Quand Mobutu perdit le pouvoir, le 16 mai 1997, certains pensaient (c’était
naïf de leur part) que le Congo-Kinshasa connaîtrait enfin la paix, la justice,
la liberté et la prospérité pour tous. Mais, 21 ans après la chute et la fuite
au Maroc de l’ancien tyran, le triste constat est que la RDC n’en a pas fini
avec sa descente aux enfers. Plus grave encore, les massacres de populations et
les viols de femmes sont devenus monnaie courante à l’Est du pays, au nez et à
la barbe des Nations Unies censées pourtant assurer la paix et la sécurité dans
ce sous-continent. En un mot, les conditions de vie et de travail des Congolais
se sont peu améliorées sous les deux Kabila (Laurent-Désiré et Joseph).
Pourquoi ? Parce que, si l’ex-maréchal est parti, ceux à qui profite cette
situation (les pays occidentaux jamais rassasiés de voler les richesses
minières et énergétiques), eux, ne sont jamais partis.
Alors que des gens croyaient que, de la
révolution populaire du 30 octobre 2014 qui balaya rapidement le régime
dictatorial de Blaise Compaoré, naîtrait un Burkina nouveau, aucun changement
fondamental ne semble avoir débuté dans le pays dit des hommes intègres. À quoi
cela tient-il ? Au fait que l’ancien colonisateur n’a fait que remplacer un
pion (Compaoré) par un autre pion (Kaboré). À preuve, le Commandement des
opérations spéciales françaises, arrivé à Ouagadougou en 2010, est toujours en
place. Et personne n’est près d’oublier le geste ô combien déplacé de Macron à
l’endroit de Kaboré lors de son passage dans la capitale burkinabè, le 28
novembre 2017. Ce geste avait fait sortir de ses gonds Alpha Blondy qui
estimait, à juste titre d’ailleurs, que le successeur de François Hollande
n’avait pas « le droit de tapoter la
joue d’un président, un aîné qui pourrait être son père ». Le jeune
président français, qui s’était rendu directement à Gao le 19 mai 2017 sans
passer par Bamako comme s’il était en territoire conquis, se serait-il permis
d’infantiliser Poutine et de lui parler comme un maître à son esclave ? Rien
n’est moins sûr.
En mars 2012, les Sénégalais se sont
certes débarrassés d’Abdoulaye Wade qui avait l’intention de faire comme
Gnassingbé Eyadéma et Omar Bongo. Leur pays a-t-il pour autant cessé d’être
contrôlé et pillé par la France ? Non ! Et l’on pourrait émettre le même
jugement sur le Mali et le Niger, deux pays dont l’or et l’uranium intéressent
bien plus les soldats français que la lutte contre les terroristes.
Mais la palme du « il faut tout changer pour que rien ne change » revient
indiscutablement à la Côte d’Ivoire qu’un imposteur avait promis de transformer
en un paradis sur terre. Car 7 ans après que Dramane Ouattara eut été
violemment imposé par la France de Sarkozy, la réconciliation des Ivoiriens et
le désarmement des milices sont au point mort, pas une seule nouvelle
université n’a été construite, Abidjan est plus sale et plus dangereuse que
jamais, les petits commerces sont quotidiennement détruits à Abobo, Adjamé et
Yopougon, les banques et caisses d’épargne sont régulièrement braquées, les
terrains arrachés à des familles ivoiriennes et vendus à des Marocains et
Libanais, des criminels et des médiocres sont promus et célébrés, les
fournisseurs ivoiriens de l’État sont affamés et menés en bateau, etc. Pire
encore, les Français sont revenus en force en Éburnie où ils s’enrichissent et
achètent à tour de bras. Certaines personnes soutiennent même que ce sont eux
qui dirigent véritablement le pays et que les soi-disant ministres et
directeurs généraux ne sont que des figurants. À tout cela, il faut ajouter la
suspension systématique des journaux qui osent critiquer le gouvernement, le
rattrapage ethnique et la manipulation de la justice par le président reconnu
par la communauté internationale pour écarter ses adversaires des joutes
politiques à venir. Bref, le désenchantement est général au point où certains
partisans de Ouattara n’hésitent plus à confesser, viva voce, que l’historien
Gbagbo valait et faisait mieux que le prétendu économiste Ouattara (« Gbagbo kafissa » en
malinké). Ils se rendent compte chaque jour, ceux qui votèrent pour lui, que la
gouvernance de Ouattara n’est rien d’autre qu’une suite de mensonges plus gros
les uns que les autres.
Le message que je voudrais faire passer
ici est le suivant : nous ne devons pas nous employer à ne dégager que les
marionnettes de l’Occident. En d’autres termes, le mal dont souffrent nos pays
doit être soigné à la racine et la racine, c’est l’Occident qui, pour contrôler
nos pays et voler nos ressources naturelles, nous impose des vauriens. C’est
avec cet Occident impérialiste, violent et prédateur, que nous devons d’abord
croiser le fer. Notre quête de liberté et de justice n’aboutira pas vraiment
tant que nous n’accepterons pas d’affronter ceux qui se prennent pour les
maîtres du monde. Les chasser de nos pays : tel est le premier combat que
doivent mener les souverainistes et patriotes africains, tel est le premier
défi à relever. Se soulever contre les Faure Gnassingbé, Sassou Nguesso, Alassane
Ouattara, Paul Biya et autres valets de l’Occident, même si cela s’avère
nécessaire, vient en seconde position, à mon avis. Ces clowns et renégats, les
peuples africains, longtemps humiliés et clochardisés, s’occuperont d’eux comme
il se doit aussitôt après que leurs maîtres « fouteurs de merde »
seront délogés de nos pays. Et peu importe l’endroit où ils se cacheront avec
leurs familles.
Mais les Africains sont-ils vraiment en
mesure de bouter dehors les puissances occidentales ? Oui, parce que d’autres
peuples l’ont fait. Il est vrai que l’Iran et le Vietnam ne triomphèrent pas
facilement des Américains et des Français et il est hors de question, pour
nous, de reproduire tels quels leurs moyens et méthodes. N’empêche que nous
pouvons emprunter à ces deux pays trois choses qui se sont toujours révélées
décisives dans la conquête de la liberté et de la souveraineté : la volonté, le
courage et la détermination. Comment Iraniens et Vietnamiens les
appliquèrent-ils ? Les premiers prennent d’assaut l’ambassade américaine de
Téhéran, le 4 novembre 1979. Soixante-six (66) diplomates et fonctionnaires
américains sont pris en otage. La prise d’otage dure plus d’un an et ne prend fin
qu’après que les États-Unis ont accepté de rendre 8 milliards de dollars des
avoirs du Shah gardés dans des banques américaines.
S’agissant du Vietnam, c’est une action
conjuguée du peuple et des Viet Minh (les combattants communistes dirigés par
Ho Chi Minh et luttant pour l’indépendance) qui permit au pays de vaincre les
forces françaises, le 7 mai 1954. Une victoire que saluera le leader
nationaliste algérien Ferhat Abbas en ces termes : « Dien Bien Phu ne fut pas seulement une victoire militaire. Cette
bataille reste un symbole. Elle est le Valmy des peuples colonisés. C’est
l’affirmation de l’homme asiatique et africain face à l’homme de l’Europe.
C’est la confirmation des droits de l’homme à l’échelle universelle. À Dien
Bien Phu, la France a perdu la seule légitimation de sa présence, c’est-à-dire
le droit du plus fort ».
Nous, Africains au Sud du Sahara, avons
tendance à nous sous-estimer et à nous résigner facilement aux avanies que nous
subissons depuis des décennies de la part des Occidentaux. Il est temps de
penser et d’agir différemment. Est arrivé le moment de passer à l’action mais
quelles actions mener ? Certains ont déjà proposé le boycott des produits
français partout en Afrique francophone. Pourquoi pas ? Je propose, pour ma
part, que nous allions au-delà du boycott pour mener des actions susceptibles
de porter un coup sévère à l’ennemi. Il faudra, avant tout, utiliser notre
intelligence. En nous remuant les méninges, nous pourrons trouver les
meilleures stratégies et tactiques. Dans cette phase de réflexion, il ne sera
pas inutile de prendre en considération le conseil donné jadis par Hô Chi Minh :
« Nous devons d’abord convaincre le
peuple et l’organiser derrière des revendications justes et légitimes. La
conviction et l’unité du peuple passent avant le militaire ».
On ne le dira
jamais assez : il revient aux peuples africains, et uniquement à eux, de faire
disparaître la Françafrique dont les trois piliers sont le franc CFA, les bases
militaires françaises et les accords de coopération qui bénéficient plus à la
France qu’aux pays africains. Mais il ne suffit pas de prendre conscience de
cela et il ne s’agit pas non plus de pleurnicher. Ce dont il s’agit, pour les
peuples d’Afrique noire, c’est de se mettre debout, de s’armer de courage et de
faire preuve de détermination car aucun pays, aussi puissant soit-il, ne peut
tenir face à ce que le général vietnamien Giap, artisan de la débâcle française
à Dien Ben Phu, appelait « la
capacité combative d’une armée populaire et d’un peuple qui se lève
pour défendre
son indépendance et sa liberté ».
Jean-Claude DJEREKE (Dernier ouvrage paru : « L’Afrique
doit être libre et souveraine », Paris, L’Harmattan, octobre
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de
provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou
l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu
informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des
mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : connectionivoirienne.net 2 février
2018
Excellent titre ! C'est exactement ce que je pense et professe quotidiennement. Ceux qui veulent aider l'Afrique doivent d'abord commencer par conscientiser le peuple français afin qu'il instaure chez lui une vraie démocratie qui lui permettrait d'empêcher son président de se servir de son armée pour faire la loi en Afrique. Le combat doit être mené contre la source du mal et non se contenter de calmer la douleur qui apparaîtra toujours sous une forme nouvelle.
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