Deux minutes ! Voilà le temps mis par le ministre ivoirien de la Défense,
Alain-Richard Donwahi, pour annoncer en début de soirée lundi sur les antennes
de la RTI qu'un accord avait été trouvé entre le gouvernement et les soldats
mutins. Deux petites minutes, c'était la preuve que l'heure n'était plus aux
grands discours, mais plutôt aux actes. Mais quel accord ? On n'en saura
pas davantage sur les clauses contractuelles entre les deux parties.
Mais depuis hier mardi, les informations ont
commencé à fuiter, certaines sources
faisant état de ce que sur le reliquat de sept millions de francs CFA, objet de
ces nouvelles mutineries, l'Etat aurait déboursé cinq briques pour chacun des
8 400 anciens rebelles qui avaient combattu du côté d'Alassane Ouattara
lors de la guerre civile ivoirienne. Le reste devant être payé en juin. Pour
d'autres, par contre, les comptes bancaires des croquants auraient été crédités
de la totalité des montants réclamés.
Le calme était donc revenu à Bouaké, épicentre
de cette énième poussée de fièvre kaki, et dans certaines localités, au moment
où nous bouclions la présente édition. Des témoins faisaient état de la
réouverture effective des commerces et de l'administration, de la levée des
barrières sur les corridors routiers et du retour des soldats insurgés dans les
casernes.
Le calme est donc revenu, mais à quel
prix ?
Car, si on ajoute aux sept millions l'acompte
initial des cinq autres millions, perçus en janvier dernier, chaque trouffion
aura reçu au bout du compte la rondelette somme de douze briques.
Faisons le compte final donc : 12
millions de FCFA x 8 400 mutins = 100 milliards 800 millions FCFA. Oui,
vous avez bien lu : 100 milliards 800 millions… C'est le prix que le
président Alassane Ouattara a payé pour la paix, et espérons qu'elle sera
définitive.
On a beau être Alassane Ouattara et la Côte
d'Ivoire, c'est quand même une petite fortune. Et ça l'est d'autant plus que
l'ordonnateur de ce décaissement est un banquier de formation dont on sait que
la prodigalité n'est pas la première vertu.
La charge est d'autant plus insupportable,
même pour l'« Eléphant d'Afrique », qu'une telle cagnotte n'était pas
budgétisée, pour la simple raison que les autorités ivoiriennes ne pouvaient pas
prévoir cette série de mutineries.
Pire, cette facture doit être acquittée à un
moment où le pays est confronté à de multiples difficultés : baisse des
cours des matières premières, notamment du cacao, principale mamelle
nourricière de la Côte d'Ivoire ; grogne sociale ; revendications
salariales des syndicats…
Et ça, ce n'est que le prix à payer dans
l'urgence pour la paix dans les casernes. Car, à terme, ce sont d'autres
secteurs autrement plus sensibles comme l'éducation, la santé et les
infrastructures, qui pourraient subir les contrecoups de cette crise.
C'est sûr le vin va couler à flots pour cette
génération spontanée de millionnaires, mais ce sont tous les Ivoiriens qui vont
devoir trinquer. Mais il y a plus grave encore : c'est l'Etat tout entier,
à commencer par son chef, qui a eu son autorité bafouée, sinon perdue. En
effet, il a fallu seulement quarante-huit petites heures pour que le locataire
du palais de Cocody passe de la fermeté au ramollissement face à des mutins
droits dans leurs bottes. Un général incapable de tenir sa troupe, telle est la
piteuse image qu’Alassane Ouattara vient de donner de lui. C'est peut-être le
plus grave dans cette affaire. Quand le chef suprême des armées n'est plus
écouté, ce n'est pas le commandement qui peut encore donner de la voix.
Il faut
seulement espérer que cette épineuse question de primes a été définitivement
soldée ; chose dont on doute fort vu qu'en janvier dernier, le reste de la
troupe, qui n'était pas concerné par ce deal, était sorti du bois pour réclamer
lui aussi sa « part de bonheur »…
Alain Saint Robespierre
Titre
original : « Mutinerie en RCI : La paix vaut bien 100
milliards ».
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MARAUDE DANS LE WEB
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : L'Observateur Paalga 17 mai 2017
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