Alors que Paris et Alger avancent sur l’ouverture des archives, la
restitution de dépouilles de résistants algériens ou l’indemnisation de
victimes civiles de la guerre d’Algérie, la question de la repentance n’est pas
à l’ordre du jour. Et pour cause, les premiers concernés, les Algériens, n’y
voient qu’« une affaire franco-française ».
Episode de la conquête de l'Algérie |
La nouvelle a fait débat
en France, à défaut de soulever les passions en Algérie. Le 8 février, le
Conseil constitutionnel français censurait une partie d'une loi de 1963 qui
réservait aux seules victimes civiles françaises de la guerre d'Algérie une possibilité
d'indemnisation. Désormais, ce seront plusieurs milliers de victimes civiles
algériennes de la guerre qui pourront invoquer, théoriquement, ce « droit à
pension ». Pour le directeur général de l'association française des
victimes du terrorisme, « Les
victimes innocentes quel que soit les protagonistes, sont mises au même niveau
d'indemnisation ».
Quelques mois plus tôt, le
président français Emmanuel Macron en visite à Alger s'engageait à restituer
des dizaines de restes mortuaires de résistants algériens exposés, aujourd'hui,
au Musée de l'homme de Paris. Une copie des archives déclassifiées de la guerre
d'Algérie sera également adressée aux autorités algériennes.
Nombre de dossiers techniques, comme l'ouverture des archives,
progressent ; d'autres, comme l'indemnisation des victimes des essais
nucléaires français dans le Sahara algérien, sont sur la table. Il n'en est pas
de même de la problématique de la « repentance », malgré des concessions
asymptotiques distillées par les présidents français à ce sujet. Au cœur du
débat, l'explication sur le passé. Thème commun à toutes les anciennes colonies
de la France, encore que dans le contexte algérien il prenne une dimension très
particulière. Et pour cause, « […]
La perte de l'Algérie était ressentie comme insupportable. Même le très
raisonnable Pierre Mendès-France, qui avait accompagné la sortie du Maroc et
surtout de la Tunisie vers l'indépendance, disait que c’était un "solde de
tout compte", que le mouvement des indépendances s'arrêtait là et ne
concernait pas l'Algérie. Cela montre bien l'importance attachée par l'État
français au maintien de l'Algérie dans son giron », analyse Brahim
Senouci, universitaire et écrivain algérien, dans une déclaration à Sputnik.
Illustration du chemin
parcouru, en 1957, les « Actualités françaises » prédisaient aux habitués des
salles de cinéma d'après-guerre que l'indépendance de l'Algérie mènerait
immanquablement la métropole à sa décadence : « Demain, la France privée de son prolongement algérien connaîtrait une
crise grave ».
Soixante ans après, la
question algérienne continue de s'inviter régulièrement au cœur des « Actualités
françaises », version petite lucarne cette fois-ci. Jusqu'au débat présidentiel
de mai 2017. « Preuve que la société
française est tout sauf indifférente à la guerre de libération et à
l'indépendance de l'Algérie », selon Anisse Terai, universitaire algérien
approché par Sputnik.
Pour Brahim Senouci, qui
est aussi à l'origine de la pétition qui a abouti à l'engagement français sur
les restes mortuaires algériens, la restitution des crânes de 37 résistants,
tout comme la question des archives, ne concerne que « la manifestation de la
vérité » que veulent les Algériens. À distinguer de « la repentance », qui est
plutôt une question « franco-française » : « La repentance n'est pas quelque chose mis en avant de façon
particulière par les Algériens. L'Algérie demande que la France reconnaisse ce
qui s'est passé réellement durant plus de 130 ans de colonisation. Et c'est
dans cet esprit que s'inscrit, par exemple, la question de l'ouverture des
archives. La question de la repentance, elle, a fait plus de débats en France,
alors qu'en Algérie, personne n'en parle », ajoute Senouci.
Il indique que, selon lui, lorsqu'il s'agissait de la responsabilité de la
France dans l'holocauste, la repentance française s'était faite « spontanément »
sans que la communauté juive ne le demande. Mais « faire acte de repentance envers l'Algérie est aussi insupportable que
le déchirement qu'a constitué l'indépendance », compare-t-il.
«
Nous autres Algériens nous ne demandons rien à personne. La repentance des
affres et des crimes du colonialisme est une question exclusivement
franco-française. Elle ne regarde que vous. Le moment venu, elle deviendra un
acquis de la conscience française. Ce jour-là, s'il advient, l'Algérie saura
honorer une telle volonté par son pardon. Mais c'est peut-être l'affaire d'une
autre génération. Toutefois, les mémoires peuvent déjà s'apaiser, se
réconcilier ». C'est ainsi qu'Anisse Terai s'était adressé dans une
première lettre au président Macron alors en campagne pour l'élection
présidentielle.
Pas d'exigence de repentance,
donc ? Pourtant, le 25 août 2005, dans un discours prononcé dans la ville de
Sétif, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a demandé à la France de
reconnaître sa responsabilité morale dans la colonisation. Pour Senouci,
toutefois, « il s'agit d'un discours à
replacer dans son contexte ». À l'époque, Bouteflika était en campagne pour
un référendum qui avait pour objectif de restaurer la paix civile en Algérie.
Il ne s'agit donc que d'une déclaration "démagogique" de campagne »,
précise cet écrivain algérien. Toutefois, « il n'est pas possible de faire l'impasse sur la question mémorielle.
Sans être un préalable, elle est la clé de voûte de la nouvelle relation entre
l'Algérie et la France. Nous devons faciliter le travail des historiens pour
réconcilier les mémoires, pour faire triompher la vérité », avait aussi souligné Terai à l'occasion d'une seconde lettre à Emmanuel
Macron.
En France, de concession lexicale en concession lexicale, le
discours officiel a évolué. Le 3 mars 2003, Jacques Chirac déclarait devant le
parlement algérien à l'occasion d'une visite officielle : « Nos deux nations cicatrisent les blessures du passé, elles en
assument la mémoire. Une ère nouvelle s'ouvre. De part et d'autre de la
Méditerranée, Algériens et Français se tendent une main fraternelle ». Pour
Anisse Terai, l'ancien professeur de Science Po Paris, « cet épisode des relations entre les deux États est une exception, car
Alger et Paris étaient, une fois n'est pas coutume, sur la même longueur
d'onde, notamment sur les questions internationales. Leur opposition commune à
la guerre d'Irak est un exemple parfait de cet alignement ».
Avec Hollande, la
colonisation de l'Algérie était décrite comme « un système injuste et brutal »,
alors que Macron, candidat à la présidentielle, ira même jusqu'à la qualifier
en février 2017 de « crime contre l'humanité ».
« Je
maintiens ce que j'ai dit, même si cela m'a causé quelques ennuis »,
aurait dit Macron au président Bouteflika en décembre 2017. Des propos
rapportés aux médias algériens par Xavier Driencourt,
l'ambassadeur de France en Algérie. Les « ennuis » ce fut notamment le tollé
politico-médiatique que ses propos ont suscité. Un reproche qui lui a été
également adressé par sa principale adversaire à la présidentielle, Marine Le
Pen, à la veille du second tour. Le refus de « toute forme de repentance » est
du reste une position largement partagée à droite. « Je m'oppose totalement à toute forme de repentance sur la question
algérienne : la guerre d'Algérie a suscité des drames des deux côtés du
conflit, et la France ne saurait en être tenue seule responsable. Par ailleurs,
la France a laissé à l'Algérie des infrastructures importantes : ce n'est pas
pour rien si ce département coûtait plus cher au budget français que ce qu'il
rapportait. L'œuvre française en Algérie a donc aussi des aspects positifs dont
nous pouvons être fiers et sur lesquels il faut insister », a déclaré à
Sputnik Sophie Montel, vice-présidente du parti Les Patriotes (LP).
Entre les deux positions,
les médias français jouent à l'équilibriste… On aime rappeler les affres de la
colonisation en Algérie, surtout lorsqu'il s'agit d'enfoncer l'extrême droite,
dont la figure de proue est accusée d'avoir pris une part active à la torture.
Accusation au demeurant démentie par l'intéressé, Jean Marie Le Pen.
«
Je pense que les médias se penchent là-dessus tout simplement quand c'est
inévitable : par exemple les déclarations de Macron, une visite officielle,
etc. Sinon, ils s'en foutent, c'est plutôt les politiques qui font ça pour
"faire chier" le FN et les médias suivent comme ce qu'a fait Hollande
», décrypte
pour Sputnik une journaliste dans un média français.
« Ce qu'a fait Hollande »
c'était son choix de l'anniversaire des Accords d'Evian, le 18 mars 1962, pour
commémorer le cessez-le-feu entre l'Algérie et la France. Ses prédécesseurs,
Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, s'y étaient refusés. D'autant plus que cette
date est associée, dans la mémoire des Pieds-Noirs, à leur « abandon » par la
France.
Mais
les différents blocages autour de la question demeurent aussi, de part et
d'autre, une question de fierté. Une variable qui a longtemps structuré le
paradigme des relations entre l'Algérie et la France. Il y a 188 ans, quand
l'armée française commandée par le général de Bourmont débarquait sur la
presqu'île de Sidi Ferruch, c'était moins pour coloniser l'Algérie, disait-on,
que pour laver un affront : un « coup d'éventail » donné par le Dey
d'Alger au consul de France. La capitulation et la prise d'Alger a lieu le 5
juillet 1830. Ce sera un autre 5 juillet 1962, que l'Algérie triomphera du
colonialisme. Hasard du calendrier ?
Safwene
Grira
source : https://fr.sputniknews.com 16 février 2018
non pas ""hasard de calendrier''', le choix du 5 juillet a quelque peu retardé la signature des accords d' Evian.... et la mémoire collective ne s'y est pas trompée : ce 5 juillet 1962, des centaines de milliers d'Algériens se sont rendus en ""pélerinage'' sur les plages de sidi-ferruch (sidi-fredj en arabe ) ce n'est pas par hasard non plus = il,s'agissait d'expulser(symmboliquement) l'envahisseur par le lieu-même oû il s'était introduit pls prosaîquement
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