samedi 2 septembre 2017

Apologie du fantochisme, Éloge de l’incapacité et Menaces à la Résistance ivoirienne : La déclaration « conjointe » du président français (sic) et du président de la République de Côte d’Ivoire

Cadre doré, grands drapeaux, sourires satisfaits...
et quant au reste, du vent. C'est du Macron.

 
En fait de « déclaration conjointe », ce que la presse franco-navarro-néocoloniale a publié hier matin sous ce titre n’est qu’un impudent et verbeux monologue d’un Emmanuel Macron un peu puéril, « faisant sa langue », comme on dit à Abidjan, à côté d’un Alassane Ouattara plus inexistant[1] que jamais ! Chers amis lecteurs, pardon !, mais lisez attentivement ce texte, même si c’est perdre son temps que de lire de telles sottises, et même s’il vous est pénible de constater que pour présider leur République – et les nôtres à travers les prétendus accords de coopération franco-ceci et franco-cela –, les Français ont encore une fois choisi une de ces « grandes incapacités méconnues » qui encombrent leur scène politique.
Ecoutez celui-ci rugir en bombant le torse : « …qu'il s'agisse de la relation bilatérale, régionale ou des grandes problématiques qui unissent le présent et l'avenir de l'Afrique et de l'Union européenne, eh bien, nos deux pays sont pleinement engagés dans ces combats et nos deux pays sont pleinement déterminés à agir de concert et je le dis ici à un moment important pour la Côte d'Ivoire en saluant le travail qui a été fait par le président Ouattara depuis qu'il est aux responsabilités. Il a pris un pays qui était profondément déstabilisé par une situation politique complexe, il l'a rétabli et la France fera tout pour que jusqu'à l'issue de son mandat, il puisse conduire les réformes essentielles pour son pays et pour la région, tout ». (Souligné par nous)
« Tout ? », qu’est-ce à dire ? Est-ce une menace ? Et qui menacez-vous ? Et à quel titre, monsieur le « président français » ?
Au moment où la preuve n’est plus à faire que l’« opération Ouattara », si laborieuse et si coûteuse en vies humaines pour notre peuple, est un colossal échec ; que le système installé à coup de bombes par votre prédécesseur Nicolas Sarkozy et ses complices de la soi-disant « communauté internationale » se transforme un peu plus chaque jour en un lourd fléau qui pèse tragiquement sur la vie quotidienne de notre peuple et hypothèque son avenir ; alors qu’Alassane Ouattara et ses acolytes ont largement fait la preuve de leur impopularité et que vous-même n’arrêtez pas de dégringoler dans l’estime de vos compatriotes, s’agit-il de nous avertir que nous devrons continuer à supporter sans broncher ce système failli ; que vous userez de tous les moyens de l’Etat dont vous êtes le chef pour soutenir ces incapables et, éventuellement, contre nous ? Parce que « TEL [SERAIT VOTRE] BON PLAISIR », comme disaient vos rois avant 1793 ?
Mais, dites donc, est-ce bien pour cela que vous avez été élu par les Français ? Pour décider de qui doit gouverner les Ivoiriens ? Avez-vous déjà oublié la réplique cinglante de Beata Szydlo, la Première ministre de Pologne, après que vous vous êtes permis de faire la leçon à son pays et à son gouvernement sur leur position vis-à-vis de certaine question en débat parmi les membres de l’Union européenne ? Rappelez-vous : « Peut-être, ses déclarations arrogantes sont-elles dues à son manque d'expérience et de pratique politique, ce que j'observe avec compréhension, mais j'attends qu'il rattrape rapidement ces lacunes et qu'il soit à l'avenir plus réservé (…) Je conseille à M. le président qu'il s'occupe des affaires de son pays, (…) » (Souligné par nous).
« Manque d’expérience et de pratique politique » ? Sans doute Beata Szydlo l’ignore-t-elle vraiment, mais cela n’a rien à voir. L’arrogance a toujours fait partie de l’art français de la diplomatie avec ceux qu’ils croient ou qui sont réellement plus faibles qu’eux. Lisez Chateaubriand ou Saint-Simon le mémorialiste : le mal est ancien et peut-être incurable.
Corps déchiquetés de jeunes Ivoiriens dans les environs de la résidence
de Laurent Gbagbo, après un raid de l'aviation franco-onusienne.
De nos jours cela est particulièrement flagrant quand il s’agit de leurs rapports avec leurs anciennes possessions d’Afrique Noire, dont ils ont organisé et planifié la faiblesse lors de la soi-disant « décolonisation », et qu’avec la complicité de créatures telles que Ouattara et Houphouët avant lui, ils entretiennent depuis cinquante ans dans cet état lamentable avec un esprit de suite qu’on ne leur voit guère lorsqu’il s’agit de faire chez eux, et pour ceux qui les ont élus, ce qu’ils leur ont promis pour s’attirer leurs suffrages.
Grâce à Dieu, il n’y a pas de fatalité en histoire. Un jour vient nécessairement où le peuple se lève et renverse ses oppresseurs, si puissants et si « indéboulonnables » qu’ils se croient, et si tolérants pour leurs turpitudes que soient leurs protecteurs parisiens. Nous pouvons en voir un édifiant exemple dans le Rwanda d’aujourd’hui.
Quand vous aurez fini de lire le babillage de Macron, avant de vous laisser envahir par la colère, certes très légitime en la circonstance mais toujours mauvaise conseillère, allez vite vous laver les yeux dans le beau portrait d’un pays libre et heureux, que nous reproduisons pour conclure ce post. Il est dû à la plume professionnelle de Jean-François Dupaquier, journaliste à « Libération », un quotidien paraissant à Paris.
Le Rwanda vient de très loin. Si nous voulions estimer la distance entre sa tragédie et celle de notre Côte d’Ivoire d’après les pertes en vies humaines déjà actives ou potentielles qu’elles ont occasionnées chez l’une et chez l’autre, il faudrait compter en années-lumière. Or voilà pourtant que, malgré mille embûches semés sur sa route par les colonialistes français décidément incurables, le Rwanda est debout et va résolument de l’avant ; tandis que, livrée sans défense aux spadassins de Ouattara, lui-même couvert par Macron, notre Côte d’Ivoire, elle, serait vouée à demeurer éternellement la chasse gardée des colonialistes et des militaristes français !

Marcel Amondji (02/09/2017)


Déclaration « conjointe » du président français
et du président de la République de Côte d’Ivoire

Mesdames, Messieurs,
Je voulais à nouveau souhaiter la bienvenue au président Ouattara et lui dire tout le plaisir qui a été le mien, le nôtre avec deux de mes ministres et l’ensemble de mon équipe de le recevoir avec son Premier ministre, plusieurs membres de son gouvernement et le secrétaire général de la présidence pour avoir, après notre échange du printemps, un nouvel échange sur l’ensemble des sujets bilatéraux, régionaux et internationaux.
Lors de notre premier entretien, nous avions évoqué notre partenariat bilatéral autour de trois priorités : le développement durable, l'éducation et la sécurité. Et aujourd'hui nous avons pu nous féliciter de la signature de cette feuille de route conjointe entre nos deux pays qui permet d'avancer de manière très concrète sur l'ensemble de ces axes avec, sur la période 2017/2020, environ 2 milliards de financement.
Parmi les projets qui occupent l'agenda bilatéral, plusieurs projets continueront d'avancer dans le domaine de l'énergie, des thématiques que je viens d'aborder mais il y a, je dirais, tout particulièrement, un projet qui nous est cher à l’un et à l’autre, à vous parce que vous l'avez beaucoup porté et poussé et à la France parce que c'est un projet qui atteint des records en termes de financement qui se justifie pleinement par son importance, c'est celui du train urbain d'Abidjan et je me réjouis, à ce titre, des progrès dans la finalisation du contrat. C'est un projet qui représente une offre française sans précédent alliant toutes les technologies de nos entreprises et qui permettra, je crois, vraiment un aménagement urbain d'Abidjan profondément différent et qui est très cohérent avec notre objectif de développement durable et la feuille de route qui est la nôtre.
Et je crois que c'est une manière, au-delà de l'engagement que vous aviez réitéré autour de l'Accord de Paris, une façon de mettre concrètement en acte cet accord et au-delà de notre travail diplomatique commun, de pouvoir agir sur le terrain.
Nous avons abordé les autres volets de la feuille de route, notamment donc les actions en matière d'éducation, la réforme du secteur de la sécurité et là aussi, je suis confiant sur le fait que nous puissions avancer sur ces volets et en particulier tous les efforts qui sont faits par votre pays en termes de biométrie, d'un meilleur contrôle des flux qui sont extrêmement importants.
Ensuite, nous avons avec le président Ouattara évoqué l'avenir de la zone franc ; nous savons que, aujourd'hui, la zone franc offre aux pays de l'Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest mais aussi d'Afrique centrale, une stabilité monétaire mais qui n'est pas sans certains défis. Il y a des tensions politiques chez certains ; il y a aussi un sujet de change qui se pose pour votre région comme pour la zone euro et à ce titre, nous avons donc décidé d'initier une réflexion commune et constructive.
Le président Ouattara a eu plusieurs vies et ces vies lui ont donné une expertise, je crois, inédite en la matière dans la région. Nous partageons, je crois, une vision commune sur tout l'intérêt de la zone, mais je crois qu'il faut la moderniser, ouvrir une nouvelle voie avec beaucoup de pragmatisme et c'est ce dans quoi nous souhaitons nous engager ensemble.
Nous avons également abordé les questions régionales, le développement et la consolidation de la CEDEAO et de l'Union africaine et évidemment la préparation du sommet Union européenne/Afrique qui se tiendra à Abidjan fin novembre, auquel j'aurai le plaisir de me rendre. Et c'est ce sommet qui doit aussi jeter les bases de la refondation du partenariat entre nos deux continents, un partenariat avec un cadre plus moderne, davantage tourné vers les attentes de la jeunesse africaine et européenne et qui permettra de jeter les bases d’un programme commun en termes d'éducation là aussi, de formation, d'échanges universitaires de développement économique et d'un meilleur contrôle des migrations.
Enfin, dernier point, nous avons évoqué les suites du sommet qui s'est tenu à Paris en début de semaine et qui nous a conduits à réunir avec plusieurs partenaires européens, Union européenne, la Libye, le Tchad et le Niger puisque la Côte d'Ivoire fait partie des pays d'origine d'une partie de ces migrations et à ce titre, je souhaite que nous puissions développer tous les partenariats là aussi pour en particulier au sein de la CEDEAO davantage contrôler d'abord ces flux migratoires – ce que permettront vos réformes –, inciter par une politique de développement volontariste les jeunes ou les moins jeunes à rester pour réussir, se développer et avoir une vie stable dans leur pays d'origine, mais également lutter ensemble contre tous les réseaux de passeurs et les trafiquants qui dans la région font un mal considérable et ne sont pas sans lien avec le financement du terrorisme.
Et donc je souhaite que le président Ouattara et la Côte d'Ivoire soient pleinement associés à l'initiative de début de semaine, comme je l'avais d'ailleurs annoncé, c'est l'étape suivante, un travail extrêmement fin de développement économique, le développement culturel, mais également de développement d'éléments de sécurité et de contrôle des migrations dans toute la région, dont l'Europe a besoin et qui est la part préventive de ce que nous vivons et de ce que subit, je dois le dire aujourd'hui, l'ensemble de l'Afrique.
Et nous l'évoquions en début de semaine, on ne peut pas accepter qu'il y ait aujourd'hui des millions d'Africains qui prennent des risques considérables pour leur vie, mais qu’il y ait surtout des dizaines de milliers d'Africains qui meurent dans le désert ou dans la Méditerranée parce qu'ils ne peuvent avoir une vie normale et un développement normal dans leur pays et parce qu'ils sont l'objet de la manipulation de ces trafiquants C'est aussi l'un de nos combats communs.
Vous le voyez, qu'il s'agisse de la relation bilatérale, régionale ou des grandes problématiques qui unissent le présent et l'avenir de l'Afrique et de l'Union européenne, eh bien, nos deux pays sont pleinement engagés dans ces combats et nos deux pays sont pleinement déterminés à agir de concert et je le dis ici à un moment important pour la Côte d'Ivoire en saluant le travail qui a été fait par le président Ouattara depuis qu'il est aux responsabilités. Il a pris un pays qui était profondément déstabilisé par une situation politique complexe, il l'a rétabli et la France fera tout pour que jusqu'à l'issue de son mandat, il puisse conduire les réformes essentielles pour son pays et pour la région, tout.
Je vous remercie, Monsieur le président, je vous remercie une fois encore d’être venu à Paris.

Source : abidjan.net 1er septembre 2017


LA LEÇON du RWANDA…

Alors que se tient la Conférence des ambassadeurs jusqu'à jeudi, lors de laquelle Emmanuel Macron doit donner les grandes lignes de sa politique étrangère, il est urgent de renouveler les relations entre Paris et Kigali.
Dans cinq mois, Paul Kagame, président du Rwanda, prendra la tête de l’Union africaine, qu’il promet de profondément réformer. Ce mandat risque d’inaugurer un épisode délicat pour la diplomatie française sur le continent. Car depuis 1990, Paris a mené sans discontinuer une guerre sournoise contre le chef du Front patriotique rwandais (FPR), ce qui n’a pas empêché ce dernier de mettre fin au génocide des Tutsis en 1994, puis de devenir chef de l’Etat, et, last but not least, d’apparaître aujourd’hui un grand leader panafricain, idole de foules qui veulent en finir avec le népotisme, la corruption et la misère.
Le président Paul Kagame
A cet égard, le bilan de Paul Kagame est impressionnant. Menant le pays d’une poigne de fer, il a imposé une cohabitation sans faille entre les différentes composantes de la société, pratiquement éradiqué la corruption et la délinquance, sécurisé les investissements, développé un système fiscal d’une efficacité sans comparaison en Afrique noire. L’argent public ainsi dégagé a permis de dynamiser l’enseignement, de faire disparaître l’analphabétisme chez les jeunes, de construire des équipements de santé et un service de mutuelle performants : un Rwandais bénéficie aujourd’hui en moyenne d’une espérance de vie de 64 ans, vingt-deux ans de plus qu’au moment de l’indépendance en 1962. La comparaison avec les pays voisins est édifiante (49 ans d’espérance de vie en République démocratique du Congo). Alors que la famine faisait rage dans le Rwanda des années 90, peuplé alors de 7 millions d’habitants, une meilleure gestion des ressources agricoles permet aujourd’hui de nourrir 12 millions de personnes.
Certains en France s’évertuent à diaboliser Paul Kagame en dictateur. Il est vrai que cet homme impose par exemple aux fonctionnaires une évaluation annuelle, ce qui conduit à d’impitoyables révocations. Que le secteur des services, dopé par le câblage de l’ensemble du pays (pratiquement toutes les écoles sont connectées), représente à présent la moitié du PNB. Que, à la suite de ce genre de pratiques, le produit intérieur brut augmente de 6% à 8% par an. Aux « afropessimistes », on pourrait rappeler la fameuse phrase de Pline l’Ancien : Semper aliquid novi ex Africa (« il y a toujours quelque chose d’inouï qui nous vient d’Afrique »).
Près d'un million de citoyens massacrés en quelques
semaines par des tueurs agissant selon le plan d'un
gouvernement armé et protégé par la France de
François Mitterrand.
En 2006, le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France. En cause, les mandats d’arrêt internationaux lancés par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière contre des proches de Paul Kagame, accusés d’avoir provoqué l’attentat contre l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994, attentat qui a servi à déclencher le génocide des Tutsis – préparé depuis deux ans. Depuis quinze années, des manœuvres insidieuses n’ont pas cessé. Leur objectif : empêcher les juges d’instruction de prononcer les non-lieu attendus à Kigali. Aussi, le rétablissement des relations diplomatiques voulu par Nicolas Sarkozy a-t-il partiellement avorté, Paul Kagame refusant les lettres de créance d’un ambassadeur de France tant que l’instruction ne serait pas achevée, en ce qui concerne les Rwandais incriminés.
Comment Paris peut-il renouer avec Kigali ? D’abord, par une mesure qui n’engage qu’un travail de vérité : l’ouverture sans restriction des archives françaises sur le rôle de l’Elysée au Rwanda entre 1990 et 1994. Un geste simple qui serait emblématique. Ensuite, par des mesures de modernisation de nos relations étrangères et de purge des diplomaties parallèles. La réconciliation de Paris avec Kigali sera un test de la capacité d’Emmanuel Macon à affirmer son autorité, afin de mener les réformes promises dans l’intérêt de la France. Pour ce chantier, il reste moins de cinq mois…

Jean-François Dupaquier
Titre original : « France-Rwanda : sortir au plus vite de l’impasse politique et diplomatique »

Source : Libération 30 août 2017



[1]. Cela me rappelle mon billet paru à l’automne 1991 dans « Téré », l’éphémère organe du PIT (N° 28 du 14 au 20.10.1991) sous le titre : « Alassane Ouattara ou le répétiteur translucide », que je concluais par ces mots : « Vous avez dit transparence ? Certes, on voit tout à travers ce type, mais ce qu’on voit n’est pas clair… On nous l’a présenté, au début, comme un homme nouveau et sans tache qui venait mettre de l’ordre dans nos affaires après toutes ces années de pagaille organisée et présidée par Houphouët. Mais, aujourd’hui, on s’interroge : ce Ouattara existe-t-il réellement ou bien, en lieu et place d’un Premier ministre, la Côte d’Ivoire n’a-t-elle qu’un ectoplasme répétiteur ? On tremble à penser : et lorsque l’AUTRE ne sera plus là pour lui souffler ce qu’il doit nous raconter ? ». Je réagissais à une conférence de presse d’Alassane Ouattara, alors Premier ministre. Prémonitoire…

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