vendredi 23 septembre 2016

L’Afrique subsaharienne, terrain de jeu favori de François Hollande ?

François Hollande en décembre 2013 avec (de gauche à droite)
les présidents Ikililou Dhoinine, Jakaya Kikwete, Paul Biya,
Faure Gnassingbe, Ali Bongo et Alassane Ouattara
(C) Charles Platiau/pool/afp
La tenue à Paris ces jeudi et vendredi du forum Africa France en présence de plusieurs ministres français et africains est l'occasion de revenir sur l'action africaine du chef de l'État. Est-elle positive ?
La conversion aura été rapide. Alors qu’il n'avait presque jamais mis les pieds en Afrique avant son élection, François Hollande aura fait de la relation franco-africaine l'une des priorités de sa politique étrangère. L'organisation ces jeudi et vendredi du forum Africa France par le Quai d'Orsay en présence de plusieurs ministres français et africains est l'occasion de revenir sur l'action africaine du chef de l'État. Quelle est-elle ?
Organisation d'un sommet France-Afrique en février 2015 à Paris, déplacements au Mali, en Angola en Centrafrique ou au Cameroun pour promouvoir les intérêts économiques et défendre la stabilité régionale, le chef de l'État aura joué sur plusieurs tableaux. « François Hollande sait que c'est une zone où la France peut continuer d'exister sur la scène internationale comme on l'a vu avec les interventions militaires au Mali ou en Centrafrique, analyse Bruno Delaye, diplomate, responsable de la "cellule africaine" de l'Élysée de 1992 à 1995. Il perçoit aussi l'intérêt économique d’un continent dont les pays ont une croissance qui dépasse souvent les 5%. Et les bonnes relations qu'il entretient avec plusieurs présidents facilitent tout cela ».
Depuis de longues années, François Hollande est en effet très proche de certains chefs d'État rencontrés dans le cadre de l'Internationale socialiste lorsqu'il était Premier secrétaire du PS. Au premier rang, on peut citer le président guinéen, Alpha Condé, avec qui il échange régulièrement par SMS ou un autre « camarade » socialiste, le président du Niger, Mahamadou Issoufou. Le chef de l'État est aussi très proche du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, diplômé de la Sorbonne, et allié majeur de la France dans la lutte contre le terrorisme. Il a aussi de bons rapports avec l'homme fort de l'Afrique subsaharienne, le président tchadien Idriss Déby. C'est d'ailleurs à N'Djamena que la France a installé le QG de l'opération Barkhane menée par l'armée française au Sahel. Les présidents sénégalais, Macky Sall et ivoirien, Alassane Ouattara, font également partie de ceux avec lesquels François Hollande nourrit de bonnes relations.
Mais lors de son accession au pouvoir, le chef de l'Etat a voulu élargir la perspective, en se rapprochant de plusieurs dirigeants d'Afrique anglophone et lusophone, notamment sur les préconisations de sa conseillère « Afrique », Hélène Le Gal, ex Directrice « Afrique centrale et orientale » au Quai d’Orsay (nommée depuis ambassadrice de France en Israël). Ainsi a-t-il reçu le nouveau président du Nigéria Muhammadu Buhari en septembre 2015 à l’Elysée. Il a aussi noué des relations cordiales avec la Tanzanie de Jakaya Kikwete et le Kenya d’Uhuru Kenyatta. Une évolution essentiellement motivée par des préoccupations économiques, ces pays étant parmi les plus prospères du continent. « Nicolas Sarkozy avait commencé à parler à ces pays mais il n'était pas allé au bout, plombé notamment par son discours de Dakar de 2007, trop paternaliste, et par un manque de conviction du potentiel africain, pointe un ancien ambassadeur de la France sur le continent. François Hollande, lui, joue à fond la carte de la realpolitik ».
Autres évolutions notables sous le quinquennat Hollande : le très décrié ministère de la Coopération, rebaptisé ministère du Développement, a perdu son rôle politique. Tandis que Bercy n'a plus d'influence économique, puisque depuis 2014 le Quai d'Orsay a récupéré le Commerce extérieur. Quant aux relations avec les dirigeants encombrants (Ali Bongo, Joseph Kabila, Denis Sassou Nguesso), que François Hollande fréquente le moins possible, elles sont l’apanage du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
Celui qui a, dès octobre 2012, clamé que « le temps de la Françafrique (était) révolu » ne cesse d'ailleurs de répéter lors de ses déplacements sur le continent que la relation franco-africaine doit être marquée du sceau du « respect, de la clarté et de la solidarité ». François Hollande l'a d'ailleurs prouvé s'agissant de la crise gabonaise. Puisque après avoir laissé le Quai d'Orsay réagir de manière assez vigoureuse, notamment vis à vis du camp d'Ali Bongo, l'Élysée a fait preuve d'un certain mutisme, envoyant le signal que « les affaires africaines ne doivent plus se régler à Paris » comme le confie un diplomate français. « Nicolas Sarkozy avait supprimé "la cellule africaine" de l'Élysée, François Hollande poursuit cette normalisation en mettant l'accent sur le business », ajoute Pierre Vimont, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères de 2002 et 2007.
L'action africaine du président de la République n'a donc pas été insignifiante. Pour Antoine Glaser, fin connaisseur du continent (il a fondé et dirigé durant 26 ans La lettre du Continent, consacrée à l'Afrique) et auteur du livre Arrogant comme un Français en Afrique, elle est même plutôt positive. Antoine Glaser y écrit notamment que « François Hollande est devenu sur le continent un vrai "marsouin" d'honneur » et que c'est « peut-être sur le terrain de l'Afrique que le président de la République exerce la plénitude de son pouvoir ». Et de conclure sur l'action de l'actuel chef de l'État : « Pour les Africains, le "général Hollande", à travers les opérations Serval puis Barkhane, tente de corriger en partie les erreurs d'appréciation de son prédécesseur, grand initiateur de l'opération en Libye ». Au final, François Hollande prouve qu'il a accordé autant d'importance au Zambèze qu'à la Corrèze.

Antoine Izambard, Journaliste (http://www.challenges.fr/ 22.09.2016)
Titre original : « La galaxie africaine de François Hollande ».


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Source : La Dépêche d'Abidjan 22 Septembre 2016

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