samedi 23 septembre 2017

ECOUTEZ ÇA ! ÇA PARLE (AUSSI) DE NOUS…

Chers amis lecteurs,

Le texte que nous vous proposons ci-dessous a pour auteur un célèbre journaliste burkinabè. Très probablement, lorsqu’il l’écrivait, il ne se doutait pas que son article pourrait être utilisé pour attirer l’attention des Ivoiriens résistants sincères et qui se veulent conséquents, sur ce qui se passe dans leur propre pays et dans la tête de ceux qui se sont autoproclamés leurs leaders. Il suffit d’en lire le premier paragraphe pour s’apercevoir qu’on pourrait y remplacer les mots « Burkina Faso » et « Burkinabè » par « Côte d’Ivoire » et « Ivoiriens » sans en changer ni le sens ni la pertinence. L'auteur à largement mérité notre reconnaissance pour cette contribution involontaire.

Nous avons toutefois une petite différence avec lui. Nous ne partageons pas son opinion, appuyée sur les résultats des élections présidentielles étatsunienne et française, selon laquelle la situation actuelle dans son pays serait « le signe d’une faillite du système partisan ». Cela ressemble trop à une apologie du « macronisme », présenté comme une panacée. Hélas !, si sa démarche est juste dans son principe, il semble malheureusement que notre confrère n’a pas mieux saisi que ceux qu’il brocarde, ce qui pour nous est l’essentiel. A savoir que la cause principale pour ne pas dire la seule et unique cause de la situation dangereuse ici décrite (et qui d’ailleurs n’est pas une exclusivité du Burkina Faso), ce ne sont pas les partis en tant que tels mais l’incapacité de leurs dirigeants à (ou leur refus de) comprendre que rien ne pourra vraiment changer tant qu’on n’aura pas aboli, dans nos lois et nos règlements, tout ce qui amoindrit notre propre souveraineté en conservant à la France l’immense latitude d’action souveraine dont elle dispose encore chez nous, plus d’un demi-siècle après la « décolonisation » !

Vous nous répondrez peut-être que cela va sans dire. A quoi, du tac-au-tac, nous répliquons d’avance : non !, cela va bien mieux quand on le dit. « Mal nommer les choses, dit Albert Camus, c'est ajouter aux malheurs du monde ». Ne pas les nommer du tout, c'est pire.

Cette réserve faite − en espérant que vous l’approuvez ou qu’au moins vous la comprenez −, ensemble dédions ce beau texte à nos Affi NGuessan (fpi), Aka Ahizi (pit), Anaky (mfa), Bamba (pps), Boni-Claverie (urd), Gnonzié (rpp), Kahé (aird), Kipré (ung), Koulibaly (lider), Mel Eg (udcy), Ouégnin (esd), Sangaré (fpi)…et tous les autres.
En espérant qu’ils retiendront la leçon et qu’ils sauront un jour pas trop lointain s’élever enfin jusqu’au niveau où se tient déjà la vraie résistance patriotique ivoirienne, ces masses qui, dans tous nos villages, toutes nos villes et toutes nos régions, par leur constance et par leurs sacrifices, malgré le chant enjôleur des sirènes de la trahison domestique, continuent les luttes inabouties de nos pères, avec la perspective de reconquérir un jour nos droits légitimes à la dignité, à la liberté et au progrès dans l’indépendance vraie.

La Rédaction

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L’urgence d’une alternative à la faillite de la classe politique

B. Ouédraogo
©lefaso.net
Ils sont tous pratiquement en train de perdre le nord et mettent le pays en danger. Tous se livrent volontairement à une analyse biaisée de la situation nationale dans la seule optique de manipuler l’opinion à leur profit. Les initiatives des uns et les réactions des autres s’apparentent à une dramatique théâtralisation de la vie politique nationale où des acteurs de peu de talents se succèdent pour servir de piètres et infantiles prestations à des spectateurs désabusés et sans voix. Avec ces hommes et ces femmes qui ridiculisent et infantilisent le jeu politique, le chemin du renouveau et du changement réel dont chacun se proclame l’authentique porteur, semble encore long, voire trop long et même désespérant. Il faut seulement souhaiter qu’ils ne pousseront pas l’irresponsabilité jusqu’au bout, en plongeant le pays dans l’incertitude et le chaos.
Dans la faune politique burkinabè, le jeu partisan manque cruellement d’éthique et d’honnêteté. Il ne faut pas avoir peur des mots. Les hommes politiques se refusent un minimum d’honnêteté avec eux-mêmes et avec leurs compatriotes. Ce qu’ils reconnaissent hors micro, ils le rejettent quand ils sont face au public. Majorité et opposition se livrent à une bataille où chacun use du dilatoire, des accusations sans fondement et parfois même du mensonge soit pour vanter son action, soit pour peindre en noir celle de l’autre. Les passes droites suite à la publication du mémorandum à l’occasion du premier anniversaire du pouvoir en place et depuis l’annonce du meeting du 29 avril de l’opposition, ont mis à nu un discours politique de la négation. L’opposition ne reconnaît aucun mérite ou bonne action au pouvoir. Celui-ci voit dans l’opposition, une bande de putschistes qui veulent utiliser des raccourcis pour parvenir au pouvoir. L’on envenime inutilement le discours. D’aucuns diront que c’est de bonne guerre. Car, dans ce pays de la savane et de la poussière, la politique est assimilable à un jeu pour personnes peu vertueuses ou de peu de foi.  Ainsi, la scène politique burkinabè a atteint un niveau d’inconséquence et de décrépitude morale qui doit interpeller la conscience nationale.
Hier, c’était un pouvoir fort et une opposition trop faible mais qui s’est progressivement renforcée grâce à la constance des mouvements sociaux. Ces derniers se sont positionnés en véritable contre-pouvoirs et ont mené la lutte pour plus de démocratie, d’espaces de liberté et de justice. L’opposition, elle, justifiait son inconséquence et son manque d’initiative par la puissance répressive et corruptrice du pouvoir en place. Pourtant, cette puissance n’épargnait pas non plus les leaders des mouvements sociaux. Mais, ils ont entretenu la résistance et ont conquis des espaces de liberté plus grands.
Point n’est besoin de revenir sur les péripéties de la lutte contre la mise en place du Sénat et la modification de l’article 37 de la Constitution qui ont abouti à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ce que l’on peut retenir, c’est que les conditions ont été progressivement réunies pour terrasser le régime trentenaire de Blaise Compaoré.

UN PROCESSUS DE CHANGEMENT SANS PROJET ALTERNATIF
Malheureusement, la jonction entre les forces politiques et sociales qui a favorisé la chute du pouvoir déchu n’a pas été portée par une offre politique alternative. Face à Blaise Compaoré qui totalisait plus d’un quart de siècle de pouvoir, le terme « changement » pouvait constituer en lui seul tout le fondement du discours politique pour l’opposition et les mouvements sociaux. Le combat était donc porté, moins par l’alternative à la politique de Blaise Compaoré que par l’exigence de son départ par tous les moyens. Tout ce qui pouvait contribuer à cet objectif était porteur de changement et d’espoir de renouveau. Aujourd’hui, certains rêvent de refaire l’insurrection. Ironie du sort, ceux qui ont été renversés par l’insurrection semble vouloir se relancer par une autre insurrection.
En réalité, ce qu’il est donné d’observer aujourd’hui sur la scène politique n’est ni moins ni plus que la traduction concrète de ce combat sans projet politique alternatif. C’est ce qui expliquait les louvoiements de la Transition dont la gouvernance a été largement marquée par cette absence de projet politique alternatif qui devait clairement fixer les grandes orientations en termes de réformes politiques institutionnelles, de remise à plat des institutions et de relance du processus démocratique et du développement économique et social. L’on s’est contenté d’un strict minimum à travers la Charte de la Transition qui a permis de mettre en place des institutions de la Transition pour aller rapidement vers la restauration de l’ordre constitutionnel, à travers l’organisation d’élections présidentielle et législatives. Et l’on a vu tout l’empressement des politiques à aller en campagne une fois les organes de transition mis en place. Les élections de 2015 sont donc l’aboutissement logique de ce processus politique sans alternative. Finalement, ce sont les mêmes acteurs qui se sont retrouvés dans la compétition électorale. C’est encore eux qui se retrouvent à la majorité et à l’opposition.

UN DISCOURS POLITIQUE DE LA NEGATION, DE LA CALOMNIE ET DE LA VIOLENCE
Face aux louvoiements du pouvoir, l’opposition répond des critiques sans aucune proposition. Parfois, la majorité réagit aux dénonciations et critiques de l’opposition par des injures et des accusations très graves. Le message du chef de file de l’opposition au meeting du 29 avril est assez illustratif de ce discours politique de la négation. Tout au long de ce discours, il n’a reconnu aucun acquis au cours des 12 premiers mois du pouvoir MPP. C’est à peine si pour le chef de file de l’opposition, toutes les tares de la gouvernance au Burkina ne sont pas exclusivement le fait du MPP et de ses dirigeants. Ce sont eux qui ont dirigé le pays avec Blaise Compaoré et sont donc responsables de toutes les dérives de son régime. Ce sont eux qui dirigeaient le CDP lors du congrès qui a décidé de la révision de l’article 37. Ce sont eux aussi qui perpétuent les pratiques corruptrices et de la prédation en attribuant les marchés publics à leurs amis qui ont financé la campagne. Ce sont encore eux qui ont retiré les permis miniers pour les réattribuer à leurs amis. L’économie nationale n’a jamais été aussi mal, par leur faute. La Justice est instrumentalisée à des fins politiques. L’insécurité a atteint des seuils effroyables. Le pays est divisé et la réconciliation n’est pas encore au rendez-vous. Oui, tout ça, c’est peut-être vrai. Peut-on honnêtement imputer tout le mal du pays au seul pouvoir ? Quelle alternative l’opposition propose-t-elle ? Va-t-on mobiliser les Burkinabè autour seulement de la critique sans alternative ?
Autant d’interrogations qui montrent que l’on s’écarte progressivement des débats politiques constructifs et civilisés. Certes, l’opposition doit critiquer l’action du pouvoir et mettre la pression pour obtenir des changements. Mais encore faut-il que l’on sache ce qu’elle propose comme changement. Pour l’heure, l’on est dans la logique de la valorisation de soi par la dévalorisation de l’autre et même de la calomnie. L’animation de la vie politique est donc marquée par des échanges parfois épistolaires et des débats insipides, parfois inutilement virulents, provocateurs et violents. L’on a parfois l’impression que certains politiciens cherchent à susciter la colère populaire. D’autres, sachant que la seule condition de leur retour aux affaires est le chaos, sont prêts à tout pour retrouver les avantages et autres facilités perdues presqu’à jamais. Ils tenteront le tout pour le tout. Mais il ne faut pas se voiler la face, les vrais perdants de cette bataille entre anciens copains et compagnons de longue date, ce sont la grande majorité des Burkinabè, la démocratie et le développement.
Il faut impérativement sortir de cette rhétorique politicienne et cette stratégie du ôte-toi que je m’y mette. Autant, la majorité ne devrait pas voir systématiquement dans les critiques de l’opposition, une tendance putschiste et reconnaître les limites de son action, autant l’opposition a intérêt à proposer autre chose de concret aux Burkinabè.
En tout état de cause, les Burkinabè, surtout les jeunes, doivent se réveiller. Les professionnels de la politique ont atteint leurs limites objectives. Ils le démontrent par leur incapacité à proposer une alternative à la crainte de lendemains peu enchanteurs des populations déjà tenaillées par la misère et l’impossible accès aux services  sociaux de base. Le moment est venu pour les laissés-pour-compte de s’indigner, de se révolter et de se remobiliser sur d’autres chantiers. Ils doivent explorer d’autres voies, à l’image de certains pays comme le Bénin, où le politique a perdu pratiquement le terrain au profit des leaders indépendants ; de la France où les partis politiques classiques ont été vomis lors du premier tour de la présidentielle du 23 avril dernier ; ou encore des Etats-Unis où le président actuel a battu campagne contre le système politique avec ses partis traditionnels. Ce que l’on vit aujourd’hui au Faso est peut-être le signe de la faillite du système partisan. Face à cette faillite des politiques, une nouvelle voie s’impose. L’alternative pourrait être l’émergence d’une nouvelle offre politique portée par un mouvement social sous le leadership d’hommes et de femmes de conviction et assez imaginatifs. Cela aura au moins le mérite d’interpeller la communauté nationale sur l’impérieux renouvellement de la classe et de l’offre politique.

Boureima Ouédraogo

Source : http://www.reporterbf.net 03 août 2017

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