Deux documents
viennent troubler l’idée que nous avons sur la perception de la Côte d’Ivoire à
l’étranger.
Le premier est britannique.
Intitulé « Evaluation du risque business à l’étranger », c’est un rapport spécifique sur la Côte
d’Ivoire, publié sur le site officiel de la Grande Bretagne en Côte d’Ivoire.
Le second est un document
français, publié chaque année par la COFACE, l’organisme qui, en France, aide
les entreprises quand elles veulent exporter ou investir à l’étranger. Il a un
objet similaire à l’étude britannique et s’intitule « guide du risque
sectoriel et pays 2018 ».
Le document anglais reconnaît
d’entrée de jeu la place importante de l’économe ivoirienne dans la sous-région
ouest-Africaine, et sa « contribution significative » dans le
développement de cette partie du continent. Après des années de stagnation, le
rapport britannique relève que l’économie ivoirienne « bénéficie d’une
politique fiscale prudente, de la stabilité monétaire, d’investissements
publics et de réformes structurelles qui ont amélioré le climat des affaires et
encouragé les partenariats public-privé ».
Les « mais » arrivent
cependant rapidement. Si la croissance est forte depuis plusieurs années
« les autres indicateurs de développement humain sont bas et
l’inclusion économique reste limitée, en particulier hors d’Abidjan ».
En clair, la forte et enviable croissance de 8% par an que connaît le pays
depuis sept ans ne bénéficie pas réellement à la population. Par ailleurs, si
« la Côte d’Ivoire a renforcé ses institutions et amélioré ses marchés
financiers et sa concurrence intérieure », « des facteurs
problématiques persistent et sont identifiés comme étant l’accès au
financement, les taux d’imposition, la corruption, une bureaucratie
gouvernementale inefficace et l’insuffisance des infrastructures ». La
vie politique non plus n’inspire pas une grande confiance aux analystes
britanniques : « De nombreux observateurs commence à appréhender avec
anxiété les prochaines élections, prévues en 2020, en l’absence de successeur
clairement identifié au Président Ouattara. Des tensions prévisibles dans les
trois prochaines années pourraient impacter la stabilité politique et avoir un
impact direct sur l’environnement des affaires ». Enfin, sur les
mauvaises pratiques, les mots sonnent comme un avertissement aux investisseurs
: « Les fonctionnaires se livrent fréquemment à des pratiques de
corruption en toute impunité. Les appels d’offres ne sont pas régulièrement
publiés. Les conditions contractuelles ne sont pas transparentes et les
pots-de-vin sont régulièrement sollicités ».
Le document français est un
panorama de l’environnement des affaires hors de France. Il s’adresse notamment
aux « dirigeants d’entreprises qui ont à prendre des décisions
d’exportation, de lancement de projets ou d’investissement dans les pays à
risque, aux responsables des risques et dirigeants internationaux de banques ou
d’organismes financiers multilatéraux ». Autant le dire d’entrée de
jeu, la Côte d’Ivoire y est mal classée. Elle figure parmi les pays à risque.
La catégorise B dans laquelle elle se trouve, est le cinquième échelon d’une
échelle qui en compte huit (A1, A2, A3, A4, B, C, D, E). Il s’agit de pays dans
lesquels « les perspectives économiques et financières présentent des
incertitudes, (où) le contexte politique peut connaitre de fortes tensions,
l’environnement des affaires peut présenter d’importantes lacunes (et où) la
probabilité́ moyenne de défaut des entreprises se situe à un niveau assez
élevé́ ». Il faut préciser qu’avant janvier 2016, le pays était classé
en catégorie C, voire D. Et avec son B, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un
des pays les mieux classés du continent africain. Mais, en ce qui concerne
l’environnement des affaires, la note B implique que « la fiabilité́ et
la disponibilité́ des bilans d’entreprise sont très variables. Le recouvrement
de créances est souvent difficile. Les institutions présentent des fragilités.
Le marché́ domestique est peu accessible. L’environnement des affaires est
instable et peu performant ». Si au total le rapport de la COFACE
porte globalement un jugement positif sur l’évolution de la Côte d’Ivoire
(« diversité́ des ressources », « infrastructures en cours de
modernisation », « amélioration du climat des affaires et de la
gouvernance », « renforcement de la stabilité́ politique »), il
relève, « en dépit des progrès accomplis », des lacunes encore
à combler en matière de gestion des finances publiques, de gouvernance,
d’infrastructures et d’environnement des affaires. Également, ici aussi, la
situation politique inquiète : « la stabilité politique demeure fragile
(…), les progrès en matière de réconciliation nationale sont lents (et) la
déconnection entre le dynamisme de la croissance et le sentiment de stagnation
du niveau de vie alimente la frustration ».
Ces deux
rapports vont dans le même sens. Équilibrés, portant un jugement nuancé sur la
Côte d’Ivoire, ils sonnent néanmoins comme coup de semonce. Ils sont un appel à
la vigilance des autorités ainsi qu’à une réaction. L’image internationale de
la Cote d’Ivoire, positive depuis 2011, est un socle sur lequel s’appuie la
politique économique du gouvernement. Il faut tout faire − et ne pas hésiter à
corriger le tir sur certains points critiques, comme la corruption − pour la
maintenir.
Philippe Di Nacera
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source :
http://www.poleafrique.info 5
février 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire