mardi 27 septembre 2016

Après la signature de l’accord de paix, quelles perspectives en Colombie ?

Juan Manuel Santos et Rodrigo Londoño après la signature de l'accord de paix
Au 2e plan, on reconnaît de droite à gauche Raul Castro et Ban Ki-moon
Après cinquante-deux ans de conflit armé, de nombreux défis attendent la société colombienne : démobilisation des guérilleros, lutte contre le trafic de drogue, justice transitionnelle…
L’accord « pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable » a été officiellement signé, lundi 26 septembre, entre le président colombien, Juan Manuel Santos, et Rodrigo Londoño, le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Il met fin à l’un des plus vieux conflits de la planète, au lourd bilan : 220 000 morts, 40 000 disparus et 6 millions de déplacés, selon les chiffres officiels. L’accord doit encore être soumis au verdict des électeurs, le 2 octobre.
·       Quelles sont les parties signataires de l’accord ?
La guérilla des FARC. Elle est née comme un mouvement d’autodéfense paysanne. Et l’est resté. L’organisation a été officiellement créée en 1964 par une poignée de paysans qui avaient pris le maquis au temps de « la Violencia » (la guerre civile qu’a connue le pays dans les années 1950) et qui ont rejoint le Parti communiste dans la foulée de la révolution cubaine.
Les FARC se sont développées dans les régions retirées que l’Etat peine encore aujourd’hui à occuper. L’offensive guerrière menée par le président Alvaro Uribe (2002-2010), avec l’aide des Américains, a affaibli militairement les FARC. Selon le ministère de la défense, les guérilleros en armes seraient encore quelque 8 000 et les miliciens (les réseaux civils de la guérilla), autant ou plus. Plus du tiers des effectifs sont des femmes.
Juan Manuel Santos. Issu d’une des grandes familles colombiennes, le président Juan Manuel Santos est économiste de formation. Il a été plusieurs fois ministre – à la défense, il a collaboré à la politique sécuritaire de M. Uribe. Il a alors acquis la conviction que la guerre contre les FARC, extrêmement coûteuse, ne pouvait être gagnée sur le terrain militaire. Les effectifs de la force publique colombienne (armée et police) atteignent 500 000 membres.
Dès son investiture, M. Santos a surpris ses compatriotes en tendant la main aux FARC. Les négociations ont duré quatre ans. Elles se sont déroulées à La Havane, sans cessez-le-feu sur le terrain. Le Comité international de la Croix-Rouge a prêté main-forte pour organiser les allées et venues des chefs guérilleros. En juillet 2015, les FARC ont décrété un cessez-le-feu unilatéral.
·       Que dit l’accord ?
Long de 297 pages, l’accord établit tout à la fois la feuille de route pour la démobilisation des guérilleros et les réformes à entreprendre pour éliminer les causes du conflit et construire un pays plus juste. Ses dispositions concernent cinq points majeurs.
La fin du conflit. Les guérilleros vont se regrouper dans vingt zones dites de normalisation et, dans un délai de six mois, déposer leurs armes sous la supervision de L’ONU. Un programme de réincorporation des guérilleros à la vie civile sera mis en place.
Le développement rural. Une ambitieuse politique de restitution des terres et d’investissements publics doit permettre d’améliorer les conditions de vie dans les campagnes. Les FARC, qui entendent maintenir l’unité de leur organisation, veulent créer des coopératives agricoles.
La participation politique des guérilleros une fois démobilisés. Les FARC, une fois transformées en parti politique, auront dix sièges au Congrès pendant deux législatures.
La justice transitionnelle et les victimes. Un système intégral de « vérité, justice et réparation » est mis en place. Il comprend une commission de la vérité et un tribunal spécial pour la paix qui sera chargé de juger les auteurs de crimes commis en raison du conflit, qu’ils soient guérilleros, militaires ou civils. Les coupables qui acceptent de dire la vérité et de « réparer » leurs victimes bénéficieront de peines « restrictives de liberté » – autres que la prison – de huit ans au maximum.
L’accord fait appel à l’ONU pour la vérification du cessez-le-feu bilatéral (entré en vigueur le 24 août) et la mise en application des accords.
·       Qui dit « non » à l’accord de paix ?
L’ancien président Alvaro Uribe a pris la tête de la campagne pour le non au plébiscite du 2 octobre. Aujourd’hui sénateur, il est resté populaire dans une partie de l’opinion publique. Considérant que l’accord ouvre la voie à une prise du pouvoir par les FARC, M. Uribe crie à la menace « castro-communiste ». Il déplore que les guérilleros coupables de crimes graves n’aillent pas en prison et réclame une renégociation de l’accord, que le gouvernement et les FARC jugent « impossible ». « Aucun mouvement armé n’a jamais négocié sa reddition pour finir en prison », a justifié le président Santos.
Les derniers sondages donnent la victoire au oui. Mais, paradoxalement, le débat sur la paix fracture profondément la société colombienne.
·       Quels sont les défis à venir ?
A court terme, la paix passe par la démobilisation des FARC. Le premier défi est d’assurer la sécurité des guérilleros démobilisés, dans un pays qui a longtemps battu des records en matière d’assassinats politiques.
Le deuxième est d’assurer le succès des programmes de réincorporation dans la vie civile.
A plus long terme, la question est de savoir si l’Etat aura la volonté et les moyens de tenir ses promesses, notamment en matière de développement rural. Et si la société colombienne, une des plus inégalitaire au monde, sera capable de se réconcilier avec elle-même.
·       Quelles perspectives pour le pays ?
Au-delà de sa dimension morale, la paix est porteuse de bien des espoirs. Le gouvernement espère qu’elle permettra d’attirer les investissements étrangers, d’exploiter les ressources minières et de développer le tourisme. A terme, la réduction du budget de la défense pourrait permettre à l’Etat d’investir dans le social, notamment dans la santé et l’éducation.
La disparition des FARC va modifier la politique. Depuis plus d’un demi-siècle, le conflit armé accapare le débat public. Il a conduit à la « diabolisation » de la gauche. Et il a servi de prétexte aux élites pour éluder leurs propres responsabilités dans la conduite du pays : la lutte contre la corruption pourrait ainsi enfin devenir prioritaire.
Marie Delcas (Bogota, correspondante)
Source : http://www.lemonde.fr/ 27 septembre 2016

samedi 24 septembre 2016

« Bernard Dadié hier, aujourd’hui et demain… »

Le maître Bernard Binlin Dadié
L’hommage de l’Ascad à l’écrivain centenaire

Bernard Binlin Dadié, le père de la littérature ivoirienne est célébré par ses pairs de l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines (l’Ascad). Ce, à travers un colloque international que l’institution organise, en hommage à l’écrivain-centenaire ivoirien, du jeudi 22 au vendredi 23 septembre 2016, à la salle de conférences du centre national de l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire, à Cocody.
Pendant deux jours, il s’agira, à travers ce colloque international intitulé « Bernard Dadié : Hier, aujourd’hui et demain », de montrer les différentes dimensions du combat de Bernard Dadié et de présenter le caractère multidisciplinaire de ses œuvres et de leurs implications sociales. Cette rencontre parlera également de l’homme, sa famille et de son engagement politique, avec une approche générique de son œuvre et une approche thématique avec plusieurs communications.
À l’ouverture de cette rencontre internationale de réflexions sur les œuvres et la vie de Bernard Dadié, l’écrivain poète, romancier et dramaturge a été honoré par une excursion scénique et rythmée de vers, par l’homme de théâtre, Bienvenu Néba, sur sa première œuvre, « Climbié ». La cérémonie a été également marquée par la conférence inaugurale intitulée « Bernard Binlin Dadié, mémoire d’un homme siècle pour une société de partage », prononcée par Pr Séry Bailly, président du comité scientifique du colloque. Un tableau à son effigie a été rendu à Bernard Dadié pour son œuvre immense pour la Côte d’Ivoire, l’Afrique et le monde. Pr Aïdara Daouda, président de l’Ascad, par ailleurs initiateur et promoteur de la rencontre, visiblement heureux de cet hommage rendu à un « académicien immortel », a expliqué les raisons nombreuses et éloquentes de ce colloque sur celui qu’il a qualifié de porte-parole de valeurs, carrefour de civilisations et de peuples, homme d’ouverture de la promotion des richesses de notre identité. « Le domaine de la littérature que tu as investi très tôt à partir de l’Afrique noire, laisse un profond impact dans la conscience de ce continent dans sa riche histoire dramatique avec les autres peuples. A travers conte, poésie, théâtre, roman, tu as porté la voix à ceux qui n’en avaient pas, ouvert les yeux à ceux qui en étaient privés, secoué les consciences endormies et indiqué les voies du possible entre les espèces humaines appelées à une indispensable fraternisation ». Selon Pr Aïdara, les lourdeurs de notre colonie et de nos ignorances, les conséquences de nos divisions, les faiblesses de nos volontés d’action sont sans doute en grande partie le levier de commande de cette littérature militante que l’on découvre dans l’œuvre de Bernard Dadié. Plus qu’une esthétique de l’écriture, dira-t-il, Bernard Dadié offre à notre monde de controverse, des lettres de stimulation qui parlent au corps, à l’âme, à l’esprit et à la conscience.
Dembélé Al Fousséni, directeur de cabinet, représentant le ministre de la Culture et de la Francophonie, à cette cérémonie, a exprimé l’hommage continuel du ministère au père de la littérature ivoirienne. « Honorer, tel est le maître mot de cette année 2016 que le ministère de Culture et de la Francophonie a dédié à l’illustre écrivain, Bernard Dadié. Honorer une haute figure des belles lettres et de la vie politique africaine, tel est notre devoir à tous, en ces moments où Bernard Dadié, fête son centenaire de naissance », a-t-il traduit. Ainsi, le représentant du ministre a rappelé qu’en 2015, d’éminents universitaires de Côte d’Ivoire et d’ailleurs, lui ont consacré un important colloque international, à l’Université de Bouaké et en février 2016, l’Unesco lui a attribué le prix Unam Jaime Torrès Bodet. Le mois prochain, a poursuivi le directeur de cabinet, il sera décerné à Paris, « le prix Bernard Dadié » de la première plume et une rue à Cocody sera baptisée du nom de ce célèbre écrivain dans les prochaines semaines. Pour Dambélé Al Fousséni, ces spécialistes du savoir, à travers ce colloque-hommage, entendent questionner fortement l’œuvre et la vie de cet auteur et les analyser au regard de la rigueur et des exigences scientifiques. « Ecrivain prolifique, Bernard Dadié est un auteur vrai et profond comme Césaire, Senghor ou Damas qui furent ses compagnons de route à un moment où le nègre n’était pas considéré comme un homme à part entière, mais entièrement à part », a-t-il commenté. A l’occasion, un prix spécial de l’Ascad a été décerné au Pr Nicole Vincileoni, en guise de reconnaissance et d’encouragement, pour ses réflexions approfondies sur les œuvres de Bernard Dadié. Ce prix est doté d’un diplôme d’honneur et d’une somme d’un million de FCFA.

C.K.
Titre original : « Colloque international : L’Ascad rend hommage à l’écrivain centenaire, Bernard Dadié ».

Source : CIVOX.NET 24 Septembre 2016 

vendredi 23 septembre 2016

L’Afrique subsaharienne, terrain de jeu favori de François Hollande ?

François Hollande en décembre 2013 avec (de gauche à droite)
les présidents Ikililou Dhoinine, Jakaya Kikwete, Paul Biya,
Faure Gnassingbe, Ali Bongo et Alassane Ouattara
(C) Charles Platiau/pool/afp
La tenue à Paris ces jeudi et vendredi du forum Africa France en présence de plusieurs ministres français et africains est l'occasion de revenir sur l'action africaine du chef de l'État. Est-elle positive ?
La conversion aura été rapide. Alors qu’il n'avait presque jamais mis les pieds en Afrique avant son élection, François Hollande aura fait de la relation franco-africaine l'une des priorités de sa politique étrangère. L'organisation ces jeudi et vendredi du forum Africa France par le Quai d'Orsay en présence de plusieurs ministres français et africains est l'occasion de revenir sur l'action africaine du chef de l'État. Quelle est-elle ?
Organisation d'un sommet France-Afrique en février 2015 à Paris, déplacements au Mali, en Angola en Centrafrique ou au Cameroun pour promouvoir les intérêts économiques et défendre la stabilité régionale, le chef de l'État aura joué sur plusieurs tableaux. « François Hollande sait que c'est une zone où la France peut continuer d'exister sur la scène internationale comme on l'a vu avec les interventions militaires au Mali ou en Centrafrique, analyse Bruno Delaye, diplomate, responsable de la "cellule africaine" de l'Élysée de 1992 à 1995. Il perçoit aussi l'intérêt économique d’un continent dont les pays ont une croissance qui dépasse souvent les 5%. Et les bonnes relations qu'il entretient avec plusieurs présidents facilitent tout cela ».
Depuis de longues années, François Hollande est en effet très proche de certains chefs d'État rencontrés dans le cadre de l'Internationale socialiste lorsqu'il était Premier secrétaire du PS. Au premier rang, on peut citer le président guinéen, Alpha Condé, avec qui il échange régulièrement par SMS ou un autre « camarade » socialiste, le président du Niger, Mahamadou Issoufou. Le chef de l'État est aussi très proche du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, diplômé de la Sorbonne, et allié majeur de la France dans la lutte contre le terrorisme. Il a aussi de bons rapports avec l'homme fort de l'Afrique subsaharienne, le président tchadien Idriss Déby. C'est d'ailleurs à N'Djamena que la France a installé le QG de l'opération Barkhane menée par l'armée française au Sahel. Les présidents sénégalais, Macky Sall et ivoirien, Alassane Ouattara, font également partie de ceux avec lesquels François Hollande nourrit de bonnes relations.
Mais lors de son accession au pouvoir, le chef de l'Etat a voulu élargir la perspective, en se rapprochant de plusieurs dirigeants d'Afrique anglophone et lusophone, notamment sur les préconisations de sa conseillère « Afrique », Hélène Le Gal, ex Directrice « Afrique centrale et orientale » au Quai d’Orsay (nommée depuis ambassadrice de France en Israël). Ainsi a-t-il reçu le nouveau président du Nigéria Muhammadu Buhari en septembre 2015 à l’Elysée. Il a aussi noué des relations cordiales avec la Tanzanie de Jakaya Kikwete et le Kenya d’Uhuru Kenyatta. Une évolution essentiellement motivée par des préoccupations économiques, ces pays étant parmi les plus prospères du continent. « Nicolas Sarkozy avait commencé à parler à ces pays mais il n'était pas allé au bout, plombé notamment par son discours de Dakar de 2007, trop paternaliste, et par un manque de conviction du potentiel africain, pointe un ancien ambassadeur de la France sur le continent. François Hollande, lui, joue à fond la carte de la realpolitik ».
Autres évolutions notables sous le quinquennat Hollande : le très décrié ministère de la Coopération, rebaptisé ministère du Développement, a perdu son rôle politique. Tandis que Bercy n'a plus d'influence économique, puisque depuis 2014 le Quai d'Orsay a récupéré le Commerce extérieur. Quant aux relations avec les dirigeants encombrants (Ali Bongo, Joseph Kabila, Denis Sassou Nguesso), que François Hollande fréquente le moins possible, elles sont l’apanage du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
Celui qui a, dès octobre 2012, clamé que « le temps de la Françafrique (était) révolu » ne cesse d'ailleurs de répéter lors de ses déplacements sur le continent que la relation franco-africaine doit être marquée du sceau du « respect, de la clarté et de la solidarité ». François Hollande l'a d'ailleurs prouvé s'agissant de la crise gabonaise. Puisque après avoir laissé le Quai d'Orsay réagir de manière assez vigoureuse, notamment vis à vis du camp d'Ali Bongo, l'Élysée a fait preuve d'un certain mutisme, envoyant le signal que « les affaires africaines ne doivent plus se régler à Paris » comme le confie un diplomate français. « Nicolas Sarkozy avait supprimé "la cellule africaine" de l'Élysée, François Hollande poursuit cette normalisation en mettant l'accent sur le business », ajoute Pierre Vimont, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères de 2002 et 2007.
L'action africaine du président de la République n'a donc pas été insignifiante. Pour Antoine Glaser, fin connaisseur du continent (il a fondé et dirigé durant 26 ans La lettre du Continent, consacrée à l'Afrique) et auteur du livre Arrogant comme un Français en Afrique, elle est même plutôt positive. Antoine Glaser y écrit notamment que « François Hollande est devenu sur le continent un vrai "marsouin" d'honneur » et que c'est « peut-être sur le terrain de l'Afrique que le président de la République exerce la plénitude de son pouvoir ». Et de conclure sur l'action de l'actuel chef de l'État : « Pour les Africains, le "général Hollande", à travers les opérations Serval puis Barkhane, tente de corriger en partie les erreurs d'appréciation de son prédécesseur, grand initiateur de l'opération en Libye ». Au final, François Hollande prouve qu'il a accordé autant d'importance au Zambèze qu'à la Corrèze.

Antoine Izambard, Journaliste (http://www.challenges.fr/ 22.09.2016)
Titre original : « La galaxie africaine de François Hollande ».


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : La Dépêche d'Abidjan 22 Septembre 2016

mercredi 21 septembre 2016

Interview de Mesmin Comoé, secrétaire général du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (MIDD)


 « Dans un régime démocratique, nous avons tous le devoir de dénoncer une mesure gouvernementale, si elle n’est pas bonne ».

Quelle réaction avez-vous après la sortie Kandia Camara, ministre de l’Education nationale vous accusant de fauteur de troubles au niveau de l’enseignement primaire ?
Non, je ne réponds pas à la sortie de Madame la ministre d’hier parce que moi, je mène les débats intellectuels. Une réforme a été prise, le MIDD émet des réserves avec les arguments. Qu’on analyse les réserves du MIDD et si les arguments tels que avancés par le MIDD ne sont pas valables, qu’on en donne la preuve. Si également, on se rend compte que ces arguments sont tout à fait crédibles, qu’on ait le courage pour dire qu’on s’est trompé. Tout en tenant compte des réserves que nous avons émises. C’est tout !

Tout en vous qualifiant de « méchantes, égoïste et d’inhumain », elle révèle que vos enfants étudient à l’étranger. Et que vous gagneriez 1.500.000 FCfa par mois en votre qualité de vice-président du Conseil d’Administration de la Mugefci (Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire : Ndlr). Avec entre autres, comme bien matériel, deux voitures : une Mercedes de classe S et Une 4X4 de fabrication américaine. Visiblement vous roulez donc sur de l’or ?
Je ne voudrais pas rentrer dans ces considérations qui pour moi ne font pas du tout avancer les débats. Les amis qui me connaissent, ils savent que je vis avec mes enfants. Ils ne quittent pas à Abidjan pour aller fréquenter ailleurs, je suis désolé.

Kandia Camara a avancé qu’une procédure disciplinaire a été engagée contre les enseignants qui ont perturbé les cours le 13 septembre 2016, premier jour de rentrée, y compris vous ?
Une procédure disciplinaire lancée contre nous ? Bon, qu’elle l’engage. La grève est un droit… Encore plus, qu’on n’est même pas encore en grève. Mais nous sommes une organisation syndicale légalement constituée. Et lorsqu’on est légalement constituée, on mène des actions de protestations, de contestations de façon très civilisée, telle que nous le faisons. Il n’y a donc pas de raison qu’on engage une procédure disciplinaire contre qui que ce soit.

L’on indique que vous allez à l’encontre d’une décision gouvernementale ?
Que voulez-vous qu’on fasse lorsqu’un gouvernement prend une décision qui n’est pas bonne ? N’oublions pas que nous sommes dans un régime démocratique. Et dans un régime démocratique, la souveraineté appartient au peuple. Parce que j’ai entendu dire que : « Ce sont des employés. C’est l’employeur qui fixe les règles du jeu… ». Mais dans un régime démocratique, en tant que fonctionnaires, qui est notre employeur ? C’est l’Etat. Et l’Etat c’est qui ? C’est nous tous ! Nous avons donc tous, le devoir de dénoncer une mesure si celle-ci n’est pas bonne. Le gouvernement avait pris la mesure, en complicité avec la Cie (Compagnie ivoirienne d’électricité : Ndlr) d’augmenter les factures d’électricité et les populations se sont opposées. Elles ont dit non, et le gouvernement l’a retirée.

Que comptez-vous faire maintenant ? Secrétaire général, maintenez-vous toujours votre position ?
Nous avons dit à nos camarades de ne pas aller à l’école les mercredis parce que, figurez-vous,-même pour le petit exemple que nous prenons, lorsque vous prenez l’emploi du temps du mercredi, il fixe le début des cours à 7 heures 30 alors que l’arrêté signé par Madame le ministre elle-même, demande que les cours commencent à 8 heures. On ne peut pas dire une chose et son contraire. Vous ne pouvez pas préciser dans un arrêté que les cours commencent à 8 heures et définir un emploi du temps dans lequel les cours commencent à 7 heures 30 et ne pas trouver cela incohérent. Quand le MIDD dit que c’est incohérent, il faut le reconnaitre et ce qui doit être corrigé, on le corrige.

Lorsque votre tutelle menace en disant que si vous lancez une grève, « la riposte sera sauvage et inoubliable », ne craignez-vous pas votre radiation de l’effectif de la Fonction publique ?
Oh… Vous savez, si j’étais un couard, je ne me serais pas engagé dans la lutte syndicale. Lorsqu’on est dans les luttes syndicales, on sait ce que cela peut avoir comme conséquences. On est sous le feu de ces critiques, malheureusement. Mais ce sont des pressions de conviction et nous nous battons pour nos convictions. Les conditions de travail dans lesquelles les institutions évoluent ne permettent pas de travailler durant 5 jours d’affilés dans la semaine. Et ça, qu’on ne nous dise pas de ne pas le dire.

Devant la menace de grève qui se profile à l’horizon, plusieurs options s’offrent à votre tutelle pour tuer le projet dans l’œuf dont celle, relative, selon la ministre, à votre affectation, loin, à l’intérieur du pays, où vous tiendrez, une classe ?
Même si je suis affecté à l’intérieur du pays, est-ce que ça me retire ma qualité de leader syndical ? Est-ce qu’en étant à l’intérieur du pays, je ne peux pas organiser les assemblées générales ? Est-ce qu’en étant à l’intérieur du pays, je ne peux pas dénoncer les mesures qui ne sont pas bonnes ? Si elle pense que c’est cela la solution, bon, qu’elle y aille. Rien ne nous ébranle en tout cas.

Claude Dassé (afrikipresse.fr)
Titre original : « Non, je ne réponds pas à la sortie de Madame la ministre, je mène les débats intellectuels ».


Source : La Dépêche d'Abidjan 21 Septembre 2016

vendredi 16 septembre 2016

« Ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir. »

B. Sannou
Interview de Boubacar Sannou, vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), chargé de la jeunesse (extrait).

Comment se porte votre parti, le CDP, à ce jour ?
Permettez-moi d’abord de remercier votre organe (Lefaso.net) pour son travail d’encrage de la démocratie dans notre pays. Après tout ce que nous avons traversé comme difficultés, comme événements depuis octobre 2014 à ce jour, nous pouvons dire que notre parti, le CDP, se porte toujours bien.
En tant que proche collaborateur du président du CDP, Eddie Komboïgo, comment se porte-t-il après sa mise en liberté provisoire ?
Le président du parti, Eddie Komboïgo, que nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois après avoir bénéficié de la liberté provisoire, se porte très bien ; tant physiquement que mentalement.
Comment perçoit-il son avenir politique ?
Je pense que ça, c’est une question purement personnelle et je pense qu’en d’autres circonstances, il pourra vous donner des éléments de réponse précis.
Oui, mais quand vous échangez avec lui, donne-t-il l’impression d’être déçu de la vie politique, quand on sait que certains dans les mêmes circonstances ont rendu le tablier ?
Nous avons évoqué plusieurs questions depuis sa sortie, et même souvent sous l’angle politique. Mais nous n’avons pas encore abordé cette question de savoir quel bilan fait-il de son entrée en politique, de sa carrière politique et je pense qu’en temps opportun, il lui appartiendra de dresser son bilan et de tirer toutes les conséquences.
A-t-il marqué son retour au sein du parti … ?
Pour le moment, nous n’avons reçu aucun document en la matière et nous n’avons entrepris également aucune démarche allant dans ce sens pour avoir son opinion, son point de vue et nous sommes toujours dans une situation d’attente, d’observation. Je pense que dans les jours ou semaines à venir, ceux qui ont conduit les affaires depuis les événements de septembre 2015 pourront probablement nous apporter une réponse en la matière.
Passées les joutes électorales, quel est le défi que votre parti s’assigne en ce moment ?
Effectivement, au sortir des élections municipales du 22 mai dernier, le parti s’est retrouvé encore, une fois de plus, troisième force politique. Ce qui a surpris certains observateurs de la scène politique. Mais, nous sommes un peu déçus de ces résultats. Qu’à cela ne tienne, force est de constater que nous gardons toujours notre esprit de combativité et le défi principal, c’est la réorganisation du parti.
Que faut-il comprendre par réorganisation ?
Je crois qu’on ne peut pas refuser de voir les choses en face. Nous avons été ébranlés par les événements de 2014 et la perte du pouvoir, nous avons été touchés, mais pas coulés, avec le putsch de septembre 2015. Force est de constater donc que le putsch a eu comme corollaire au sein du parti l’exil de certains responsables de la direction politique nationale, l’emprisonnement de certains cadres et la démotivation ou le manque d’engagement encore d’autres cadres. Vous n’ignorez pas que certains se sont empressés de faire porter à notre parti la responsabilité politique de ce putsch. Or, Dieu seul sait que notre parti, ses dirigeants et ses militants ne sont ni de près ni de loin mêlés à ce putsch. Donc, aujourd’hui, nous devons nous dire que le CDP d’avant 2014, même d’avant septembre 2015, n’est plus le même ; la direction politique a été touchée, le bureau politique national, le Conseil national, les structures du parti ; tant au niveau national, provincial que communal ont été touchées. C’est un véritable travail de reconstruction qui nous attend et la réorganisation doit aller dans ce sens.
Comment appréciez-vous votre vie dans l’opposition politique avec les adversaires d’hier ?
J’ai eu à le dire à certains de vos confrères : il est vrai que pour les uns, nous sommes dans l’opposition mais nous, nous disons aux uns et aux autres que nous n’avons jamais été au pouvoir. Parce que ceux qui ont été au pouvoir, ce sont toujours les mêmes qui y sont. Nous, nous avons toujours été sur le banc de touche. C’est maintenant que nous sommes véritablement entrés sur le terrain de jeu (terrain politique). Nous nous accommodons de cette situation parce que véritablement notre quotidien n’a pas changé, notre situation n’a pas changé ; puisque nous étions des acteurs inactifs, nous exécutions les ordres de nos devanciers (ceux qui sont actuellement au pouvoir). Aujourd’hui, nous les avons remplacés à la direction du CDP. C’est pour vous dire que notre état d’esprit est différent de celui d’avant et que l’actuel CDP, je peux vous le dire, ce n’est pas ce CDP qui était au pouvoir.
Il a été depuis longtemps annoncé un congrès du parti mais qui tarde à se concrétiser. Qu’est-ce qui coince ?
Effectivement, force est de reconnaître que les événements de septembre 2015 ont porté un coup à la direction politique du parti avec l’exil de certains responsables et la mise en retraite d’autres, volontairement ou involontairement. Ce qui fait qu’il y a nécessité à réorganiser cette direction et les congrès se tiennent également en fonction des textes du parti (les congrès ordinaires et les congrès extraordinaires). Je pense que la nécessité aujourd’hui d’un recadrage de la nouvelle direction est unanimement perçue par tous. Maintenant, comment et quand cela doit se faire, c’est la question qui reste posée.
Des querelles de positionnement seraient à la base de la situation de blocage. Il se susurre que le président Eddie komboïgo veut rebelotter, Achille Tapsoba qui assure actuellement l’intérim veut être confirmé et Juliette Bonkoungou entend imprimer sa vison ...
Je crois que tout regroupement humain déjà fait naître des ambitions ; la volonté de leadership s’impose. Donc, nous trouvons tout à fait normal ce choc des ambitions où les uns et les autres veulent diriger. Il est tout à fait normal que dans un parti il y ait des courants. L’objectif principal doit être d’atteindre l’objectif global pour tout le monde. C’est vrai que suite aux événements que nous avons connus, certains ont émis des vœux … Tout se dit, des noms circulent, mais je pense que pour le choix du président, que ce soit dans le cadre d’un congrès ordinaire ou d’un congrès extraordinaire, il appartient au président actuel (Eddie Komboïgo), de prendre sa décision en temps opportun et au congrès (instance suprême du parti) de décider de qui peut diriger le parti.
Mais au regard du contexte actuel et des réalités du moment, quel peut être le portrait-robot du prochain dirigeant du parti ?
Je pense que toute organisation naît, grandie et doit également se conforter avec des structures bien précises. Peut-être que j’ai ma petite idée par rapport au prototype de celui qu’il faut pour diriger le CDP... mais, le congrès et les instances vont, le temps venu, arrêter les critères de celui qu’il faut. Mais, je pense qu’il faut un homme rassembleur, un homme jeune, dynamique, à l’écoute de son prochain et avec une vision prospective ; un homme qui a la carrure d’un véritable homme d’Etat et en notre sein, ce n’est pas ce qui manque.
Parlant de vos camarades exilés, il y a l’ancien dirigeant, le secrétaire général, Assimi Kouanda, dont on n’entend plus parler, avez-vous de ses nouvelles ?
Oui, nous avons de ses nouvelles par personne interposée et nous savons qu’il se porte bien.
Vous semblez parler peu de lui… !
Depuis les événements des 30 et 31 octobre 2014, il faut reconnaître qu’un certain nombre de nos camarades ont été touchés dans leur âme, moralement et fragilisés, etc. Donc, le camarade Assimi Kouanda a, après introspection, décidé de se mettre en retrait des activités du parti. C’est un choix que nous respectons, à partir du moment où il a lui-même pris cette décision de se mettre en retrait. Voilà pourquoi, jusqu’à ce qu’il décide de revenir, nous préférons rester discrets à son sujet.
Sept mois après son accession au pouvoir, quel est le jugement que vous portez sur la présidence de Roch Marc Christian Kaboré et son équipe ?
Effectivement, cela fait sept mois que nous avons un nouveau président du Faso et une équipe gouvernementale et nous observons. Mais, en me focalisant sur certains rapports et écrits, on note que la situation économique est des plus difficiles. Les plaintes se multiplient et les requêtes sociales se font de plus en plus pressantes. Hors selon des informations à notre disposition, la situation de recouvrement des recettes tant fiscales que douanières est des plus préoccupantes. Le besoin de financement pour un équilibre budgétaire lors de la loi de finances rectificatives d’avril était de plus de 300 milliards. La dette intérieure s’évalue à plus de 200 milliards et moins de 10% pourront être apurée au cours de 2016. Comment les opérateurs économiques peuvent-ils s’en sortir quand on sait qu’ils sont les principaux employeurs du pays ? Les inondations en cours risquent de rendre la production agricole plus aléatoire. Ce qui va rendre encore la situation économique difficile. En matière d’emplois des jeunes, les choses bougent difficilement alors que nos Etats souffrent plus de déficit d’emplois que de déficit de démocratie. Bref, la situation n’est pas aussi reluisante comme on l’aurait souhaité. Egalement, quand on voit comment certains gouvernements post-transition ont été accompagnés par des bailleurs de Fonds (Mali, Centrafrique, etc.) comparativement à notre situation, nous sommes en droit de nous demander si nous ne sommes pas abandonnés par la communauté internationale. La situation est donc inquiétante et il appartient au gouvernement de trouver des solutions qui puissent avoir l’adhésion de tout le monde, de rassurer les investisseurs et de relancer l’économie.
Pas plus tard qu’hier, Dr Ablassé Ouédraogo a jugé de « grave », la situation nationale. Quelle est votre appréciation sur cette sortie ?
Chacun a ses éléments d’informations et d’appréciations et Ablassé Ouédraogo a certainement ses éléments qui lui permettent de qualifier la situation de « grave ». Certains diront que la situation est même « très grave », d’autres même diront que la situation est « catastrophique ». Pour nous, la situation est « inquiétante » ; elle n’est pas rassurante. Nous cherchons une lisibilité des actions gouvernementales mais difficilement, nous les observons. Je respecte les observations de Ablassé, parce qu’il a certainement des éléments dont je ne dispose pas. Mais, je pense que c’est une situation qui interpelle tout le monde parce que lorsque vous écoutez, de la ville à la campagne, ce n’est pas facile.
Votre regard sur l’avenir du Burkina ?
Personnellement, je vois un Burkina meilleur, un Burkina radieux. Cela est ma vision mais la réalité aussi peut être autre. Mais, je pense que le Burkina sera ce que nous tous, nous voudrons qu’il soit, en commençant par les gouvernants et en associant tous les acteurs politiques. Nous avons tous hérité de ce pays et nous devons le transmettre à nos enfants dans un Etat meilleur que celui dans lequel nous l’avons hérité de nos aînés. Il appartient donc à chacun de s’élever au-dessus de ses intérêts partisans et personnels et de voir l’obligation de rendre compte à la génération qui vient et travailler dans ce sens.

Propos recueillis par Oumar L. Ouédraogo


Source : Lefaso.net 1er août 2016

mardi 13 septembre 2016

BURKINA FASO : GARDER VIVE LA FLAMME DE L’INSURRECTION.

A l'occasion du 2e anniversaire de  l’insurrection populaire des 29 et 30 octobre 2014, La CFDC annonce une conférence nationale les 29 et 30 octobre prochains

Mercredi dernier, 7 septembre 2016, s’est tenue une rencontre des partis membres de la Coalition Zeph 2015 pour un vrai changement autour des points d’ordre du jour suivant :

A) Vie de la Coalition
B) Activités
C) Divers

Au titre de la vie de la coalition, les membres de la coalition ont décidé du changement de son nom. La coalition se nomme désormais : « Coalition des forces démocratiques pour le vrai changement », en abrégé CFDC. Membre à part entière de l’opposition politique, la CFDC entend œuvrer sans relâche aux côtés des autres partis membres de cette opposition et de toutes les forces politiques et sociales qui le voudraient, à la construction d’une coalition très large regroupant le plus grand nombre, autour d’un programme commun, afin d’offrir aux Burkinabè une alternative crédible, source de vrai changement au Burkina Faso.

Au titre des activités à venir, la Coalition, en liaison avec d’autres forces politiques et sociales, projette organiser les 29 et 30 Octobre 2016 à Ouagadougou, une conférence nationale sur l’insurrection et les défis du Burkina post-insurrectionnel, autour du thème : « Insurrection et aspirations au changement du peuple burkinabè : bilan, acquis et perspectives pour un Burkina réconcilié avec lui-même ».

A cet effet, la coalition a adopté les termes de référence articulés autour des points ci-après :

1. Contexte et justification

L’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 a marqué de façon déterminante l’histoire politique de notre pays. Voilà déjà deux (2) ans que le peuple burkinabè s’est insurgé contre le régime du Président Compaoré, mettant ainsi fin à vingt-sept années (27 ans) de gestion de pouvoir.

Après l’élaboration d’une charte consensuelle et une transition de treize (13) mois animée par l’ensemble des forces vives de la nation, l’année 2016 s’est ouverte sur des dynamiques nouvelles suite à l’organisation réussie, le 29 novembre 2015, d’élections législatives et présidentielle saluées par la communauté internationale. Ces élections ont débouché sur la mise en place d’une nouvelle équipe dirigeante, composée par des partis politiques ayant pris part au mouvement sociopolitique qui a mené à l’insurrection.

Deux années après cette insurrection, les Burkinabè ont le sentiment que le changement véritable qu’ils espéraient tarde à se concrétiser. Leur impatience s’était déjà manifestée sous la Transition elle-même. Limitée dans son action par ses propres insuffisances, bousculée par des turbulences politiques diverses, dont le coup d’Etat de septembre 2015, soumise à la contrainte de temps et de ressources et davantage préoccupée par sa survie, la Transition n’a pas pu répondre à leurs nombreuses attentes.

Cette impatience semble se poursuivre avec le nouveau régime en place dont l’action est teintée d’hésitations et de tâtonnements ; ce qui pousse les Burkinabè à s’interroger sur sa capacité à apporter la bonne réponse à leurs problèmes. Pire, en observant certaines décisions et les dérives dans la gestion du pouvoir, la nouvelle équipe dirigeante pose des actes qui rappellent étrangement l’ancien régime. En conséquence, les Burkinabè ont l’impression que la flamme du changement et leurs aspirations à une meilleure gouvernance sont en train d’être étouffées.

Ce sentiment de déception mûrit dans un contexte national marqué par une déchirure. Née de l’insurrection elle-même, qui a opposé le peuple à ses dirigeants, elle semble s’être élargie avec les péripéties politiques qui ont suivi l’insurrection. Aujourd’hui, à côté du camp des insurgés d’hier, qui se sentent floués, se dresse le camp de ceux qui se considèrent comme les « perdants » politiques de cette aventure. De tels antagonismes peuvent porter gravement atteinte à la cohésion nationale, socle d’un progrès politique, économique et social effectif.

C’est dans ce contexte qu’un regroupement de partis politiques et d’organisations de la société civile, acteurs de l’Insurrection et soucieux non seulement de dresser un bilan du mouvement social et politique des 30 et 31 Octobre 2014, mais aussi et surtout de poser les jalons d’un nouvel élan pour notre pays, a décidé, de marquer le deuxième anniversaire de cette insurrection par l’organisation d’une Conférence nationale sur l’insurrection et les défis du Burkina post-insurrectionnel, les 29 et 30 Octobre 2016, sous le thème : « Insurrection et aspirations au changement du peuple burkinabè : bilan et perspectives pour une véritable réconciliation nationale ».
Cette rencontre qui se veut introspective et rassembleuse autour de valeurs telles que la paix et la cohésion nationale, ambitionne de réunir toutes les sensibilités de la société burkinabè.

2. Objectifs

L’objectif principal de cette Conférence nationale sur l’insurrection vise à commémorer l’événement et à pérenniser les acquis de ce mouvement à travers :
                l’évaluation de ce mouvement social ;
                la transition ;
                la gestion actuelle après dix (10) mois de gouvernance post-transitionnelle et de son adéquation avec les aspirations des insurgés ;
                la cohésion de la Nation et des réflexions sur la problématique de la réconciliation nationale ;
                L’identification de pistes d’une relance vigoureuse de la démocratie et de l’économie.

3. Démarche

Pour mener à bien cette activité, des concertations avec l’ensemble des forces vives de la nation seront programmées dans l’optique d’obtenir l’adhésion de tous. La posture de la conférence est, non pas « nous avons fait une insurrection », mais plutôt « le Burkina Faso a connu une insurrection en octobre 2014 ». Cette approche permet aussi à ceux qui ont été les « perdants » du pouvoir de contribuer, d’une part par l’autocritique s’ils le désirent, mais aussi par l’appréciation critique de tout ce qui a suivi l’insurrection.

4. Activités

La conférence sera organisée sous forme de panels. Chaque panel traitera d’un thème lui-même éclaté en sous-thèmes faisant l’objet d’une présentation introductive. Des TDRs pour chaque panel seront élaborés et transmis aux panélistes afin de permettre à ces derniers de traiter de façon efficace et efficiente les sujets. La conférence elle-même sera précédée d’un hommage aux martyrs.

Les 4 grands thèmes retenus sont les suivants :

Thème introductif : Retour sur l’insurrection des 30-31 octobre 2014 : radioscopie d’un mouvement historique.
• Sous-thème 1 : Le rôle de l’Opposition politique.
 Sous-thème 2 : Le rôle de la société civile (« OSC », médias, syndicats, autorités traditionnelles et religieuses…).
 Sous-thème 3 : Le rôle des FDS et autres acteurs.
 Sous-thème 4 : Les Violences, les martyrs, les victimes diverses et les dérives de l’insurrection. Témoignages et leçons à tirer pour l’histoire.

Thème 2 : L’évaluation de la Transition : acquis et insuffisances.
 Sous-thème 1 : Les institutions et acteurs de la Transition : analyse critique de la genèse et du fonctionnement des institutions, acteurs et rôles.
 Sous-thème 2 : L’agenda et l’action de la Transition : feuilles de route, acquis et limites de l’action publique sous la Transition.

Thème 3 : L’évaluation du régime post-transition.
 Sous-thème 1 : L’état de la mise en œuvre des acquis de l’insurrection en matière de bonne gouvernance.
  Sous-thème 2 : La relance économique et les réponses aux attentes des Burkinabè pour un mieux-être.
 Sous-thème 3 : L’état de la justice et son rôle face aux crimes de sang et aux crimes économiques.
 Sous-thème 4 : La question sécuritaire.

Thème 4 : Les sentiers de la réconciliation nationale.
 Sous-thème 1 : Les politiques et stratégies de réconciliation nationale : expériences historiques du Burkina Faso.
 Sous-thème 2 : La problématique de la réconciliation nationale post-insurrection : Quelle stratégie ?

5. Pilotage

L’événement sera piloté par les 3 structures suivantes :
 Un comité d’Orientation : il a pour mission de superviser l’orientation politique de la conférence et d’entreprendre les démarches de sensibilisation et de mobilisation.
 Un comité de Thème : il a pour mission de sélectionner les présentateurs des thèmes et de préparer les discussions, de tirer les conclusions.
 Un comité d’Organisation : il est chargé de l’organisation pratique de la conférence.

En divers, les membres de la coalition ont tenu à remercier les nombreux Burkinabè qui ont déjà contribué à enrichir sa réflexion, et se dit ouverte à toute suggestion susceptible de garantir le succès de l’événement qui est ouvert à tous.

Ils ont aussi procédé à un large échange sur la vie nationale.

Fait à Ouagadougou le 7 Août 2016
Pour la Coalition : Zéphirin Diabré, président de l’UPC.

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Premier anniversaire de la victoire remportée par le peuple burkinabè sur les putschistes Diendéré, Bassolé et consorts : Les Comités de défense des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP) veulent une commémoration à la hauteur de l'événement.

La Coordination des Comités de défense des acquis de l’insurrection populaire de la ville de Ouagadougou a animé, le 6 septembre 2016 au Centre national de presse Norbert Zongo, un point de presse. Objectif : informer l’opinion publique de la commémoration du 1er anniversaire de la résistance populaire victorieuse contre le putsch de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Cette activité marque le point de départ d’une série d’activités.

Pour le porte-parole de la coordination des Comités de défense des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP) de la ville de Ouagadougou, Yacouba Kientéga, qui a animé la conférence, le pouvoir en place a trahi les idéaux de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et de la résistance populaire du 15 septembre 2015. « Deux ans après, il n’y a pas eu la moindre justice pour ceux qui sont tombés au cours de l’insurrection populaire et une année après il n’y a eu aucune justice également pour ceux qui sont tombés au cours de la résistance populaire », a d’emblée expliqué Yacouba Kientéga. Aussi a-t-il rappelé que nombre de personnes qui avaient été arrêtées et détenues sous la pression populaire sont remises en liberté. Et pour libérer ceux sur qui pèsent des soupçons de crimes de sang, a-t-il poursuivi, la justice prend tout son temps, traine les pieds, évoque sans cesse le manque de moyens quand il s’agit de rendre justice aux enfants du peuple.

Cette reculade du pouvoir actuel devant la soif de la justice exprimée par le peuple à travers l’insurrection semble, de l’avis du porte-parole, obéir à l’adage selon lequel « on ne scie pas la branche sur laquelle l’on est soi-même assis ». Néanmoins, il est persuadé que « le peuple héroïque » ne se laissera pas distraire et duper. Mieux, il se battra pour que tous, anciens comme nouveaux-anciens dirigeants, répondent de leurs actes devant la justice. « Au lieu de faire la manche, le garibou selon l’UPC, auprès de dictateurs et de protecteurs de dictateurs pour, disent-ils, avoir de l’argent frais afin de relancer l’économie, le MPP et ses alliés doivent pouvoir plutôt procéder au jugement des nombreux dossiers de crimes économiques et récupérer l’argent volé au peuple par les dignitaires du pouvoir déchu et leurs amis », a-t-il recommandé.

Et des attentes des insurgés s’évanouissent…

Il n’y a pas que cela ! Sur le plan économique également, le conférencier a affirmé que la plupart de ceux qui sont au niveau dudit secteur croupissent et ont des difficultés pour pouvoir s’en sortir. Toute chose qui conduit à des licenciements aggravant du coup la misère des populations. « Aussi, lorsqu’on prend la situation sécuritaire, vous voyez comment c’est très difficile. Et en même temps le pouvoir en place n’apporte aucune solution. Or nous pensons qu’à travers l’insurrection le peuple a démontré sa capacité à contribuer à la gestion du pouvoir (…) », a-t-il renchéri.
Pour lui, un peuple insurgé ne peut et ne doit devenir, moins de deux ans après, un peuple mendiant. C’est pourtant, a concédé M. Kientéga, cette image du peuple burkinabè que véhicule actuellement le pouvoir en place à travers sa diplomatie. « Cette orientation politique du pouvoir actuel, avec l’aide de ses amis d’ici et d’ailleurs, vise à faire regretter au peuple burkinabè son insurrection et sa résistance héroïque », a-t-il soutenu. Raison pour laquelle, il a crié à la trahison. « Il s’agit d’une trahison de l’esprit de l’insurrection et de remise en cause des principaux acquis, notamment les perspectives de souveraineté, d’indépendance, de liberté et de justice sociale », a-t-il martelé.

Une invite à la mobilisation

Face à une telle situation, le porte-parole est convaincu que la seule alternative est la poursuite de la lutte pour l’achèvement de la révolution qui apportera le véritable changement en faveur du peuple. Et la coordination des CDAIP de la ville de Ouagadougou et des environs de lancer un appel au peuple de Ouagadougou à se mobiliser pour commémorer avec succès le 1er anniversaire de la résistance populaire au putsch. Aussi, elles l’invite à participer aux différentes activités qui seront organisées dans les arrondissements, secteurs, quartiers et Yaars de la capitale.

A la question de savoir quelle est leur position par rapport au projet de « conférence des insurgés », M. Kientéga a rétorqué qu’ils n’ont rien contre cette conférence. « Mais on pense que si elle doit avoir lieu, il faut qu’il y ait des objectifs clairs, qu’on sache ce qu’on veut faire à travers cette conférence (…) », a-t-il dit. Et de conclure : « Nous n’avons pas encore été contactés. Le moment venu, on pourra donner notre point de vue là-dessus ».

Rappelons que les CDAIP sont nés sur les barricades, dans un élan de fraternité et de solidarité entre les insurgés qui ont réagi de manière patriotique et révolutionnaire à la tentative du putsch de l’Ex-RSP du général Diendéré. Ils sont organisés dans les quartiers, les secteurs et les arrondissements. En tant qu’organisations populaires, ils poursuivent leur implantation en vue d’assurer la veille citoyenne, de garder vive la flamme de l’insurrection en défendant ses acquis, etc.

Aïssata Laure G. Sidibé

Source : Lefaso.net 7 septembre 2016