samedi 20 mai 2017

« Un général incapable de tenir ses troupes… »

Deux minutes ! Voilà le temps mis par le ministre ivoirien de la Défense, Alain-Richard Donwahi, pour annoncer en début de soirée lundi sur les antennes de la RTI qu'un accord avait été trouvé entre le gouvernement et les soldats mutins. Deux petites minutes, c'était la preuve que l'heure n'était plus aux grands discours, mais plutôt aux actes. Mais quel accord ? On n'en saura pas davantage sur les clauses contractuelles entre les deux parties.
Mais depuis hier mardi, les informations ont commencé à fuiter, certaines sources faisant état de ce que sur le reliquat de sept millions de francs CFA, objet de ces nouvelles mutineries, l'Etat aurait déboursé cinq briques pour chacun des 8 400 anciens rebelles qui avaient combattu du côté d'Alassane Ouattara lors de la guerre civile ivoirienne. Le reste devant être payé en juin. Pour d'autres, par contre, les comptes bancaires des croquants auraient été crédités de la totalité des montants réclamés.
Le calme était donc revenu à Bouaké, épicentre de cette énième poussée de fièvre kaki, et dans certaines localités, au moment où nous bouclions la présente édition. Des témoins faisaient état de la réouverture effective des commerces et de l'administration, de la levée des barrières sur les corridors routiers et du retour des soldats insurgés dans les casernes.
Le calme est donc revenu, mais à quel prix ?
Car, si on ajoute aux sept millions l'acompte initial des cinq autres millions, perçus en janvier dernier, chaque trouffion aura reçu au bout du compte la rondelette somme de douze briques.
Faisons le compte final donc : 12 millions de FCFA x 8 400 mutins = 100 milliards 800 millions FCFA. Oui, vous avez bien lu : 100 milliards 800 millions… C'est le prix que le président Alassane Ouattara a payé pour la paix, et espérons qu'elle sera définitive.
On a beau être Alassane Ouattara et la Côte d'Ivoire, c'est quand même une petite fortune. Et ça l'est d'autant plus que l'ordonnateur de ce décaissement est un banquier de formation dont on sait que la prodigalité n'est pas la première vertu.
La charge est d'autant plus insupportable, même pour l'« Eléphant d'Afrique », qu'une telle cagnotte n'était pas budgétisée, pour la simple raison que les autorités ivoiriennes ne pouvaient pas prévoir cette série de mutineries.
Pire, cette facture doit être acquittée à un moment où le pays est confronté à de multiples difficultés : baisse des cours des matières premières, notamment du cacao, principale mamelle nourricière de la Côte d'Ivoire ; grogne sociale ; revendications salariales des syndicats…
Et ça, ce n'est que le prix à payer dans l'urgence pour la paix dans les casernes. Car, à terme, ce sont d'autres secteurs autrement plus sensibles comme l'éducation, la santé et les infrastructures, qui pourraient subir les contrecoups de cette crise.
C'est sûr le vin va couler à flots pour cette génération spontanée de millionnaires, mais ce sont tous les Ivoiriens qui vont devoir trinquer. Mais il y a plus grave encore : c'est l'Etat tout entier, à commencer par son chef, qui a eu son autorité bafouée, sinon perdue. En effet, il a fallu seulement quarante-huit petites heures pour que le locataire du palais de Cocody passe de la fermeté au ramollissement face à des mutins droits dans leurs bottes. Un général incapable de tenir sa troupe, telle est la piteuse image qu’Alassane Ouattara vient de donner de lui. C'est peut-être le plus grave dans cette affaire. Quand le chef suprême des armées n'est plus écouté, ce n'est pas le commandement qui peut encore donner de la voix.
Il faut seulement espérer que cette épineuse question de primes a été définitivement soldée ; chose dont on doute fort vu qu'en janvier dernier, le reste de la troupe, qui n'était pas concerné par ce deal, était sorti du bois pour réclamer lui aussi sa « part de bonheur »…

Alain Saint Robespierre
Titre original : « Mutinerie en RCI : La paix vaut bien 100 milliards ».


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Source : L'Observateur Paalga 17 mai 2017

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