« Les Africains ont une culture qui est particulière. La
personnalisation du pouvoir est un phénomène naturel en Afrique. Cela va
jusqu’à la personnification dans certains cas. Le repli identitaire sur une
personnalité charismatique, voire démiurgique, est quelque chose qui est ancré
dans nos traditions. Est-ce que c’est positif, est ce que c’est négatif ? Il
faut voir à l’usage. C’est comme la lecture qu’on peut faire sur les régimes
politiques : n’y a-t-il de régime valable que démocratique ? Ce sont des
questions qu’on peut interroger valablement. Comme l’a dit un auteur, la
démocratie n’est pas le meilleur des régimes, mais le moins pire. Lorsque tout
le monde est appelé à donner son opinion et compétir, c’est quand même
préférable que lorsqu’un seul ou quelques-uns seulement le font. De ce point de
vue, la démocratie est supérieure à tous les systèmes oligarchiques ou
aristocratiques et, certainement, supérieure à la tyrannie, parce qu’il y a là,
une capacité de régulation plus puissante que dans tout autre système. Quand un
seul dirige, ça peut aller plus vite, c’est vrai, parce que, donner à la
multitude, la capacité de juger de choses complexes, comporte une contrainte
majeure : le niveau de conscience. Car, comme
l’a dit ironiquement Descartes, le bon sens est la chose la moins bien
partagée. Et cela, pour des raisons purement biologiques et certainement
naturelles. On n’est pas né tous avec les mêmes potentiels. Et lorsque les
gènes n’ont pas sélectionné, c’est l’éducation, voire la vie tout court, qui
sélectionne, selon la masse d’informations que l’on arrive à intégrer en
fonction de ses capacités. C’est ce qui fait que votre façon d’agir n’est pas
la même que celle de votre voisin. Il peut donc se produire qu’un système
oligarchique soit plus efficace qu’un système démocratique. Mais je pense que
le monde, en ce début de siècle, a au moins révélé une chose, c’est la vanité
des systèmes. Les batailles et autres déclarations qui ont eu lieu autour de
ces systèmes se sont ramenés à l’unité et on a bien vu que ce qui est
important, c’est le produit final : la cohésion est-elle maintenue, est-ce que
nous répondons efficacement aux défis qui sont les nôtres ? Finalement, les
systèmes ne sont donc valorisés que par rapport à un produit final, à mon avis.
Et c’est lorsque un système donné ne produit pas le produit final recherché,
qu’on peut légitimement le contester. Autrement dit, toutes les contestations
sont valables à condition qu’elles s’inscrivent dans la perspective d’un
meilleur résultat. Il y a un moment, dans la vie d’un parti, qu’un chef fort
peut être nécessaire. C’est le cas lorsque qu’il s’agit d’aller vite ou lorsque
vous avez un adversaire coriace et que vous n’avez pas le temps nécessaire des
délibérations, ou lorsqu’il n’est peut-être pas utile. Je n’ai donc pas d’idées
arrêtées, sauf que je considère que la démocratie doit être toujours un
recours. C’est pour cela que le seul système valable aujourd’hui, pour les
pays, comme pour les partis politiques, c’est la démocratie, mais aménagée de
manière à être efficace. »
(Propos
recueillis par Benoit Hili - Le Nouveau Réveil du 30 octobre 2013. Source :
La Dépêche d'Abidjan 14 Novembre 2013)
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COMMENTAIRE
« …comme l’a dit
ironiquement Descartes, le bon sens est la chose la moins bien partagée » ?
Avec tout le
respect dû à un personnage de son importance, on a le regret de rappeler à
Kabran Appiah que, « ironiquement » ou non, Descartes ne l’a pas tout
à fait dit comme cela, mais comme ceci : « Le bon sens est la chose
du monde la mieux partagée » ! Il est vrai qu’à force de lire
les élucubrations de cet illustre universitaire et homme d’Etat, on est parfois
enclin à se demander si l’auteur du « Discours de la
méthode » n’a pas eu bien tort…
La
Rédaction
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