dimanche 14 mai 2017

Pétition pour Venance Konan (rappel)

Ce qui est bien avec Venance Konan, c’est qu’il est capable de dire tout et le contraire de tout dans le même article. Si bien que toute son œuvre – du moins son œuvre journalistique car c’est la seule que je connais au jour d’aujourd’hui – n’est qu’un tissu de contradictions, de paradoxes, de sophismes, de lapalissades et même de contre-vérités, le tout asséné avec un sang-froid qu’on pourrait admirer si le journalisme était l’un des beaux-arts, ou s’il ne s’agissait pas de sujets aussi graves que tous ceux sur lesquels cet écrivain dévoyé exerce depuis ses débuts une plume inutilement talentueuse. Inutilement ? Oui… Car quand on réfléchit à son parcours à la lumière de ses reportages, interviews, billets d’humeur et éditoriaux, on se rend vite compte que ce journaliste « recherché » n’a jamais fait que suivre l’opinion dominante. Et quand nous disons « opinion dominante », nous ne voulons pas dire l’opinion de la majorité des citoyens de notre pays, mais l’opinion de ceux qui nous dominent… Ainsi, V. Konan était naturellement tayloriste durant la guerre civile libérienne, parce que dans cette guerre, Charles Taylor était le bras armé de la Françafrique, alors représentée par l’ambassadeur Michel Dupuch et par un certain Robert de Saint-Pai, peut-être un des alias du très entreprenant Jean Mauricheau-Beaupré, un résidu de la Maison Foccart. Ainsi, sous Bédié, s’il était furieusement « ivoiritaire », c’était parce que le « gouverneur » Guy Nairay régnant et Michel Dupuch étant toujours à son poste, Alassane Ouattara n’apparaissait pas encore comme le choix de la Françafrique. Ainsi, sous Robert Guéi, quoique le contexte eut changé du fait du décès de G. Nairay et du rappel de M. Dupuch, qui facilitèrent le renversement de Bédié sans ouvrir à Ouattara la voie royale qu’il espérait, il demeura « ivoiritaire ». Ainsi, pendant le mandat de Laurent Gbagbo, même s’il avait déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, question « ivoirité », depuis que Bédié et Ouattara avaient fait leur paix sous l’égide de la Françafrique,  et pratiquement jusqu’à ce que tout se gâte vraiment entre ladite Françafrique et Gbagbo au lendemain du 2e tour du scrutin présidentiel de 2010, V. Konan n’était pas vraiment le farouche opposant qu’il deviendra à partir du 3 décembre 2010. La seule chose qui ne varie pas dans cette trajectoire, c’est que V. Konan n’apparaît chaque fois que comme la cinquième roue du carrosse ou, si vous préférez, comme la mouche du coche.
Inutilement talentueuse, disions-nous ? En fait, cela dépend pour qui. Car V. Konan est l’un des très rares Ivoiriens qui vivent très bien de leur plume, et probablement le seul parmi les journalistes qui ne sont pas devenus autre chose. Mais, même dans cette « mangécratie » que la Françafrique nous impose depuis le 11 avril 2011, et s’agissant d’une telle poche de moralité, l’argent n’est pas tout ! Un Venance Konan peut certainement, et avec raison, ambitionner beaucoup plus que ce rôle d’imprécateur que personne n’écoute et que peut-être ceux qui le payent méprisent en secret, comme dans la légende, Cassandre la Troyenne éternellement vouée à prêcher dans le désert. Quand on voit avec quelle assurance il dénonce l’anarchie, l’insalubrité, l’anomie, l’insécurité, l’incivisme, l’irresponsabilité, la corruptibilité des hommes et la corruption des mœurs, la gabegie, toutes ces « nègreries » comme il aime à dire, peut-on douter que ce nouveau Savonarole serait aussi compétent sinon plus, par exemple, que tel maire, tel gouverneur de district, tel préfet, tel député, tel ministre, tel ministre d’Etat, voire le Premier ministre ou le président de la République lui-même, pour éradiquer tous ces maux dont la Côte d’Ivoire n’a que trop souffert…
Voilà pourquoi, chers membres et chers amis du Cercle Victor Biaka Boda, nous vous soumettons encore une fois le dernier éditorial de Venance Konan, qui est un peu la quintessence de sa pensée, et qui se lit comme un catalogue ou un inventaire de tous les projets dont il pourrait faire bénéficier cette Côte d’Ivoire qui lui est si chère, pourvu qu’elle lui en donne les moyens. Que diriez-vous d’une pétition en sa faveur, à soumettre à ses employeurs actuels, pour les exhorter à mieux l’utiliser qu’ils ne le font aujourd’hui ? Etant donné l’étendue des centres d’intérêts de V. Konan et l’immensité de ses talents, on pourrait envisager de lui confier au minimum une fonction de conseiller spécial à compétence universelle, avec droit de regard sur l’activité de toutes les autorités depuis le sommet de l’Etat jusqu’au dernier détenteur de la moindre parcelle de pouvoir… Quelque chose comme la présidence de ce truc bizarre qu’Houphouët imagina, en 1990, pour mettre sur orbite un certain Alassane Ouattara. Ça s’appelait le « Comité interministériel de coordination du programme de stabilisation et de relance économique ». Sans être et sans jamais avoir été membre du gouvernement ivoirien, Ouattara avait été bombardé président de cet organisme, avec plusieurs ministres à ses ordres au grand scandale de Camille Alliali, qui ne put s’empêcher de faire observer à Houphouët – c’est dire s’il fut scandalisé ! – « Qu’il n’était pas habituel qu’une personnalité qui n’était pas membre du gouvernement puisse être nommée à la tête d’un comité composé de ministres »
Mais ça, c’était avant. Une époque où, s’il faut en croire V. Konan, l’urgence n’existait pas encore. Aujourd’hui, c’est autre chose. On n’a pas le temps de chipoter. Et pas question de limiter le champ d’intervention du nouveau sauveur de la patrie au seul domaine économique comme ce fut le cas pour Ouattara. Au contraire, il faudra lui confier tous les leviers de décision existant dans le pays, sans excepter ceux qui appartiennent au chef de l’Etat. En un mot, il faut créer V. Konan dictateur, comme ils faisaient dans l’ancienne Rome lorsqu’ils étaient confrontés à une crise d’une telle gravité que seul un homme d’exception nanti de tous les pouvoirs pouvait sauver la république.
Si cette proposition vous agrée, faites-le-nous savoir. Et si elle ne vous agrée pas, faites-le-nous savoir également, en précisant les raisons de votre désaccord.
Donc, chers membres et chers amis du CVBB, à vos plumes !

Marcel Amondji (24 avril 2013)

* * * *

Soldat nouveau égal Ivoirien nouveau


Un ami, ivoirien d’origine et américain aujourd’hui, qui est commandant dans l’armée américaine, m’a envoyé ces quelques lignes hier matin, à l’annonce de la nouvelle mauvaise action de certains de nos militaires qui tiraient en l’air pour manifester leur mauvaise humeur : « Quelqu’un de tordu à l’origine qui entre dans l’armée devient un militaire tordu. Quelqu’un d’exemplaire qui entre dans l’armée devient un militaire exemplaire. L’armée n’est que l’extension de ce que tu es dans le fond ». Qui avons-nous fait entrer dans notre armée ? Essentiellement des gens tordus.
On nous dira qu’il fut un moment où nécessité faisait loi, où pour vaincre celui qui usurpait le pouvoir et menaçait de tuer notre jeune démocratie, il fallut faire avec ce que l’on avait sous la main. Soit !
Mais après, qu’avons-nous fait pour rendre exemplaires et droits les tordus que l’on avait fait entrer dans notre armée ? Qui pouvait les redresser et les rendre exemplaires ? Nous entrons là dans la problématique du fameux Ivoirien nouveau après lequel nous courons.
Le soldat nouveau que nous aimerions voir ne sera rien d’autre qu’une partie de l’Ivoirien nouveau que nous aurons créé. Qu’avons-nous fait pour faire advenir cet Ivoirien nouveau ? Ce que nous, nous reprochons à l’Ivoirien actuel, c’est, entre autres, son goût pour la facilité, son aversion pour le travail et l’effort, l’inversion qu’il a fait de toutes les valeurs dans lesquelles nous autres de près de soixante ans avons été élevés, et l’argent qu’il a érigé au statut de dieu.
Depuis que nous parlons d’Ivoirien nouveau, avons-nous réellement commencé à inverser les choses ? Avons-nous commencé à apprendre à nos enfants à travailler dur, plutôt qu’à chercher à tricher ? Avons-nous renoncé à chercher des passe-droits, des interventions pour la moindre démarche administrative, pour le moindre concours ? Avons-nous renoncé à exiger des bakchichs pour faire le minimum du travail pour lequel nous sommes payés ? Nous, journalistes, avons-nous renoncé à exiger des « per diem » pour écrire le moindre article ? Nos pasteurs ont-ils renoncé à faire les poches des personnes en détresse qui fréquentent leurs temples ? Nos policiers ont-ils renoncé à racketter les conducteurs ? Les magistrats ont-ils renoncé à vendre leurs jugements ? Avons-nous intégré le fait que la sanction fait aussi partie de l’éducation ? Lorsque nous commencerons à lutter réellement contre les maux que nous connaissons tous et qui minent notre société, nous aurons alors le droit de nous étonner que nos soldats se comportent comme ils le font. Ils ne sont que le reflet de notre société.
Houphouët-Boigny disait, avec raison, qu’il préférait l’injustice au désordre. Lorsqu’une société veut avancer, elle doit sanctionner ceux qui se conduisent mal, quitte à commettre parfois de l’injustice. Au temps des Romains, lorsque des soldats commettaient des fautes, on les alignait et on les comptait par groupes de dix. Les dixièmes étaient mis à mort sans discussion, qu’ils soient coupables ou pas. D’où le verbe décimer qui signifiait tuer le dixième. Ils savaient, les Romains, qu’une mutinerie, une désertion, ou l’indiscipline étaient des fléaux pour toute armée.
Tant que nous ne comprendrons pas que si nous voulons une vraie armée, nous ne devrons plus tolérer certains comportements, sans aller jusqu’aux extrémités des Romains, nous connaîtrons ce genre d’actes qui ruinent tous les efforts faits pour remettre ce pays sur les rails. Il est plus qu’urgent d’inculquer à nos soldats le vrai sens de leur métier, qui comprend l’amour de la patrie, et le don de soi qui peut aller jusqu’au sacrifice de leur vie.
Mon ami, l’Américain d’origine ivoirienne, me disait aussi dans un mail que notre pays devrait envoyer plus souvent nos soldats dans les missions de l’Onu. Parce que là-bas ils apprendraient leur travail de militaires ainsi que tout ce qu’il implique, se frotteraient à d’autres soldats et acquerraient de l’expérience. Ils gagneraient en plus de l’argent, mais cette fois-ci après avoir fourni réellement de l’effort. C’est sans doute parce qu’ils sont oisifs ici qu’ils ne voient aucun inconvénient à bloquer l’activité économique du pays.
Un contingent de nos soldats a récemment été envoyé au Mali. C’est peut-être un début qui devrait être élargi. Il ne faudrait cependant pas oublier de leur payer ce qu’on leur devra lorsqu’ils reviendront de leur mission. C’est la revendication d’une telle dette qui déboucha sur le coup d’État de décembre 1999.
Fraternité Matin a reçu hier, pendant que certains militaires jouaient à terroriser les populations civiles, le ministre Sidi Tiémoko Touré qui est en charge de l’Emploi des jeunes et du Service civique. Le constat est clair qu’une importante partie de notre population manque terriblement de sens civique. Il ne s’agit pas seulement de militaires. Cela concerne avant tout nous les civils.
Et un mauvais civil qui endosse l’uniforme ne sera qu’un mauvais soldat. Il est plus que jamais temps de nous remettre au service civique, comme cela se faisait par le passé, en sachant que si nous voulons tricher aussi avec cela, c’est-à-dire faire juste semblant d’inculquer du civisme aux populations, nous en paierons un jour le prix. Comme nous payons en ce moment le prix de tous nos mensonges, de tous nos faux-semblants.

Venance Konan - Fraternité Matin 13 mai 2017

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire