– Je t'aime. – Moi non plus. |
Nouveau secrétariat général, nouvelle organisation, plan de campagne pour
le référendum et les législatives… À l'approche de son congrès, prévu fin mai,
la direction du FPI a pris des mesures radicales afin de rabattre le caquet des
frondeurs.
Cinquante mètres seulement séparent
l’ancien QG de Laurent Gbagbo du nouveau siège du Front populaire ivoirien
(FPI), à Abidjan. Situé dans une impasse d’Attoban, au cœur de Cocody, le
premier a gardé les souvenirs des grandes victoires des années 2000, mais porte
aussi les stigmates des violences de la crise postélectorale de 2010-2011.
L’ancien leader charismatique, Laurent Gbagbo, au travers des portraits écornés
qui le représentent, y est omniprésent.
Derrière sa façade fraîchement repeinte en
bleu, la maison qui accueille désormais la permanence du parti est quant à elle
presque vide. Là, ce sont les affiches de Pascal Affi N’Guessan, patron du FPI
et candidat à la présidentielle de décembre 2015, qui ont été placardées à la
hâte sur les murs, comme pour atténuer l’écho et faire oublier le peu
d’animation.
Le FPI y a emménagé en mars, après avoir
quitté en catimini le « QG Laurent Gbagbo », dont Nady Bamba, seconde épouse de
l’ancien président, réclamait la propriété depuis un an. Bien que cette
dernière ait été déboutée de sa plainte le 4 avril, la direction du parti
semble pour le moment vouloir rester dans ses nouveaux quartiers. Un scénario
digne de celui d’un couple qui se déchire…
«
C’est un nouveau départ, on recommence de zéro », sourit Augustin Kouadio
Komoé, l’une des chevilles ouvrières de la renaissance du premier parti
d’opposition et désormais principal conseiller de Pascal Affi N’Guessan. Sur sa
table de travail, un stylo, un ordinateur, un téléphone portable. Un
environnement minimaliste pour ce juriste pragmatique et efficace, trois fois
ministre, qui fut le chef de cabinet de Laurent Gbagbo durant la période
clandestine des années 1980. « Le premier
slogan de Gbagbo était "asseyons-nous et discutons". Nous n’avons pas
changé de discours », poursuit Augustin Kouadio.
Pourtant, face à la radicalisation de ceux
qui, depuis fin 2014, mènent la fronde au sein du parti et contestent la
légitimité de son président, le FPI a pris des décisions radicales. Le 2 mars,
la dizaine de meneurs pro-Gbagbo, au premier rang desquels Aboudramane Sangaré
et Laurent Akoun, ont été remerciés de la direction, mais restent membres du
parti. « Nous ne leur fermons pas la
porte, souligne Augustin Kouadio. Ils doivent cependant accepter d’avancer avec
nous. »
Après cette remise à l’heure des pendules
et à quelques mois des législatives, la consigne est de retourner au contact
des militants. Car si le résultat de son candidat à la présidentielle de 2015 a
quelque peu déçu (9 %), il est suffisant pour que le FPI revendique le
leadership de l’opposition et tente de séduire « tous les laissés-pour-compte de la croissance à deux chiffres ! »,
ironise Pascal Affi N’Guessan.
Ce dernier a d’ailleurs commencé à mener
campagne dans sa région natale de Moronou, et vingt-huit vice-présidents
régionaux ont été nommés pour en faire de même à travers tout le pays.
Tandis que les uns se disputent, les autres croupissent... |
Pour ratisser large, un homme joue un rôle clé à la direction du parti : Konaté
Navigué. Dans son nouveau bureau, il est le seul à avoir affiché le portrait de
son idole de toujours, Laurent Gbagbo, et celui de son nouveau patron, « Affi
». « Je suis la caution Gbagbo au sein du
nouveau FPI et je l’assume, affirme-t-il. J’ai été fidèle pendant dix ans au
président [Gbagbo], et c’est moi qui dois convaincre les brebis égarées de
revenir vers nous. Nos futurs députés représenteront toutes les tendances de
nos militants. »
Nommé début
mars secrétaire général adjoint chargé du dialogue politique et de la
réconciliation, l’ancien patriote, responsable de la jeunesse au FPI et proche
de Charles Blé Goudé, assume en effet son allégeance à la nouvelle direction,
tout en conservant des liens avec les frondeurs.
« Faux !, rétorque l’un des
principaux intéressés, Laurent Akoun. Aboudramane Sangaré et moi-même n’avons
plus aucun contact avec les "Affinités" [les proches d’Affi]. Pascal
Affi N’Guessan aime faire courir le bruit que nous sommes en contact, mais il
n’en est rien. Ces gens ne font plus partie du FPI. » Car pour lui, à l’image des deux
maisons bleues d’Attoban, il existe désormais deux FPI : le sien, fidèle au
leader exilé, et « l’autre », celui d’Affi N’Guessan, reconnu par les
autorités.
Un procès
est actuellement en cours pour interdire aux frondeurs d’utiliser la marque FPI
(lire pp. 85-86). « Cette guéguerre
interne n’honore ni la mémoire des victimes de la crise ni celle de Laurent
Gbagbo, emprisonné à La Haye », déplore Kouadio Konan Bertin (KKB). Le
dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), candidat à la dernière
présidentielle, se dit en revanche prêt à participer au prochain congrès du FPI
et, pourquoi pas, à travailler à la création d’une coalition de l’opposition.
De son côté, le FPI n’exclut pas de présenter aux
législatives des candidats communs de l’opposition, avec tous les déçus du
PDCI, voire du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), même
si cela s’annonce plus difficile. « Nous
sommes unis, ils sont divisés ; nous avons un projet, ils n’en ont toujours
pas. Ça ne peut que nous arranger », rétorque Joël N’Guessan, le
porte-parole du RDR.
François-Xavier Freland (in Jeune Afrique 10 mai 2016)
(*)-Titre original : « FPI. Divorce à l’ivoirienne »
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que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source : La
Dépêche d'Abidjan 12 Mai 2016
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