Chers amis lecteurs,
Le texte que nous
vous proposons ci-dessous a pour auteur un célèbre journaliste burkinabè. Très probablement, lorsqu’il l’écrivait, il ne se doutait pas que son article pourrait être
utilisé pour attirer l’attention des Ivoiriens résistants sincères et qui se
veulent conséquents, sur ce qui se passe dans leur propre pays et dans la tête de ceux
qui se sont autoproclamés leurs leaders. Il suffit d’en lire le premier paragraphe pour
s’apercevoir qu’on pourrait y remplacer les mots « Burkina Faso » et
« Burkinabè » par « Côte d’Ivoire » et
« Ivoiriens » sans en changer ni le sens ni la pertinence. L'auteur à largement mérité notre reconnaissance pour cette contribution involontaire.
Nous avons toutefois une petite différence avec lui. Nous ne partageons pas son opinion, appuyée sur les résultats des élections
présidentielles étatsunienne et française, selon laquelle la situation actuelle dans son
pays serait « le signe d’une faillite du système partisan ». Cela
ressemble trop à une apologie du « macronisme », présenté comme une
panacée. Hélas !, si sa démarche est juste dans son principe, il semble
malheureusement que notre confrère n’a pas mieux saisi
que ceux qu’il brocarde, ce qui pour nous est l’essentiel. A savoir que la
cause principale − pour ne pas dire la seule et unique cause − de la situation
dangereuse ici décrite (et qui d’ailleurs n’est pas une exclusivité du Burkina
Faso), ce ne sont pas les partis en tant que tels mais l’incapacité de leurs dirigeants
à (ou leur refus de) comprendre que rien ne pourra vraiment changer tant qu’on
n’aura pas aboli, dans nos lois et nos règlements, tout ce qui amoindrit
notre propre souveraineté en conservant à la France l’immense latitude d’action
souveraine dont elle dispose encore chez nous, plus d’un demi-siècle après la
« décolonisation » !
Vous nous
répondrez peut-être que cela va sans dire. A quoi, du tac-au-tac, nous
répliquons d’avance : non !, cela va bien mieux quand on le dit. « Mal nommer les choses, dit Albert Camus, c'est ajouter aux malheurs du
monde ». Ne pas les nommer du tout, c'est pire.
Cette réserve
faite − en espérant que vous l’approuvez ou qu’au moins vous la comprenez −,
ensemble dédions ce beau texte à nos Affi NGuessan (fpi), Aka Ahizi (pit),
Anaky (mfa), Bamba (pps), Boni-Claverie (urd), Gnonzié (rpp), Kahé (aird),
Kipré (ung), Koulibaly (lider), Mel Eg (udcy), Ouégnin (esd), Sangaré (fpi)…et
tous les autres.
En espérant qu’ils
retiendront la leçon et qu’ils sauront un jour pas trop lointain s’élever enfin
jusqu’au niveau où se tient déjà la vraie résistance patriotique ivoirienne,
ces masses qui, dans tous nos villages, toutes nos villes et toutes nos
régions, par leur constance et par leurs sacrifices, malgré le chant enjôleur
des sirènes de la trahison domestique, continuent les luttes inabouties de nos
pères, avec la perspective de reconquérir un jour nos droits légitimes à la dignité, à la liberté et
au progrès dans l’indépendance vraie.
La
Rédaction
¤ ¤ ¤ ¤
L’urgence d’une alternative à la faillite de la classe politique
B. Ouédraogo ©lefaso.net |
Ils sont
tous pratiquement en train de perdre le nord et mettent le pays en danger. Tous
se livrent volontairement à une analyse biaisée de la situation nationale dans
la seule optique de manipuler l’opinion à leur profit. Les initiatives des uns
et les réactions des autres s’apparentent à une dramatique théâtralisation de
la vie politique nationale où des acteurs de peu de talents se succèdent pour
servir de piètres et infantiles prestations à des spectateurs désabusés et sans
voix. Avec ces hommes et ces femmes qui ridiculisent et infantilisent le jeu
politique, le chemin du renouveau et du changement réel dont chacun se proclame
l’authentique porteur, semble encore long, voire trop long et même désespérant.
Il faut seulement souhaiter qu’ils ne pousseront pas l’irresponsabilité jusqu’au
bout, en plongeant le pays dans l’incertitude et le chaos.
Dans la faune politique burkinabè, le jeu partisan
manque cruellement d’éthique et d’honnêteté. Il ne faut pas avoir peur des
mots. Les hommes politiques se refusent un minimum d’honnêteté avec eux-mêmes
et avec leurs compatriotes. Ce qu’ils reconnaissent hors micro, ils le
rejettent quand ils sont face au public. Majorité et opposition se livrent à
une bataille où chacun use du dilatoire, des accusations sans fondement et
parfois même du mensonge soit pour vanter son action, soit pour peindre en noir
celle de l’autre. Les passes droites suite à la publication du mémorandum à
l’occasion du premier anniversaire du pouvoir en place et depuis l’annonce du
meeting du 29 avril de l’opposition, ont mis à nu un discours politique de la
négation. L’opposition ne reconnaît aucun mérite ou bonne action au pouvoir.
Celui-ci voit dans l’opposition, une bande de putschistes qui veulent utiliser
des raccourcis pour parvenir au pouvoir. L’on envenime inutilement le discours.
D’aucuns diront que c’est de bonne guerre. Car, dans ce pays de la savane et de
la poussière, la politique est assimilable à un jeu pour personnes peu
vertueuses ou de peu de foi. Ainsi, la scène politique burkinabè a
atteint un niveau d’inconséquence et de décrépitude morale qui doit interpeller
la conscience nationale.
Hier, c’était un pouvoir fort et une opposition trop
faible mais qui s’est progressivement renforcée grâce à la constance des
mouvements sociaux. Ces derniers se sont positionnés en véritable
contre-pouvoirs et ont mené la lutte pour plus de démocratie, d’espaces de
liberté et de justice. L’opposition, elle, justifiait son inconséquence et son
manque d’initiative par la puissance répressive et corruptrice du pouvoir en
place. Pourtant, cette puissance n’épargnait pas non plus les leaders des
mouvements sociaux. Mais, ils ont entretenu la résistance et ont conquis des
espaces de liberté plus grands.
Point n’est besoin de revenir sur
les péripéties de la lutte contre la mise en place du Sénat et la modification
de l’article 37 de la Constitution qui ont abouti à l’insurrection populaire
des 30 et 31 octobre 2014. Ce que l’on peut retenir, c’est que les conditions
ont été progressivement réunies pour terrasser le régime trentenaire de Blaise
Compaoré.
UN PROCESSUS DE CHANGEMENT SANS PROJET ALTERNATIF
Malheureusement, la jonction entre les forces
politiques et sociales qui a favorisé la chute du pouvoir déchu n’a pas été
portée par une offre politique alternative. Face à Blaise Compaoré qui
totalisait plus d’un quart de siècle de pouvoir, le terme « changement »
pouvait constituer en lui seul tout le fondement du discours politique pour
l’opposition et les mouvements sociaux. Le combat était donc porté, moins par
l’alternative à la politique de Blaise Compaoré que par l’exigence de son
départ par tous les moyens. Tout ce qui pouvait contribuer à cet objectif était
porteur de changement et d’espoir de renouveau. Aujourd’hui, certains rêvent de
refaire l’insurrection. Ironie du sort, ceux qui ont été renversés par
l’insurrection semble vouloir se relancer par une autre insurrection.
En réalité, ce qu’il est donné
d’observer aujourd’hui sur la scène politique n’est ni moins ni plus que la
traduction concrète de ce combat sans projet politique alternatif. C’est ce qui
expliquait les louvoiements de la Transition dont la gouvernance a été
largement marquée par cette absence de projet politique alternatif qui devait
clairement fixer les grandes orientations en termes de réformes politiques
institutionnelles, de remise à plat des institutions et de relance du processus
démocratique et du développement économique et social. L’on s’est contenté d’un
strict minimum à travers la Charte de la Transition qui a permis de mettre en
place des institutions de la Transition pour aller rapidement vers la
restauration de l’ordre constitutionnel, à travers l’organisation d’élections
présidentielle et législatives. Et l’on a vu tout l’empressement des politiques
à aller en campagne une fois les organes de transition mis en place. Les
élections de 2015 sont donc l’aboutissement logique de ce processus politique
sans alternative. Finalement, ce sont les mêmes acteurs qui se sont retrouvés
dans la compétition électorale. C’est encore eux qui se retrouvent à la
majorité et à l’opposition.
UN DISCOURS POLITIQUE DE LA NEGATION, DE LA CALOMNIE ET
DE LA VIOLENCE
Face aux louvoiements du pouvoir, l’opposition répond
des critiques sans aucune proposition. Parfois, la majorité réagit aux dénonciations
et critiques de l’opposition par des injures et des accusations très graves. Le
message du chef de file de l’opposition au meeting du 29 avril est assez
illustratif de ce discours politique de la négation. Tout au long de ce
discours, il n’a reconnu aucun acquis au cours des 12 premiers mois du pouvoir
MPP. C’est à peine si pour le chef de file de l’opposition, toutes les tares de
la gouvernance au Burkina ne sont pas exclusivement le fait du MPP et de ses
dirigeants. Ce sont eux qui ont dirigé le pays avec Blaise Compaoré et sont
donc responsables de toutes les dérives de son régime. Ce sont eux qui
dirigeaient le CDP lors du congrès qui a décidé de la révision de l’article 37.
Ce sont eux aussi qui perpétuent les pratiques corruptrices et de la prédation
en attribuant les marchés publics à leurs amis qui ont financé la campagne. Ce
sont encore eux qui ont retiré les permis miniers pour les réattribuer à leurs
amis. L’économie nationale n’a jamais été aussi mal, par leur faute. La Justice
est instrumentalisée à des fins politiques. L’insécurité a atteint des seuils
effroyables. Le pays est divisé et la réconciliation n’est pas encore au
rendez-vous. Oui, tout ça, c’est peut-être vrai. Peut-on honnêtement imputer
tout le mal du pays au seul pouvoir ? Quelle alternative l’opposition
propose-t-elle ? Va-t-on mobiliser les Burkinabè autour seulement de la
critique sans alternative ?
Autant d’interrogations qui montrent que l’on s’écarte
progressivement des débats politiques constructifs et civilisés. Certes,
l’opposition doit critiquer l’action du pouvoir et mettre la pression pour
obtenir des changements. Mais encore faut-il que l’on sache ce qu’elle propose
comme changement. Pour l’heure, l’on est dans la logique de la valorisation de
soi par la dévalorisation de l’autre et même de la calomnie. L’animation de la
vie politique est donc marquée par des échanges parfois épistolaires et des
débats insipides, parfois inutilement virulents, provocateurs et violents. L’on
a parfois l’impression que certains politiciens cherchent à susciter la colère
populaire. D’autres, sachant que la seule condition de leur retour aux affaires
est le chaos, sont prêts à tout pour retrouver les avantages et autres
facilités perdues presqu’à jamais. Ils tenteront le tout pour le tout. Mais il
ne faut pas se voiler la face, les vrais perdants de cette bataille entre
anciens copains et compagnons de longue date, ce sont la grande majorité des
Burkinabè, la démocratie et le développement.
Il faut impérativement sortir de cette rhétorique
politicienne et cette stratégie du ôte-toi que je m’y mette. Autant, la
majorité ne devrait pas voir systématiquement dans les critiques de
l’opposition, une tendance putschiste et reconnaître les limites de son action,
autant l’opposition a intérêt à proposer autre chose de concret aux Burkinabè.
En tout état de cause, les
Burkinabè, surtout les jeunes, doivent se réveiller. Les professionnels de la
politique ont atteint leurs limites objectives. Ils le démontrent par leur
incapacité à proposer une alternative à la crainte de lendemains peu
enchanteurs des populations déjà tenaillées par la misère et l’impossible accès
aux services sociaux de base. Le moment est venu pour les
laissés-pour-compte de s’indigner, de se révolter et de se remobiliser sur d’autres
chantiers. Ils doivent explorer d’autres voies, à l’image de certains pays
comme le Bénin, où le politique a perdu pratiquement le terrain au profit des
leaders indépendants ; de la France où les partis politiques classiques
ont été vomis lors du premier tour de la présidentielle du 23 avril dernier ;
ou encore des Etats-Unis où le président actuel a battu campagne contre le
système politique avec ses partis traditionnels. Ce que l’on vit aujourd’hui au
Faso est peut-être le signe de la faillite du système partisan. Face à cette
faillite des politiques, une nouvelle voie s’impose. L’alternative pourrait
être l’émergence d’une nouvelle offre politique portée par un mouvement social
sous le leadership d’hommes et de femmes de conviction et assez imaginatifs.
Cela aura au moins le mérite d’interpeller la communauté nationale sur
l’impérieux renouvellement de la classe et de l’offre politique.
Boureima Ouédraogo
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