mercredi 21 septembre 2016

Interview de Mesmin Comoé, secrétaire général du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (MIDD)


 « Dans un régime démocratique, nous avons tous le devoir de dénoncer une mesure gouvernementale, si elle n’est pas bonne ».

Quelle réaction avez-vous après la sortie Kandia Camara, ministre de l’Education nationale vous accusant de fauteur de troubles au niveau de l’enseignement primaire ?
Non, je ne réponds pas à la sortie de Madame la ministre d’hier parce que moi, je mène les débats intellectuels. Une réforme a été prise, le MIDD émet des réserves avec les arguments. Qu’on analyse les réserves du MIDD et si les arguments tels que avancés par le MIDD ne sont pas valables, qu’on en donne la preuve. Si également, on se rend compte que ces arguments sont tout à fait crédibles, qu’on ait le courage pour dire qu’on s’est trompé. Tout en tenant compte des réserves que nous avons émises. C’est tout !

Tout en vous qualifiant de « méchantes, égoïste et d’inhumain », elle révèle que vos enfants étudient à l’étranger. Et que vous gagneriez 1.500.000 FCfa par mois en votre qualité de vice-président du Conseil d’Administration de la Mugefci (Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire : Ndlr). Avec entre autres, comme bien matériel, deux voitures : une Mercedes de classe S et Une 4X4 de fabrication américaine. Visiblement vous roulez donc sur de l’or ?
Je ne voudrais pas rentrer dans ces considérations qui pour moi ne font pas du tout avancer les débats. Les amis qui me connaissent, ils savent que je vis avec mes enfants. Ils ne quittent pas à Abidjan pour aller fréquenter ailleurs, je suis désolé.

Kandia Camara a avancé qu’une procédure disciplinaire a été engagée contre les enseignants qui ont perturbé les cours le 13 septembre 2016, premier jour de rentrée, y compris vous ?
Une procédure disciplinaire lancée contre nous ? Bon, qu’elle l’engage. La grève est un droit… Encore plus, qu’on n’est même pas encore en grève. Mais nous sommes une organisation syndicale légalement constituée. Et lorsqu’on est légalement constituée, on mène des actions de protestations, de contestations de façon très civilisée, telle que nous le faisons. Il n’y a donc pas de raison qu’on engage une procédure disciplinaire contre qui que ce soit.

L’on indique que vous allez à l’encontre d’une décision gouvernementale ?
Que voulez-vous qu’on fasse lorsqu’un gouvernement prend une décision qui n’est pas bonne ? N’oublions pas que nous sommes dans un régime démocratique. Et dans un régime démocratique, la souveraineté appartient au peuple. Parce que j’ai entendu dire que : « Ce sont des employés. C’est l’employeur qui fixe les règles du jeu… ». Mais dans un régime démocratique, en tant que fonctionnaires, qui est notre employeur ? C’est l’Etat. Et l’Etat c’est qui ? C’est nous tous ! Nous avons donc tous, le devoir de dénoncer une mesure si celle-ci n’est pas bonne. Le gouvernement avait pris la mesure, en complicité avec la Cie (Compagnie ivoirienne d’électricité : Ndlr) d’augmenter les factures d’électricité et les populations se sont opposées. Elles ont dit non, et le gouvernement l’a retirée.

Que comptez-vous faire maintenant ? Secrétaire général, maintenez-vous toujours votre position ?
Nous avons dit à nos camarades de ne pas aller à l’école les mercredis parce que, figurez-vous,-même pour le petit exemple que nous prenons, lorsque vous prenez l’emploi du temps du mercredi, il fixe le début des cours à 7 heures 30 alors que l’arrêté signé par Madame le ministre elle-même, demande que les cours commencent à 8 heures. On ne peut pas dire une chose et son contraire. Vous ne pouvez pas préciser dans un arrêté que les cours commencent à 8 heures et définir un emploi du temps dans lequel les cours commencent à 7 heures 30 et ne pas trouver cela incohérent. Quand le MIDD dit que c’est incohérent, il faut le reconnaitre et ce qui doit être corrigé, on le corrige.

Lorsque votre tutelle menace en disant que si vous lancez une grève, « la riposte sera sauvage et inoubliable », ne craignez-vous pas votre radiation de l’effectif de la Fonction publique ?
Oh… Vous savez, si j’étais un couard, je ne me serais pas engagé dans la lutte syndicale. Lorsqu’on est dans les luttes syndicales, on sait ce que cela peut avoir comme conséquences. On est sous le feu de ces critiques, malheureusement. Mais ce sont des pressions de conviction et nous nous battons pour nos convictions. Les conditions de travail dans lesquelles les institutions évoluent ne permettent pas de travailler durant 5 jours d’affilés dans la semaine. Et ça, qu’on ne nous dise pas de ne pas le dire.

Devant la menace de grève qui se profile à l’horizon, plusieurs options s’offrent à votre tutelle pour tuer le projet dans l’œuf dont celle, relative, selon la ministre, à votre affectation, loin, à l’intérieur du pays, où vous tiendrez, une classe ?
Même si je suis affecté à l’intérieur du pays, est-ce que ça me retire ma qualité de leader syndical ? Est-ce qu’en étant à l’intérieur du pays, je ne peux pas organiser les assemblées générales ? Est-ce qu’en étant à l’intérieur du pays, je ne peux pas dénoncer les mesures qui ne sont pas bonnes ? Si elle pense que c’est cela la solution, bon, qu’elle y aille. Rien ne nous ébranle en tout cas.

Claude Dassé (afrikipresse.fr)
Titre original : « Non, je ne réponds pas à la sortie de Madame la ministre, je mène les débats intellectuels ».


Source : La Dépêche d'Abidjan 21 Septembre 2016

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