François Hollande, au nom de la France, prit la parole lors de la 67ème session annuelle de l'Assemblée générale de l'ONU le jour de son ouverture, le mardi 25 septembre 2012, demandant entre autres choses un mandat international pour une intervention militaire étrangère au Mali, dont le Nord du pays est occupé par des rebelles. Il qualifia d'« insupportable, inadmissible, inacceptable » l'occupation du vaste territoire du Nord malien « par des groupes terroristes » en annonçant que la France soutiendra toutes les initiatives qui seront prises par les Africains.
Pour rappel, la France de M. Chirac et de M. Sarkozy ne trouvait pas insupportable, inadmissible ni inacceptable l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles sanguinaires, putschistes ratés, depuis septembre 2002 et cela jusqu'à avril 2011, car ces rebelles soutenaient l'homme adoubé par Paris, l'ancien fonctionnaire du FMI Alassane Dramane Ouattara (ADO), aujourd'hui hissé au pouvoir en Côte d'Ivoire. Et droites et gauches françaises se donnaient la main durant cette période dans une union sacrée assurant cette collusion où J. Chirac et N. Sarkozy assuraient un soutien militaire français aux rebelles pour agresser l’Etat ivoirien. Ici la France soutient des rebelles, là-bas elle fait la guerre pour les combattre. Allez comprendre ! Les rebelles semblent bons s'ils sont en Côte d'Ivoire, en Libye ou en Syrie, à un moment donné et contre l'ennemi désigné des intérêts occidentaux (réel ou supposé). La géométrie variable est bien visible. La ficelle est grossière.
La France s'immisce à présent de façon aiguë et accélérée au Mali. Le néocolonialisme décomplexé se manifeste une fois de plus. L'ingérence politique et « diplomatique » devient ouvertement militaire. La crise interne, politique et militaire, au Mali veut être résolue militairement par la seule France et ses alliés africains, ses anciennes colonies ouest africaines. Dans un élan désintéressé ?
Les origines d'une crise sans précédents : Touareg et islamistes contre le Mali
Cette crise au Mali est due aux rébellions, sécessionnistes et/ou fondamentalistes, touareg ou islamistes, qui réussirent à attaquer, occuper et contrôler le Nord du pays avec ses villes principales, Gao, Kidal, Tessalit et la légendaire Tombouctou, depuis janvier 2012. Ceci provoqua un putsch fin mars 2012 pour déposer du pouvoir le général Amadou Toumani Touré, dit « ATT », impuissant et visiblement incompétent, président élu, lors de son élection contestée fin avril 2007 (comme lors de sa première élection, en mai 2002), et en fin de mandat car une élection présidentielle était prévue pour le 29 avril 2012. Le coup d’Etat fut populaire, et eut un fort soutien politique et citoyen exprimé publiquement. Une description fine, avec une tentative d'analyse pertinente, ultérieure, devrait aborder le richissime sujet d'actions et réactions au Mali face au « pronunciamiento » militaire, des partis, mouvements politiques, syndicats, associations, communautés, musulmans non intégristes, soutiens et opposants des jeunes officiers révoltés, et des consensus et clivages.
Faut-il rappeler que la déstabilisation du Sahel, de toute la bande sahélo-saharienne, donc du Nord du Mali à présent occupé par des rebelles, est l'une des conséquences directes de la guerre de l'OTAN contre la Libye, dont la France de N. Sarkozy fut l'initiatrice ? Ce conflit provoqua la prolifération et le renforcement des bandes armées djihadistes et, à la chute du régime libyen et après l'exécution de Mouammar Kadhafi, la débandade de l'armée libyenne et la dissémination accélérée d'armes de tout genre et d'hommes armés dans le Sahel. Parmi les Touareg rebelles et les islamistes au Mali il y a des vétérans de la guerre en Libye de 2011.
Après les offensives rebelles de janvier 2012 et la chute de tout le Nord du pays suite au retrait de l'armée malienne au mois d'avril dernier, à présent les mouvances islamistes chercheraient, avec les crimes commis au nom de la charia et une lente poussée vers le Sud-Ouest, l'affrontement afin de galvaniser et d'unifier les groupes djihadistes probablement pour internationaliser le conflit dans le but d'« afghaniser » la région. Le MLNA touareg ayant été à l'heure actuelle largement submergé par les groupes islamistes.
L'arroseur arrosé ? Qui tire les ficelles occultes de ces mouvances ?
L'offensive du MLNA permettait à ses parrains un scénario d'eaux troubles où l'ingérence politique et militaire étrangère était autant cause que conséquence. Certains avancent les thèses bien plausibles et démontrables, de l'implication française – sarkozyste – ainsi que des burkinabés (Blaise Comparé ayant offert son pays comme base arrière) avec le MNLA, qui a pignon sur rue à Paris avec un siège qui agit ouvertement, sans entraves. D'autres spéculent sur l'implication et accointances du Qatar – voire de quelques services algériens – avec des islamistes. Le « médiateur » Compaoré veut inclure le Qatar dans la table des négociations ! Les pompiers pyromanes n'ont pas de scrupules. Les hommes de paille et agents doubles semblent être partout. Et l'intoxication, la désinformation, reste une efficace arme de guerre.
Une junte militaire prit le pouvoir le 22 mars 2012 à Bamako. Des jeunes militaires ayant formé un « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat » (CNRDRE) avec le capitaine Amadou Haya Sanogo à sa tête. Sous pression de la France, par l'entremise de la CEDEAO (Communauté Économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) représentée par le burkinabé Blaise Compaoré, le CNRDRE céda le pouvoir le 12 avril 2012 à Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale qui nomma le 17 avril Cheick Modibo Diarra au poste de premier ministre intérimaire. Tout cela eut lieu après que l’Etat malien soit frappé d'un embargo total et que des sanctions politiques et économiques lourdes soient décidées par la CEDEAO, la France, l'Union Africaine et l'Union Européenne. Des élections présidentielles auraient dû avoir lieu pour que M. Traoré, président intérimaire, transfère le pouvoir à un président élu lors d'un scrutin régulier après la période de transition allant de trois semaines à quarante jours tel que le prévoyait la constitution malienne. Mais le mandat intérimaire de quarante jours de D. Traoré fut prolongé pour une période d'un an de plus par Ouagadougou et entériné par la CEDEAO.
Rappelons qu'« ATT » fut déposé par les jeunes officiers d'une armée malienne qui lui reprochaient son incompétence, son incurie et le manque de moyens pour lutter contre les rebelles touareg et islamistes au Nord du pays. Suite au coup d’Etat, l'embargo organisé par le couple France-CEDEAO empêcha l'armée malienne d'avoir des nouvelles armes, matériel militaire et munitions importées, pour lutter contre les rebelles sécessionnistes. Et la conquête rebelle de territoires du Nord put ainsi s'élargir et se consolider au mois d'avril dernier. La junte céda le pouvoir rapidement mais l'embargo continue encore aujourd'hui. A Bamako les Maliens ont déjà vivement manifesté leur mécontentement et impatience, comme le 21 mai dernier lorsque ils manifestèrent contre Dioncounda Traoré. Ce dernier fut alors blessé.
Le rôle néfaste de la CEDEAO, efficace instrument français.
La CEDEAO, avec la France, organise activement l'impuissance de l'armée malienne pour mieux justifier l'envoi d'un corps expéditionnaire formé surtout d'un noyau ivoiro-burkinabé. Dans le port de Conakry, en Guinée, le matériel militaire destiné à l'armée malienne reste bloqué encore aujourd'hui et cela depuis des mois.
L'ingérence française dans le conflit interne malien se concrétise avec le « consentement » de la victime, à savoir le propre Mali, car le président intérimaire malien a demandé le lundi 24 septembre au secrétaire général de l'ONU une intervention militaire étrangère. Etonnamment c'est le ministre français L. Fabius qui annonce cela à New York, à savoir que M. Traoré a demandé à Ban Ki-moon, une résolution du Conseil de sécurité autorisant « l'intervention d'une force militaire internationale afin d'aider l'armée malienne à reconquérir les régions du Nord occupées » en rajoutant que le « Mali souhaite la présence immédiate de cette force ».(8) Mais ce n'est peut-être pas exactement si consenti que ça. Faut se demander si ce « consentement » est totalement libre et complètement éclairé. Pour preuve, le journal Le Monde dit dans son article sur le sujet daté du mardi 25 septembre « Dimanche [24 septembre], le Mali a finalement cédé à la pression de la Cédéao qui, depuis des mois, soutient le principe d'une intervention militaire au Nord du Mali ».(9)
Faut se demander aussi si ceux qui ont demandé cette intervention sont légitimes et mandatés pour cela. Au Mali, Cheick Modibo Diarra (ayant une double nationalité, malienne et états-unienne) est le premier ministre d'un régime non issu des urnes. Et Dioncounda Traoré est un président intérimaire imposé aux Maliens par Ouagadougou. Il fut imposé par une France interventionniste ayant mandaté pour cela le peu démocrate militaire burkinabé Blaise Compaoré, ancien putschiste, au pouvoir dans son pays depuis vingt cinq ans.
Dans le meilleur des cas D. Traoré et C. M. Diarra sont, soit des mannequins ventriloques forcés, portant la parole de Paris, soit victimes d'une naïveté sidérante. Dans le pire de cas ils sont complices et activement partisans pro-français, françafricains, bradant la souveraineté malienne, si petite soit-elle, manquant ainsi à leur devoir de défense de la souveraineté de l’Etat et du peuple maliens. C'est une affaire dans l'affaire. Un coup de force, un coup d’Etat en douce, à retardement, opéré, gagné pour l'instant sur le tapis vert d'une table lointaine, entre Ouagadougou, Paris et New York.
Ce n'est pas un jeu de pions ? Ce n'est pas un jeu de dupes ? Il est notoire que Paris – le président F. Hollande et le ministre des affaires étrangères L. Fabius – a pressé Bamako – Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra – pour qu'il demande ouvertement une intervention militaire étrangère sur le sol malien. Et Paris se presse pour dire que ce n'est pas l'armée française qu'y interviendra mais un corps expéditionnaire africain de la CEDEAO. La France assurant bien sûr les moyens financiers, le renseignement, les armes et la logistique.
Comme l'OEA – Organisation des Etats Américains – qui fut des décennies durant le masque interventionniste des Etats-Unis en Amérique Latine, la CEDEAO est l'un de pseudonymes de la France en Afrique. Elle est l'instrument de blanchiment et de légitimation des décisions politiques, économiques et militaires françaises destinées à l'ensemble de la région, de l'Afrique de l'Ouest, et à l'égard de chaque pays qui s’y trouve, exception faite du Ghana et du Nigeria, de la sphère anglophone où les Britanniques « ont la main ». C'est une chambre d'enregistrement des desseins et impératifs de la métropole néocoloniale française concernant ses anciennes colonies ouest africaines. La banque centrale de l'union monétaire de la CEDEAO, l'UEMOA, à savoir la BCEAO, est contrôlée par la Banque de France ! Et la monnaie, le franc CFA, signifiait franc des « Colonies françaises d'Afrique », terme devenu « Communauté financière africaine », plus politiquement correct.
Le cas « édifiant » de la Côte d'Ivoire et sa guerre de neuf ans. Chirac et Sarkozy réinventent « la coloniale »
Dans l'incroyable guerre – souterraine puis ouverte – déclarée contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo par la France depuis le 18 septembre 2002, lors d'une tentative ratée de putsch suivie de l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles partisans d’Alassane Ouattara, choyés et sanctuarisés par l'armée française, la CEDEAO joua dès le début le rôle de relais de la France pour tenter de mettre à bas le président élu, L. Gbagbo, et in fine asseoir sur le fauteuil présidentiel Alassane Ouattara, l'homme du FMI. Ils réussirent cela seulement neuf longues années après, moyennant d'énormes souffrances du peuple ivoirien et suite à quatre mois et demi de guerre intense, décembre 2010-avril 2011, avec à la fin de cette période encore plus de souffrances, de massacres généralisés, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis par les forces rebelles déferlant vers le Sud du pays qui était resté sous contrôle de l’Etat ivoirien. Le président Gbagbo se faisant arrêter par des soldats français dans la résidence présidentielle d'Abidjan le 11 avril 2011. Séquestré puis emprisonné illégalement pendant des longs mois dans le Nord de son propre pays, L. Gbagbo est aujourd'hui consigné, en prison, à la Cour Pénale Internationale à La Haye où son statut de prisonnier politique devrait lui être reconnu un jour.
Pour couvrir ses agissements contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo depuis le 18 septembre 2002, la France mobilisa la CEDEAO, l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU. Elle fit signer de force les plus hauts responsables de l’Etat ivoirien à Paris des pseudo-accords politiques en janvier 2003 (Linas-Marcoussis/Kléber) où la rébellion pro Ouattara non seulement était blanchie mais même récompensée. Jacques Chirac et Dominique de Villepin nommaient les ministres ivoiriens à l’Elysée et au quai d'Orsay ! La France fit voter plusieurs mandats onusiens par le Conseil de sécurité pour couvrir ses agissements militaires, dont l'envoi d'un corps expéditionnaire, l'opération « Licorne » d'octobre 2002 devenue ensuite « Force Licorne », élargissant amplement sa présence militaire sur le sol ivoirien au-delà de sa base militaire d'Abidjan-Port-Bouët, le 43ème BIMA. Elle fit aussi créer une mission militaire onusienne spéciale, l'ONUCI, déployée en avril 2004, composée de casques bleus et d'autres policiers et fonctionnaires civils. Le tout visant à grignoter et à anéantir ce qui restait de la souveraineté de l’Etat ivoirien. Visant aussi à acculer le gouvernement légal dans le Sud du pays, en sanctuarisant tout le Nord ivoirien occupé par les rebelles pro-Ouattara qui y régnaient et sévissaient en toute impunité. La mise sous tutelle d'un Etat souverain, avec intervention militaire étrangère directe, sous mandat onusien obtenu par l'ancienne puissance coloniale, pour obtenir in fine un changement de régime, voilà ce que fut le plan accompli de la France depuis septembre 2002 en Côte d'Ivoire. L'objectif était de mettre au pouvoir celui qui était l'adoubé de Paris, M. Ouattara, un riche homme d'affaires et ex-fonctionnaire du FMI, ami et relais françafricain de J. Chirac, de N. Sarkozy et de milliardaires français.
Le rappel et le parallèle que nous faisons avec le drame ivoirien des dix dernières années, qui est loin d'être fini avec la sanglante accession au pouvoir d’Alassane Ouattara en avril 2011, nous semble pertinent dans la mesure où existe et se reproduit un schéma de mise sous tutelle, une recolonisation masquée, d’Etats indépendants mais affaiblis du Sud, surtout en Afrique, commise par les anciennes puissances coloniales, les Etats-Unis et ses alliés, avec la compromission d'organisations régionales inter-étatiques vassalisées et du Conseil de sécurité de l'ONU. Le cas de la Côte d'Ivoire se rajoute au cas d'Haïti où en février 2004 un véritable coup d’Etat militaire franco-étasunien fut commis pour déposer du pouvoir et envoyer à l'exil le président élu Jean-Bertrand Aristide.
Le Mali d'aujourd'hui est la nouvelle victime désignée des ingérences néocoloniales de la France. Droites et gauches françaises se passent le témoin dans cette politique transversale d'ingérences et d'immixtions grossières ou subtiles, qui s'opère notamment contre les anciennes possessions coloniales françaises d'Afrique. Le principal pion de la Françafrique en Côte d'Ivoire à présent, Alassane Ouattara, est l'un des personnages les plus agités de la sous-région pour envoyer ses troupes au Mali. Blaise Compaoré, militaire, président du Burkina Faso depuis octobre 1987 à la suite d'un putsch et de l'assassinat du président Thomas Sankara, est le « médiateur » imposé par la CEDEAO, donc par la France, pour « gérer » la crise malienne. Cela ne s'invente pas. Il est aussi pressé que Ouattara pour envoyer des troupes burkinabés
La France fait la guerre ou paye. Or, qui paye commande.
M. Ouattara fut reçu à l’Elysée le 26 juillet 2012. A la fin de l'entretien M. Hollande annonça que la France accordait à la Côte d'Ivoire l'effacement de sa dette publique envers l’Etat français, à savoir un montant de plus de trois milliards d'euros ! Le richissime homme d'affaires Ouattara obtint pour son régime ce cadeau au titre de la procédure dite PPTE, pour « pays pauvre très endetté ». Son régime n'a pas les moyens pour payer la dette souveraine ivoirienne envers la France mais à une ambition inébranlable pour envoyer des milliers de ses militaires, ses anciens rebelles, au Mali. Sous prétexte de lutter contre une rébellion et réunifier le Mali.
De qui se moque-t-on ? Du contribuable français. Car c'est lui qui devra payer les générosités de M. Hollande et les aventures militaires de la Françafrique. Et il payera double. Trois milliards d'euros donnés en cadeau par François Hollande à Ouattara, à la tête d'un régime tyrannique et archicorrompu, où les droits de l'homme sont piétinés tous les jours. L'aventure guerrière en perspective de Ouattara et Compaoré, co-titulaires de la CEDEAO, sur le territoire du Mali, avec leurs soldatesques surtout avides de toucher des soldes exceptionnelles et des primes, sera payée par Paris.
Au moment où le gouvernement français annonce un projet de budget 2013 avec une hausse d'impôts et de taxes de dix milliards d'euros pour les ménages et autant pour les entreprises, qui se rajoutent à d'autres dix milliards d'euros de baisse du budget des ministères, en somme trente milliards d'euros « d'effort budgétaire », François Hollande décide du renoncement des créances de l’Etat français et s'engage au financement d'une expédition militaire ivoiro-burkinabée. L'aventure sera payée par le contribuable français, aucun doute.
Dans ce tableau grotesque le peuple malien est, et sera encore, la première et la plus grande victime, car le théâtre d'affrontements militaires est, et sera, le Mali, les morts seront des Maliens. Il est prévu que les soldats maliens servent de chair à canon pendant que les étrangers occupent Bamako. Mais les peuples burkinabé et ivoirien sont aussi des victimes, victimes de leurs propres régimes, corrompus et tyranniques, de Compaoré depuis 1987 sans interruption et de Ouattara, depuis 2002 avec sa rébellion et depuis avril 2011 suite à son accession au pouvoir grâce l'armée française et à l'ONUCI. Le peuple français est aussi victime car les moyens financiers et les armes pour la guerre seront donnés et payées respectivement par leurs contribuables, et tout cela sera fait en son nom, sans qu'il n'en soit nullement consulté.
En 2010 et 2011 la France commit des ingérences flagrantes devenues guerres ouvertes contre la Côte d'Ivoire et la Libye. La finalité étant de provoquer le changement de régime dans ces pays, en installant dans le deux cas des rébellions soutenues sournoisement voire ouvertement par Paris et ses fondés de pouvoir africains. Dans les deux cas la France obtint un mandat onusien pour faire la guerre. Contre la Libye l'instrument fut l'OTAN, qui bombarda le pays du 19 mars au 20 octobre 2011. Pendant sept mois ! En Côte d'Ivoire la mission onusienne, ONUCI, fit directement la guerre contre l’Etat ivoirien à côté des rebelles et de l'armée française ! En Syrie à présent la France essaye aussi de mettre à bas le régime d'un Etat indépendant, en installant au pouvoir une rébellion armée sanglante, d'orientation islamiste, avec l'Union Européenne, l'OTAN et ses relais régionaux tels la Turquie, le Qatar, l'Arabie saoudite et la Jordanie, qui financent et/ou servent de base arrière aux rebelles.
Les obstacles, les défis et les luttes incontournables du peuple malien.
Les Maliens devraient se douter qu'une conjoncture politique et militaire tellement complexe et grave ne peut se résoudre aisément. Mais les compromissions et les renoncements militaires et politiques n'aboutiront certainement qu'à plus de drames et à des pertes accrues de vies humaines et de souveraineté, le peu qui reste à un pays dépendant, pauvre, avec un Etat faible. Et aux souffrances du peuple malien qui subira, qui subit déjà, ce sanglant conflit interne s'ajoutera la guerre intense et les exactions, autant des rebelles que celles, prévisibles, des « libérateurs » de la CEDEAO. Rappelons-nous des exactions de l'ECOMOG au Liberia et en Sierra Leone !
L'acceptation sur le sol malien d'une force militaire étrangère, avec des soldats venant des pays frontaliers non exempts d'ambitions vénales et sous l'égide de l'ancienne puissance coloniale, n'est qu'un suicide national annoncé. Annonciateur d'une nouvelle mise sous tutelle et même d'une vassalisation par ses voisins immédiats. Le remède proposé sera pire que la maladie. Rappelons le néfaste rôle de Blaise Compaoré dans la sous région pour déstabiliser des pays entiers comme la Sierra Leone, le Liberia et tout récemment la Côte d'Ivoire où il imposa au pouvoir son protégé et compatriote Alassane Ouattara. Rappelons qu'existe aussi à présent l'ambition de Ouattara d'avoir un rôle régional, et il est pressé à ses 70 ans, alors même qu'il n'est pas maître du pays qu'il a conquis en 2011 grâce à la France. En Côte d'Ivoire aujourd'hui l’Etat n'existe guère et l'arbitraire, les exactions et les crimes de sang et massacres pour motifs politiques et ethniques sont commis toujours en toute impunité. ADO garde toujours le pouvoir grâce à l'armée française, toujours très présente sur le sol ivoirien.
Le Mali risque ainsi d'échanger la rébellion du Nord par une vassalisation au profit du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, devenant le hinterland asservi de ces deux pays. Devenant concomitamment un territoire néocolonial chronique, avec des régimes fantoches, encore plus fantoches, à Bamako, aliénés plus que jamais à la France. Où celle-ci sera (l'est déjà) concurrencée par les USA et la Chine pour le contrôle des territoires et des matières premières. Contrôler le Mali c'est contrôler en partie le Sahel, mais aussi l'ouest africain et le Maghreb. L'Algérie, le grand voisin au Nord du Mali, reste discrète ce qui ne signifie pas qu'elle n'agit pas ou ne fait pas agir des tiers.
Justement à propos de la concurrence géopolitique pour le contrôle des pays et des matières premières en Afrique, la précipitation de la France et de ses obligés ouest-africains concernant la crise au Mali crée des réticences internationales et les rivalités interimpérialistes apparaissent au grand jour. Le mercredi 26 septembre à l'ONU, lors de la réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l'Assemblée générale, Hillary Clinton fait une étonnante déclaration. Elle dit que le Mali est une « poudrière » et que seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au Nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’Etat de droit ». Ah les postures ! L'art de l'hypocrisie n'a pas des limites. On l'aurait dite porte-parole légitimiste des pays non-alignés par exemple. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Ceci dit, les Maliens se font voler des analyses et des alternatives pouvant être pertinentes et les concernant.
Le principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un Etat souverain, ainsi que les principes de sauvegarde de la souveraineté, de la paix et la recherche impérative des solutions pacifiques aux conflits entre Etats, sont ouvertement piétinés. Par la France, mais pas seulement. Par ses pions tels le Burkina Faso de Compaoré, la Côte d'Ivoire de Ouattara et la CEDEAO. Prenant l'exécrable exemple des Etats-Unis et de ses alliés de l'OTAN, qui s'amusent à parler au nom de toute la planète en portant la casquette « communauté internationale ».
Quelques exemples dramatiques et encore sans solution définitive, étant des plaies ouvertes, sont là pour nous le rappeler. Haïti depuis 2004 est encore sous tutelle de l'ONU avec la MINUSTHA. La RDC, ayant les deux dernières décennies la série de conflits internes les plus meurtriers en Afrique, avec plus de quatre millions de victimes et des pans entiers de son territoire national occupés et pillés par des rébellions soit autochtones soit venues et/ou soutenues par les pays voisins de son Nord-Est, sous les bavures et le regard impuissant ou rendu volontairement impuissant de la mission de l'ONU, la MONUC/MONUSCO avec actuellement dix sept mille casques bleus y déployés. La Côte d'Ivoire et la Libye, victimes toutes les deux en 2011 de guerres ouvertes visant le changement forcé de régime sous le leadership de la France de N. Sarkozy. La Syrie aujourd'hui où l'Occident, la France en tête encore, arme, finance et justifie une rébellion sanglante contre un Etat indépendant visant à mettre à bas son régime, militarisant jusqu'à la folie meurtrière les affrontements d'une complexe dialectique politique. La « démocratie » à coup des bombes et des rebellions ? L'Irak, l'Afghanistan, la Libye, etc., sont des cas « exemplaires ».
Le Mali s'inscrit à présent dans ce schéma déjà bien rodé d'ouvertes ingérences politiques et militaires de l'ancienne puissance coloniale et de l'Occident et d'abandon « volontaire » de souveraineté. Le Mali est la nouvelle victime désignée et titularisée des ingérences néocoloniales de la France et de ses propres voisins avides, ivoiriens et burkinabés, pions de la Françafrique.
Au Mali, l'alibi français avancé pour justifier l'ingérence politique et militaire actuelle, directe et par pions interposés, est l'urgence de chasser des rebelles sanguinaires, islamistes, tout en empêchant l'armée malienne par exemple de le faire elle-même et en méprisant le peuple malien, privé de décider et d'assumer ses droits – et ses devoirs – souverains. La défense de la souveraineté populaire malienne d'abord, ainsi que la souveraineté de l’Etat autant que l'intégrité territoriale, n'est pas, ne devrait pas, être négociable.
Luis Basurto* (Paris 27 septembre 2012)
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».
Source : CIVOX. NET 05 Octobre 2012
(*) - Luis Fernando Basurto, Péruvien, est enseignant supérieur à Nanterre et syndicaliste.
Pour rappel, la France de M. Chirac et de M. Sarkozy ne trouvait pas insupportable, inadmissible ni inacceptable l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles sanguinaires, putschistes ratés, depuis septembre 2002 et cela jusqu'à avril 2011, car ces rebelles soutenaient l'homme adoubé par Paris, l'ancien fonctionnaire du FMI Alassane Dramane Ouattara (ADO), aujourd'hui hissé au pouvoir en Côte d'Ivoire. Et droites et gauches françaises se donnaient la main durant cette période dans une union sacrée assurant cette collusion où J. Chirac et N. Sarkozy assuraient un soutien militaire français aux rebelles pour agresser l’Etat ivoirien. Ici la France soutient des rebelles, là-bas elle fait la guerre pour les combattre. Allez comprendre ! Les rebelles semblent bons s'ils sont en Côte d'Ivoire, en Libye ou en Syrie, à un moment donné et contre l'ennemi désigné des intérêts occidentaux (réel ou supposé). La géométrie variable est bien visible. La ficelle est grossière.
La France s'immisce à présent de façon aiguë et accélérée au Mali. Le néocolonialisme décomplexé se manifeste une fois de plus. L'ingérence politique et « diplomatique » devient ouvertement militaire. La crise interne, politique et militaire, au Mali veut être résolue militairement par la seule France et ses alliés africains, ses anciennes colonies ouest africaines. Dans un élan désintéressé ?
Les origines d'une crise sans précédents : Touareg et islamistes contre le Mali
Cette crise au Mali est due aux rébellions, sécessionnistes et/ou fondamentalistes, touareg ou islamistes, qui réussirent à attaquer, occuper et contrôler le Nord du pays avec ses villes principales, Gao, Kidal, Tessalit et la légendaire Tombouctou, depuis janvier 2012. Ceci provoqua un putsch fin mars 2012 pour déposer du pouvoir le général Amadou Toumani Touré, dit « ATT », impuissant et visiblement incompétent, président élu, lors de son élection contestée fin avril 2007 (comme lors de sa première élection, en mai 2002), et en fin de mandat car une élection présidentielle était prévue pour le 29 avril 2012. Le coup d’Etat fut populaire, et eut un fort soutien politique et citoyen exprimé publiquement. Une description fine, avec une tentative d'analyse pertinente, ultérieure, devrait aborder le richissime sujet d'actions et réactions au Mali face au « pronunciamiento » militaire, des partis, mouvements politiques, syndicats, associations, communautés, musulmans non intégristes, soutiens et opposants des jeunes officiers révoltés, et des consensus et clivages.
Faut-il rappeler que la déstabilisation du Sahel, de toute la bande sahélo-saharienne, donc du Nord du Mali à présent occupé par des rebelles, est l'une des conséquences directes de la guerre de l'OTAN contre la Libye, dont la France de N. Sarkozy fut l'initiatrice ? Ce conflit provoqua la prolifération et le renforcement des bandes armées djihadistes et, à la chute du régime libyen et après l'exécution de Mouammar Kadhafi, la débandade de l'armée libyenne et la dissémination accélérée d'armes de tout genre et d'hommes armés dans le Sahel. Parmi les Touareg rebelles et les islamistes au Mali il y a des vétérans de la guerre en Libye de 2011.
Après les offensives rebelles de janvier 2012 et la chute de tout le Nord du pays suite au retrait de l'armée malienne au mois d'avril dernier, à présent les mouvances islamistes chercheraient, avec les crimes commis au nom de la charia et une lente poussée vers le Sud-Ouest, l'affrontement afin de galvaniser et d'unifier les groupes djihadistes probablement pour internationaliser le conflit dans le but d'« afghaniser » la région. Le MLNA touareg ayant été à l'heure actuelle largement submergé par les groupes islamistes.
L'arroseur arrosé ? Qui tire les ficelles occultes de ces mouvances ?
L'offensive du MLNA permettait à ses parrains un scénario d'eaux troubles où l'ingérence politique et militaire étrangère était autant cause que conséquence. Certains avancent les thèses bien plausibles et démontrables, de l'implication française – sarkozyste – ainsi que des burkinabés (Blaise Comparé ayant offert son pays comme base arrière) avec le MNLA, qui a pignon sur rue à Paris avec un siège qui agit ouvertement, sans entraves. D'autres spéculent sur l'implication et accointances du Qatar – voire de quelques services algériens – avec des islamistes. Le « médiateur » Compaoré veut inclure le Qatar dans la table des négociations ! Les pompiers pyromanes n'ont pas de scrupules. Les hommes de paille et agents doubles semblent être partout. Et l'intoxication, la désinformation, reste une efficace arme de guerre.
Une junte militaire prit le pouvoir le 22 mars 2012 à Bamako. Des jeunes militaires ayant formé un « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat » (CNRDRE) avec le capitaine Amadou Haya Sanogo à sa tête. Sous pression de la France, par l'entremise de la CEDEAO (Communauté Économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) représentée par le burkinabé Blaise Compaoré, le CNRDRE céda le pouvoir le 12 avril 2012 à Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale qui nomma le 17 avril Cheick Modibo Diarra au poste de premier ministre intérimaire. Tout cela eut lieu après que l’Etat malien soit frappé d'un embargo total et que des sanctions politiques et économiques lourdes soient décidées par la CEDEAO, la France, l'Union Africaine et l'Union Européenne. Des élections présidentielles auraient dû avoir lieu pour que M. Traoré, président intérimaire, transfère le pouvoir à un président élu lors d'un scrutin régulier après la période de transition allant de trois semaines à quarante jours tel que le prévoyait la constitution malienne. Mais le mandat intérimaire de quarante jours de D. Traoré fut prolongé pour une période d'un an de plus par Ouagadougou et entériné par la CEDEAO.
Rappelons qu'« ATT » fut déposé par les jeunes officiers d'une armée malienne qui lui reprochaient son incompétence, son incurie et le manque de moyens pour lutter contre les rebelles touareg et islamistes au Nord du pays. Suite au coup d’Etat, l'embargo organisé par le couple France-CEDEAO empêcha l'armée malienne d'avoir des nouvelles armes, matériel militaire et munitions importées, pour lutter contre les rebelles sécessionnistes. Et la conquête rebelle de territoires du Nord put ainsi s'élargir et se consolider au mois d'avril dernier. La junte céda le pouvoir rapidement mais l'embargo continue encore aujourd'hui. A Bamako les Maliens ont déjà vivement manifesté leur mécontentement et impatience, comme le 21 mai dernier lorsque ils manifestèrent contre Dioncounda Traoré. Ce dernier fut alors blessé.
Le rôle néfaste de la CEDEAO, efficace instrument français.
La CEDEAO, avec la France, organise activement l'impuissance de l'armée malienne pour mieux justifier l'envoi d'un corps expéditionnaire formé surtout d'un noyau ivoiro-burkinabé. Dans le port de Conakry, en Guinée, le matériel militaire destiné à l'armée malienne reste bloqué encore aujourd'hui et cela depuis des mois.
L'ingérence française dans le conflit interne malien se concrétise avec le « consentement » de la victime, à savoir le propre Mali, car le président intérimaire malien a demandé le lundi 24 septembre au secrétaire général de l'ONU une intervention militaire étrangère. Etonnamment c'est le ministre français L. Fabius qui annonce cela à New York, à savoir que M. Traoré a demandé à Ban Ki-moon, une résolution du Conseil de sécurité autorisant « l'intervention d'une force militaire internationale afin d'aider l'armée malienne à reconquérir les régions du Nord occupées » en rajoutant que le « Mali souhaite la présence immédiate de cette force ».(8) Mais ce n'est peut-être pas exactement si consenti que ça. Faut se demander si ce « consentement » est totalement libre et complètement éclairé. Pour preuve, le journal Le Monde dit dans son article sur le sujet daté du mardi 25 septembre « Dimanche [24 septembre], le Mali a finalement cédé à la pression de la Cédéao qui, depuis des mois, soutient le principe d'une intervention militaire au Nord du Mali ».(9)
Faut se demander aussi si ceux qui ont demandé cette intervention sont légitimes et mandatés pour cela. Au Mali, Cheick Modibo Diarra (ayant une double nationalité, malienne et états-unienne) est le premier ministre d'un régime non issu des urnes. Et Dioncounda Traoré est un président intérimaire imposé aux Maliens par Ouagadougou. Il fut imposé par une France interventionniste ayant mandaté pour cela le peu démocrate militaire burkinabé Blaise Compaoré, ancien putschiste, au pouvoir dans son pays depuis vingt cinq ans.
Dans le meilleur des cas D. Traoré et C. M. Diarra sont, soit des mannequins ventriloques forcés, portant la parole de Paris, soit victimes d'une naïveté sidérante. Dans le pire de cas ils sont complices et activement partisans pro-français, françafricains, bradant la souveraineté malienne, si petite soit-elle, manquant ainsi à leur devoir de défense de la souveraineté de l’Etat et du peuple maliens. C'est une affaire dans l'affaire. Un coup de force, un coup d’Etat en douce, à retardement, opéré, gagné pour l'instant sur le tapis vert d'une table lointaine, entre Ouagadougou, Paris et New York.
Ce n'est pas un jeu de pions ? Ce n'est pas un jeu de dupes ? Il est notoire que Paris – le président F. Hollande et le ministre des affaires étrangères L. Fabius – a pressé Bamako – Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra – pour qu'il demande ouvertement une intervention militaire étrangère sur le sol malien. Et Paris se presse pour dire que ce n'est pas l'armée française qu'y interviendra mais un corps expéditionnaire africain de la CEDEAO. La France assurant bien sûr les moyens financiers, le renseignement, les armes et la logistique.
Comme l'OEA – Organisation des Etats Américains – qui fut des décennies durant le masque interventionniste des Etats-Unis en Amérique Latine, la CEDEAO est l'un de pseudonymes de la France en Afrique. Elle est l'instrument de blanchiment et de légitimation des décisions politiques, économiques et militaires françaises destinées à l'ensemble de la région, de l'Afrique de l'Ouest, et à l'égard de chaque pays qui s’y trouve, exception faite du Ghana et du Nigeria, de la sphère anglophone où les Britanniques « ont la main ». C'est une chambre d'enregistrement des desseins et impératifs de la métropole néocoloniale française concernant ses anciennes colonies ouest africaines. La banque centrale de l'union monétaire de la CEDEAO, l'UEMOA, à savoir la BCEAO, est contrôlée par la Banque de France ! Et la monnaie, le franc CFA, signifiait franc des « Colonies françaises d'Afrique », terme devenu « Communauté financière africaine », plus politiquement correct.
Le cas « édifiant » de la Côte d'Ivoire et sa guerre de neuf ans. Chirac et Sarkozy réinventent « la coloniale »
Dans l'incroyable guerre – souterraine puis ouverte – déclarée contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo par la France depuis le 18 septembre 2002, lors d'une tentative ratée de putsch suivie de l'occupation du Nord ivoirien par des rebelles partisans d’Alassane Ouattara, choyés et sanctuarisés par l'armée française, la CEDEAO joua dès le début le rôle de relais de la France pour tenter de mettre à bas le président élu, L. Gbagbo, et in fine asseoir sur le fauteuil présidentiel Alassane Ouattara, l'homme du FMI. Ils réussirent cela seulement neuf longues années après, moyennant d'énormes souffrances du peuple ivoirien et suite à quatre mois et demi de guerre intense, décembre 2010-avril 2011, avec à la fin de cette période encore plus de souffrances, de massacres généralisés, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis par les forces rebelles déferlant vers le Sud du pays qui était resté sous contrôle de l’Etat ivoirien. Le président Gbagbo se faisant arrêter par des soldats français dans la résidence présidentielle d'Abidjan le 11 avril 2011. Séquestré puis emprisonné illégalement pendant des longs mois dans le Nord de son propre pays, L. Gbagbo est aujourd'hui consigné, en prison, à la Cour Pénale Internationale à La Haye où son statut de prisonnier politique devrait lui être reconnu un jour.
Pour couvrir ses agissements contre la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo depuis le 18 septembre 2002, la France mobilisa la CEDEAO, l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU. Elle fit signer de force les plus hauts responsables de l’Etat ivoirien à Paris des pseudo-accords politiques en janvier 2003 (Linas-Marcoussis/Kléber) où la rébellion pro Ouattara non seulement était blanchie mais même récompensée. Jacques Chirac et Dominique de Villepin nommaient les ministres ivoiriens à l’Elysée et au quai d'Orsay ! La France fit voter plusieurs mandats onusiens par le Conseil de sécurité pour couvrir ses agissements militaires, dont l'envoi d'un corps expéditionnaire, l'opération « Licorne » d'octobre 2002 devenue ensuite « Force Licorne », élargissant amplement sa présence militaire sur le sol ivoirien au-delà de sa base militaire d'Abidjan-Port-Bouët, le 43ème BIMA. Elle fit aussi créer une mission militaire onusienne spéciale, l'ONUCI, déployée en avril 2004, composée de casques bleus et d'autres policiers et fonctionnaires civils. Le tout visant à grignoter et à anéantir ce qui restait de la souveraineté de l’Etat ivoirien. Visant aussi à acculer le gouvernement légal dans le Sud du pays, en sanctuarisant tout le Nord ivoirien occupé par les rebelles pro-Ouattara qui y régnaient et sévissaient en toute impunité. La mise sous tutelle d'un Etat souverain, avec intervention militaire étrangère directe, sous mandat onusien obtenu par l'ancienne puissance coloniale, pour obtenir in fine un changement de régime, voilà ce que fut le plan accompli de la France depuis septembre 2002 en Côte d'Ivoire. L'objectif était de mettre au pouvoir celui qui était l'adoubé de Paris, M. Ouattara, un riche homme d'affaires et ex-fonctionnaire du FMI, ami et relais françafricain de J. Chirac, de N. Sarkozy et de milliardaires français.
Le rappel et le parallèle que nous faisons avec le drame ivoirien des dix dernières années, qui est loin d'être fini avec la sanglante accession au pouvoir d’Alassane Ouattara en avril 2011, nous semble pertinent dans la mesure où existe et se reproduit un schéma de mise sous tutelle, une recolonisation masquée, d’Etats indépendants mais affaiblis du Sud, surtout en Afrique, commise par les anciennes puissances coloniales, les Etats-Unis et ses alliés, avec la compromission d'organisations régionales inter-étatiques vassalisées et du Conseil de sécurité de l'ONU. Le cas de la Côte d'Ivoire se rajoute au cas d'Haïti où en février 2004 un véritable coup d’Etat militaire franco-étasunien fut commis pour déposer du pouvoir et envoyer à l'exil le président élu Jean-Bertrand Aristide.
Le Mali d'aujourd'hui est la nouvelle victime désignée des ingérences néocoloniales de la France. Droites et gauches françaises se passent le témoin dans cette politique transversale d'ingérences et d'immixtions grossières ou subtiles, qui s'opère notamment contre les anciennes possessions coloniales françaises d'Afrique. Le principal pion de la Françafrique en Côte d'Ivoire à présent, Alassane Ouattara, est l'un des personnages les plus agités de la sous-région pour envoyer ses troupes au Mali. Blaise Compaoré, militaire, président du Burkina Faso depuis octobre 1987 à la suite d'un putsch et de l'assassinat du président Thomas Sankara, est le « médiateur » imposé par la CEDEAO, donc par la France, pour « gérer » la crise malienne. Cela ne s'invente pas. Il est aussi pressé que Ouattara pour envoyer des troupes burkinabés
La France fait la guerre ou paye. Or, qui paye commande.
M. Ouattara fut reçu à l’Elysée le 26 juillet 2012. A la fin de l'entretien M. Hollande annonça que la France accordait à la Côte d'Ivoire l'effacement de sa dette publique envers l’Etat français, à savoir un montant de plus de trois milliards d'euros ! Le richissime homme d'affaires Ouattara obtint pour son régime ce cadeau au titre de la procédure dite PPTE, pour « pays pauvre très endetté ». Son régime n'a pas les moyens pour payer la dette souveraine ivoirienne envers la France mais à une ambition inébranlable pour envoyer des milliers de ses militaires, ses anciens rebelles, au Mali. Sous prétexte de lutter contre une rébellion et réunifier le Mali.
De qui se moque-t-on ? Du contribuable français. Car c'est lui qui devra payer les générosités de M. Hollande et les aventures militaires de la Françafrique. Et il payera double. Trois milliards d'euros donnés en cadeau par François Hollande à Ouattara, à la tête d'un régime tyrannique et archicorrompu, où les droits de l'homme sont piétinés tous les jours. L'aventure guerrière en perspective de Ouattara et Compaoré, co-titulaires de la CEDEAO, sur le territoire du Mali, avec leurs soldatesques surtout avides de toucher des soldes exceptionnelles et des primes, sera payée par Paris.
Au moment où le gouvernement français annonce un projet de budget 2013 avec une hausse d'impôts et de taxes de dix milliards d'euros pour les ménages et autant pour les entreprises, qui se rajoutent à d'autres dix milliards d'euros de baisse du budget des ministères, en somme trente milliards d'euros « d'effort budgétaire », François Hollande décide du renoncement des créances de l’Etat français et s'engage au financement d'une expédition militaire ivoiro-burkinabée. L'aventure sera payée par le contribuable français, aucun doute.
Dans ce tableau grotesque le peuple malien est, et sera encore, la première et la plus grande victime, car le théâtre d'affrontements militaires est, et sera, le Mali, les morts seront des Maliens. Il est prévu que les soldats maliens servent de chair à canon pendant que les étrangers occupent Bamako. Mais les peuples burkinabé et ivoirien sont aussi des victimes, victimes de leurs propres régimes, corrompus et tyranniques, de Compaoré depuis 1987 sans interruption et de Ouattara, depuis 2002 avec sa rébellion et depuis avril 2011 suite à son accession au pouvoir grâce l'armée française et à l'ONUCI. Le peuple français est aussi victime car les moyens financiers et les armes pour la guerre seront donnés et payées respectivement par leurs contribuables, et tout cela sera fait en son nom, sans qu'il n'en soit nullement consulté.
En 2010 et 2011 la France commit des ingérences flagrantes devenues guerres ouvertes contre la Côte d'Ivoire et la Libye. La finalité étant de provoquer le changement de régime dans ces pays, en installant dans le deux cas des rébellions soutenues sournoisement voire ouvertement par Paris et ses fondés de pouvoir africains. Dans les deux cas la France obtint un mandat onusien pour faire la guerre. Contre la Libye l'instrument fut l'OTAN, qui bombarda le pays du 19 mars au 20 octobre 2011. Pendant sept mois ! En Côte d'Ivoire la mission onusienne, ONUCI, fit directement la guerre contre l’Etat ivoirien à côté des rebelles et de l'armée française ! En Syrie à présent la France essaye aussi de mettre à bas le régime d'un Etat indépendant, en installant au pouvoir une rébellion armée sanglante, d'orientation islamiste, avec l'Union Européenne, l'OTAN et ses relais régionaux tels la Turquie, le Qatar, l'Arabie saoudite et la Jordanie, qui financent et/ou servent de base arrière aux rebelles.
Les obstacles, les défis et les luttes incontournables du peuple malien.
Les Maliens devraient se douter qu'une conjoncture politique et militaire tellement complexe et grave ne peut se résoudre aisément. Mais les compromissions et les renoncements militaires et politiques n'aboutiront certainement qu'à plus de drames et à des pertes accrues de vies humaines et de souveraineté, le peu qui reste à un pays dépendant, pauvre, avec un Etat faible. Et aux souffrances du peuple malien qui subira, qui subit déjà, ce sanglant conflit interne s'ajoutera la guerre intense et les exactions, autant des rebelles que celles, prévisibles, des « libérateurs » de la CEDEAO. Rappelons-nous des exactions de l'ECOMOG au Liberia et en Sierra Leone !
L'acceptation sur le sol malien d'une force militaire étrangère, avec des soldats venant des pays frontaliers non exempts d'ambitions vénales et sous l'égide de l'ancienne puissance coloniale, n'est qu'un suicide national annoncé. Annonciateur d'une nouvelle mise sous tutelle et même d'une vassalisation par ses voisins immédiats. Le remède proposé sera pire que la maladie. Rappelons le néfaste rôle de Blaise Compaoré dans la sous région pour déstabiliser des pays entiers comme la Sierra Leone, le Liberia et tout récemment la Côte d'Ivoire où il imposa au pouvoir son protégé et compatriote Alassane Ouattara. Rappelons qu'existe aussi à présent l'ambition de Ouattara d'avoir un rôle régional, et il est pressé à ses 70 ans, alors même qu'il n'est pas maître du pays qu'il a conquis en 2011 grâce à la France. En Côte d'Ivoire aujourd'hui l’Etat n'existe guère et l'arbitraire, les exactions et les crimes de sang et massacres pour motifs politiques et ethniques sont commis toujours en toute impunité. ADO garde toujours le pouvoir grâce à l'armée française, toujours très présente sur le sol ivoirien.
Le Mali risque ainsi d'échanger la rébellion du Nord par une vassalisation au profit du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, devenant le hinterland asservi de ces deux pays. Devenant concomitamment un territoire néocolonial chronique, avec des régimes fantoches, encore plus fantoches, à Bamako, aliénés plus que jamais à la France. Où celle-ci sera (l'est déjà) concurrencée par les USA et la Chine pour le contrôle des territoires et des matières premières. Contrôler le Mali c'est contrôler en partie le Sahel, mais aussi l'ouest africain et le Maghreb. L'Algérie, le grand voisin au Nord du Mali, reste discrète ce qui ne signifie pas qu'elle n'agit pas ou ne fait pas agir des tiers.
Justement à propos de la concurrence géopolitique pour le contrôle des pays et des matières premières en Afrique, la précipitation de la France et de ses obligés ouest-africains concernant la crise au Mali crée des réticences internationales et les rivalités interimpérialistes apparaissent au grand jour. Le mercredi 26 septembre à l'ONU, lors de la réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l'Assemblée générale, Hillary Clinton fait une étonnante déclaration. Elle dit que le Mali est une « poudrière » et que seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au Nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’Etat de droit ». Ah les postures ! L'art de l'hypocrisie n'a pas des limites. On l'aurait dite porte-parole légitimiste des pays non-alignés par exemple. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Ceci dit, les Maliens se font voler des analyses et des alternatives pouvant être pertinentes et les concernant.
Le principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un Etat souverain, ainsi que les principes de sauvegarde de la souveraineté, de la paix et la recherche impérative des solutions pacifiques aux conflits entre Etats, sont ouvertement piétinés. Par la France, mais pas seulement. Par ses pions tels le Burkina Faso de Compaoré, la Côte d'Ivoire de Ouattara et la CEDEAO. Prenant l'exécrable exemple des Etats-Unis et de ses alliés de l'OTAN, qui s'amusent à parler au nom de toute la planète en portant la casquette « communauté internationale ».
Quelques exemples dramatiques et encore sans solution définitive, étant des plaies ouvertes, sont là pour nous le rappeler. Haïti depuis 2004 est encore sous tutelle de l'ONU avec la MINUSTHA. La RDC, ayant les deux dernières décennies la série de conflits internes les plus meurtriers en Afrique, avec plus de quatre millions de victimes et des pans entiers de son territoire national occupés et pillés par des rébellions soit autochtones soit venues et/ou soutenues par les pays voisins de son Nord-Est, sous les bavures et le regard impuissant ou rendu volontairement impuissant de la mission de l'ONU, la MONUC/MONUSCO avec actuellement dix sept mille casques bleus y déployés. La Côte d'Ivoire et la Libye, victimes toutes les deux en 2011 de guerres ouvertes visant le changement forcé de régime sous le leadership de la France de N. Sarkozy. La Syrie aujourd'hui où l'Occident, la France en tête encore, arme, finance et justifie une rébellion sanglante contre un Etat indépendant visant à mettre à bas son régime, militarisant jusqu'à la folie meurtrière les affrontements d'une complexe dialectique politique. La « démocratie » à coup des bombes et des rebellions ? L'Irak, l'Afghanistan, la Libye, etc., sont des cas « exemplaires ».
Le Mali s'inscrit à présent dans ce schéma déjà bien rodé d'ouvertes ingérences politiques et militaires de l'ancienne puissance coloniale et de l'Occident et d'abandon « volontaire » de souveraineté. Le Mali est la nouvelle victime désignée et titularisée des ingérences néocoloniales de la France et de ses propres voisins avides, ivoiriens et burkinabés, pions de la Françafrique.
Au Mali, l'alibi français avancé pour justifier l'ingérence politique et militaire actuelle, directe et par pions interposés, est l'urgence de chasser des rebelles sanguinaires, islamistes, tout en empêchant l'armée malienne par exemple de le faire elle-même et en méprisant le peuple malien, privé de décider et d'assumer ses droits – et ses devoirs – souverains. La défense de la souveraineté populaire malienne d'abord, ainsi que la souveraineté de l’Etat autant que l'intégrité territoriale, n'est pas, ne devrait pas, être négociable.
Luis Basurto* (Paris 27 septembre 2012)
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Source : CIVOX. NET 05 Octobre 2012
(*) - Luis Fernando Basurto, Péruvien, est enseignant supérieur à Nanterre et syndicaliste.
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