jeudi 8 février 2018

Koffi Hamed Zarhour : Lettre ouverte au président de la République de Côte-d’Ivoire


« Excellente analyse et cette phrase a beaucoup traversé mon âme « Que les armes se soient tues n’est pas synonyme de paix, car, des cœurs meurtris, qui pleurent en silence, font plus de mal que des armes qui crépitent » tellement elle décrit la situation du pays. Personne n'ose parler et chacun rumine sa colère, sa rancœur, sa tristesse et sa détresse dans le silence ». Isidore Kouakou Kouadio, internaute abidjanais.


Monsieur le Président de la République,


Il est d’usage à l’orée de chaque nouvelle année, que le Président de la République s’adresse à la nation. Vous avez parlé Monsieur le Président, nous vous avons écouté avec intérêt.
Seulement, à la réflexion, comme dans toute démocratie, le chef de l’État est au service du peuple. Et ce qui est souhaitable de ce fait, c’est que le peuple lui parle et qu’il l’écoute, afin d’agir conformément aux aspirations des populations. Qu’il vous plaise donc, Monsieur le Président que parler nous soit permis.
En effet, plusieurs points de votre discours nous interpellent. Nous souhaitons revenir sur quelques-uns d’entre eux. Mais avant, nous tenons à vous remercier pour vos chaleureux vœux, que nous vous retournons avec la même foi et la même ferveur.
A droite, en costume clair, l'auteur de la lettre ouverte
Monsieur le Président, nous voulons dès l’entame de notre propos vous féliciter pour le calme observé lors des mutineries et des grèves syndicales au cours de l’année dernière. Votre sang froid a permis de désamorcer ces situations qui auraient pu avoir de fâcheuses conséquences si elles perduraient. Nos félicitations sont d’autant plus justifiées qu’en dépit de tous les impacts négatifs de ces mouvements sociaux sur notre économie, vous avez réussi à régler une autre question toute aussi cruciale : le règlement des créances intérieures. Merci Monsieur le Président, d’oxygéner ainsi l’activité des opérateurs économiques, évitant à plusieurs entrepreneurs de mettre la clé sous le paillasson.
Cela dit, s’il faut féliciter aussi avec vous les différents corps sociaux pour leur engagement à préserver la paix sociale, nous apprécions que vous ayez noté le mérite particulier qui revient aux planteurs. Monsieur le Président, si la baisse des revenus des producteurs de cacao est intervenue à la suite de la chute brutale de plus de 40% des cours mondiaux, c’est certainement parce que le système mis en œuvre dans notre pays pour la gestion de cette filière n’est pas pensé dans l’intérêt des planteurs. Le mécanisme, sur lequel il s’appuie, fait des intermédiaires et des multinationales les maîtres et les seuls véritables bénéficiaires des retombées de la filière et réduit nos braves paysans à de simples ouvriers agricoles. L’amélioration de la gestion de la filière que vous promettez est donc très attendue. Nous vous prions d’en faire une priorité de l’action gouvernementale, afin de faire cesser les souffrances de nos parents.
Parlant de souffrances, Monsieur le Président, nous avons perçu que vous êtes conscient de celles de votre peuple. Mais en dépit de vos nombreux efforts, les actes posés jusque-là ont montré leurs insuffisances. En 2010, vous nous aviez promis 5 NOUVEAUX CHU, et des milliers de salles de classes. Mais force est de constater que nous avons été loin du compte. Dans de nombreuses localités, ce sont des huttes faites de branchages qui servent de classe. Pour nous soulager, vous promettez avant la fin de votre dernier mandat, de nombreux CHU, CHR et centres de santé communautaire ; des salles de classe par milliers pour les écoles primaires, collèges et lycées… Monsieur le Président, permettez-nous de vous prendre au mot, afin qu’au terme indiqué, nous puissions évaluer ensemble la conformité des réalisations vis-à-vis des engagements que vous prenez aujourd’hui.
Monsieur le Président, 2017 a été aussi l’année de tous les désespoirs pour une frange très importante de notre jeunesse. Ces jeunes qui préfèrent se « jeter à la mer, plutôt que d’avoir honte devant leurs mères ». La jeunesse a du mal à se projeter sereinement dans l’avenir. Les programmes de « développement des compétences des jeunes, pour l’accès à l’emploi et à l’entrepreneuriat ainsi que pour l’appui à l’auto-emploi » que vous leur proposez semblent ne pas générer d’engouement chez tous. Et, à vrai dire, Monsieur le Président, prendre pour exemple de jeunes sportifs qui ont brillé ces dernières années pour galvaniser toute une jeunesse en manque de repères, c’est prendre une spécificité pour la généralité. Aucun de ceux que vous avez cités ne vit aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Ils vivent tous à l’étranger. Pourquoi ? Parce que notre pays n’offre rien comme structure qui puisse leur permettre de maintenir leurs performances de haut niveau. Monsieur le Président, il urge d’apporter des réponses structurelles et non conjoncturelles, aux problèmes des jeunes.
Parlant de l’économie numérique, vous les invitez à s’y intéresser car elle offre « les moyens de se former, de se prendre en charge et de compétir à armes égales avec les autres jeunes du monde sur un marché du numérique qui se globalise ». Monsieur le Président, cet encouragement est noble, mais les coûts d’accès à internet et au téléphone sont encore très élevés dans notre pays. La qualité de l’internet est médiocre. A preuve, l’organe de régulation des télécommunications a eu à sanctionner plusieurs opérateurs du secteur pour la mauvaise qualité de leurs prestations. La fibre optique se déploie à un rythme encore trop lent. Tous ces facteurs limitent considérablement notre compétitivité.
Monsieur le Président, et si c’était que notre pays ne fait plus rêver sa jeunesse ?
Lors du débat télévisé de l’élection présidentielle de 2010, vous avez reproché à votre adversaire son laxisme dans sa politique d’électrification. Mais aujourd’hui, après plusieurs années passées à la tête de notre pays, un rapport du bureau d’études IED, retenu il y a peu pour l’élaboration du Plan Directeur de l’Électrification Rurale en Côte d’Ivoire, mentionne que sur les 8513 localités que compte la Côte d’Ivoire, il reste encore 5666 localités non électrifiées. C’est difficile à comprendre et à admettre, Monsieur le Président.
Toujours durant ce même débat, vous avez dit, et je vous cite : « L’eau potable collective gratuite sera amenée dans tous les villages de plus de 100 habitants et dans tous les quartiers défavorisés de nos villes ». Malheureusement, huit (08) ans après, les changements sont quasi imperceptibles. L’on assiste encore de nos jours, en pleine capitale économique (à Abobo, Yopougon, Port-Bouët…), à des scènes surréalistes de populations s’amoncelant en d’interminables files pour recueillir de l’eau potable. Les récentes manifestations des femmes de Yopougon Siporex en octobre et novembre derniers nous l’ont douloureusement rappelé. Monsieur le Président, vous nous avez longuement entretenus sur vos efforts pour le bien-être des Ivoiriens. Nous saluons tous vos efforts, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous vous encourageons donc à poursuivre ces efforts pour corriger toutes ces insuffisances.
Vous le devez d’autant plus que la croissance qui nous est présentée, « soutenue à 9% en moyenne depuis 2012 », ne se fait toujours pas sentir dans le vécu quotidien des Ivoiriens. Les centres ruraux de santé sont sous-équipés. L’accès aux soins n’est pas à la portée de tous. L’Assurance Maladie Universelle, huit (08) ans après votre accession à la magistrature suprême, n’est toujours pas une réalité palpable.
Monsieur le Président, vous avez en outre longuement évoqué la Paix dans votre intervention, et c’est à celle-ci que vous attribuez vos performances. Nous saluons votre engagement pour la Paix. Mais la Paix à laquelle les Ivoiriens aspirent, ce n’est pas celle du silence des armes, mais celle des cœurs. Que les armes se soient tues n’est pas synonyme de paix, car, des cœurs meurtris, qui pleurent en silence, font plus de mal que des armes qui crépitent.
Monsieur le Président, vous avez dit à ce propos : « Cultivons la paix, gage de la cohésion sociale et de notre développement ! Nous devons continuer, sans relâche, à rassembler tous les fils et toutes les filles de notre pays, à intensifier toutes nos actions en faveur du pardon et de la concorde nationale. A cet effet, j’ai décidé, en cette fin d’année et comme il est de coutume, d’accorder la grâce à 4 132 détenus de droit commun…». Monsieur le Président, c’est un acte de bonté que de gracier des délinquants. Et nous l’apprécions. Mais Monsieur le Président, il se trouve dans nos prisons certains de nos frères et sœurs qui y croupissent sans jugement depuis 2011. Plusieurs parmi eux y meurent, laissant femmes, enfants et parents dans la désolation, la misère et l’amertume. Monsieur le Président, s’il vous plait, accordez leur la liberté. C’est là la clé de la paix véritable dans notre pays. Libérez vos frères. Ce sont pour plusieurs vos enfants, vos voisins, vos parents. La Côte d’Ivoire souffre de la profonde division entre ses enfants. Rassemblez les fils et les filles de ce pays, le faisant, vous appliquerez LA SOLUTION pour panser toutes les blessures et ramener définitivement la paix des cœurs dans notre pays.
Parlant toujours de votre quête de la paix, vous avez dit que les futures « élections seront une nouvelle occasion de renforcer l’alliance du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocraties et la Paix ». Monsieur le Président, vous êtes le président de TOUS les Ivoiriens. Quand le Chef de l’Etat s’adresse à la nation, le RHDP n’existe plus. Seule la nation compte ! La paix ne passe pas par les bons scores électoraux du RHDP. Elle passe par la confiance de tous les Ivoiriens, tous bords confondus, dans le processus électoral. Monsieur le Président, nous fondons en vous tous nos espoirs pour travailler à la crédibilité de ce processus. Les listes électorales ne sont pas mises à jour. De nombreux Ivoiriens en âge de voter n’y figurent toujours pas. Les plaintes sont de plus en plus nombreuses pour ce qui concerne la composition même de la Commission Électorale Indépendante.
Pour finir Monsieur le Président, vous avez dit, je cite : « Le Siège du Sénat sera établi à Yamoussoukro, après celui de la Chambre des Rois et Chefs Traditionnels, traduisant ainsi notre volonté de poursuivre les opérations de transfert de la capitale à Yamoussoukro ». Monsieur le Président, si votre volonté est vraiment de faire de Yamoussoukro la capitale de notre pays, qu’il vous plaise d’y installer la Présidence de la République, la Primature et le Parlement. Suivront ensuite les sièges des ministères et des administrations centrales. Ainsi que, plus tard, les différentes représentations diplomatiques. Le désengorgement de la ville d’Abidjan passe par ces mesures.
Monsieur le Président, merci pour votre aimable attention. Bonne et heureuse année 2018 à vous et à votre famille. Que Dieu vous inspire à conduire notre pays dans des voies salutaires pour tous.
Bonne et heureuse année 2018 à tous les Ivoiriens.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.

Koffi Hamed Zarhour


EN MARAUDE DANS LE WEB
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Source : Connectionivoirienne.net 6 février 2018

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