... qui est souvent au Palais. Entre-temps, le 2e Congrès
interterritorial s'ouvre. M. D... brille par son absence. M. D... a une
camionnette Chevrolet et le 24 janvier il donne sa démission. Nous apprenons
qu'il ferait une conférence le 30. A cette conférence qui se tient au
COMACICO, au lieu de nous donner les raisons de son départ du RDA, il s'en
prend violemment au député Houphouët. Non content de cela, il donne l'ordre à
ses hommes de se battre, déclarant que lui, en prenait la responsabilité... La
conférence est dissoute.
Le
bruit depuis décembre 1948 courait que tous les dirigeants du RDA allaient être arrêtés, que tous les militants RDA allaient être
maltraités.
Le 2 février 1949, M. D... fort
de ses alliances et sûr de son impunité expédie des télégrammes à nos
sous-sections, donnant ainsi le signal du combat. Dès le mercredi 2 février,
j'apprends qu'une nouvelle conférence doit se tenir, mais cette fois au marché
municipal, et ce, le dimanche 6 février 1949.
Nous apprenons aussi que le conférencier, en
l'occurrence M. D…, ses partisans et ses alliés, viendraient armés. Du mercredi à samedi 5 février,
les nouvelles affluent, à savoir que les partisans de D… et ses alliés ont été autorisés à s'armer... Devant
tous ces bruits, le Comité directeur juge utile de saisir les autorités par
lettre adressée au Procureur et aux Autorités administratives. C'est la lettre
en date du 5 février 1949, lettre qui doit se trouver au dossier.
Dimanche 6 février. La conférence, au lieu du
marché municipal, se tient à Treichville, au COMACICO, dans un grand déploiement
de forces, alors que toutes les conférences tenues avant le 30 janvier et le 6
février n'ont jamais été honorées par tant de forces armées.
Je suis chargé de la Presse. C'est ma fonction dans
notre mouvement. En cette qualité, c'est pour moi un devoir d'être partout où se tient une réunion, une conférence
publique. C'est en regard de cette fonction que l'on doit juger mon activité lors des
événements du 6 février. En effet, muni de mon appareil photographique, je me rend
devant la salle. J'y entre... Je regarde la disposition des bancs, de la
tribune qu'on installait, je remarque qu'on a fait des barrages et je vois,
armés de fouets, les hommes du service d'ordre portant des brassards marqués
BDE. Je sors. Ces remarques me suffisent. Il ne me restait qu'à attendre M.
D... pour le photographier. Ainsi me documenter moi-même a été pour moi le
souci le plus constant. C'est cela qui m’a conduit à la rue n° 3, angle 7, puis
à accompagner vers les 11 h 30 les camarades Williams et Mockey auprès du
commissaire Lefuel à la rue n°2, angle 7. Je tenais à entendre moi-même la
réponse du commissaire afin de pouvoir, éventuellement, les rapporter exactement.
C'est encore ce souci de documentation qui m'a
conduit du côté de M. Diou..., à la rue n° 13, à Treichville pour voir ce qui
se passait…
D'autre part, je reconnais avoir crié « mercredi,
achetez tous Réveil ». J'estime que c'est pour moi, en tant que journaliste, [un devoir] de
placer le plus d'exemplaires possible de notre organe de lutte, surtout que ce
numéro-là devait apporter des éclaircissements sur l'attitude du sieur D...
Tout autre à ma place aurait certainement agi de la même façon... Eclairer la
masse est pour moi, un devoir... Lui dire aussi ce qui se passe est encore un
devoir...
Et c'est parce que j'ai voulu accomplir mon devoir
de journaliste que j'ai été arrêté. Aussi est-ce en tant que journaliste que je
comparais aujourd'hui devant vous, Messieurs, et c'est en tant que journaliste
militant du mouvement du Rassemblement Démocratique Africain que je parle.
Nous voici donc arrêtés le 9 février
1949, mis dans un corbillard qui le matin même avait conduit quelqu'un à sa
dernière demeure. Après le télégramme de M. D..., le fait d'enfermer dans un
corbillard des dirigeants d'un mouvement auquel on a déclaré la guerre, est significatif,
symbolique. Nous voici à la prison de Bassam.
En mars 1949, M. Di... Ama..., huissier au greffe de la prison, publiquement,
en parlant de nous, les détenus du 6 février, déclare : « Ils sont dans cette prison-là pour un
an. Ils peuvent attendre ». Ces paroles sont significatives,
quand on connaît les relations de M. Di... et qu’on sait qu'il a présidé la
conférence du 6 février.
Effectivement nous y sommes depuis plus d'un an, dans cette prison. Nous
y sommes parce que nous avons pensé qu'après les horreurs de la dernière guerre
les tortures inhumaines, qu'en regard de tous les sacrifices consentis, les
hommes devaient mener une autre vie qu'une existence de bêtes constamment
traquées, traquées par faim, traquées par la police. Nous y sommes depuis plus
d'un an dans cette prison parce que nous nous sommes opposés au retour de pratiques
que nous estimons devoir disparaître avec Hitler...
Le régime hitlérien avec ses SS, avec ses chiens policiers, avec son mépris absolu de la dignité humaine, fait-il partie de la civilisation occidentale
qu'on dit chrétienne ? Les fours crématoires font-ils partie de la doctrine
chrétienne ? Les fosses communes dans lesquelles on jetait des gens encore
vivants, font-elles partie de la doctrine chrétienne ?
Nous savons que sous le couvert de l'anticommunisme,
sous le couvert de défendre la foi, sous le
couvert de sauver la civilisation occidentale chrétienne, ce sont des buts inavouables que l'on poursuit. Nous
avons compris cela puisqu'un haut prélat américain,
le cardinal Spellmann a dit :
« Ce n'est pas pour défendre ma foi que je combats le communisme, mais c'est en
tant qu'Américain qui défend son pays. Car l'existence du communisme est une
provocation constante à l'adresse de tous ceux qui croient en l'Amérique... et
en Dieu ».
Et c'est pour que cette terre
cesse d'être une vallée de larmes pour le peuple que, nous du Rassemblement
Démocratique Africain, luttons et lutterons toujours.
En effet, j'ai, sur les quais de Dakar, vu des
dockers coltiner des caisses de primeurs, des caisses de sucre, des sacs de
blé, de semoule, de riz, etc., et ces dockers-là, à la fin de leur
journée, je les ai vus ne manger que des cacahuettes, alors que dans les
entrepôts le riz moisit, le sucre fond, la pomme de terre pourrit. J'ai vu ces
hommes, le soir venu, coucher au long des trottoirs, à la belle étoile... Nous
Disons, nous du RDA... que cela est inadmissible.
J'ai, à la polyclinique Roume, toujours à Dakar,
entendu un médecin capitaine demander et répondre à une femme africaine qui se
plaignait de n'avoir plus de lait pour nourrir son enfant :
— Quel âge
a-t-il ?
— Six mois.
— Donne-lui de
la bouillie de mil, il mangera s'il a faim.
Dans le même temps, en rade, des bateaux américains jettent à la mer
des caisses de lait. Nous disons, nous du RDA, que ce langage est odieux et le
geste des Américains criminel.
Libérer
l'homme de toutes les entraves qui limitent ses possibilités.
J'ai ailleurs vu des hommes fouiller dans des
poubelles à la recherche d'un quignon de pain qu'ils disputaient à des chiens
hargneux.
Nous disons, nous du RDA, avec notre franc-parler
habituel, que le régime qui génère de tels faits est inhumain.
Voilà pourquoi nous luttons et lutterons encore et
lutterons toujours, nous du RDA.
Nous combattrons tous ceux qui veulent, pour des
profits égoïstes, abêtir l'homme, dégrader l'homme en le condamnant à mener une
vie de bêtes de somme.
Nous, du RDA, nous entendons libérer l'homme de
toutes les entraves qui limitent ses possibilités.
Nous voulons qu'il accède à tous les domaines de la
connaissance, et ce, malgré tout syllabus et tout décret du Saint-Office.
C'est pour en arriver là que nous prêchons l'union
de tous les Africains, que nous appelons tous les Africains à la croisade
contre les misères cultivées. Mais cette union est très mal vue, très mal vue,
très mal accueillie par tous ceux qui ont intérêt à ce que ces misères
cultivées continuent à prospérer parmi nous.
Cette union est combattue selon les vieux principes
du « diviser pour régner
».
Le maréchal Pétain, après une tournée en Afrique
Noire, écrivait : « Il faut
coûte que coûte empêcher que les Noirs s'unissent, soit par un lien politique
soit par un lien religieux, car c'est par leurs divisions, leurs dissensions
que nous les tenons ». (Je cite de mémoire). Et au ministre socialiste SFIO
Moutet de surenchérir :
« Il faut éviter dans les colonies les grands rassemblements de peuples ».
Ainsi, c'est parce que le Rassemblement
Démocratique Africain est un mouvement d'union et un grand rassemblement de
peuples qu'on le combat ; c'est à ce double titre qu'il est devenu la bête
noire, la cible du gouvernement qui dans sa frénésie, sa rage de destruction, a
perdu tout contrôle.
Dès le lendemain de notre arrestation, M. Ply, dans
son organe, publie nos noms en les faisant suivre de la sous-section dont nous
faisons partie. Qu'est-ce à dire ?
Le gouverneur de son côté, immédiatement se lance
dans une grande tournée à travers le territoire. Qu'est-ce à dire ?
La Sûreté relève les noms des camarades de nos
bureaux des sous-sections, dans le but de pouvoir un jour les arrêter en masse
comme cela vient d'arriver pour Zuénoula, ou individuellement. Méthode plus
courante.
Dans le but de détacher de nous la masse, l'on use de la corruption :
distributions d'argent, de fusils, de décorations, octrois de hautes
protections. Si quelques individus se laissent tenter, la masse elle, nous
demeure fidèle.
L'on recourt alors à l'intimidation. L'on extorque
des démissions. L'on achète des démissions auxquelles l'on donne la plus large
publicité pour dire : Voilà ! Le Rassemblement Démocratique Africain sous nos
coups se désagrège ! Mais le bloc RDA demeure.
C'est alors que M. Rucart vient à la rescousse en
écrivant : « Ce n'est pas
le RDA qui commande et juge », comme si jamais nous, du RDA
avions dit commander et juger ! Cette phrase semble être un mot d'ordre. On
arrête nos militants, on les bat, on les torture, les humilie, les jette en
prison pour ensuite leur corner aux oreilles : « Va dire à Houphouët de venir te sortir
de là, de la prison », ou alors cette rengaine : « Quitte le RDA et tu seras libre ». Mais le bloc RDA demeure. Dans le même but de perdre Houphouët dans
l'esprit de la masse, l'on nous a gardé pendant treize mois, pour constamment
dire à la masse : « Tu vois,
Houphouët est incapable de faire libérer les détenus du 6 février... Si tu le
suis, tu subiras le même sort » ; ainsi notre détention sert de
thèse de propagande, d'arme de combat au Gouvernement.
Tout cela ne donnant pas les résultats escomptés,
l'on recourt à la manière forte. On lance dans le pays des agents
provocateurs... puis l'on fait venir la troupe et ce sont des rafles, des
razzias, des tueries ; la terreur, ce régime d'état de siège que la Côte
d'Ivoire ne connut même pas au temps de Vichy. Ce sont de pauvres femmes qu'on
arrête, maltraite et jette en prison, alors qu'il est bien dit et accepté par
toutes les nations que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La collusion du Gouvernement avec les individus que
les hommes de ce pays ont jugés et condamnés, est encore révélée par la large
publicité que donne le gouvernement local à un télégramme du ministre des TDM,
télégramme n°50004 du 11 février, retransmis sous n°35 AC à tous les cercles et
subdivisions, télégramme adressé seulement à ceux qui en avaient expédiés pour
demander à ce ministre la suppression du Rassemblement Démocratique Africain.
Ainsi, ce n'est certainement pas parce que j'ai
arraché un journal à un gosse, ce n'est certainement pas, parce que j'ai
demandé à un homme de ne pas tirer que je comparais aujourd'hui devant vous,
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.
Bon gré, mal gré, mes camarades et moi
comparaissons devant vous en tant que dirigeants d'un mouvement que le
Gouvernement combat, en tant que détenus politiques.
Monsieur le Président,
Messieurs de la Cour,
Nous faisons tous de l'histoire. L'épopée du Rassemblement Démocratique
Africain a commencé dès l'instant où le juge nous a dit : « J'ai reçu l'ordre de vous arrêter ». Des ordres à un juge ! Hum ! Et cette épopée continue.
Tous,
nous entrons aujourd'hui dans l'Histoire
Le peuple qui a assisté à tous les faits, le peuple
qui les a vécus, vous regarde, Messieurs.
Tous, nous entrons aujourd'hui dans l'Histoire, et
il est certain que demain, l'historien impartial, sans passion aucune, avec
sérénité, se penchera sur le dossier de ce premier grand procès politique en
Afrique Noire... Il se penchera sur ce dossier avec sérénité parce qu'il sera
hors de toutes les contraintes politiques et des remous de notre époque...
On nous reproche aussi notre union avec le peuple
de France. Eh bien, que l’on sache une fois pour toutes que nous n'avons fait
que prendre la main du peuple de France, une main qui nous était tendue depuis
le 22 janvier 1844. En effet, le 22 janvier 1844, le peuple de France, pour
l'abolition de l'esclavage, aux députés, adressait la pétition suivante :
« Messieurs les Députés,
Les soussignés, ouvriers de la capitale,
ont l'honneur, en vertu de l'article 45 de la Charte Constitutionnelle de venir
vous demander de bien vouloir abolir, dans cette session, l'esclavage.
Cette lèpre sociale qui n'est plus de
notre époque, existe cependant encore dans quelques possessions françaises.
C'est pour obéir aux grands principes de la fraternité humaine que nous venons
faire entendre notre voix en faveur de nos malheureux frères, les esclaves.
Nous éprouvons aussi le besoin de
protester hautement au nom de la classe ouvrière, contre les souteneurs de
l'esclavage qui osent prétendre, eux qui agissent en toute connaissance de
cause, que le sort des ouvriers français est plus déplorable que celui des
esclaves.
Fiers de la sainte et généreuse
initiative que nous prenons, nous sommes sûrs que notre pétition trouvera un
écho dans notre noble patrie et nous avons confiance dans la justice des
députés de France ».
Qu'il nous soit permis de dire que cette union avec
le peuple de France a toujours été mal vue par ceux qui toujours ont confondu
leur fortune avec la fortune de la France. Ceux qui hier comme aujourd'hui ne
cessent de clamer :
« La France est ruinée si nous sommes ruinés ».
Non ! La France de 1789, la France des principes
immortels de liberté, d'égalité et de fraternité, la France qui est partie par
l'Europe, renverser les trônes du despotisme, la France du peuple de France que
nous sommes très heureux de saluer et de remercier ici, à la barre, dans un
tribunal français, cette France-là que nous aimons nous du RDA, n'est pas
ruinée si M. Tartempion, flibustier, est ruiné. Cependant, l'on agit comme si
l'on ne voulait nous montrer de la France qu'un visage défiguré... Celui qu'on
veut nous faire voir au-delà des bataillons, des chenillettes et des tanks.
Mais nous ne nous laisserons pas abuser, parce que nous savons qu'au-delà de
tout cela, est et demeure la France, la France qui a proclamé qu'elle
n'emploiera jamais les armes contre la liberté d'un peuple.
Cette union donc, est très mal vue. C'est ainsi que l'on pourchasse
toujours dans les territoires d'outre-mer, les démocrates français, les
Français honnêtes qui frayent avec les autochtones.
Hier, c'est Mgr Monnet qu'on chasse de la Réunion pour avoir soutenu la
cause des esclaves ; c'est l'abbé Lemarche qu'on expulse de la Guadeloupe parce
qu'il a fait chanter le Veni Creator à un mariage d'esclaves.
Aujourd'hui, ce sont les Souyris, les Suret-Canale, Fayette, Rigo, etc.
et d'autres démocrates encore qu'on inquiète pour le seul fait qu'ils vont avec
des indigènes, comme si aller avec les indigènes est un crime de lèse-prestige.
Hier, des milliers d'hommes mouraient dans les
ergastules des colons, lorsqu'on enchaînait des enfants de cinq ans pour les
empêcher de fuir, lorsqu'on fouettait jusqu'au sang des femmes enceintes ou par
caprice, les éventrait pour voir ce qu'elles ont dans le ventre, lorsqu'on
empalait des hommes pour des vétilles, eh bien, il se trouvait des monstres,
des Granier de Cassagnac et des Charles Dupin, pour trouver ce régime humain.
Lorsqu'on élevait des hommes comme du bétail, il se trouvait encore des
monstres pour soutenir, bible en main,
« que l'esclavage est une voie ouverte par la Providence au succès de la
religion ».
Mais face aux thuriféraires de ce régime odieux,
étaient dressés les démocrates et républicains français, les démocrates et les
républicains du monde entier.
En face d'eux, était Schoelcher qui criait l'égalité
absolue de tous les hommes ; Schoelcher qui exigeait que « le Noir fût tout aussi libre de vendre
le coton de sa propriété, que le Blanc de vendre le sucre de sa plantation ». Pour avoir soutenu de telles idées, il devint l'ennemi n°1 des
colons, comme Houphouët l'est aujourd'hui ; il fut traité de communiste,
d'agent de l'étranger comme Houphouët l'est aujourd'hui parce qu'il a parlé
d'émancipation, parce qu'il a parlé d'originalité africaine. Mais comme
Houphouët continuant sa route, en dépit des mesquines provocations, Schoelcher
tenant tête à ses adversaires déchaînés, leur crachait à la face : « J'aime mieux la justice à tout le café
du monde ».
Aujourd'hui il repose au Panthéon. Triomphe de la
vérité et de l'amour !
C'est encore lui qui dit : « Il faut prodiguer les moyens de vivre
et de s'instruire à tous ceux qui en manquent ». Or que lit-on en 1949 dans des circulaires du Gouvernement général ?
Ceci : « Il est
demandé aux territoires d'attirer l'attention de chacun sur les charges que représentent
pour les budgets, l'entretien des installations de caractère social. Il est
certain que si l'on construit un lycée ou un grand hôpital, il faut envisager
que plus tard les budgets auront à supporter l'entretien des professeurs et des
médecins. Par conséquent de la part de l'Administration, il y a là une étude
très prudente à faire de façon à connaître parfaitement les incidences de ces
organisations sur les budgets. C'est un point très important ».
Eh bien pour nous, du Rassemblement Démocratique Africain, le point
très important est d'avoir beaucoup d'écoles et beaucoup d'hôpitaux. Et c'est
parce que nous sommes contre les idées qui produisent de telles circulaires que
nous sommes en prison.
Des
étudiants nous écrivent : « Moralement, c'est nous tous qui sommes en
prison »
On a cru en nous arrêtant, arrêter la marche du
Rassemblement Démocratique Africain. C'est mal connaître le RDA.
Le Rassemblement Démocratique Africain, ce sont :
·
ces milliers d'enfants sans écoles,
·
ces milliers de femmes sans
maternité,
·
ces milliers de malades sans
hôpitaux,
·
ces milliers de petits
commerçants accablés d'impôts et qu'une oppression économique rend les jouets
des trusts internationaux qui leur paient des prix dérisoires.
·
Ces petits artisans pressurés par
le fisc...
·
Ces fonctionnaires qu'on fait
valser, qu'on n'avance pas pour des questions d'opinion. Ce sont tous ces
travailleurs qui se demandent comment joindre les deux bouts.
·
Ces gendarmes, ces gardes de
cercle, ces policiers, qui logés à la même enseigne que nous, se demandent eux
aussi comment joindre les deux bouts. Tous ces anciens combattants qui
attendent leur pension, ces anciens combattants qui ont combattu l'arbitraire
et qui aujourd'hui sont soumis à un arbitraire.
Le RDA, c'est tout un peuple dressé contre les
injustices qu'une Constitution a rendues caduques, tous ces étudiants qui nous
écrivent : « Moralement,
c'est nous tous qui sommes en prison ».
Le Rassemblement Démocratique Africain, c'est tout
cela. C'est pourquoi nous chanterons dans les prisons, nous chanterons dans les
fers, parce que nous savons que quelqu'un toujours luttera pour le triomphe de
la vérité et de la justice.
Voilà le Rassemblement Démocratique Africain pour
ceux qui ne le connaissent pas.
Mais, forts de notre principe d'association
librement consentie, des milliers d'hommes librement sont venus à nous. Sous la
tempête actuelle dont nous nous rions, quelques huit ou dix personnes sont
parties...
Nous leur disons qu'elles partent. Qu'elles
partent, mais qu'elles se souviennent que si elles sont quelque chose
aujourd'hui, c'est grâce au peuple qu'elles méprisent. C'est parce que ce
peuple a payé des contributions diverses ; c'est parce que ce peuple a
souffert.
Nous leur disons qu'elles partent, mais qu'elles se
souviennent que si elles jouissent de quelque liberté aujourd'hui, c'est parce
que le peuple de France a lutté pour conquérir ces libertés et lutte encore
pour les maintenir.
Qu'elles partent, mais qu'elles se souviennent qu'au lendemain de notre
arrestation, un gouverneur, par le truchement d'un juge de ce palais, a essayé
de détacher de nous, une de nos camarades femmes[2], secrétaire générale, en lui promettant une voiture toute neuve,
trente mille francs de rentes mensuelles et des avantages divers. Elle lui
répondit simplement : «
Ce n'est pas au moment où les femmes de France et du monde entier luttent pour
la liberté et la paix que nous femmes africaines allons croiser les bras...
Depuis vingt ans je marche à pied, je n'ai que faire de votre voiture. Je vis
bien sans votre rente. Nous continuerons la bataille à côté de nos frères, de
nos pères et de nos maris qu'on arrête, et tue ». Qu'elles partent, ces huit ou dix personnes, mais qu'elles se
rappellent cette réponse.
Monsieur le Président,
Messieurs de la Cour,
Nous croyons qu'avec Goering, un temps est mort, définitivement, un
temps où l'on pouvait se permettre de dire : « Je n'ai pas à exercer la justice, j'ai
à exterminer, c'est tout », pour conclure avec Renan : « Qu'on nous donne seulement un quart
d'heure de vérité par jour, et le monde sera sauvé ».
Nous
savons que les alouettes ne tombent pas toute rôties du ciel
Oui, qu'on nous donne seulement un quart d'heure de
vérité, et l'on verra que le Rassemblement Démocratique Africain est un mouvement
qui milite pour la formation d'une Union française véritable, et non un
mouvement séparatiste, mais que les véritables séparatistes, ce sont des
individus qui, pour des intérêts personnels n'osent se montrer sous leur vrai
jour.
Nous tenons à dire que nous ne lâcherons jamais la
main du peuple de France. Car, supposons un seul instant que vous ayez deux
frères et que brusquement vous tombiez malade. Aussitôt l'un d'eux, parce que
vous êtes malade, réunit des amis et festoie tandis que l'autre vous soigne,
vous veille jusqu'à votre guérison. Rétabli, auquel des deux frères ira votre
gratitude, votre affection ?
Hier, lorsqu'en signe de protestation contre notre
détention injustifiée et les brimades, nous faisions la grève de la faim, ici,
des Noirs, valets de l'Administration riaient, dansaient, festoyaient à la
seule pensée que nous en crèverions tous, mais là-bas en France, parce que des
hommes risquaient de mourir de faim, le peuple protestait, formait des comités
de défense, entreprenait des démarches, expédiait des messages... nous
assurant de sa chaude solidarité. Et ce peuple de France dont le cœur bat si près
du nôtre aujourd'hui encore continue son action à notre égard. Par votre
verdict, vous nous direz si nous avons mal fait de lier notre destin au destin
du peuple de France.
Nous tenons aussi à dire publiquement pour qu'il
n'y ait plus d'équivoque : pour nous, du RDA, aucune idée qui peut servir au
bonheur de l'homme, à l'avènement de la fraternité et au maintien de la paix,
n'a de couleur ni d'étiquette.
C'est pourquoi nous donnerons toujours la main à
tous ceux qui, par le monde entier, luttent pour les mêmes buts que nous, à
savoir pour la liberté — pour le bien-être de tous — pour la paix.
Avec eux, nous bâtirons la cité nouvelle dans
laquelle il n'y aura ni maîtres, ni esclaves, ni un seul indigent, ni un seul
mendiant parce qu'il sera donné « à chacun selon ses besoins » ; la cité
nouvelle dans laquelle le
Pater Noster aura tout son sens parce que les hommes s'aimeront et seront redevenus
les frères qu'ils n'auraient pas dû cesser d'être.
Dans cette cité, il n'y aura plus de loups ni
d'agneaux, mais des hommes.
1789 a permis la formation de la Nation Française.
La grande révolution qui souffle actuellement sur le monde, permettra, elle, la
formation de la grande famille. Cela est inéluctable.
Nous, au Rassemblement Démocratique Africain, nous
luttons parce que nous savons que « les alouettes ne tombent pas toute rôties
du ciel ». Nous luttons, certes, mais que tous ceux qui ont contribué à nous
faire arrêter, tous ceux qui ont troqué notre liberté contre de petites faveurs
personnelles, tous ceux qui, par leur action nocive, ont permis les tueries
actuelles, que tous les agents provocateurs qui circulent armés dans Agboville
et ailleurs, que tous ceux qui, dans nos villages, traquent et tuent
allègrement parce qu'ils ont leur « gouverneur », parce qu'ils sont sûrs de
leur impunité, que tous ceux-là sachent et se disent que tous, nous faisons de
l'Histoire et que les heures comme celles d'aujourd'hui, celles où nous sommes
à cette barre, devant vous, ces heures-là, ont toujours un lendemain.
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