mardi 3 mai 2016

AUCUN TÉMOIN À CHARGE DANS "LE PROCÈS DE LA HONTE" NE SERA JAMAIS MON HÉROS

L'accusation et son drôle de témoin

Le "procès de la honte" engagé contre le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé reprend le lundi 9 mai prochain à La Haye par la poursuite de l'audition des témoins à charge, c'est-à-dire les témoins de l'accusation représentée par le Procureur. On en sera au sixième, après quatre militants RHDP et un membre de l'ex-LMP, l'inénarrable Sam Jichi dit L'Africain. 
On se souvient encore des sentiments divers auxquels a donné lieu l'audition de ce dernier qui, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, était devenu pour certains de notre camp un héros, celui grâce auquel seront libérés les illustre accusés. Maintenant que l'intéressé lui-même, tel un varan, est en train de détruire "par sa queue ce qu'il semblait avoir construit par ses pattes", et avant l’audition du prochain témoin, il me semble à propos d'affirmer que, pour ce qui me concerne, aucun témoin à charge ne sera jamais mon héros, quel qu'il soit et quel que soit sa prestation lors du procès. En voici les quatre (4) raisons principales:
I - CE PROCÈS N’EST PAS UN JEU
Pour ceux qui l’auraient oublié, il faut rappeler que ce qui se passe à La Haye n’est pas un jeu. Il s’agit d’un vrai procès, où deux personnes faites de chair, d’os et de sang, deux hommes politiques en qui nous nous reconnaissons et en qui nous croyons, sont accusés des pires crimes, de crimes contre l’humanité. Ils sont accusés d’avoir mené des attaques généralisées et systématiques contre des populations civiles.
Pour ce faire, l’accusation s’appuie principalement sur les faits suivants: attaques liées aux manifestations devant le siège de la RTI (du 16 au 19 décembre 2010), attaque sur Yopougon, 25-28 février 2011 (Blé Goudé), attaque lancée lors de la manifestation de femmes à Abobo (3 mars 2011), bombardement du marché d’Abobo et environs (17 mars 2011) et attaque sur Yopougon (le ou vers le 12 avril 2011).
Pour établir la responsabilité du Président Laurent Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé, l’accusation s’appuie sur les prétentions suivantes qu’elle doit prouver, principalement par ses témoins, ceux du procureur, c’est-à-dire les témoins à charge:
• existence d’un plan commun entre le président Gbagbo, Blé Goudé et les autres membres de l’entourage du président Gbagbo (dont Blé Goudé); 
• les forces pro-Gbagbo forment un appareil du pouvoir, organisé et hiérarchisé et dont le contrôle est exercé conjointement par Gbagbo et son entourage immédiat, 
• la contribution coordonnée par Gbagbo et son entourage immédiat (dont Blé Goudé) ayant abouti à la commission des crimes, 
• l’exécution des crimes a été rendue possible grâce à l’obéissance quasi aveugle aux ordres de Gbagbo et de son entourage immédiat (dont Blé Goudé) par les forces acquises à leur cause. 
Il faut bien se rendre compte que tout ceci n’est pas un jeu car si au terme du procès, l’accusation arrivait à convaincre la Cour, nos deux leaders risquent de très lourdes peines privatives de liberté. Dans ces conditions, aucun témoin de l’accusation ne saurait être mon héros.
II - EST TÉMOIN A CHARGE CELUI QUI A CHOISI LE CAMP DE L’ACCUSATION CONTRE CELUI DES ACCUSÉS
Dans ce procès comme généralement, il n’y a que trois (3) camps : celui des observateurs neutres, celui de l’accusation, c’est-à-dire celui de ceux qui veulent la condamnation des accusés et celui de la défense, c’est-à-dire de ceux qui veulent leur acquittement et donc leur libération. Or, par définition, tout témoin à charge a choisi librement le camp de l’accusation. 
Non, en aucune façon, et quel que soit le contenu de ses auditions, aucun témoin à charge contre le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé ne saurait devenir mon héros.
III - EST TÉMOIN A CHARGE CELUI QUI MAINTIENT SON CHOIX ET VIENT EFFECTIVEMENT TÉMOIGNER CONTRE LAURENT GBAGBO ET CHARLES BLÉ GOUDÉ
Depuis le début de ce procès, certaines indiscrétions et certaines rumeurs font savoir régulièrement que des personnes célèbres figurent sur la liste des témoins du procureur. Certaines ont fait des déclarations publiques (Gervais Coulibaly, Joël Nguessan) pour affirmer qu’ils ne témoigneront jamais contre le Président Laurent Gbagbo. On verra bien le moment venu. Par ailleurs, il faut rappeler que dans le dossier du même procureur contre le président Uhuru Kenyatta et son Vice-Président, l’absence ou le désistement des témoins listés par le procureur a mis fin aux poursuites. Cela prouve bien qu’on ne témoigne jamais contre son gré et que ce sont bien les déclarations des uns et des autres, notamment à la Pergola, qui ont rendu ce procès possible. Dans ces conditions, aucun témoin à charge contre le président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé ne sera jamais mon héros, quel que soit le résultat de sa prestation lors du procès.
IV - CE SERAIT UNE GRAVE INSULTE AUX AVOCATS DE LA DÉFENSE, A TOUTES LES VICTIMES DE CETTE CRISE ET A TOUS CEUX QUI CONTINUENT DE LUTTER POUR LA LIBÉRATION DES ACCUSÉS
Selon certains témoins à charge et leurs défenseurs, ils n’auraient pas eu le choix de changer de camp, devant la barbarie des rebelles et la puissance de la machine politico-judiciaire des vainqueurs du 11 avril 2011. C’est souvent qu’on entend : “mets-toi à leur place. Qu’aurais-tu fait ?”. Franchement, je préfère rester à ma place et les laisser à la leur, comme du temps du pouvoir et de ses avantages. En réalité, je ne sais pas si j’aurais mieux fait qu’eux ou fait différemment. Ce qui est pourtant constant et incontestable, c’est que beaucoup de ceux qui étaient à la même place qu’eux ne sont pas devenus des témoins à charge contre la main qui les a nourris et contre leur propre camp. D’autres généraux, officiers supérieurs ou subalternes, simples sous-officiers, soldats ou civils, membres ou non de la galaxie patriotique, qui étaient à la même place qu’eux sont soit morts, soit en exil, soit en prison, soit, au pays ou à l'étranger, en train de continuer le combat pour une Côte d'Ivoire libre te souveraine, malgré les difficultés réelles. Ce sont ceux-là mes vrais héros.
Alors, ceux qui ont choisi de devenir des témoins à charge contre leur propre camp ne méritent pas de devenir mes héros, quel que soit leur prestation au procès, même s’ils devaient “marquer contre leur nouveau camp”. Autrement, ce serait comme si, dans un match de finale de coupe d’Afrique contre le Bénin, Stéphane Sessegnon, sous la pression des éléphants, provoquait un penalty transformé par Gervinho et marquait ensuite contre son camp (le Bénin). De vous à moi, même dans ces conditions, pourquoi Stéphane Sessegnon, l’ivoirien qui a choisi le Bénin deviendrait-il mon héros ?
Non, définitivement, aucun témoin à charge ne sera jamais mon héros dans ce procès contre le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé.
Ambroise Gnahoua, Représentant du FPI au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et au Cap-Vert.


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Source : Journal de Bally Ferro 3 mai 2016

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