Des décennies après la décolonisation, la France
continue d’entretenir avec les différents pays africains des relations de
domination politique et économique, sans que l’alternance de pouvoir à Paris ne
change vraiment la donne.
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Leslie Varenne, journaliste d'investigation, directrice
de l'Institut de veille et d'étude des relations stratégiques (IVERIS),et Philippe Evanno, historien et spécialiste de l'Afrique.
Au pouvoir depuis neuf mois, Emmanuel Macron s'est
déjà rendu en visite au Mali (dès les premiers jours de son mandat), au Ghana,
au Burkina Faso, au Maroc, en Algérie, et plus récemment en Tunisie et au
Sénégal. Une multiplication de déplacements qui montre bien la ténacité des
liens qui unissent toujours la France à ses anciennes colonies. Mais ces
relations ne se font le plus souvent pas d'égal à égal, et l'ancienne métropole
conserve une capacité d'influence très forte sur le continent africain. Comment
sortir de l'ambiguïté et de la sphère des non-dits ?
Leslie Varenne déplore le fait que la France n'ait pas
de véritable politique africaine, et estime que cela pourrait parfaitement être
le cas sans tomber dans le néocolonialisme : « Je ne crois pas que nous soyons vraiment présents en Afrique comme
nous devrions l'être. Lors de son discours à Ouagadougou, au Burkina Faso,
Emmanuel Macron a affirmé qu'il n'avait pas de politique africaine, c'est grave
! Actuellement, on gère tout à vue avec une méconnaissance totale des
enjeux, et on ne sait pas où l'on va. La France est dans une perte
d'influence qui profite aux États-Unis, alors qu'elle pourrait mener une vraie
politique gagnant-gagnant tout en évitant la corruption ».
Philippe Evanno rappelle qu'il faut bien distinguer
les intérêts de la France et ceux de ses grandes entreprises : « La politique qui est menée est beaucoup
plus déterminée par les intérêts des grands groupes du CAC 40 que par des
intérêts nationaux bien compris. De plus, cette politique méprise complètement
le poids considérable sur le terrain des PME-PMI françaises, qui paient
pourtant leurs impôts rubis sur l'ongle dans les différents pays africains,
alors que les grandes entreprises modulent très largement leur contribution aux
budgets des États ».
Jacques Sapir
juge que le fond du problème est « la
faiblesse des administrations locales », et que les anciennes colonies
françaises en Afrique souffrent de l'absence de véritables États correctement
constitués. Derrière la question de la souveraineté se pose donc celle de
savoir ce qui « fait peuple » : « La
question de la souveraineté est tout à fait centrale mais elle ne peut pas être
abordée tant que l'on reste dans l'en-deçà de cette souveraineté, c'est-à-dire
dans la non-constitution de véritables peuples politiques ». Quant à
la politique d'Emmanuel Macron sur l'Afrique, « il a un problème d'idéologie, qui est de croire que l'ingénierie
financière peut être une réponse à tout ».
Jacques Sapir
Titre original : « Françafrique : une hypocrisie qui dure »
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crise ivoirienne ».
Source : https://fr.sputniknews.com 22 février 2018
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