mardi 13 février 2018

La Côte d’Ivoire moins attractive qu’on le croit ?



Deux documents viennent troubler l’idée que nous avons sur la perception de la Côte d’Ivoire à l’étranger.
Le premier est britannique. Intitulé « Evaluation du risque business à l’étranger »,  c’est un rapport spécifique sur la Côte d’Ivoire, publié sur le site officiel de la Grande Bretagne en Côte d’Ivoire.
Le second est un document français, publié chaque année par la COFACE, l’organisme qui, en France, aide les entreprises quand elles veulent exporter ou investir à l’étranger. Il a un objet similaire à l’étude britannique et s’intitule « guide du risque sectoriel et pays 2018 ».
Le document anglais reconnaît d’entrée de jeu la place importante de l’économe ivoirienne dans la sous-région ouest-Africaine, et sa « contribution significative » dans le développement de cette partie du continent. Après des années de stagnation, le rapport britannique relève que l’économie ivoirienne « bénéficie d’une politique fiscale prudente, de la stabilité monétaire, d’investissements publics et de réformes structurelles qui ont amélioré le climat des affaires et encouragé les partenariats public-privé ».
Les « mais » arrivent cependant rapidement. Si la croissance est forte depuis plusieurs années « les autres indicateurs de développement humain sont bas et l’inclusion économique reste limitée, en particulier hors d’Abidjan ». En clair, la forte et enviable croissance de 8% par an que connaît le pays depuis sept ans ne bénéficie pas réellement à la population. Par ailleurs, si « la Côte d’Ivoire a renforcé ses institutions et amélioré ses marchés financiers et sa concurrence intérieure », « des facteurs problématiques persistent et sont identifiés comme étant l’accès au financement, les taux d’imposition, la corruption, une bureaucratie gouvernementale inefficace et l’insuffisance des infrastructures ». La vie politique non plus n’inspire pas une grande confiance aux analystes britanniques : « De nombreux observateurs commence à appréhender avec anxiété les prochaines élections, prévues en 2020, en l’absence de successeur clairement identifié au Président Ouattara. Des tensions prévisibles dans les trois prochaines années pourraient impacter la stabilité politique et avoir un impact direct sur l’environnement des affaires ». Enfin, sur les mauvaises pratiques, les mots sonnent comme un avertissement aux investisseurs : « Les fonctionnaires se livrent fréquemment à des pratiques de corruption en toute impunité. Les appels d’offres ne sont pas régulièrement publiés. Les conditions contractuelles ne sont pas transparentes et les pots-de-vin sont régulièrement sollicités ».
Le document français est un panorama de l’environnement des affaires hors de France. Il s’adresse notamment aux « dirigeants d’entreprises qui ont à prendre des décisions d’exportation, de lancement de projets ou d’investissement dans les pays à risque, aux responsables des risques et dirigeants internationaux de banques ou d’organismes financiers multilatéraux ». Autant le dire d’entrée de jeu, la Côte d’Ivoire y est mal classée. Elle figure parmi les pays à risque. La catégorise B dans laquelle elle se trouve, est le cinquième échelon d’une échelle qui en compte huit (A1, A2, A3, A4, B, C, D, E). Il s’agit de pays dans lesquels « les perspectives économiques et financières présentent des incertitudes, (où) le contexte politique peut connaitre de fortes tensions, l’environnement des affaires peut présenter d’importantes lacunes (et où) la probabilité́ moyenne de défaut des entreprises se situe à un niveau assez élevé́ ». Il faut préciser qu’avant janvier 2016, le pays était classé en catégorie C, voire D. Et avec son B, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un des pays les mieux classés du continent africain. Mais, en ce qui concerne l’environnement des affaires, la note B implique que « la fiabilité́ et la disponibilité́ des bilans d’entreprise sont très variables. Le recouvrement de créances est souvent difficile. Les institutions présentent des fragilités. Le marché́ domestique est peu accessible. L’environnement des affaires est instable et peu performant ». Si au total le rapport de la COFACE porte globalement un jugement positif sur l’évolution de la Côte d’Ivoire (« diversité́ des ressources », « infrastructures en cours de modernisation », « amélioration du climat des affaires et de la gouvernance », « renforcement de la stabilité́ politique »), il relève, « en dépit des progrès accomplis », des lacunes encore à combler en matière de gestion des finances publiques, de gouvernance, d’infrastructures et d’environnement des affaires. Également, ici aussi, la situation politique inquiète : « la stabilité politique demeure fragile (…), les progrès en matière de réconciliation nationale sont lents (et) la déconnection entre le dynamisme de la croissance et le sentiment de stagnation du niveau de vie alimente la frustration ».
Ces deux rapports vont dans le même sens. Équilibrés, portant un jugement nuancé sur la Côte d’Ivoire, ils sonnent néanmoins comme coup de semonce. Ils sont un appel à la vigilance des autorités ainsi qu’à une réaction. L’image internationale de la Cote d’Ivoire, positive depuis 2011, est un socle sur lequel s’appuie la politique économique du gouvernement. Il faut tout faire − et ne pas hésiter à corriger le tir sur certains points critiques, comme la corruption − pour la maintenir.

Philippe Di Nacera


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : http://www.poleafrique.info 5 février 2018

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