Cadre doré, grands drapeaux, sourires satisfaits... et quant au reste, du vent. C'est du Macron. |
En fait de « déclaration
conjointe », ce que la presse franco-navarro-néocoloniale a publié hier
matin sous ce titre n’est qu’un impudent et verbeux monologue d’un Emmanuel
Macron un peu puéril, « faisant sa langue », comme on dit à Abidjan,
à côté d’un Alassane Ouattara plus inexistant[1]
que jamais ! Chers amis lecteurs, pardon !, mais lisez attentivement
ce texte, même si c’est perdre son temps que de lire de telles sottises, et
même s’il vous est pénible de constater que pour présider leur République – et
les nôtres à travers les prétendus accords de coopération franco-ceci et
franco-cela –, les Français ont encore une fois choisi une de ces « grandes incapacités méconnues » qui encombrent leur scène politique.
Ecoutez celui-ci
rugir en bombant le torse : « …qu'il
s'agisse de la relation bilatérale, régionale ou des grandes problématiques qui
unissent le présent et l'avenir de l'Afrique et de l'Union européenne, eh bien,
nos deux pays sont pleinement engagés dans ces combats et nos deux pays sont
pleinement déterminés à agir de concert et je le dis ici à un moment important
pour la Côte d'Ivoire en saluant le travail qui a été fait par le président
Ouattara depuis qu'il est aux responsabilités. Il a pris un pays qui était
profondément déstabilisé par une situation politique complexe, il l'a rétabli
et la France fera tout pour que jusqu'à
l'issue de son mandat, il puisse conduire les réformes essentielles pour son
pays et pour la région, tout ». (Souligné par nous)
« Tout ? »,
qu’est-ce à dire ? Est-ce une menace ? Et qui menacez-vous ? Et
à quel titre, monsieur le « président français » ?
Au moment où la
preuve n’est plus à faire que l’« opération Ouattara », si laborieuse
et si coûteuse en vies humaines pour notre peuple, est un colossal échec ;
que le système installé à coup de bombes par votre prédécesseur Nicolas Sarkozy
et ses complices de la soi-disant « communauté internationale » se
transforme un peu plus chaque jour en un lourd fléau qui pèse tragiquement sur la
vie quotidienne de notre peuple et hypothèque son avenir ; alors
qu’Alassane Ouattara et ses acolytes ont largement fait la preuve de leur impopularité
et que vous-même n’arrêtez pas de dégringoler dans l’estime de vos compatriotes,
s’agit-il de nous avertir que nous devrons continuer à supporter sans broncher ce
système failli ; que vous userez de tous les moyens de l’Etat dont vous êtes le
chef pour soutenir ces incapables et, éventuellement, contre nous ? Parce
que « TEL [SERAIT VOTRE] BON PLAISIR »,
comme disaient vos rois avant 1793 ?
Mais, dites
donc, est-ce bien pour cela que vous avez été élu par les Français ? Pour
décider de qui doit gouverner les Ivoiriens ? Avez-vous déjà oublié la réplique cinglante
de Beata Szydlo, la Première ministre de Pologne, après que vous vous êtes
permis de faire la leçon à son pays et à son gouvernement sur leur position
vis-à-vis de certaine question en débat parmi les membres de l’Union européenne ?
Rappelez-vous : « Peut-être, ses
déclarations arrogantes sont-elles dues à son manque d'expérience et de
pratique politique, ce que j'observe avec compréhension, mais j'attends qu'il
rattrape rapidement ces lacunes et qu'il soit à l'avenir plus réservé (…) Je conseille à M. le président qu'il
s'occupe des affaires de son pays,
(…) » (Souligné
par nous).
« Manque
d’expérience et de pratique politique » ? Sans doute Beata Szydlo
l’ignore-t-elle vraiment, mais cela n’a rien à voir. L’arrogance a toujours
fait partie de l’art français de la diplomatie avec ceux qu’ils croient ou qui
sont réellement plus faibles qu’eux. Lisez Chateaubriand ou Saint-Simon le
mémorialiste : le mal est ancien et peut-être incurable.
Corps déchiquetés de jeunes Ivoiriens dans les environs de la résidence de Laurent Gbagbo, après un raid de l'aviation franco-onusienne. |
De
nos jours cela est particulièrement flagrant quand il s’agit de leurs rapports
avec leurs anciennes possessions d’Afrique Noire, dont ils ont organisé et
planifié la faiblesse lors de la soi-disant « décolonisation », et qu’avec
la complicité de créatures telles que Ouattara et Houphouët avant lui, ils
entretiennent depuis cinquante ans dans cet état lamentable avec un esprit de
suite qu’on ne leur voit guère lorsqu’il s’agit de faire chez eux, et pour ceux
qui les ont élus, ce qu’ils leur ont promis pour s’attirer leurs suffrages.
Grâce
à Dieu, il n’y a pas de fatalité en histoire. Un jour vient nécessairement où
le peuple se lève et renverse ses oppresseurs, si puissants et si « indéboulonnables »
qu’ils se croient, et si tolérants pour leurs turpitudes que soient leurs protecteurs
parisiens. Nous pouvons en voir un édifiant exemple dans le Rwanda
d’aujourd’hui.
Quand
vous aurez fini de lire le babillage de Macron, avant de vous laisser envahir
par la colère, certes très légitime en la circonstance mais toujours mauvaise
conseillère, allez vite vous laver les yeux dans le beau portrait d’un pays
libre et heureux, que nous reproduisons pour conclure ce post. Il est dû à la
plume professionnelle de Jean-François Dupaquier, journaliste à
« Libération », un quotidien paraissant à Paris.
Le
Rwanda vient de très loin. Si nous voulions estimer la distance entre sa
tragédie et celle de notre Côte d’Ivoire d’après les pertes en vies humaines
déjà actives ou potentielles qu’elles ont occasionnées chez l’une et chez
l’autre, il faudrait compter en années-lumière. Or voilà pourtant que, malgré
mille embûches semés sur sa route par les colonialistes français décidément
incurables, le Rwanda est debout et va résolument de l’avant ; tandis que, livrée sans défense aux spadassins de Ouattara, lui-même couvert
par Macron, notre Côte d’Ivoire, elle, serait vouée à demeurer éternellement la chasse gardée des
colonialistes et des militaristes français !
Marcel
Amondji (02/09/2017)
Déclaration « conjointe » du président français
et du président de la République de Côte d’Ivoire
Mesdames, Messieurs,
Je voulais à
nouveau souhaiter la bienvenue au président Ouattara et lui dire tout le
plaisir qui a été le mien, le nôtre avec deux de mes ministres et l’ensemble de
mon équipe de le recevoir avec son Premier ministre, plusieurs membres de son
gouvernement et le secrétaire général de la présidence pour avoir, après notre
échange du printemps, un nouvel échange sur l’ensemble des sujets bilatéraux,
régionaux et internationaux.
Lors de notre
premier entretien, nous avions évoqué notre partenariat bilatéral autour de
trois priorités : le développement durable, l'éducation et la sécurité. Et
aujourd'hui nous avons pu nous féliciter de la signature de cette feuille de
route conjointe entre nos deux pays qui permet d'avancer de manière très
concrète sur l'ensemble de ces axes avec, sur la période 2017/2020, environ 2
milliards de financement.
Parmi les
projets qui occupent l'agenda bilatéral, plusieurs projets continueront
d'avancer dans le domaine de l'énergie, des thématiques que je viens d'aborder
mais il y a, je dirais, tout particulièrement, un projet qui nous est cher à
l’un et à l’autre, à vous parce que vous l'avez beaucoup porté et poussé et à
la France parce que c'est un projet qui atteint des records en termes de
financement qui se justifie pleinement par son importance, c'est celui du train
urbain d'Abidjan et je me réjouis, à ce titre, des progrès dans la finalisation
du contrat. C'est un projet qui représente une offre française sans précédent
alliant toutes les technologies de nos entreprises et qui permettra, je crois,
vraiment un aménagement urbain d'Abidjan profondément différent et qui est très
cohérent avec notre objectif de développement durable et la feuille de route
qui est la nôtre.
Et je crois
que c'est une manière, au-delà de l'engagement que vous aviez réitéré autour de
l'Accord de Paris, une façon de mettre concrètement en acte cet accord et
au-delà de notre travail diplomatique commun, de pouvoir agir sur le terrain.
Nous avons
abordé les autres volets de la feuille de route, notamment donc les actions en
matière d'éducation, la réforme du secteur de la sécurité et là aussi, je suis
confiant sur le fait que nous puissions avancer sur ces volets et en
particulier tous les efforts qui sont faits par votre pays en termes de
biométrie, d'un meilleur contrôle des flux qui sont extrêmement importants.
Ensuite, nous
avons avec le président Ouattara évoqué l'avenir de la zone franc ; nous savons
que, aujourd'hui, la zone franc offre aux pays de l'Union économique et
monétaire d'Afrique de l'Ouest mais aussi d'Afrique centrale, une stabilité
monétaire mais qui n'est pas sans certains défis. Il y a des tensions
politiques chez certains ; il y a aussi un sujet de change qui se pose pour
votre région comme pour la zone euro et à ce
titre, nous avons donc décidé d'initier une réflexion commune et constructive.
Le président Ouattara
a eu plusieurs vies et ces vies lui ont donné une expertise, je crois, inédite
en la matière dans la région. Nous partageons, je crois, une vision commune sur
tout l'intérêt de la zone, mais je crois qu'il faut la moderniser, ouvrir une
nouvelle voie avec beaucoup de pragmatisme et c'est ce dans quoi nous
souhaitons nous engager ensemble.
Nous avons
également abordé les questions régionales, le développement et la consolidation
de la CEDEAO et de l'Union africaine et évidemment la préparation du sommet
Union européenne/Afrique qui se tiendra à Abidjan fin novembre, auquel j'aurai
le plaisir de me rendre. Et c'est ce sommet qui doit aussi jeter les bases de
la refondation du partenariat entre nos deux continents, un partenariat avec un
cadre plus moderne, davantage tourné vers les attentes de la jeunesse africaine
et européenne et qui permettra de jeter les bases d’un programme commun en
termes d'éducation là aussi, de formation, d'échanges universitaires de
développement économique et d'un meilleur contrôle des migrations.
Enfin,
dernier point, nous avons évoqué les suites du sommet qui s'est tenu à Paris en
début de semaine et qui nous a conduits à réunir avec plusieurs partenaires
européens, Union européenne, la Libye, le Tchad et le Niger puisque la Côte
d'Ivoire fait partie des pays d'origine d'une partie de ces migrations et à ce
titre, je souhaite que nous puissions développer tous les partenariats là aussi
pour en particulier au sein de la CEDEAO davantage contrôler d'abord ces flux
migratoires – ce que permettront vos réformes –, inciter par une politique de
développement volontariste les jeunes ou les moins jeunes à rester pour
réussir, se développer et avoir une vie stable dans leur pays d'origine, mais
également lutter ensemble contre tous les réseaux de passeurs et les
trafiquants qui dans la région font un mal considérable et ne sont pas sans
lien avec le financement du terrorisme.
Et donc je
souhaite que le président Ouattara et la Côte d'Ivoire soient pleinement
associés à l'initiative de début de semaine, comme je l'avais d'ailleurs
annoncé, c'est l'étape suivante, un travail extrêmement fin de développement
économique, le développement culturel, mais également de développement
d'éléments de sécurité et de contrôle des migrations dans toute la région, dont
l'Europe a besoin et qui est la part préventive de ce que nous vivons et de ce
que subit, je dois le dire aujourd'hui, l'ensemble de l'Afrique.
Et nous
l'évoquions en début de semaine, on ne peut pas accepter qu'il y ait
aujourd'hui des millions d'Africains qui prennent des risques considérables
pour leur vie, mais qu’il y ait surtout des dizaines de milliers d'Africains
qui meurent dans le désert ou dans la Méditerranée parce qu'ils ne peuvent
avoir une vie normale et un développement normal dans leur pays et parce qu'ils
sont l'objet de la manipulation de ces trafiquants C'est aussi l'un de nos combats
communs.
Vous le
voyez, qu'il s'agisse de la relation bilatérale, régionale ou des grandes
problématiques qui unissent le présent et l'avenir de l'Afrique et de l'Union
européenne, eh bien, nos deux pays sont pleinement engagés dans ces combats et
nos deux pays sont pleinement déterminés à agir de concert et je le dis ici à
un moment important pour la Côte d'Ivoire en saluant le travail qui a été fait
par le président Ouattara depuis qu'il est aux responsabilités. Il a pris un
pays qui était profondément déstabilisé par une situation politique complexe,
il l'a rétabli et la France fera tout pour que jusqu'à l'issue de son mandat,
il puisse conduire les réformes essentielles pour son pays et pour la région,
tout.
Je vous remercie, Monsieur le président, je vous remercie une fois encore
d’être venu à Paris.
Source : abidjan.net 1er septembre 2017
LA LEÇON du RWANDA…
Alors que se tient la Conférence des ambassadeurs jusqu'à jeudi, lors de
laquelle Emmanuel Macron doit donner les grandes lignes de sa politique
étrangère, il est urgent de renouveler les relations entre Paris et Kigali.
Dans cinq mois,
Paul Kagame, président du Rwanda, prendra la tête de l’Union africaine, qu’il
promet de profondément réformer. Ce mandat risque d’inaugurer un épisode délicat
pour la diplomatie française sur le continent. Car depuis 1990, Paris a
mené sans discontinuer une guerre sournoise contre le chef du Front patriotique
rwandais (FPR), ce qui n’a pas empêché ce dernier de mettre fin au génocide des
Tutsis en 1994, puis de devenir chef de l’Etat, et, last but not least,
d’apparaître aujourd’hui un grand leader panafricain, idole de foules qui
veulent en finir avec le népotisme, la corruption et la misère.
Le président Paul Kagame |
A cet égard, le
bilan de Paul Kagame est impressionnant. Menant le pays d’une poigne de fer, il
a imposé une cohabitation sans faille entre les différentes composantes de la
société, pratiquement éradiqué la corruption et la délinquance, sécurisé les
investissements, développé un système fiscal d’une efficacité sans comparaison
en Afrique noire. L’argent public ainsi dégagé a permis de dynamiser
l’enseignement, de faire disparaître l’analphabétisme chez les jeunes, de
construire des équipements de santé et un service de mutuelle
performants : un Rwandais bénéficie aujourd’hui en moyenne d’une espérance
de vie de 64 ans, vingt-deux ans de plus qu’au moment de
l’indépendance en 1962. La comparaison avec les pays voisins est édifiante
(49 ans d’espérance de vie en République démocratique du Congo). Alors que
la famine faisait rage dans le Rwanda des années 90, peuplé alors
de 7 millions d’habitants, une meilleure gestion des ressources
agricoles permet aujourd’hui de nourrir 12 millions de personnes.
Certains en France s’évertuent à diaboliser Paul Kagame en dictateur. Il
est vrai que cet homme impose par exemple aux fonctionnaires une évaluation
annuelle, ce qui conduit à d’impitoyables révocations. Que le secteur des
services, dopé par le câblage de l’ensemble du pays (pratiquement toutes les
écoles sont connectées), représente à présent la moitié du PNB. Que, à la suite
de ce genre de pratiques, le produit intérieur brut augmente de 6%
à 8% par an. Aux « afropessimistes », on pourrait rappeler la fameuse
phrase de Pline l’Ancien : Semper aliquid novi ex Africa (« il
y a toujours quelque chose d’inouï qui nous vient d’Afrique »).
Près d'un million de citoyens massacrés en quelques semaines par des tueurs agissant selon le plan d'un gouvernement armé et protégé par la France de François Mitterrand. |
En 2006, le Rwanda a rompu ses relations
diplomatiques avec la France. En cause, les mandats d’arrêt internationaux
lancés par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière contre des proches de
Paul Kagame, accusés d’avoir provoqué l’attentat contre l’avion du président
Habyarimana le 6 avril 1994, attentat qui a servi à déclencher
le génocide des Tutsis – préparé depuis deux ans. Depuis
quinze années, des manœuvres insidieuses n’ont pas cessé. Leur
objectif : empêcher les juges d’instruction de prononcer les non-lieu
attendus à Kigali. Aussi, le rétablissement des relations diplomatiques voulu
par Nicolas Sarkozy a-t-il partiellement avorté, Paul Kagame refusant les
lettres de créance d’un ambassadeur de France tant que l’instruction ne serait
pas achevée, en ce qui concerne les Rwandais incriminés.
Comment Paris peut-il renouer avec Kigali ?
D’abord, par une mesure qui n’engage qu’un travail de vérité : l’ouverture
sans restriction des archives françaises sur le rôle de l’Elysée au Rwanda
entre 1990 et 1994. Un geste simple qui serait emblématique. Ensuite,
par des mesures de modernisation de nos relations étrangères et de purge des
diplomaties parallèles. La réconciliation de Paris avec Kigali sera un test de
la capacité d’Emmanuel Macon à affirmer son autorité, afin de mener les
réformes promises dans l’intérêt de la France. Pour ce chantier, il reste moins
de cinq mois…
Jean-François Dupaquier
Titre original :
« France-Rwanda : sortir au plus vite de l’impasse politique et
diplomatique »
Source : Libération
30 août 2017
[1].
Cela me rappelle mon billet paru à l’automne 1991 dans « Téré »,
l’éphémère organe du PIT (N° 28 du 14 au 20.10.1991) sous le titre : « Alassane Ouattara ou le répétiteur
translucide », que je concluais par ces mots : « Vous avez dit transparence ? Certes, on voit tout à travers ce
type, mais ce qu’on voit n’est pas clair… On nous l’a présenté, au début, comme
un homme nouveau et sans tache qui venait mettre de l’ordre dans nos affaires
après toutes ces années de pagaille organisée et présidée par Houphouët. Mais,
aujourd’hui, on s’interroge : ce Ouattara existe-t-il réellement ou bien,
en lieu et place d’un Premier ministre, la Côte d’Ivoire n’a-t-elle qu’un
ectoplasme répétiteur ? On tremble à penser : et lorsque l’AUTRE ne
sera plus là pour lui souffler ce qu’il doit nous raconter ? ». Je
réagissais à une conférence de presse d’Alassane Ouattara, alors Premier
ministre. Prémonitoire…
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