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B. Sannou |
Interview de Boubacar Sannou, vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), chargé de
la jeunesse (extrait).
Comment
se porte votre parti, le CDP, à ce jour ?
Permettez-moi d’abord de remercier votre organe (Lefaso.net) pour son
travail d’encrage de la démocratie dans notre pays. Après tout ce que nous
avons traversé comme difficultés, comme événements depuis octobre 2014 à ce
jour, nous pouvons dire que notre parti, le CDP, se porte toujours bien.
En tant
que proche collaborateur du président du CDP, Eddie Komboïgo, comment se
porte-t-il après sa mise en liberté provisoire ?
Le président du parti, Eddie Komboïgo, que nous avons eu l’occasion de
rencontrer plusieurs fois après avoir bénéficié de la liberté provisoire, se
porte très bien ; tant physiquement que mentalement.
Comment
perçoit-il son avenir politique ?
Je pense que ça, c’est une question purement personnelle et je pense qu’en
d’autres circonstances, il pourra vous donner des éléments de réponse précis.
Oui,
mais quand vous échangez avec lui, donne-t-il l’impression d’être déçu de la
vie politique, quand on sait que certains dans les mêmes circonstances ont
rendu le tablier ?
Nous avons évoqué plusieurs questions depuis sa sortie, et même souvent
sous l’angle politique. Mais nous n’avons pas encore abordé cette question de
savoir quel bilan fait-il de son entrée en politique, de sa carrière politique
et je pense qu’en temps opportun, il lui appartiendra de dresser son bilan et
de tirer toutes les conséquences.
A-t-il
marqué son retour au sein du parti … ?
Pour le moment, nous n’avons reçu aucun document en la matière et nous
n’avons entrepris également aucune démarche allant dans ce sens pour avoir son
opinion, son point de vue et nous sommes toujours dans une situation d’attente,
d’observation. Je pense que dans les jours ou semaines à venir, ceux qui ont
conduit les affaires depuis les événements de septembre 2015 pourront
probablement nous apporter une réponse en la matière.
Passées
les joutes électorales, quel est le défi que votre parti s’assigne en ce
moment ?
Effectivement, au sortir des élections municipales du 22 mai dernier, le
parti s’est retrouvé encore, une fois de plus, troisième force politique. Ce
qui a surpris certains observateurs de la scène politique. Mais, nous sommes un
peu déçus de ces résultats. Qu’à cela ne tienne, force est de constater que
nous gardons toujours notre esprit de combativité et le défi principal, c’est
la réorganisation du parti.
Que
faut-il comprendre par réorganisation ?
Je crois qu’on ne peut pas refuser de voir les choses en face. Nous avons
été ébranlés par les événements de 2014 et la perte du pouvoir, nous avons été
touchés, mais pas coulés, avec le putsch de septembre 2015. Force est de
constater donc que le putsch a eu comme corollaire au sein du parti l’exil de
certains responsables de la direction politique nationale, l’emprisonnement de
certains cadres et la démotivation ou le manque d’engagement encore d’autres
cadres. Vous n’ignorez pas que certains se sont empressés de faire porter à
notre parti la responsabilité politique de ce putsch. Or, Dieu seul sait que
notre parti, ses dirigeants et ses militants ne sont ni de près ni de loin
mêlés à ce putsch. Donc, aujourd’hui, nous devons nous dire que le CDP d’avant
2014, même d’avant septembre 2015, n’est plus le même ; la direction
politique a été touchée, le bureau politique national, le Conseil national, les
structures du parti ; tant au niveau national, provincial que communal ont
été touchées. C’est un véritable travail de reconstruction qui nous attend et
la réorganisation doit aller dans ce sens.
Comment
appréciez-vous votre vie dans l’opposition politique avec les adversaires
d’hier ?
J’ai eu à le dire à certains de vos confrères : il est vrai que pour
les uns, nous sommes dans l’opposition mais nous, nous disons aux uns et aux
autres que nous n’avons jamais été au pouvoir. Parce que ceux qui ont été au
pouvoir, ce sont toujours les mêmes qui y sont. Nous, nous avons toujours été
sur le banc de touche. C’est maintenant que nous sommes véritablement entrés
sur le terrain de jeu (terrain politique). Nous nous accommodons de cette
situation parce que véritablement notre quotidien n’a pas changé, notre
situation n’a pas changé ; puisque nous étions des acteurs inactifs, nous
exécutions les ordres de nos devanciers (ceux qui sont actuellement au
pouvoir). Aujourd’hui, nous les avons remplacés à la direction du CDP. C’est
pour vous dire que notre état d’esprit est différent de celui d’avant et que
l’actuel CDP, je peux vous le dire, ce n’est pas ce CDP qui était au pouvoir.
Il a
été depuis longtemps annoncé un congrès du parti mais qui tarde à se
concrétiser. Qu’est-ce qui coince ?
Effectivement, force est de reconnaître que les événements de septembre
2015 ont porté un coup à la direction politique du parti avec l’exil de
certains responsables et la mise en retraite d’autres, volontairement ou
involontairement. Ce qui fait qu’il y a nécessité à réorganiser cette direction
et les congrès se tiennent également en fonction des textes du parti (les
congrès ordinaires et les congrès extraordinaires). Je pense que la nécessité
aujourd’hui d’un recadrage de la nouvelle direction est unanimement perçue par
tous. Maintenant, comment et quand cela doit se faire, c’est la question qui
reste posée.
Des
querelles de positionnement seraient à la base de la situation de blocage. Il
se susurre que le président Eddie komboïgo veut rebelotter, Achille Tapsoba qui
assure actuellement l’intérim veut être confirmé et Juliette Bonkoungou entend
imprimer sa vison ...
Je crois que tout regroupement humain déjà fait naître des ambitions ;
la volonté de leadership s’impose. Donc, nous trouvons tout à fait normal ce
choc des ambitions où les uns et les autres veulent diriger. Il est tout à fait
normal que dans un parti il y ait des courants. L’objectif principal doit être
d’atteindre l’objectif global pour tout le monde. C’est vrai que suite aux événements que nous avons connus, certains ont émis des vœux … Tout se dit, des
noms circulent, mais je pense que pour le choix du président, que ce soit dans
le cadre d’un congrès ordinaire ou d’un congrès extraordinaire, il appartient
au président actuel (Eddie Komboïgo), de prendre sa décision en temps opportun
et au congrès (instance suprême du parti) de décider de qui peut diriger le
parti.
Mais au
regard du contexte actuel et des réalités du moment, quel peut être le
portrait-robot du prochain dirigeant du parti ?
Je pense que toute organisation naît, grandie et doit également se
conforter avec des structures bien précises. Peut-être que j’ai ma petite idée
par rapport au prototype de celui qu’il faut pour diriger le CDP... mais, le
congrès et les instances vont, le temps venu, arrêter les critères de celui
qu’il faut. Mais, je pense qu’il faut un homme rassembleur, un homme jeune,
dynamique, à l’écoute de son prochain et avec une vision prospective ; un
homme qui a la carrure d’un véritable homme d’Etat et en notre sein, ce n’est
pas ce qui manque.
Parlant
de vos camarades exilés, il y a l’ancien dirigeant, le secrétaire général,
Assimi Kouanda, dont on n’entend plus parler, avez-vous de ses nouvelles ?
Oui, nous avons de ses nouvelles par personne interposée et nous savons
qu’il se porte bien.
Vous
semblez parler peu de lui… !
Depuis les événements des 30 et 31 octobre 2014, il faut reconnaître qu’un
certain nombre de nos camarades ont été touchés dans leur âme, moralement et
fragilisés, etc. Donc, le camarade Assimi Kouanda a, après introspection, décidé
de se mettre en retrait des activités du parti. C’est un choix que nous
respectons, à partir du moment où il a lui-même pris cette décision de se
mettre en retrait. Voilà pourquoi, jusqu’à ce qu’il décide de revenir, nous
préférons rester discrets à son sujet.
Sept
mois après son accession au pouvoir, quel est le jugement que vous portez sur
la présidence de Roch Marc Christian Kaboré et son équipe ?
Effectivement, cela fait sept mois que nous avons un nouveau président du Faso
et une équipe gouvernementale et nous observons. Mais, en me focalisant sur
certains rapports et écrits, on note que la situation économique est des plus
difficiles. Les plaintes se multiplient et les requêtes sociales se font de
plus en plus pressantes. Hors selon des informations à notre disposition, la
situation de recouvrement des recettes tant fiscales que douanières est des
plus préoccupantes. Le besoin de financement pour un équilibre budgétaire lors
de la loi de finances rectificatives d’avril était de plus de 300 milliards. La
dette intérieure s’évalue à plus de 200 milliards et moins de 10% pourront être
apurée au cours de 2016. Comment les opérateurs économiques peuvent-ils s’en
sortir quand on sait qu’ils sont les principaux employeurs du pays ? Les
inondations en cours risquent de rendre la production agricole plus aléatoire.
Ce qui va rendre encore la situation économique difficile. En matière d’emplois
des jeunes, les choses bougent difficilement alors que nos Etats souffrent plus
de déficit d’emplois que de déficit de démocratie. Bref, la situation n’est pas
aussi reluisante comme on l’aurait souhaité. Egalement, quand on voit comment
certains gouvernements post-transition ont été accompagnés par des bailleurs de
Fonds (Mali, Centrafrique, etc.) comparativement à notre situation, nous sommes
en droit de nous demander si nous ne sommes pas abandonnés par la communauté
internationale. La situation est donc inquiétante et il appartient au
gouvernement de trouver des solutions qui puissent avoir l’adhésion de tout le
monde, de rassurer les investisseurs et de relancer l’économie.
Pas
plus tard qu’hier, Dr Ablassé Ouédraogo a jugé de « grave », la
situation nationale. Quelle est votre appréciation sur cette sortie ?
Chacun a ses éléments d’informations et d’appréciations et Ablassé
Ouédraogo a certainement ses éléments qui lui permettent de qualifier la
situation de « grave ». Certains diront que la situation est même
« très grave », d’autres même diront que la situation est
« catastrophique ». Pour nous, la situation est
« inquiétante » ; elle n’est pas rassurante. Nous cherchons une
lisibilité des actions gouvernementales mais difficilement, nous les observons.
Je respecte les observations de Ablassé, parce qu’il a certainement des
éléments dont je ne dispose pas. Mais, je pense que c’est une situation qui
interpelle tout le monde parce que lorsque vous écoutez, de la ville à la
campagne, ce n’est pas facile.
Votre
regard sur l’avenir du Burkina ?
Personnellement, je vois un Burkina meilleur, un Burkina radieux. Cela est
ma vision mais la réalité aussi peut être autre. Mais, je pense que le Burkina
sera ce que nous tous, nous voudrons qu’il soit, en commençant par les
gouvernants et en associant tous les acteurs politiques. Nous avons tous hérité
de ce pays et nous devons le transmettre à nos enfants dans un Etat meilleur
que celui dans lequel nous l’avons hérité de nos aînés. Il appartient donc à
chacun de s’élever au-dessus de ses intérêts partisans et personnels et de voir
l’obligation de rendre compte à la génération qui vient et travailler dans ce
sens.
Propos recueillis
par Oumar L. Ouédraogo
Source : Lefaso.net 1er août 2016
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