LES ÉLUCUBRATIONS d’un DIAFOIRUS IVOIROLOGUS
Quand Vincent Hugeux débite ses fantasmes à propos d’une Côte d’Ivoire imaginée, où, à le lire ici, son pays, la France, n’aurait aucune responsabilité dans la genèse ni dans l’entretien d’une crise politique dont la durée ne peut pourtant s’expliquer que par son entêtement à vouloir, coûte que coûte, y imposer et y maintenir ses créatures à la tête de ce semblant d’Etat ivoirien que Félix Houphouët disait avoir « hérité de la colonisation ».
Grâce à Dieu, nos lecteurs ne sont pas gens si faciles à duper. Nous savons que de telles lectures sont absolument sans danger pour eux. Aussi est-ce sans aucune crainte que nous les engageons à lire, et à lire très attentivement, ce vain verbiage d’un faux-cul notoire, qui n’en est pas à son coup d’essai.
Si, tout en lisant, vous passez en revue dans votre mémoire tous les événements qui se sont succédé depuis le 6-Août, vous constaterez que le but d’Hugeux n’est pas d’informer sérieusement ses lecteurs mais de leur cacher, sous ce tas de futilités énoncées sur un ton doctoral à la Diafoirus, le vrai nom et les vrais enjeux de cette crise à rebondissements ; non pas crise ivoirienne mais crise des relations franco-ivoiriennes.
Bien sot, le nageur, s’il croit qu’on ne voit pas son dos !
La Rédaction
Côte d'Ivoire : Ouattara joue son va-tout
Par Vincent Hugeux
https://www.lexpress.fr 17/08/2018
Amnistie géante,
OPA avortée sur l'allié PDCI : à deux ans de la présidentielle, le chef de
l'Etat rebat les cartes. Risqué.
Coups de poker, coups de Jarnac,
coups de bluff et coups d'éclats... A deux ans de la prochaine échéance
présidentielle, la Côte d'Ivoire traverse une intense zone de turbulences. La
plus orageuse à coup sûr depuis les mutineries des ex-rebelles nordistes survenues en janvier puis mai 2017.
L'amnistie « couteau
suisse »
Le 6 août dernier, à la veille du 58e anniversaire de
l'indépendance du pays des Éléphants et à la faveur d'une adresse télévisée, le
chef de l'Etat Alassane
Dramane Ouattara annonce une amnistie XXL. Si elle
n'étonne guère les initiés – « ADO » y songe depuis l'automne 2016 −, cette mesure de clémence, prérogative ô combien régalienne,
surprend par son ampleur. Bien sûr, la libération de Simone Gbagbo, rugueuse
pasionaria du Front populaire ivoirien (FPI) et épouse en titre de
l'ex-président Laurent Gbagbo, condamnée en 2015 à vingt ans de réclusion pour
« atteinte à la sûreté de l'Etat », monopolise l'attention des
analystes. Reste que ce « grand pardon » concerne environ 800 détenus
de toutes obédiences, incriminés pour la plupart dans les violences
postélectorales de 2010-2011.
Rien n'étant chimiquement pur en ce
bas monde, on ne peut attribuer cet acte de mansuétude à la seule – et tardive –
volonté d'un élu en fin de mandat de sortir de l'ornière un processus de
réconciliation nationale en souffrance. Il faudrait être bien candide pour ne
pas y déceler le reflet de calculs politiques plus ou moins hasardeux.
En voiture Simone
Trois exemples. En ramenant l'inflexible Simone dans l'arène,
Ouattara peut espérer creuser les lignes de fracture qui traversent le FPI. « Même si tel n'était pas le but, concède
un de ses proches, l'amnistie a foutu le
bordel dans le parti ». Parti divisé à ce stade en deux, voire en
trois factions. Celle qu'anime l'ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan,
reconnu par la justice comme le président légal de la formation fondée dans les
années 1980. Celle qu'incarnent Aboudramane Sangaré (sic), le gardien du dogme
gbagboïste, et l'ex-première dame fraîchement élargie. Mais aussi le courant
qu'anime Nady Bamba, l'actuelle compagne de « Laurent », unie à
l'homme que juge depuis 2016 la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye par
la grâce d'un mariage traditionnel scellé au début de ce siècle.
« Les dissensions internes ont atteint un point de
non-retour, soutient un influent ministre d'ADO. Et même un hypothétique retour sur l'avant-scène de Gbagbo ne suffirait
pas à cicatriser les plaies ». Allusion à un éventuel acquittement par la CPI, dans le courant de l'exercice 2019, de son captif le
plus illustre, inculpé pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Au
passage, on notera que la refonte de la Commission électorale indépendante
(CEI), condition sine qua non posée par le Front populaire ivoirien pour
renoncer au boycott d'élections jugées biaisées, pourrait servir les intérêts
de la nébuleuse ouattariste. Promise lors du discours du 6 août, ladite réforme
aurait pour effet de réintroduire dans le jeu électoral une formation
fragmentée, donc de mettre un terme à peu de frais à l'éclipse malsaine d'une
mouvance d'opposition attirant a minima le tiers des citoyens inscrits.
Absolution sélective
Une autre illustration des bénéfices attendus du fait du prince
ADO ? Sa fameuse amnistie ne rend pas à la liberté que des dignitaires de la
galaxie Gbagbo et des partisans du « couple », parfois détenus sans
jugement depuis des années. Elle hâte également l'élargissement de caïds des
ex-Forces nouvelles (FN), la milice armée qui aura permis à Ouattara d'accéder
enfin au sceptre présidentiel que lui avait décerné le verdict des urnes. Avec
il est vrai le concours décisif des militaires français. Ainsi, une poignée de
« comzones » (commandants de zones) échapperont eux aussi aux foudres
de la justice.
Parmi les bénéficiaires de
l'absolution suprême, relevons enfin le nom de Souleymane Kamaraté, alias
« Soul to Soul », directeur du protocole de Guillaume Soro,
président de l'Assemblée nationale et, gardons-nous de l'oublier, ancienne
figure de proue des FN. Comment ne pas voir dans le retour à l'air libre de ce
fidèle, arrêté après la découverte d'un copieux arsenal dans une de ses
résidences de Bouaké (Nord), l'ex-bastion rebelle, une « bonne
grâce » octroyée à l'ambitieux titulaire du Perchoir, histoire de pacifier
des relations au mieux ambiguës, au pire électriques.
La révolte du Sphinx Henri Konan
Bédié
Si Simone Gbagbo, libérée le 8/8/18,
croit à la mystique des chiffres, l'ancien chef de l'Etat Henri Konan Bédié, 84
ans, patriarche du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), redoute plus que
tout le baiser de la mort lente. Le 9 août, au lendemain d'un tête-à-tête
infructueux avec ADO, le « Sphinx de Daoukro », ainsi surnommé pour
ses silences et le caractère sibyllin de ses oracles, officialise via un
communiqué son refus de fondre sa formation au sein du « parti
unifié » voulu par Ouattara, et censé marier le PDCI au Rassemblement des
Républicains (RDR) sous la bannière d’un autre « Rassemblement »,
celui des houphouétistes pour la démocratie et la paix, ou RHDP. Référence à
l'héritage légué par « le Bélier de Yamoussoukro » Félix Houphouët-Boigny, premier
président de l'ère de l'indépendance, seul maître à bord de 1960 à 1993.
Pêche au gros
Porté solennellement sur les fonts
baptismaux trois semaines plus tôt, le RHDP se serait-il crashé au décollage ? « Pas si vite, nuance un pilier du
système ADO. L'exode des cadres du PDCI
vers le Rassemblement ne fait que commencer. Et Bédié, mû avant tout par son
obsession de briguer la magistrature suprême en 2020, dispose d'une assise
électorale moins robuste que la nôtre. Contesté par une frange de la jeune
garde de son parti, il court le risque de voir sa clientèle se rétracter, au
point de se réduire aux seuls fiefs du pays baoulé [l'ethnie du Sphinx] ».
En clair, la pêche aux « gros », que Bédié a tenté d'enrayer à coups
d'exclusions, continue. Enclin à choyer les « schismatiques »,
réceptifs au forcing unitaire, et à châtier les réfractaires, ADO a pris soin
de secouer le cocotier PDCI, évinçant ceux-ci, gratifiant ceux-là de maroquins
ministériels à l'occasion du remaniement opéré début juillet. Parmi les
proscrits, le maire du Plateau, le prospère quartier des affaires d'Abidjan;
disciple loyal de d'Henri Konan Bédié et baron du parti, Noël Akossi Bendjo,
hostile à toute « inféodation », s'est ainsi vu révoqué pour
« détournement de fonds ».
Trio infernal
« Dérive
autoritaire », pestent les « souverainistes » de l'ex-parti unique.
Leur amertume s'explique : lorsqu'en 2015, Bédié se rallie, quitte à heurter sa
base et ses lieutenants, au panache d'un Ouattara en quête d'un second bail, il
entend bien qu'au nom de la règle de l'alternance, le RDR lui renverra
l'ascenseur un quinquennat plus tard et adoubera alors un prétendant venu de
ses rangs. Reniement intolérable, s'insurge ses proches. « Escroquerie morale, objecte-t-on dans l'entourage d'ADO. Le président n'a jamais promis formellement
de soutenir en 2020 une candidature unique PDCI ».
Il n'empêche : la ruade du taiseux
octogénaire précipite l'éclatement d'une coalition électorale forgée en 2005,
et détentrice des commandes du pays des Eléphants depuis 2010. « Pour Ouattara, ce n'est évidemment
pas une bonne nouvelle, concède un de ses confidents. Pour autant, lui espère encore que Bédié fera machine arrière ».
Soit. Mais qu'adviendra-t-il en l'absence d'un tel rabibochage, scénario
hautement improbable à brève échéance ? Une certitude, il y a de la
recomposition dans l'air. La chronique politique de la Côte d'Ivoire au long du
quart-de-siècle écoulé l'atteste : entre les trois poids lourds de la scène
partisane, toutes les combinaisons sont envisageables. PDCI et RDR contre FPI ;
PDCI et FPI vs RDR ; RDR et FPI face au PDCI. Faites vos jeux...
Le spectre de l'ivoirité
Nourri par une avalanche de
déclarations, le moulin à rumeurs tourne d'ailleurs à plein régime. « Rien
ne s'oppose » à une alliance avec le Front populaire ivoirien, admet Heni
Konan Bédié le 10 août, au sortir d'un entretien avec Affi N'Guessan. La
veille, un porte-parole du FPI canal historique – donc pro-Gbagbo – se disait
ouvert à « un rapprochement avec le
PDCI, afin de réconcilier les Ivoiriens et de reconstruire la démocratie ».
Autre formule avancée, un pacte entre le vieux Bédié et le « jeune »
Soro. Entente baroque s'il en est. Le premier tient son benjamin pour
responsable de maintes exactions meurtrières consécutives au coup d'Etat avorté
de 2002. Quant au patron de l'Assemblée, il aspire aux plus hautes fonctions de
la République, non à un statut de comparse. « A
l'arrivée, parie un familier du palais, on
retrouvera côte-à-côte les adeptes de la funeste
idéologie de l'ivoirité. Tous ceux qui, du PDCI au
FPI, font une poussée d'urticaire quand ils s'aperçoivent, le matin au lever,
qu'un Dioula [musulman du Nord] siège à la présidence ».
Le test des locales
L'épilogue de ce tortueux ballet, sinon de ce bal des faux-culs,
dépend pour l'essentiel de l'issue des scrutins locaux − municipaux et régionaux − du 13 octobre prochain. Chacun
pourra, à la faveur de ce test grandeur nature, et de triangulaires désormais
inévitables, mesurer son pouvoir d'attraction, donc affiner sa stratégie à
l'horizon 2020. « Si le FPI n'y va
pas, ce sera un raz-de-marée en notre faveur, assène un ouattariste haut
placé. S'il concourt, la victoire risque
d'être un peu plus étriquée ».
Reste la question à dix milliards de
Francs CFA : ADO pourrait-il, au prix d'une acrobatie constitutionnelle et
quitte à s'asseoir sur un serment maintes fois réitéré, convoiter un troisième
mandat ? « Lui-même l'exclut
totalement », tranche un ministre. « Sauf
dans un cas de figure et un seul, tempère un autre témoin privilégié : si Bédié et Gbagbo se mettent tous deux
sur les rangs. On assisterait alors sans doute au match retour du scrutin de
2010 ». Dire que Ouattara, 76 printemps bien sonnés, n'en finit plus
d'inviter Bédié à se joindre à lui pour transmettre le témoin du pouvoir à la
« nouvelle génération »...
La quête de l'oiseau rare
Il y a un hic : qui donc peut
prétendre personnifier cette relève ? Le chef du gouvernement Amadou Gon
Coulibaly, dauphin pressenti, soufflera ses 60 bougies en février prochain. « Le président plaide en faveur d'une
nouvelle génération, reflet d'un savant dosage d'expérience et d'audace, non de
la jeune génération, hasarde un ministre quadragénaire, adeptes des pirouettes
casuistiques. A nos yeux, Amadou Gon
incarne bien le renouvellement, car il a mis en selle la plupart d'entre nous ».
Guillaume Soro serait-il l'impétrant idéal ? Pas davantage. Lui n'affiche
certes que 46 ans au compteur, mais passe déjà pour un vétéran du marigot
politique. Et il compte sans doute trop d'ennemis pour sortir vainqueur de
l'épreuve des isoloirs. Un quinqua issu du sérail PDCI, tel l'ancien ministre
du Commerce Jean-Louis Billon ? Nul doute que Bédié sèmerait les embûches sous
ses pas ; imité en cela par le clan Ouattara, qui l'a évincé pour insoumission
en juillet 2017 de la présidence du Conseil régional du Hambol (Nord). On
l'aura compris : l'oiseau rare n'a pas encore pointé le bec, ni l'éléphant blanc
le bout de sa trompe.
La double peine des victimes
Les zélateurs du ouattarisme exaltent
volontiers l'habileté manœuvrière de leur champion. A les entendre, ADO aurait
magistralement rebattu les cartes et repris la main. Disons plutôt qu'il a
renversé la table de poker tout en s'aliénant un partenaire. La nouvelle donne
lui sera-t-elle propice ? Rien ne le garantit. Si le capitaine tient fermement
la barre, il lui faut affronter bien des vents contraires. L'amnistie évoquée
plus haut ressemble à s'y méprendre à un déni de justice. Elle referme à jamais
le piège de l'impunité, au risque de dérouter, voire d'indigner le citoyen
lambda, quelle que soit son allégeance partisane. Une récente séance de travail
des hautes instances du RDR témoigne de ce trouble. « Réunion houleuse, avoue un participant. La base regimbe et l'on voit ça et là les parents de victimes des
affrontements passés manifester ». « Ces
gens, renchérit un homme du premier cercle, se sentent sacrifiés sur l'autel des stratagèmes politiciens ».
Mais il faut admettre, à la décharge du président, que la justice ivoirienne
n'a pas agi aussi promptement qu'escompté. Ouattara tient à solder maintenant
ce dossier empoisonné, sous peine de le refiler dans moins de deux ans à son
successeur. Et il lui fallait répondre à un grief récurrent, émis tant au pays
qu'à l'étranger : son insuccès sur le front de la réconciliation.
Hués par l'UE ?
Autre signal d'alarme, celui émis par l'Union européenne. Rédigé
début juillet, un rapport cinglant − et supposé confidentiel − dénonce les travers de la gouvernance maison. Autoritarisme,
croissance économique vigoureuse mais confisquée par les élites, persistance de
la corruption et d'inégalités sociales criantes... « La Côte d'Ivoire, y lit-on, est peut-être moins solide et démocratique que sa bonne image pourrait
le laisser penser ». Mauvais procès, riposte la présidence. « Il s'agit en fait, martèle un
ministre, d'une note synthétisant des
échanges entre diplomates en poste à Abidjan, dont la fuite a été orchestrée
par le représentant de l'UE, qui entretient avec le régime en place des
relations notoirement conflictuelles. Note au demeurant contestée par plusieurs
ambassadeurs, à commencer par le Français, qui l'a récusée point par point lors
de la réception du 14 juillet ». Sur le fond, le réquisitoire est jugé
outrancier. « Le niveau de
corruption demeure élevé, concède un officiel, mais le phénomène n'atteint pas l'ampleur constatée sous Gbagbo. Notre
pays a gagné une cinquantaine de places depuis lors dans le palmarès de l'ONG
Transparency International. Le taux de pauvreté mentionné – 46% de la population – date de 2012. Et comment ignorer que toutes
les localités de plus de 500 habitants auront été électrifiées d'ici à 2020,
que nous disposons d'un des réseaux routiers les plus complets d'Afrique de
l'Ouest, que des milliers de salles de classes ont été bâties, que la
Couverture médicale universelle fonctionne et qu'un "filet social"
couvre les besoins élémentaires de 35.000 familles indigentes ? ».
Dans sa villa cossue de Mougins
(Alpes-Maritimes), où il séjourne ces jours-ci, comme à La Mecque, où il
accomplira à compter du 18 août le pèlerinage cher aux pieux musulmans,
Alassane Ouattara aura tout loisir de méditer cette évidence : on peut
déclencher un séisme, pas nécessairement en maîtriser la magnitude, la durée,
ni l'intensité des répliques. L'acte III n'est écrit nulle part.
V. Hugeux
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